4'kfZs* LA NATURE REVUE DES SCIENCES ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'INDUSTRIE Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE IÎEYIE DES SCIMCES ET DE LEi:RS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'INDUSTRIE JOURNAL HEBDOMADAIRE ILLUSTRÉ ABOiNïOIiMS Pjiris. Un an 20 fr. « I Diïi'aiitctif.htj. l'n an i'j fr. » — Six mois 10 fr. » j — Six mois 12 fr, iiO Étranger : le port nn sus. Les abonnemerus d'Alsace-Lorrîiiiio sunL reçus au prix do 2. r i fr. Prix du numéro : 50 centimes Droits réservés au Cnam et à ses partenaires REVUE DES SCIENCES ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'INDUSTRIE JOURXAL HEBDOMADAIRE ILLUSTRÉ EiOKOiii: par M. r.K Mirtianii: ue i/iwsTnfCTioTi fubliql'e d'oxb soLscnrpriojv roun IS3 xiDLicn'iiÉgL-Ei poruLAinEâ et sccilàliikh RÉDACTEUR K\ CHEF GASTON TISSANDIER IL LUSTRAT ICi^S DISSISiTIQl OBiïEÏUS MM. BONTÏAFOUX, FÉRAT, GILBERT, E. JU1LLERAT, MM. BLANAPET, DIETRICII, MOR1EU, SMEETON-T1LLY A. TISSANDIER, île. 1 PÉROT, sic. DEUXIÈME ANNÉE 1874 PREMIER SEMESTRE H (. r <* PARIS / G. MÀSSON, EDITEUR LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 1Î0, BOULEVARD ftÀINT-fiKHMAIfl Droits réservés au Cnam et à ses partenaires Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 2- ASNÉE. - N" 27. DÉCEMBRE 1875. LA NATURE REVUE DES SCIENCES ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'INDUSTRIE I.B SYSTÈME NERVEUX ET L'ÉLECTRICITÉ ÏSOL'VELLES EXPÉ1UEX CES DE M)I. DEWAR ET MAC HENDHICK. L'étude du système nerveux a toujours eu le privilège d'attirer l'attention et l'on remplirait faci- lement un volume avec les titres seuls des tra- vaux qui oui été faits sur ce sujet. Le rôle du système nerveux dans noire urg.inisme est des plus importants : Bicliut le considérait comme une des bases du trépied vital et, depuis Bicliat, on a plutôt augmenté que diminué son importance. D'autre part, les questions qui se rattachent au système nerveux touchent à la fois à la physio- logie et à la psychologie et par suite à tous les pro blêmes qui ont captivé l'esprit de l'homme, aux facultés de l'intelligence et à la vie du corps; aussi ont-elles été souvent étudiées et l'ait est arrivé à des connaissances certaines sur quelques points. L'anatomie du système nerveux est, sinon complète, du moins fort avancée; on a pu à l'aide du micro- scope acquérir des notions exactes sur l'histologie du cerveau et des nerfs ; sur bien des points, le rôle physiologique des divers organes a été déterminé, rôle beaucoup moins simple qu'on ne l'avait cru d'abord. On sait maintenant que les nerfs se trouvent dans un état électrique spécial, élat électrolonique ou électrolonus ; on connaît le temps exigé pour qu'une sensation perçue à la périphérie parvienne à l'organe central, ou pour qu'un ordre émané rie celui-ci arrive aux muscles qui doivent lui obéir. Les progrès de la physique ont aidé aux recherches de la physiologie ; sans le microscope, le D r Luys eut- il pu continuer ses beaux travaux sur la constitution analomique du système nerveux? sans les appareils d'induction M. Duchenne (de Boulogne), eût-il pu étudier les actions spéciales des nerfs? etc. Kous ne pouvons, d'un autre côté, passer absolument sons silence les considérations théoriques d'ordre philoso- 8' unie. — 1" mutin. pliique autant que physiologique et relatives à l'ac lion du système nerveux. Nous voudrions parler des travaux récents de M. le D r E. Fouiuier et de M. Bain, travaux intéressants à tous égards, mais il faut nous borner et nous désirons seulement appeler l'attention sur des expériences et une théorie dues à des savants d'outre-Manche et qui sont presque autant du domaine de la physique que de celui de la physiologie. Peut-être ni l'une ni les autres ne sont- elles destinées à faire avancer les sciences d'une manière notable ; cependant elles méritent, à ce qu'il nous semble, d être vérifiées et discutées, car elles peuvent servir de point de départ à des rechciclics importantes. Le cerveau est l'organe dans lequel se produisent les perceptions ; mais il n'est pas affecté directement par le monde extérieur, et ce sont les organes des sens qui reçoivent l'action des agents, corps ma- tériels ou éther, à l'occasion desquels ont lieu ces perceptions. Il ne suffit pas que l'organe récepteur et que le centre nerveux soient intacts l'un et l'autre, il faut qu'ils se trouvent reliés par un conducteur, qui soit également dans toute son intégrité : il est incontestable que la modification, quelle qu'elle soit, subie par l'organe récepteur produit dans le nerf un changement particulier qui se trau-met de proche en proche et cause à son tour dans le cerveau un état spécial auquel correspond une perception déter- minée. A l'époque où les fluides étaient à la mode, on admettait un fluide nerveux circulant dans les nerls à peu près comme le gaï d'éclairage dans les tuyaux de conduite : ce fluide mis pour ainsi dire en mou- vement sous l'influence du corps qui agissait sur l'or- gane, arrivait au cerveau et y causait la sensation. Peut-être ce fluide, exisle-t-il, on ne sait ; niais dans le cas de l'affirmative, son mouvement doit amener îles changements dans l'état du nerf, de telle sorte que, dans un cas comme dans l'autre, il est naturel de rechercher la nature des modifications qui se ma- nifestent dans un nerf lorsqu'il transmet au cerveau i Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 2 LA NATURE. une action éprouvée par l'organe auquel il aboutit d'autre part. M. Dewar et le D r Mao Kendrick ont présenté récemment à la Société royale d'Edimbourg les résultats des expériences qu'ils ont entreprises sur ce sujet. Ce sont ces résultats que nous allons résumer : ils se rapportent spécialement au nerf optique, mais il faut souhaiter que ces travaux soient repris et étendus aux autres nerfs sensitifs. * Sans entrer dans le détail des expériences, nous allons en indiquer le principe : si l'on opère d'abord sur un animal à sang froid, après l'avoir sacrifié, on enlève avec précaution l'œil et une partie du nerf optique ; puis, avec les précautions usitées en pa- reil cas, on met l'une des extrémités du fil d un gal- vanomètre en contact avec la section transversale du nerf, tandis que l'autre extrémité est appliquée sur Ja surface du nerf ou sur la cornée. D'après une loi connue, ou observe une déviation de l'aiguille du galvanomètre qui indique un courant dirigé dans le fil de la section latérale à la section transverse ; pen- dant cette première partie de l'expérience, l'œil est absolument soustrait à l'action de la lumière. On fait alors entrer dans l'œil un faisceau de lumière qui traversera l'œil et viendra agir sur la rétine comme il l'eût fait si,* l'animal étant vivant, l'œil était resté intact : l'action produite sur la rétine est telle que si l'animal n'était pas mort, il verrait, par suite de la mise en jeu de l'activité du nerf optique. Or, et c'est là le fait capital, au moment où l'on fait agir la lumière, on observe d'abord un accroissement puis aussitôt une diminution de la déviation de l'ai- guille ; au moment où l'on empêche l'arrivée du faisceau, il y a un nouvel accroissement. Dans les ex- périences (jue nous rapportons, il ne pouvait y avoir doute, la déviation initiale atteignait jusqu'à 000° et la variation était comprise entre 3 et 10 pour cent. Lorsque l'on voulait opérer sur des animaux à sang chaud, il fallait opérer différemment : dans ce cas, en effet, l'action nerveuse ne se continue que sous l'influence de la circulation du sang et cesse presque immédiatement pour un nerf isolé. Il fallait agir sur un animal vivant, rendu insensible par l'action du chloroforme et dont on mettait à nu le nerf optique et l'œil en enlevant le plafond de l'orbite. Si les faits que nous venons de rapporter sont certains, s'il n'est pas possible de les attribuer à d'autre action qu'à celle du faisceau lumineux con- centré sur la rétine, ils sont la confirmation expé- rimentale et fort importante d'une idée qui s'était présentée sous la forme d'une simple hypothèse après la découverte des courants musculaires et nerveux par Dubois-Reymond, et dans laquelle les variations de l'électrotonus jouaient un rôle capital dans l'ac- tion nerveuse. La transmission au cerveau des sen- sations reçues par les organes dos sens présenterait certainement encore des desiderata, niais enfin elle serait réduite, en principe, au moins à l'une des modalités dynamiques étudiées au physique. MM. Dewar et Mac Kendrick ont poussé plus loin leurs expériences: ils ont reconnu l'effet que nous avons signalé chez des animaux de divers ordres, des mammifères, des oiseaux, des reptiles, des poissons, des crustacés ; ils ont reconnu que les yeux compo- sés donnent les mêmes effets que les yeux simples : la variation do l'intensité du courant était maxima pour le homard et atteignait 10 pour 100; l'effet que nous signalons a pu être suivi jusque dans les lobes optiques. Divers résultats obtenus dans le cours de ces re- cherches sont, d'ailleurs parfaitement concordants avec les faits connus depuis longtemps; c'est ainsi que l'on a observé, en faisant agir successivernentdes lumières diversement colorées, que la lumière jaune est celle qui produit les plus grandes variations, la lumière violette les plus petites; on sait que le maximum d'intensité lumineuse du spectre solaire est dans le jaune et le minimum dans le violet. On a observé également que, pour qu'il y eût variation du courant, il fallait que la lumière agît sur la rétine et non sur le nerf optique : on sait que lorsqu'un ob- jet envoie des rayons qui tombent sur la papille {en- trée du nerf optique dans l'œil), l'image n'e; f . point perçue. La concordance a même été poursuivie plus loin, et MM. Dewar et Mac Kendrick ont cherché com- ment était affectée la variation du courant nerveux par des changements dans l'intensité lumineuse, et ils ont. trouvé la même loi que celle que l'on admet comme reliant la sensation lumineuse perçue à l'in- tensité de la source de lumière (loi de Fechner, sur laquelle nous regrettons de ne pouvoir insister quel- que peu)- Ce dernier fait a une importance spéciale en ce qu'il montre que cette loi physico-psychologi- que de Fechner est indépendante du cerveau, organe central, mais qu'elle dépend seulement de la loi de transmission par les nerfs. Nous reviendrons sur cette question capitale sitôt que de nouvelles expériences ou de nouveaux faits seront signalés. — La suite proi-haînenient, — LE CH ATELIER La mort vient d'enlever encore un des plus émi- nents ingénieurs français, M. Le Chatelier, inspec- teur général des mines. Né en 1815, élève brillant de l'École polytechnique de 1834 à 1836, dit un des biographes de cet ingénieur, M. Ronna, c'est au ser- vice des mines de l'État, où ses travaux scientifiques l'avaient déjà signalé, que le gouvernement le récla- mait vers 184(1 pour le contrôle des chemins de fur alors enactivité. En 1848, il est ingénieur en chef de l'exploitation des Compagnies du Centre et de Paris à Orléans, puis chargé successivement du service de surveillance des chemins du Nord, de l'Est, de Paris à Rouen, de Saint-Germain, de l'Ouest et de la Cein- ture. Pendant cette période, M. Le Chatelier étudie à fond le matériel et la traction de nos compagnies en voie de formation, et ses publications sur ces ser- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. vices établissent sa réputation de praticien et de sa- vant. Ce sont : les Recherches expérimentales sur les locomotives, en collaboration avec M.Ernest Gouin; lu monographie des Chemins de fer de l'Allemagne ; Jes études sur la Stabilité des locomotives, et le Guide du. mécanicien constructeur, auquel il tra- vaille avec MM. Flachat, Petiet et Polonceuu. Lorsque, après 1852, MM. E. et J. Pereire appor- tent l'ardente initiative du Crédit mobilier à la créa- tion du vastes entreprises industrielles, ils s'associent Le Thatcher pour les organiser sous le rapport tech- nique. Dès 1853, ils l'appellent au comité du Midi avec MM. Clapeyron et Flachat, et à celui des Che- mins autrichiens avec M. Munie] . Plus tard il devient conseil, avec M. Sauvage, de la Grande société des Chemins de fer russes, conseil et directeur des che- mins du Nord de l'Espagne, administrateur de la Compagnie générale transatlantique. Les types de matériel arrêtés d'abord avec M. Petiet au nord de la France, sont tour à tour perfectionnés pour ces nou- velles voies. Les affaires les plus considérables, che- mins de fer, canaux, sondages, houillères, mines métalliques, etc., sont soumises à Le Chute] icr et ré- clament ses avis. il ne cesse pas toutefois de servir l'État, aux com- missions des chemins de fer, des machines à vapeur; au comité des arts fit manufactures ; aux expositions universelles. Il livre au conseil municipal de Paris un projet complet pour l'alimentation des eaux po- tables, puis pour l'épuration des eaux d'égont. Avec son ami, M. Henri Sainte-Claire Ueville, il développe la fabrication et les applications du nouveau métal l'aluminium, fait des recherches sur les aluminatcs et les flnosilicates, et dote l'industrie métallurgique de la bauxite pour les parois et soles réfractaires. Avec M. Siemens, il poursuit le traitement direct des minerais pour la fabrication du fer et de l'acier. En agriculture, il sollicite l'emploi des engrais salins, des phosphates , des cendres de houille, et paye d'exemplepour la mise en culture des Landes. Enfin, il abandonne aux chemins de fer sa remarquable in- vention de l'emploi de la contre-vapeur, pour la- quelle l'Exposition de Vienne lui décerne le diplôme d'honneur du groupe mécanique. Une telle carrière de travail est un exemple pour tous. Le pays perd en M. Le Chatclier le dernier sur- vivant d'une brillante pléiade d'ingénieurs, frappés l'un après l'autre depuis la guerre néfaste de 1 870 : MM. Petiet, Manie], Sauvage, Flachat, Audibert, qui avaient avec MM. Clapeyron et Polonceau organisé en France les chemins de fer et dirigé les plus impor- tants travaux de notre époque. - — eK>< — NOTE SUR LA COMÈTE IY DE 4 873 La comète IV de 1873, découverte le 23 août, à l'Observatoire de Paris, s'est distinguée des autres comètes lélescopiques par ses changements déforme, l'accroissement rapide de sa queue et aussi par son éclat, qui l'a rendue visible à l'œil nu quelque temps avant son passsage au périhélie. Grâce à ce concours favorable de circonstances, les observations du nouvel astre pourront jeter quelque lumière sur la constitution jusqu'ici peu connue des comètes. Le jour de sa découverte, la comète se présentait dans le télescope comme une nébulosité ronde, forte- ment condensée au centre et sans trace sensible de queue ; son diamètre apparent était de 4' environ. On la voyait, dans une lunette de 1 centimètre d'ou- verture, comme une étoile de 7 e grandeur. Cet aspect a peu varié jusqu'au 2Q août. A cette date, on commença à apercevoir un rudiment de queue ; la tète devenait légèrement elliptique et son diamètre atteignait 6'. Le 29 août, la queue, directement opposée au so- leil, avait déjà 20' de longueur ; elle formait avec le méridien passant par son noyau un angle de 41°. A partir de cette époque, sa longueur n'a pas cessé de s'accroître: le 2 septembre, elle avait atteint 2°. Quant au noyau, ses dimensions restaient à peu près constantes, bien que son éclat augmentât rapidement; il était comparable, le 10 septembre, à une étoile de A" grandeur. La tète de la comète, examinée avec un grossisse- ment de 200 fois, paraît composée de 3 enveloppes et d'un noyau. Le noyau n'est pas au centre ; il est situé un peu vers le sommet. Do la masse de lumière qui l'entoure s'échappe un filet lumineux très-étroit et qui paraît donner naissance à la queue. Ce filet très-brillant à son origine, s'affaiblit graduellement à mesure qu'il s'éloigne de son point de départ. On se rendra facilement compte des changements qu'a éprouves la comète en jetant les yeux sur les figures ci-jointes. La comète a pu être encore aperçue le 15 septem- bre, vers 4 h. du matin, mais sa hauteur trop faible s'opposait à des observations, qu'auraient gênées d'ailleurs les premières lueurs du jour. On a cepen- dant pu constater que la forme du noyau était sensi- blement la même que le 12 et que sou éclat était considérablement augmenté. En effet, il était encore possible de distinguer la comète, alors que les étoiles de 4" grandeur n'étaient déjà plus visibles. On a fait différentes études spectroscopiques de cet astre pendant la période de son plus grand éclat. Il résulte des observations de MM. André et Rayet, astronomes à l'Observatoire de Paris, et celles do M. Plummer (de l'Observatoire de Durham), que le spectre de la comète était composé de 3 bandes brillan- tes bien distinctes. La première, dans lejaune, à peu près entre D et E ; la deuxième, dans le vert, coïn- cidait presque avec la ligne h ; la troisième, dans Je bleu, au delà de F. On a constaté qu'il n'y avait pas traces de spectre continu dans l'intervalle des lignes lumineuses. La bande du vert était beaucoup plus lumineuse que les deux autres. Les lignes du jaune et du bleu Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. étaient de longueur et d'intensité à peu près égales. Ces bandes étaient nettement définies, du côté le moins réfrangible du spectre et semblaient décroître par degrés insensibles du coté opposé. De la comparaison des observations précédentes avec celles de M. Huggins, sur la comète I de 18(>8 {Wnmecke), M. Plummer a cru pouvoir conclure que le spectre de ces deux astres est identique et que la lumière de la comète IV 1873 doit être attribuée à du carbone incandescent. D'après cette conclusion, la comète serait lunii- ■':..:'■;:: <■■. ■'■..'. ■■■ :■.■■.:;.'•.■;.;■.'■'"':■...::"■■■:■■■:■■■'.■■■ ' ; :. ili|ïiiP CT ' i; ' i lfll ■ ■■ . - ,::,.:.;::■:■■■;- " ■.-.■..■■■-■■.■■.. wmimmmmmmmmm neuse par elle-même. Mais ce t'ait s'accorde peu avec celui de la variation d'éclat des comètes qui devien- nent toujours plus brillantes, à mesure qu'elles s'approchent du soleil, On conçoit d'ailleurs difficilement un corps d'une masse aussi faible que celle qu'on assigne générale- ment aux comètes, se maintenant si longtemps à une température aussi élevée que celle que nécessite la volatilisation du carbone. Il serait peut-être plus admissible de supposer que la comète, éclairée par L soleil, et un composé ga- D.fféreitd aspuctg de la conii'le de MU. P. Henry. zeux, froid, dans lequel il entre du carbone, sous tornie, parexeniple, d'acide carbonique ou d'oxydede carbone. Ce composé gazeux ne pourrait évidemment rélléchir que les rayons qu'il a arrêtés ; or cet arrêt ne portant que sur quelques ligues du spectre, ces lignes, parmi lesquelles se trouvaient celles (lu car- bone, seraient seules réfléchies. Le polariscope pourrait fournir d'utiles renseigne- ments sur ce point; malheureusement cet instru- ment a été un peu délaissé dans les recherches d'as- tronomie physique, depuis l'emploi journalier du spectroscope. Il est probable qu'en continuant les in- dications fournies par ces deux instruments, on arri- vera à savoir d'une façon positive si les comètes ont ou non une lumière propre. P. IIeniiï. LE GISEMENT de l'eisdogemites ECHl>ATUS. Notre gravure représente le fragment d'un magni- tique tronc de patmier fossile, Yendogenites échina- tus, que possède la galerie de minéralogie du Jardin des plantes. Ce remarquable débris n'a pas moins de m ,54 de hauteur et de ln ,46de diamètre; trouvé à Yailly, par M. le vicomte d'Abancourt, il a souvent attiré l'attention des paléontologistes. Un savant géo- logue, M. E. Robert, a cru devoir contrôler le véritable gisement de ce curieux représentant de la famille des palmiers, que l'on a jusqu'ici considéré comme pro- venant des sables supérieurs à argile plastique. « Les collines qui bordent l'Aisne, entre Yailly et Soissons, dit M. E. Robert, sont presque entièrement Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATlJKfc. composées de sable ou de grès ghuconilères, ce der- nier devenant quelquefois quartzeux et lustré. Ces puissantes agglomérations siliceuses reposent sur les argiles plastiques à lignites pyriteux et supportent à leur tour un calcaire marin presque entièrement formé de nummulites ou de lenticulitesavecnérites, tous ces mollusques devenant accidentellement sili- ceux lorsque la roche est pénétrée par du sable qui s'est substitué à la chaux ; enfin des bancs puissants de calcaire marin grossier proprement dits, sur les- quels, avant le passage des eaux du grand cataclysme, devaient s'étendre des meulières ou des silex d'eai douce, dont ou no retrouve plus que des traces ; de grandes assises de calcaire marin, disons-nous, dislo- quées par la violence des eaux diluviennes ou de sou- lèvement, et dont les interstices sont remplis de li- mon rougeâtre et de cailloux roulés, parmi lesquels il y a beaucoup de quartz primitif (quartzite), termi- nent la série des divers étages occupés par le terrain tertiaire, dans ce que j'appellerai le bassin de Sois- sons 1 . ■ M. K. Robert a examiné avec soin les végétaux Tronc de palmier fossile. (Endoginites eckmatiu.) fossiles qui se rencontrent sur les pentes rapides de l'une de ces collines, appelée Calais, et qui s'avance vers l'ouest à la façon d'un cap ; il a surtout rencon- tré d'abondants débris de stipes do palmiers, appar- tenant à plusieurs espèces. Il n'est pas possible d'af- firmer qu'ils sont contemporains de l'endogétiite de Vailly, mais on peut être certain que de véritables palmiers partagent le gisement des arbres dicotylé- dones, dont il n'avait jamais jusqu'ici été fait men- tion que dans les sables quartzeux glauconifères su- périeurs à l'argile plastique. M. E. Robert a rencon- tré dans le même terrain d'autres traces végétales qui lui ont paru offrir un grand intérêt : il signale surtout de nombreux moules de tiges de plantes qui ont dû être herbacées et dont la surface corticale était couverte d'excroissances ou de tubercules très- rapprorhés les uns des autres. Certaines plantes grasses, comme les cactées, ainsi que les fruits de quelques cucurbitacéos, sont caractérisés de la même façon. Ces nouvelles investigations géologiques nous ont paru dignes d'être signalées; elles nous offrent l'occasion d'étudier spécialement Yendogenites echi- natus; elles jettent en outre quelque lumière sur un gisement depuis longtemps connu par ses riches- ses et sur des échantillons géologiques qui excitent l'admiration de tous les amis de la science. L. Lhéhitieii. 1 Comptes rendus de l 'Académie des sciences. Séance du 20 septembre 1873. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. LE CIEL AU MOIS DE DÉCEMBRE 1813 Le 21 de ce mois, à 5 heures 42 minutes du soir (temps moyen, de Paris), le soleil aura atteint sa plus grande déclinaison australe : son centre sera à 23" '27' 27" uu-dessous de l'Equateur; l'hiver astrono- mique commencera. Trois jours plus tard, le 24 dé- cembre, il y aura, à peu de chose près, coïncidence enlre le temps moyen et le temps vrai, puisqu'il ne s'en faudra que d'une seconde que le centre du so- leil [lasse au méridien à midi \rai ; eu d'autres ter- mes , l'équation du temps se trouvera à peu près nulle, ainsi qu'il est arrivé à trois autres époques de l'année, le 15 avril, le 14 juin et le 31 août. Ce jour-là, on pourra régler, sans correction, sa montre sur le soleil. Nous arrivons aux plus courts jours, aux plus longues nuits. Ce serait l'époque la plus favorable pour les observations astronomiques, si les nuits étaient sereines, si le froid n'était un peu rigoureux pour les stations nocturnes en plein air. Les régions du ciel qui, en décembre et sous les latitudes tem- pérées de l'hémisphère boréal, défilent devant l'ob- servateur, sont des plus riches et des plus intéres- santes. Supposons-nous au solstice et passons en re- vue les principales constellations visibles pendant la nuit, entre 6 heures du soir et G heures du matin. Du côté du nord, nous avons toujours le même spectacle, puisque la même zone circumpolaire est toujours en vue. A l'heure où commence notre révi- sion stellaire, la grande Oursa est couchée à l'hori- zon; les sept étoiles du Chariot, grâce à l'illusion optique qui agrandit tous les astres , forment une figure d'une dimension considérable , taudis que, tout près du zénith, Cassiopée semble au contraire réduite à ses dimensions les plus faibles. La Voie lactée s'étend de l'ouest à l'est, eu montant jus- qu'au-dessus de nos tètes, et l'on voit poindre de l'orient sur ses bords, les premières étoiles d'Orion. Du côté du midi, c'est Andromède, le Carré do Pé- gase qui occupent la scène, près du méridien. Si le ciel est bien pur, ou pourra distinguer aisément à l'œil nu la nébuleuse d'Andromède, à peu près à distance égale de l'étoile Alpha, la plus brillante d'Andromède et l'angle nord-est du Carré, et de l'é- toile Alpha deCassiopée. On aperçoit un petit nuage de forme ovale, voisin d'une étoile de quatrième grandeur, v d'Andromède, étoile qui avec les deux précédentes, forme un triangle presque isocèle et très-aplati. Déjà à cette heure, on voit briller à l'est, les Pléiades, et, à leur suite, Aldébaran, dont la lu- mière rouge scintille au milieu d'une foule de petites étoiles, les Hyades. A l'opposé, au couchant, la Lyre et l'Aigle vont bientôt disparaître dans les brumes de l'horizon. Peu à peu le décor va changer. Du côté du nord, la rotation diurne ne fera que modifier les positions des étoiles de la zone relativement à l'horizon. La grande Ourse va se relever vers l'est , Cassiopée au contraire s'incliner vers l'ouest, et ce sera au tour du Cocher et de la Chèvre de monter au zénith. A minuit, c'est Orion qui resplendira et dont le magnifique quadrilatère aura déjà dépassé le méri- dien. Aldébaran et Sirius lui feront cortège, prolon- geant ainsi l'une de ses diagonales, du sud-est au nord-ouest. Les deux brillantes des Gémeaux, Pollux et Castor, puis un peu plus bas Procyon, et, vers l'orient, Hégulus, qui traîne avec lui le grand Tra- pèze du Lion surmonté d'une couronne d'étoiles for- mant avec Hégulus, comme une faucille. A ce mo- ment, les amateurs qui voudront observer des nébu- leuses fameuses, auront le choix : au milieu d'Orion, au bas des trois étoiles du Baudrier, brille l'étoile que les plus puissants télescopes ont décomposée, d'abord en quatre, étoiles (celles connues sous le nom de quadrilatère d'Orion) puis en six, et même en sept étoiles distinctes. B occupe le centre d'une des plus curieuses, des plus étranges nébuleuses que l'on con- naisse, et qui, observée il y a deux siècles par lluy- ghens, a été l'objet de Fétu de approfondie de plusieurs astronomes contemporains , J. llerschel, 0. Struve, Liapomi'jw etlSoud. Les amas des Gémeaux et du Can- cer, que les bons yeux distinguent à l'œil nu, se trou- vent, également eu vue. De minuit à fi heures du matin, la scène change encore par l'effet naturel de la rotation diurne, et quand l'aurore commencera à effacer les plus faibles étoiles, on verra briller encore, de part et d'autre du méridien, vers le sud, le Lion et le llouvier; entre les dt.-ux constellations , se trouve le petit groupe d'étoiles de la Chevelure de Bérénice. Plus haut, en- tre celle-ci et la Grande-Ourse qui, à cette heure, est remontée au zénith , sont les Lévriers et les Chiens de chasse. C'est une constellation peu apparente ; mais elle renferme une des plus belles nébuleuses spirales du ciel. ,1. llerschel l'avait dessinée comme une nébulosité circulaire ou elliptique : le gigantes- que télescope de lord l'ossc réussit à la décomposer en partie en étoiles, en même temps qu'il reconnais- sait la forme distincte de ses spirales lumineuses. Puis vint notre regretté Chacornac, qui, à son tour, reconnut la même forme dans une petite nébuleuse qui se rattache à la première. Vers l'orient, Hercule vient do se lever, précédé par la Couronne boréale, que les astronomes doivent surveiller, afin de voir si l'étoile temporaire qui a paru en 1866, et depuis s'est éteinte ou du moins abaissée à la neuvième grandeur, ne reprend pas son éclat. La date du 1 1 au 1 5 décembre est signalée par un essaim périodique d'étoiles filantes : son point ra- diant, reconnu par l'astronome Greg, est l'étoile S des Gémeiux. Avis aux observateurs de ces météores. Nous avons, pour ce mois ci, peu de chose à dire en ce qui concerne l'astronomie planétaire. Les po- sitions des planètes seront, en général, peu favora- bles à l'observation. Passons-les rapidement en re- vue, en suivant, comme toujours, l'ordre de leurs distances au soleil. Mercure, en décembre, se lève d'abord un quart en- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. viron d'heure avant le soleil ; puis, après avoir atteint le 19 son élongation occidentale maximum, il se rap- proche peu à peu de l'astre radieux. Son ascension droite varie de 16 h. 24 m. à 17 h. 27 m., et sa décli- naison de 20»15' à 22°37'; dans l'intervalle la pla- nète décrit, entre le Scorpion et Ophiucus, une de ces boucles qui résultent de la combinaison de son mouvement avec celui de la Terre. Vénus, que nous avons laissée dans la constellation de la Balance, passera dans Ophiucus et traversera pendant le mois de décembre l'une des deux branches de la Voie lactée, sur les confins du Sagittaire. La brillante planète sera visible le matin, puisque le 1" du mois elle se lèvera à S h. 42 m., ou 1 h, 52 m. avant le soleil, et qu'à la fin de décembre, elle de- vance encore le soleil de plus d'uuo heure. Vénus se rapproche du soleil, dans son mouvement apparent, tout en s'éloignant de la Terre. Mars aussi s'éloigne de nous de plus en plus. 11 nu se lève guère que trois ou quatre heures après le so- leil, et se couche de bonne heure, entre 8 h. 20 m. et 8 h. 32 m. du soir. L'observation en devient de plus en plus défavorable et difficile. 11 reste pendant tout le mois dans le Capricorne (Asc. dr. 20 h. 36 m. à 22 h. 8 m., décl. australe 20" 4' à 12" 38'). Jupiter, qui sera en quadrature le 22 décembre, se lève en ce mois au milieu de la nuit, entre 1 h. du matin et il h. 1/4 du soir; il passe au méridien avant le lever du soleil. La portion de son orbite qu'il décrira, du 1" au 31, sera une ligne située dans la Vierge, à peu de distance de l'équatcur, qu'il fran- chira du 16 au 17 décembre (Asc. dr. 11 h. 57 m. à 12 h. 7 m., décl. boréale 1°30', australe 0°38'}. Saturne est, comme Mars, dans le Capricorne; il marche vers sa conjonction, qui aura lieu le 24 jan- vier. Son lever a lieu entre 11 h. et 8 h. 1/2 du matin et son coucher entre 7 h. 44 m. et 6 h. du suir. Donc, circonstance défavorable à l'observation. Uranus, au contraire, va vers son opposition, qui aura lieu le 23 de janvier de 1874. C'est dans le Can- cer qu'il faut chercher cette planète qui , d'ailleurs restera visible toute la nuit, puisqu'elle se lève entre 8 h. 1/2 et 6 h. 1/2 du soir et passe au méridien en- tre 3 h. et 4 h. du matin. Voici ses coordonnées équatoriales en décembre : ascension droite de 8 h. 52 m. à 8 h. 49 m.; déclinaison boréale, de 18° 15' à 18» 31'. Kufîn , Neptune, dans les Poissons , sera égale- ment visible, aux positions suivantes : 1 h. 39 m. à lh. 38 m. d'ascension droite; 8°25' à 8° 20' de dé- clinaison boréale. Améoée Gcillejiiix. LES PROFONDEURS DE LA MER 1 M. C. Wyville Thompson vient de publier, en Angleterre, le récit complet et systématique des * The Depths o( Ihe sea, by C. Wyville Thompson. Loniion, Kanmillan ami C. 1873. croisières faites en 1868, par le Lightning, en 1869 et en 1870, par le Porcupine, sous la direction scientifique de trois membres de la Société royale de Londres : l'auteur, le docteur Carpenter, qu'on peut appeler sans exagération le prince des micrographes anglais, et M. Gwyn Jeffreys. L'espace soumis aux investigations des savants an- glais s'étend depuis les îles Féroé jusqu'au détroit do Gibraltar. C'est donc, comme on le voit, une grande et utile préface à l'admirable voyage de cir- cumnavigation du Challenger, dont nous rendons compte au fur et à mesure que les nouvelles nous arrivent . C'est dans ces trois campagnes d'essai que les in- struments qui permettent de porter la sonde à 4,000 mètres ont été inventés, perfectionnés, et qu'ils ont fonctionné pour la première fois sur une grande échelle. Dans cet admirable ouvrage, que les explorateurs du fond des océans consulteront forcé- ment, M. Wyville Thompson indique avec le plus grand soin tous les détails nécessaires pour exécuter les sondages sous-marins. Afin do bien faire com- prendre ce que sont ces opérations, nous allons rele- ver les détails de celle qui fut exécutée dans la baie de Biscaye, le 22 juillet 1869, par 2,435 brasses. Comme le navire était poussé par une jolie brise, la drague était descendue obliquement ; on fut donc obligé de mettre à la mer 3,000 brasses de corde, pesant 2,250 kilos dans l'air. Cette corde perdait dans l'eau les trois quarts de son poids et se trouvait donc réduite à 562 kilos une fois qu'elle avait quitté le bord. Quoique la drague pesât 150 kilos, le câble ne serait pas descendu assez rapidement, puisqu'il n'avait qu'un excès de poids égal à 1/4. On y atta- cha donc trois plombs, destinés à accélérer ce mou- vement, l'un de 50 kilos et les 'deux autres de 25 kilos chacun. Malgré cette précaution, le bout de la corde mit plus d'une heure à arriver au fond de la mer. On laissa la drague traîner pendant quelque temps, afin de lui donner le temps de ramasser des objets variés, et on la releva avec une vitesse de 10 brasses par minute, quanti on eut lieu de croire qu'elle avait dû faire de bonnes prises. Il fallut 5 heures de travail continu, à la machine pour la ramener à bord avec 70 kilos de matières. L'opéra- tion, commencée à 4 heures du soir, était terminée à 1 heure du matin. Les manœuvres auxquelles se livre actuellement le Challenger ne sont pas moins pénibles. Est-ce que ces difficultés ne doivent point augmenter notre ad- miration pour les hommes infatigables qui sont ar- rivés à les vaincre ? Un fait capital mis en évidence, c'est que tous les raisonnements abstraits faits a priori sur des consi- dérations théoriques pèchent par la base. C'est l'ob- servation seule qui peut permettre d'édifier sur des découvertes inébranlables l'histoire physique de ces régions profondes. Il y a, dans l'empire sous marin, des zones froides et des zones chaudes. Les zones froides semblent reposer sur un même sol quy les Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. zones chaudes, mais la nature de la hune qu'où y découvre est totalement différente. Elle semble, par une liaison inconnue, dépendre de la température ambiante. Les rien, crustacés que l'on voit représentés ci- contre appartiennent à la zone froide, comprise entre les Orcades et les îles Féroé, Ils habitent, l'un et l'autre, par des profondeurs de 4 à 500 brasses. L'un fait partie de la famille des aranéiformes, et l'autre de celles des chevrolles ; tous deux remarquables par le peu de développement de la partie abdominale réduite â un sim- ple vestige. Cette chevrolle et ce nymphon ont tous deux des proportions beaucoup plus considérables que leurs con- génères habitant la surface de la mer. Le nymphon doit être un ennemi très-redou- table pour les êtres vivants qui peuplent cet ahîme, déjà passablement profond. Quant à la chevrolle, il parait qu'elle se borne à se cramponner par ses pattes de derrière au tissu d'une éponge, et qu'elle se balance mollement, explorant ainsi le solide sphérique sur lequel sa voracité peut s'exer- cer. Les caractères extérieurs propres à ces êtres étranges n'ont point varié, dans le dis- trict où ils se trouvent si bien à leur aise; on retrouve tous les éléments essentiels de l'organisme des crustacés, de même espèce , vivant dans notre monde subaérien , mais leur physionomie est devenue plus effi ayante, plus étrange, plus invraisembla- ble. Leurs pattes jouissent, de même que celles des con- génères des hautes régions pélagiques , de l'étonnante propriété do servir à la respiration en même temps qu'à la locomotion. Quant aux petites pattes supplé- mentaires du nymphon, elles sont employées par la femelle pour porter ses œufs. Rien n'est changé au caractère essentiel de la race. Pourquoi cette res- semblance étonnante de plan intime et ces diffé- rences si bizarres d'aspect? Est-ce que certaines espèces, qui nous paraissent dégénérées depuis les temps fossiles, n'ont point diminué de force, de volume, uniquement parce qu'il leur manque au- jourd'hui la pression énorme nécessaire à leur com- plet épanouissement? La nature peut bien créer des êtres qui ont besoin de 50 ou 60 atmosphères d'eau CapreUa spinosissima, Norman. (Double de la grandeur naturelle I leur pesant sur les épaules, et qui sont gênés à cent brasses comme nous le serions s'il nous fallait vivre sur le sommet des Andes, Qu'il nous soit permis de tirer des travaux de M. Thompson un exemple qui montre jusqu'à quel point l'homme de science doit être soupçonneux et timide dans la généralisation des faits qu'il observe, M. Wyvillc Thompson, rencontrant partout de la chaux, depuis les Àçores jusqu'aux Féroé, en vient à se demander si le fond de tous les océans est calcaire. Aujourd'hui il est détrompé, et ce n'est point un rival ; c'est lui-même qui s'est chargé ds se tirer de son erreur. Dans les environs de Madère, il a tromé une ar- gile île couleur rougcàtre. Dans un district, il a péché un rognon de manganèse. L'uniformité qu'il avait, un instant rêvée est une chi- mère. Tout le fond de la mer semble tapissé d'une sorte d'écume gélatineuse, propre, s'il nous est permis de nous exprimer ainsi, à la forma- tion des êtres. ténèbres pleines de lumières! dans ces régions que l'on croyait désertes, l'on respire, pour ainsi dire la vie par tous les pores! Ce limon semi-orga- nisé ne ressemble-t-il point à la matière dont parlait M. Frémy dans ses mémo- rables discussions avec M . Pas- teur? Mais d'où provient cette matière protéique, si flexible, qui sert à la nourriture de milliards d'êtresparadoxaux? N'est-ce point le suc de tous les cadavres des habi- tants des étages intermé- diaires, de toutes les pous- sières aériennes animées qui tombent quand elles sont plus lourdes que l'eau, tandis qu'elles montent à la surface quand elles sont plus légères? Il ne faut jamais oublier, pour comprendre ce qui se passe dans les océans, qu'il n'y a pas que le haut et le bas qui soient habités, on connaît encore des êlres qui affectionnent les régions moyennes. Sans fuir la lumière, ils aiment qu'elle soit tamisée par quelques centaines de mètres d'eau. L'œuvre de M. Thompson est dédiée à madame Holtcn, femme du gouverneur danois des Orcades. Dans une humble maison de bois, ce représentant d'un gouvernement pauvre, mais ami des sciences, a donné aux laborieux voyageurs une hospitalité nia- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATDHE. gnifique.... car clic Tenait du cœur, et de l'amour de la nature. Ajoutons que l'étude de la faune sous-mariue est une passion nationale dans les États Scandinaves, car c'est Sars, le sagace compatriote de Linuée, qui a inauguré ces recherches inépuisables. Les animaux étranges, découverts dans les eaux profondes des îles Lofoden, ont été un trait de lumièrequia été aperçu par tous les naturalistes du monde. Le nom du ci- toyen d'un petit pays qui a ouvert une si grande piste ne doit point périr. LES ABEILLES A L'APPROCHE DE L'DIYER Cette année, l'hiver sera dur, non pas seulement pour nous, mais aussi pour les abeilles. La trop grande humidité, au moment de la première florai- son, puis la trop grande sécheresse, à l'époque des regains, ont empêché ces laborieuses ouvrières de faire, comme d'habitude, une abondante provision pour l'hiver. Les essaims se sont à peine entretenus, ils ont vécu au jour le jour et voici le froid qui se fait sentir dans la ruche. Les jeunes abeilles se pres- r(\mphon abyssorum. r\cirman. (L'n peu plus grand que îiature. sent les unes contre les autres, pour développer un peu do chaleur ; elles sont toutes au sommet de leur demeure, rassemblées en une masse noire immobile, plongées déjà dans une sorte d'engourdissement qui ferait croire à la mort. Ces animaux, comme la plu- part des insectes, mangent beaucoup moins en hi- ver, mais il leur faut une température assez élevée, sans quoi ils meurent. Ces petits êtres n'ont pas, comme les pachydermes, de peau épaisse pour les mettre à l'abri des rigueurs de la saison ; ils n'ont point les plumes de l'oiseau, la laine du mouton, le poil de la chèvre, ni la fourrure d'une foule d'autres animaux qui, vivant plus ou moins isolés, avaient plus besoin d'être garantis que ceux qui vivent en société. Préoccupé, cette année, de savoir dans quel état étaient mes ruches, si leur population était assez nombreuse, leurs provisions assez abondantes pour passer l'hiver, je les soulevai, et à la main, je re- connus que presque tous mes essaims étaient d'un poids trop faible pour résister au froid et pour at tendre la saison des (leurs. Je voulus aussi me rendre compte de l'élat dans lequel étaient ces pauvres petites bêtes, qui me sem- blaient devoir être plus mortes que vives. J'empor- tai une ruche dans mon cabinet, j'en pris quelques- unes sans en être piqué : ces malheureuses étaieiiL comme engourdies, c'est a peine si elles pouvaient soulever leurs ailes. Quelques-unes cependant pri- rent leur vol, mais elles ne tardèrent pas à retom- ber sur le parquet ; d'autres allèrent se coller aux rideaux de ma fenêtre. Au bout de dix minutes, un quart d'heure au plus, quand la chaleur eut pénétré dans la ruche, j'entendis un bruissement, je vou- lus de nouveau examiner mes ouvrières, mais les cruelles n'étaient plus disposées à me donner accès chez elles, elles me laissèrent à la main plusieurs témoignages de leur vitalité; je dois toutefois recon- naître que leur piqûre fut moins cuisante qu'elle ne l'est, l'été par exemple, quaud on leur enlève leur Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 10 LA NATURE. miel, ce qui est certainement un signe de faiblesse. J'ai pu constater combien, sous l'influence du froid et de la famine, la vitalité peut être diminuée cbez ces insectes, car j'eus beau leur offrir d'excellent miel, elles n'y touchèrent pas, mais, en revanche, celles qui s'étaient abattues sur mes rideaux les avaient macules; elles s'étaient vidées, comme ou dit en terme d'apiculture. Je compris tout de suite que la population de cette ruche était trop fai- ble et sa provision insuffisante, qu'elle ne passerait pas l'hiver, je me hâtai donc de suivre les conseils de M. Ilamet, le professeur d'apiculture, qui ne cesse, avec raison, de répéter que pour conserver ses ruches pendant l'hiver, il faut de fortes populations et une abondante nourriture. Je remportai ma ruche, qui est une ruche à hausse, "et après avoir étalé un peu de miel sur les rayons, j'allai la poser sur une au- tre ruche, dont j'avais préalablement débouché l'ou- verture supérieure, de façon à établir une communi- cation entre les deux ruches superposées. Le lende- main je les visitai et je vis avec plaisir que toutes les abeilles delà ruche inférieure, alléchées sans doute par /'odeur du miel, attirées par la présence des abeilles qui étaient au-dessus d'elles, s'étaient trans- portées à l'étage supérieur. La réunion était faite, j'avais une population forte, et les conditions de cha- leur, car plus les abeilles sont nombreuses moins elles ont besoin individuellement d'absorber de miel pour produire de la chaleur. Il est démontré, en ef- fet, que les fortes populations ne consomment pas plus et par conséquent fatiguent moins que les popu- lations faibles, pour entretenir la même tempéra- turc qui, dans une ruche, ne doit pas descendre au-dessous de 20 à 24 degrés. Non-seulement il importe de développer!» chaleur intérieure, mais il faut aussi faire en sorte qu'elle se conserve en ayant de bons paillassons, des plateaux assez élevés au-dessus du sol, et en ayant soin que l'air ne puisse pénétrer en trop grande quantité dans la ruche, car, dans les hivers longs et tics-rigoureux, le miel en réserve se cristallise et alors les abeilles ne peuvent plus s'en nourrir. On prévient cet inconvé- nient en rétrécissant raisonnablement les entrées, en lutant exactement le contour entier des ruches pour en bouclier toutes les fentes et tous les interstices ; c'est du reste ce qu'elles font elles-mêmes autantque cela leur est possible. Avec ces précautions, non- seulement on conserve une température suffisante, maison se garantit des mulots, qui trouvent bon, pendant l'hiver, de venir établir leur nid entre le paillasson et la ruche et n'ont qu'à descendre, quand l'entrée n'est pas bouchée, pour aller grignoter les gâteaux de cire. Quant à la nourriture des abeilles, si elle n'est pas suffisante, il faut la compléter. Cette nourriture est d'autant meilleure qu'elle se rapproche du bon miel. Plus elle est sucrée, plus elle convient. On peut donc, au miel fondu, ajouter du sirop de sucre et aussi du sirop de fécule, mais dans ce cas il ne faut pas en mettre plus d'un tiers. Le sirop de sucre peut s'administrer sans mélange, néanmoins avec un peu de miel on allèche mieux les abeilles. Le sirop, quel qu'il soit, doit être déposé sur un vase le moins pro- fond possible et sur lequel on a eu soin de mettre des brins de paille, pour que les abeilles puissent se poser dessus sans qu'elles s'engluent, Il faut admi- nistrer les plus grandes quantités possibles de nour- riture à la fois, soit un, deux, trois et, même quatre kilogrammes. 11 faut poser le vase d'aliments sous la ruche de façon que ses bords touchent aux rayons, il doit, être placé le soir, et si la population est forte, il se trouve vidé le lendmain matin. S'il ne l'est pas entièrement, il faut veiller à ce que les pillardes n'v aillent mettre le nez, ce qu'on évite en rétrécissant l'entrée et en calfeutrant les autres issues. fin prenant toutes ces précautions, on est certain de conserver l'existence à ces laborieuses ouvrières qui, au printemps prochain, se mettront ardemment au travail et amasseront assez de miel pour elles et pour nous. Ehkest Menai.lt. ■ — — »^-o — ■ LES MERVEILLES DE LA PHOTOGRAPHIE ' Tar M. Gaston Tusj^dier. Nous emprunterons à ce nouvel ouvrage que vient de publier la librairie Hachette, dans la Bibliothèque des Merveille.'; quelques passages qui ont trait aux diverses parties de l'art photographique. Après un premier livre sur l'histoire et les origines de la pho- tographie, Fauteur aborde dans une deuxième partie les procédés et les opérations photographiques; il s'efforce de donner au lecteur des renseignements précis et pratiques avec les ressources de nombreu- ses illustrations (fig. 1). La troisième partie comprend les applications si nombreuses de l'art de Daguerrc. C'est là qu'est sur- tout exposé le côté merveilleux du sujet : héliogra- vure, photogravure, émaux photographiques, appa- reils enregistreurs, photographie astronomique, etc., offrent une série de chapitres, où les faits abondent. Une large place est donnée aux si étonnantes dépè- ches photographiques du siège de Paris, dont la figure ci-jointe donne un fac-similé très-précis. Nous rappellerons en quelques mots ces souvenirs ineffaçables de la photographie microscopique utili- sée à l'aide des pigeons voyageurs. On imprimait à Tours toutes les dépêches privées ou publiques sur une grande feuille de papier in-folio qui pouvait contenir 500,000 lettres environ. M. Da- gron, sorti de Paris en ballon, réduisait cette véri- table affiche, en un petit cliché, qui avait à peu près le quart de la superficie d'une carte à jouer. L'é- preuve était tirée sur une mince feuille de papier, et plus tard sur une pellicule de collodion, qui, quoique ne pesant guère plus de 5 centigrammes, renfermait la matière de- plusieurs journaux. Plu- 1 1 vol. in-18, illustré du 05 gravures et d'une planche nho- togtyjitiiyie. L. Hachette et C'V Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. il sieurs de ces pellicules, représentant un nombre con- sidérable du dépêches, étaient enroulées et enfermées dan>' un petit tuyau de plume de la grandeur d'un eurfident. Cette légère boîte aux lettres d'un nou- veau genre était attachée à la queue du pigeon. L'oi- seau messager ne portait que oe léger fardeau ; à l'arrivée et au départ, ou avait soin de marquer sur sou aile l'empreinte d'un timbre humide-, véri- table accusé de ré- ception ou d'envoi, lin nombre consi- dérable de pages typographiées ont été reproduites pai les procédés de M. Uagron etde son collaborateur, M. Fernique. Chaque page contenait envi- ron 5,000 lettres, soit environ 500 dé- pêches. 1(1 de ces pages tenaient sur une pellicule de I> centimètres sur 5, ne pesant pas plus de h' centigrammes ("g; 2)- Chaque pigeon pouvait emporter dans un tuvau de plume uuevinglaine de ces pellicules, qui n'atteignaient en somme (pie le poids de 1 gramme. Ces dépêches réu- nies pouvaient faci- lement former un total de 2 à 3 mil- lions de lettres, c'est-à-dire la ma- tière de dix volumes. Les Merveilles de la photographie se terminent par quel- ques aperçus sur l'avenir de cette branche admirable de la physique et sur ses rapports avec l'art. Les peintres, dit l'auteur, ne sont généralement pas portés à l'admiration de la photographie ; ses procédés physico-chimiques semblent incompatibles avec les sentiments qui les animent ; il leur répu- gne de placer le collodion à côté de la palette des couleurs à l'huile. Beaucoup d'entre eux sont même d'une sévérité outrée à l'égard de l'art deDaguerre ; il en est qui s'exaspèrent quand on fait devant eux l'éloge d'épreuves photographiques. La photographie, disent-ils, ne compose rien, elle ne donne qu'une copie, un calque inexorable, brutal dans sa vérité. Elle manque de sentiment, nulle (lamine de génie ne rig. i. — Cabinet noir du photographe. lui donne la vie, elle est maladroite, elle donne une valeur égale aux masses et aux détails accidentels. Fait-elle un portrait, elle saisit son modèle avec gaucherie, elle dessine mieux les ganses de son ha- bit qu'elle ne sait rendre l'impression de son visage; l'œil du personnage n'est pas mieux rendu que le boulon de ses manchettes. La photographie, c'est de la mécanique, ce n'est ras de l'ait! Pour uroduire un non cliché , disent au contraire les pho- ?0? tographes, il faut étudier l'image, choisir et combiner les effets de lu- mière, ce qui néces- site l'intervention du sentiment artis- tique, ci Le premier cliché obtenu, dit un praticien énié- rite, l'œuvre est à peine ébauchée, La lumière est un in- strument quinteux qui n'obéit jamais d'une manière com- plète... Il faut que le photographe, ap- préciant ses défauts et ses qualités, pal- lie les uns et fasse ressortir les autres. C'est alors, ajoute notre apologiste, que le photographe se montre peintre dans toute l'accep- tion du mot, qu'il fait passer sou âme, son génie, si le gé- nie l'anime , dans l'épreuve, qu'il rend la couleur et arrive à cet admirable en- semble, à ces effets qui impressionnent et saisissent aussi vivement l'âme en présence de certains portraits, de certains paysages photogra- phiques qu'en présence de la Jocottde ou d'une toile de Ruysdael et du Titien. » a Dans une suite de vues photographiques, dit un éminent écrivain scientifique, on rencontre tour à tour un van Dyk et un Delaroche, un Metzu et un Decamps, un Titien et un Scheffer, uu Uuysdaë! et un Corot, un Claude Lorrain et un Marilhat. » Ces appréciations sont évidemment exagérées, Essayons de nous faire une opinion juste et raison- nable entre ces deux écueils du dénigrement systé- matique, et de l'admiration trop enthousiaste. Certes, la photographie offre de graves inconvé- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 12 I.A NATO HE. inents; l'instrument qui agit n'a pas l'habileté de lu | que souvent nulle miniature, et nul dessin, ne peu- main artistique que guident l'amour du beau et la ' vent leur être comparés, juste impression des effets de la nature. 11 altère I Nous ne nous engagerons pas plus loin dans cet souvent laperspectivelinéaire, comme la perspective aérienne; les procédés de développement de l'image repro- duisent souvent les lointains avec au- lantde vigueur que les premiers plans; les ombres forment quelquefois dans la photographie des taches noires, des teintes plates et massives, qui ôtent au dessin tout modelé et toute har- monie. Cela est surtout vrai si l'in- strument est guidé par une main inexpérimentée. Mais on ne peut nier que l'appareil photographique, manœuvré par un artiste, est susceptible de produire des épreuves marquées au sceau de l'art. S'il y a de mauvaises photogra- phies, il faut avouer qu'il ne manque pas de mauvais tableaux. En consi- dérant quelques-uns desproduits qui sortentdes ate- liers de nos premiers photographes, on conviendra . Fig. 2. — Fac-similé d'une dépêche pliotomicroscopHpie du sjé^e de Paris. ordre d'idées et de discussions. 11 est dangereux, à notre avis, de vouloir établir un parallèle entre la peinture ctla photographie, qui différent essen- tiellement dans leurs procédés et dans leurs moyens. 11 nous semble toute- fois profondément injuste de vouloir nier que la photographie est un art. Elle constitue un grand art ; mais nous quitterons ce terrain glissant, pour aborder une question bien plus intéressante, celle des services que la photographie estsusceptible de rendre a tous los artistes, au peintre, au sculpteur, à l'architecte. L'illustre Paul Delaroche, à la nais- sance du daguerréotype, ne craignit pas de dire, en présence des membres de l'Académie des sciences : « Le da- guerréotype porte si loin la perfection de certaines conditions essentielles de l'art, qu'il deviendra pour Fjg. 3. — Le phuLographa dans les voyages d'eiplui'atiou. les peintres les plus habiles un sujet d'observations et d'études. ■ Paul Delaroche disait vrai. Une collection photo- graphique est actuellement pour l'artiste une iné- puisable source d'enseignements utiles; il est cer- tain que nul peintre aujourd'hui, quel que soit son talent, n'exécutera un portrait sans avoir do bonnes épreuves photographiques de son modèle. Il est évi- dent qu'un paysagiste ne saurait trop s'inspirer do quelques-unes de ces admirables études photogra- phiques de la nature, que devrais artistes savent au- jourd'hui fixer sur leurs glaces collodionnées. — L'étudiant trouvera encore des modèles incompara- bles dans ces belles photographies qui reproduisent les sublimes cartons du Louvre, estampes incompa- rables et uniques dues au crayon magique de Ra- phaël, ou au pinceau puissant de Michel-Ange. Nul audacieux n'oserait reproduire les dessins de nos Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 13 grands maîtres par le burin ou par la lithographie. La photographie réalise ce miracle, de multi- plier à l'infini une estampe du Corrége ou du Ti- tien. De quelles ressources sont, entre les mains d'un architecte ou d'un archéologue, les vues des monu- ments de pays lointains ! Les merveilles d'Athènes et de Rome, les inimitables richesses des monu- ments de l'Inde, les formidables temples égyptiens, peuvent tenir dans son carton, non pas modifiés et défigurés par un crayon peut-être infidèle, mais telù qu'ils sont, avec leurs heauLés, leurs imperfections, et lus marques de destruction que le temps y a gra- vées. Les épreuves photographiques sont les miroirs où se reflètent les rives du Nil et de l'Iudus, les con- structions et les sites naturels de lous les pays où la chambre noire a passé. L'explorateur, ar- mé de son bagage photographique, que l'on sait construire aujourd'hui de façon à l'utiliser partout avec facilité (fig. 5), rapporte de son voyage desdoeunieuts incomparables, en ce sens qu'il est impos- sible d'en nier l'exac- titude. Un photogra- phe représente l'objet tel que la nature l'a formé, le monument tel qu'il l'a vu. Une colonne cassée , nue tache dans une pierre, rien ne manque à l'épreuve. L'n tableau, une aquarelle ne peuvent jamais être d'une précision aussi rigoureuse. L'artiste est souvent tenté de retrancher quelque objet qui semble nuire à l'effet de l'ensemble, ou d'ajouter quelque orne- ment à son œuvre. Enfin, dans certains cas, la pho- tographie est capable de reproduire, à l'aide de la lumière artificielle, l'aspect de chefs-d'œuvre ou de beautés naturelles plongés dans les ténèbres. Il existe dans quelques souterrains des temples égyptiens, des peintures hiéroglyphiques, que l'on peut repro- duire exactement par la photographie à l'aide de la lumière au magnésium. Le mode d'opérer est iden- tique à celui qui a été emplové pour prendre les vues photographiques de certaines parties curieuses des catacombes de Paris (fig. A). Les applications de la photographie à l'art sont innombrables, et l'avenir nous réserve certainement bien des surprises à cet égard. La photoglyptie, née d'hier, ne tardera certainement pas à produire des épreuves inaltérables, aussi durables que les carac- tères typographiques ; elle perpétuera ainsi dans l'histoire la figure des grands hommes qui ont joué Fi:,'. 1. — rlioloyrapbie au ina^'ii^iuiu duiii ka calacoiiiLi;& un rôle dans les évolutions de la société moderne. Quel prix incomparable n'attacherait-on pas aujour- d'hui à la photographie des grands écrivains du siè- cle de Louis XIV, ou des philosophes du dix-huitième siècle ! quelles émotions profondes n'éprouverait-on pas à la vue de l'image fidèle des génies qui ont éclairé l'humanité ! Nos descendants jouiront assuré- ment de ces surprises et de bien d'autres encore que I nous sommes impuissants à soupçonner. Il n'est pas douteux que, dans un avenir sans i doute assez rapproché, les usages de la photogra- phie s'étendront vers des horizons inouïs. Nous n'en choisirons pour exemple qu'une nouvelle application dont on a déjà pris l'initiative aux États-Unis. Un témoin oculaire, qui avait assisté de l'autre côté de l'Atlantique à quel- ques-unes dos scènes tumultueuses, des dernières élections , nous a affirmé, qu'un opérateur américain était arrivé à pren- dre la photographie instantanée d'une réunion publique en plein vent. 11 avait subitement fixé au foyer de la chambre noire l'orateur qui gesticulait du haut de sa tribune impro- visée, le groupe des auditeurs , qui le- vaient les bras et s'agitaient , les uns avec des marques d'approbation et d'enthousiasme, les autres avec des signes d'impa- tience ou de colère. Ce photographe courut à son atelier pour transformer le cliché en planche typo- graphique, parles procédés de l'héliogravure; s'il avait réus>i, le soir même, on eût répandu sur la place 100,000 exemplaires de la photographie, tirée à la presse. Il échoua. Mais d'autres réaliseront plus tard ce prodige inouï, qui consiste à reproduire sur le collodion les scènes animées, à retracer d'une manière impérissable l'homme en action, en mouve- ment, la foule qui s'agite, les armées qui combat- tent, l'orateur qui parle, la vague qui écume, ou l'étoile filante qui trace dans l'azur du ciel son sil- lon lumineux! CHRONIQUE Ej« hallon do Xatnl. — Tous les journaux politiques ont traduit, sans se permettre la moindre réltesion, en paragraphe du Daily-News annonçant .a découverte, à Natal, des débris d'un aérostat du siège de Paris. La trouvaille aurait été faîte sur les bords du Tagela, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 11 LA NATURE. rivière qui coule sur la frontière nord ouest de Ja co'onie et qui la sépare de la grande tribu indépendante des Zolu, la ])lus puissante des nations Cafrcs, mais il est împossi- ljle de lire cet article sans s'apercevoir que l'auteur a écrit un récit fantastique, et qu'il n'a pas même eu la préten- tion de tromper ses lecteurs. En effet, il termine par don- ner une espèce de chanson qui aurait été trouvée à bord du ballon de Paris, et qui est composée en l'honneur de M. Shepstone, le secrétaire des affaires indigènes. Au moment où l'article a paru dans le Mercury, ce personnage venait de faire une expédition, sur les bords du Tabula, afin d'in- staller le nouveau roi des Zolu, quipara.it être devenu feu- d a taire ou tributaire du gouvernement anglais. Pour achever d'ôlrr toute espérance à nos lecteurs, nous ajouterons que l'article du Mercury raconte qu'on a dé- couvert des dépêches microscopiques. Or il est notoire que les dépêches par ballon monté étaient manuscrites, les dé- pêches microscopiques étaient réservées aux pigeons. Un journal spécial, rendant compte de cet événement supposé, ajoute qu'il faudra, dans le cas où il se trouverait confirmé, modifier l'opinion qu'on est habitué à se faire sur la durée du temps que les ballons abandonnés à eiiï-mfimrs peuvent rester en l'air. Il est clair que cette appréciation est erronée. Un ballon abandonné à lui-même ne peut fournir- une longue carrière ni ses débris non plus, Il faut de toute nécessité que l'aé- ronaule soit parvenu vivant dans le voisinage du lieu où l'on a découvert les débris de son aérostat. La canard du Natal-Mercury est si grossier qu'il est étonnant que la presse s'y soit laissé prendre avec une cré- dulité vraiment naïve. W. de F. Importation et exportation des céréales. — L'administration des douanes vient de faire connaître le mouvement des importations et des exportations pendant les huit premiers mois de l'année 1875, c'est-à-dire du I e ' janvier au SI août; voici les chiffres qui se rapportent aux céréa'es. ImpoitiUiLiiî Quîiii.;il méLrique Valeur p.n argent Blé 017,4(10 27,080,700 Farine de blé. ■ ■ 80,100 4,143,150 Seigle 8,500 165,750 Mais 500,000 7,427,100 Orge 409,000 6,905,200 Avoine ..... 457,400 7,455,800 Total 54,115,700 Eïforlniinii Blé 912,522 30,001,1105 Farine de blé. . . 804,857 58,055,130 Seigle 1,009,508 22,530,279 Haïs 39,625 702,500 Orge 823,471 15,045,910 Avoine 214,528 3,968,708 Sarrasin. .... 65,913 1,120,521 Totai l13,523VÎlY Réduisant en blé les farines à raison de 70 kil, de farine par 100 kil. de blé, on trouve à l'importation 125,000 quint, met. de blé, soit 109,332 hectol. de 75 kil., et à l'exportation 1,149,795 quint, met. de blé, soit 1,533,000 hrct. de 75 kil.; par conséquent, les exportations ont dé- passé les importations de 1,024,705 quint, mèl., soit 1,3G3,72' Î liectol. de 75 kil. Les exportations de céréales ont donné dans leur ensemble unebiffre rond de 113 mil- lions, ile francs; les importations ont produit 34 millions; par conséquent, le chiffre des exportations est supérieur de 79 millions de francs a celui ries importations. Du 1" septem- bre 1872 au 1" septembre 1875, c'est-à-dire pcndantla campagne qui vient de s'écouler, les importations de blés se sont élevées 1456,000 quint, met. avant une valeur de 40 millions et les farines à 105, ''00 quint, met. valant 4,020,000 francs. Les exportations de blés ont atteint pendant la même période 3,018.001 quint, met. de blés d'une valeur de 104,310,080, et celles des farines 1,249,720 quint, met. (>t argent, qui est entré l'année dernière dans nos caisses par les exportations, devra en sortir celte année pour combler le déficit. On pense que nos importations de 1873-74 coûteront quatre fois plus que n'ont rendu les exportations en 1872-1873. Troncs d'arbres pétrifiés dan» le Colorai]». — A 50 kilomètres dans l'ouest de Pike'sPealt, se trou- vent les fameuses pélr fi.ations du Colorado Sur un espace d'un kilomètie carré, ou voit treize troncs convertis en pierres; tous, à l'exception d'un seul, ont été dégradés par la curiosité des chercheurs. Celui-ci était évidemment un arbre d'une dimension gigantesque. Il est placé au pied d'une saillie de rochers pittoresques. Le tronc s'élève à environ 1 mètre du sol cl il a au moins 3 inèlres de dia- mètre. Quoiqu'il ait conservé le grain et la couleur du bois, c'est une masse de [lierre solide ; le cœur de l'arbre est d'un magnifique poli. La pélrilication est lisse et dure, elle ressemble aux pierres à aiguiser; elle est un peu plus cassante, mais on peut très-bien s'en servir pour donner du tranchant à un rasoir ou a un canif. Du côte où le soleil avait rendu le bois sec et noir, avant qu'il hit pétrifié la couleur et les fissures presque imperceptibles du bois ont été parfaitement conservées. Quelques éclats du tronc sem- blent avoir été pourris avant la transformation en pierre, ils présentent une apparence remarquable ; c'est bien delà pierre dure, mais les extrémités paraissent éraillécs, comme une tige île rotin que l'on aurait mâchée ; elles sont si fila- mtmUu.ises et si souples, que l'on pourrait s'en servir presque comme d'un pinceau. La plupart de ces arbres étaient des pins; cependant on suppose que le plus gros était un cyprès. La gomme ou la résine fournies, lorsqu'ils étaient à l'état d'arbres, a aussi subi les effets de la pétri- fication; clic étincelle au soleil comme des gouttes légères de rosée ; lorsqu'on brise quelques morceaux de ces pierres, on découvre à l'intérieur de larges plaques de résine pélrifiée qui forment au milieu du bois une espèce de marqueterie qui scintille comme de l'argent poli. Le thermomètre métallique de l'impératrice de Russie. — Le célèbre directeur de l'Observatoire du Vésuve vient de. construire un nouveau thermomètre, d'a- près la demande qui lui en a été faite par l'impératrice de Russie. Il s'agissait de fabriquer un appareil destiné à an- noncer, par un signal, les changements de températures, du milieu où il est plongé. M. Palmieri a imaginé un sys- tème de thermomètre métallique fort ingénieux, qui, avant d'être envoyé à Saint-Pétersbourg, va être exposé dans une des salles de l'Académie des sciences de Naplcs. Aussitôt que la température change, on est prévenu par une son- nerie qui se met en mouvement. L'appareil est d'une si grande sensibilité que l'indicateur est presque toujours en action. Grâce à une disposition particulière, on peut en outre connaître les températures maxima et minima dans un temps déterminé. Le thermomètre du professeur Pal- mieri va être placé dans la voiture de voyage de l'impé- ratrice, de Russie, où l'on pourra facilement obtenir dé- sormais, une température égale. Voilà un raffinement de Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 13 confort tout à fait impérial, mais il n'en est pas moins fort ngénieux. Vénus prise pour nne comOte. — On a fait re- marquer, il y a déjà quelque temps, que la prétendue comète visible le matin n'était autre que Venus, alors diius une période de grand éclat. Il n'est point inopportun d'a- ]outer que ce n'est pas la première fois que la même erreur est commise à Paris. Elie le fut en 1759, au mois d'août, alors qu'on attendait le retour de la comète de Ilalley, événement prédit pour celle année et qui se réalisa. Vé- nus se montrant le soir, des milliers de spectateurs seren daient sur les quais et sur la terrasse des Tuileries afin rie l'observer et croyant regarder la comète. Pour détromper le pulilic il fallut un avis de l'Académie des sciences. les nuages artificiels contre la gelée des vi- gnes. — Dans notre numéro du 8 novembre, nous avons rapporté les expériences si intéressantes de lî. Fabre de ftieunègre sur les images artificiels et les moyens de les produire. M, Roussel, de Kice, vient d'adresser au Jour- nal de l'agriculture une note dans laquelle il dit que pour faciliter l'exécution pratique des moyens préservatifs contre les gelées printanières, il signale à M. Fabre dePiieunégrc l'emploi de thermomètres métalliques, grossièrement con- struits pour cet usage, suspendus en plein air et qui pour- raient soit par une détente, et une allumette, mettre direc- tement le feu aux amas de matières combustibles, soit au moyen d'un fil et d'une communication électrique, signa- ler aux intéressés rabaissement do la température et le danger qui menace les récolles. Dans les deux cas, les moyens préservatifs ne seraient employés qu'à coup sûr, on éviterait une surveillance pénible et on pourrait agir à propos et sans peine. Un simple ressort à boudin en fil de fer ou d'acier, gradué a zéro, pourrait servir de thermo- mètre métallique avertisseur des gelées. ACADEMIE DES SCIENCES Séance du 2i novembre 1813. — Présidence de M. de Quatriifjges. Double élection de correspondants. — Deux places de correspondants étaient vacantes dans la section de chimie, i l'unanimité, 11. Willamsou a été appelé 1 remplir la pre- mière ; la seconde a été donnée à M. Ginin. Étoile double. — Au nom de M. Camille Flammarion, M. Faye communique des recherches relatives à une étoile double faisant partie de la Grande Ourse. En rapprochant et calculant les observations dont cette étoile a été l'objet depuis 90 ans delà part de Slruwe, d'Herschcl et d'autres astronomes, l'auteur est arrivé à représenter graphique- ment son orbite. Le résultat serait que l' orbite au lieu d'être une ellipse représenterait une courbe ouverte ; cette anomalie disparaît d'ailleurs si l'on écarte celle des ob- servations qui sont les plus anciennes et, par conséquent, les moins précises. Perfectionnement auraffmage du sucre. — Le raffinage du sucre exige, pour se bien faire, que les' jus ne soient point acides et même qu'ils possèdent une légère réaction alcaline. Mais d'ordinaire on n'obtient cette condition qu'en introduisant dans le sirop une quantité considérable de sels calcaires et leur effet est d'augmenter la proportion des mélasses au détriment de la quantité totale de suere cris- l;illisnble. Un perfectionnement notable est, à cet égard, réalisé par le procédé que M. Lagrange fait connaîtra au- jourd'hui par l' entremise de M. Péligot. Voici en quoi il consiste : On commence par déterminer la quantité de sel calcaire contenu dans la dissolution sucrée, et l'on précipite la chaux par adilition convenable de phosphate d'ammonia- que. L'acide sulfurique provenant du sulfate de chaux uinsi décomposé est précipité lui-même presque complè- tement par la baryte, puis le liquide, après éhullition, est jeté sur un filtre ordinaire. Le sirop obtenu fournit un rendement de 2 à 3 Ofi plus considérable que par la mé- thode ordinaire ; et cette différence est très-notable vu la masse de sucre fabriqué. H resle sur le filtre des tour- teaux de phosphate de chaux qui reçoivent, en agriculture, un emploi très-avanlagcux. Vamylamine en médecine. — M. le docteur Dujardin Beaumelz signale les bons effets thérapeutiques qu'il a re- tirés de l'emploi du chlorhvdrate d'amylamine. Cette sub- slance, qui est un poison violent à dose un peu forte, pos- sède en petite quantité la propriété souvent utile d'abaisser le pouls et la température. Sondages dans la Méditerranée. — C'est au milieu des marques du plus vif intérêt que. M. de Lacaze Dutbiers ré- sume, mais pour y revenir ultérieurement, les résultats de la mission qu'il vient de remplir dans la Méditerranée. Chargé du relevé hydrographique des côtes de l'Algérie, M. le commandant Mouchez demandait depuis longtemps que des naturalistes vinssent, à bord du Narwall, étudier les produits fournis par des innombrables sondages. MM. de I.acaze Dutbiers et Délain turent chargés de répondre à cet appel, le premier pour étudier les pro- ductions zoologiques des régions explorées, et îe second pour contribuer a la connaissance, de leur constitution géologique. Pendant les cinq mois que dura le voyage de Gibraliarà la côte de Tunisie, M. Bélain fit régulièrement à peu près une lieue par jour, sur la ferre ferme, etil recueillit ainsi de nombreux échantillons qu'il se pmposc de décrire dans ses communications ultérieures. En même temps, il étudia la composition lilhologique des fonds sous-marins où pous- sent les coraux. Ce sont, en effet, ces fonds coralligèjnes que M. do La- caze Duthiers désirait particulièrement revoir Ilevoir, car il les avait déjà étudiés de 1800 à 186Ï, mais sans les épuiser. M. Carpenler, dans son récent et célèbre travail, a avancé que le littoral de l'Afrique ne fournit rien à la Eoologie sous-marine. Or, M. de Lacaze Dutbiers arrive à. an résultat diamétralement contraire : ces funds, stériles pour losavant anglais, lui ont livré des monceaux de mer- veilles et nombre de genres nouveaux. Un des points qui ont surtout attiré l'attention de M. de Lacaze Duthiers, c'est le développement des polypiers. On no trouve nulle part une étude prenant l'embryon pour le suivre jusqu'à l'état de polypier. On sait que dans il calice de ces animaux on trouve des cloisons se dirigea/ ,' vers le centre et offrant, en même temps qu'une symétrif. parfaite, une grande inégalité de développement. Jus- qu'ici on a cru que les plus petites étaient les plus jeunes, et c'est ce qu'on a voulu exprimer en disant que ces cloisons composent des cycles successifs. C'est même d'aprèu cette considération qu'on a établi la classification des polypiers. Or, l'auteur conclut, d'études patiemment suivies, que les choses ne se passent point ainsi. Toutes les cloisons, qu 'lies que soient leurs dimensions et par conséquent quel que so t le cycle auquel elles semblent appartenir, ont rigoureuse- ment le même âge. Nées en même temps elles ne différent les unes des autres que par leur développement inégalement rapide. Dans le cours de ce travail, M. de Lacaze est arrivé à faire développer les coraux dans de petits aquariums où il estfacile de suivre toutes les phases de l'évolution de Ces Droits réservés au Cnam et à ses partenaires îa LA NATURE. curieux animaux. « Il faut voir venir les choses pour bien les connaître, « dit-il, d'après Aristute, en terminant sa communication qui fait désirer vivement les mémoires dé- taillés, dont il annonce la prochaine apparition. Séance du i" décembre 1873. M. Delarive. — Les sciences viennent de faire une grande perte. M. Auguste Delarive est mort jeudi dernier, des suites d'une attaque de paralysie, qui l'avait frappé il y a trois semaines environ. M. Dumas, en quelques paroles louchantes, a retracé les services éminenls rendus par l'illustre savant suisse durant sa longue car- rière. Le secrétaire perpétuel était particulièrement dé- signé pour remplir celte tâche, avant entretenu depuis 1816 des relations intimes avec 11". Delarive. La vie de celui-ci a été tout entière consacrée à l'étude de l'élec- tricité, et parmi les innombrables mémoires qu'il a écrits, deux découvertes constituent spécialement ses titres de gloire. L'une est relative à l'application industrielle de l'or et de l'argent par voie galvanique à la surface du lai- ton, et c'est l'origine d'une des industries les plus flo- rissantes ; l'autre a pour objet l'influence des aimants sur la décharge électrique produite dans le vide, et il en est résulté une explication brillante des aurores boréales. La fortune de M. Delarive était sans réserve au service de la science, non-seulement en procurant à son posses- seur les moyens expérimentaux les plus larges, mais aussi en lui permettant de venir en aide à toutes les personnes désireuses de contribuer aux progrès de la science, et, enfin, en mettant M. Delarive à même de fonder à Genève un véritable centre scientifique international, où tous les savants européens ont toujours trouvé l'accueil le plus sympathique. Les trombes et les taches auhiires. — Dans une eoni- municaiion antérieure, M. Faye a déjà insisté sur l'analo- gie qui lui parait exister entre les trombes terrestres et les taches solaires. Celles-ci étant manifestement creuses, il faut, pour que la comparaison soit légitime, prouver que les taches solaires ont leur siège dans 1rs hautes ré- gions de l'atmosphère et se propagent de haut en bas, jusqu'à la rencontre du sol. On a peine à comprendre que les météorologistes aient précisément adopté la manière de voir inverse, d'après laquelle les trombes seraient des appareils d'aspiration. 11 est bien aisé au savant astronome de montrer dans quelle erreur sont lombes ses devan- ciers, car l'alimentation do la trombe par en bas serait absolument inexplicable. Au contraire, on s'en rend compte bien aisément, si on la compare aux lourbillans qui ont lieu dans l'eau dans tant de circonstances. Comme M. le général Morin l'a rappelé, de pareils tourbillons se produisent souvent sur le Rhin, en avant des épis que le service des pouts-et-chaussées construit pour protéger la rive. Ces tourbillons commencent par élre des entonnoirs peu profonds, mais la vitesse s'accélérant, ils pren- nent insensiblement la forme de puits allant loucher le fond. Ces puits, véritables Muelstroms en miniature, sont entraînés par le courant et aspirent tout ce qui se trouve dans leur sphère d'activité. 11 n'est pas rare que des canots légers i piquent une léte > dans ces gouTfres, et le batelier ne s'en tire pas toujours sans peine. Pour M. Faye, la trombe proprement dite n'est que la reproduc- tion dans l'atmosphère de ce phénomène si fréquent dans les cours d'eau. La cause est la même et lous les détails se trouvent être semblables. En terminant sa communi- cation, M. Faye constate avec satisfaction que ses idées relatives à la concavité des taches solaires sonl à la fin adoptées en Allemagne, où elles avaient rencontré tant d'opposition de la part de M. Kircbhofî et de son école. Lue récente publication de 11. Zdllner montre que, sur ce point, il s'est converti aux idées de notre compatriote. Toutefois, sa théorie du soleil est différente, et ajoutons- le, elle parait inacceptable. Pour lui, le soleil est une sphère liquide, comme une masse de lave en fusion, enve- loppée d'une épaisse couche de nuages qui constitue la photosphère. Si, pour une cause qae l'auteur ne précise pas, cette couche de nuages vient à se briser en un point, la surface du liquide sous-jacent peut rayonner vers les espaces; elle sa refroidit donc, et en ce point se forme un grumeau de scorie, qui est justement le noyau d'une tache. On avouera que celle supposition est bien peu pro- bable. A part l'épaisseur de C00 lieues qu'il faut attribuer à la photosphère (c'est la profondeur mesurée des taches), et qui rend le refroidissement par rayonnement bien dif- ficile, il faut supposer, pour que la scorie puisse se for- mer et subsister, qu'aucun courant n'existe dans la mer liquide et que sou mouvement est rigoureusement le même que celui de la photosphère. Or cela est absolument impossible. Les étoiles filantes de novembre. — Cette année la nluie ordinaire d'étoiles filantes du 13 novembre n'a pas été ob- servée. On sait que ce phénomène périodique offre un maximum tous les 33 ans et 3/4 ; il présente aussi des minimums pouvant aller jusqu'à zéro : c'est ce qui a lieu en ce moment. Comme le rappelle M. Le Verrier, ce fait est bien facile à comprendre. Les étoiles filantes sont, ainsi que MU. Schiaparelli et Le Verrier l'ont démontré cha- cun de leur coté, comme le résultat de l'égrcnenient des comètes le long de leur orbite. M cette orbite vient croi- ser celle, de la terre, celle-ci peut passer dans la poussière cométaire qui apparaît alors sous formes d'étoiles filantes. Mais on conçoit que la quantité de cette poussière doit va- rier avec le plus ou le moins d'éloignement du rayon cr> métaire, et il peut se luire qu'assez loin de ce noyau cette poussière manque totalement. Toutefois, au bout d'un temps suffisant, l'égrènemenl peut réduire toute la masse cométaire en une ceinture continue remplissant toute la trajectoire de l'orbite; alors on voit tous les ans des étoiles filantes sans qu'on puisse apprécier de maxi- mum et de minimum. Le premier cas est réalisé par les étoiles filantes de novembre, dérivant de la comète de Tcmpel ; l'autre par les météores d'août dont la source est la grande comète de 1 862. On se souvient que l'an dernier, le 27 novembre, on observa une pluie remarquable d'étoiles filantes. Celles-ci furent rattachées à la comète de Biela et on se promit de les épier l'année suivante. L'époque vient de venir et l'on n'a rien vu. Enfin, il y a un autre examen du mémo genre à tenter dans les environs du 2 décembre, car on a reconnu, dans la récente comète île M, Coggia, la réapparition de ta co- mète découverte par Pons, il y a cinquante-qualre ans. Le directeur de l'Observatoire de Vienne, M. de Litlrow, pense que l'orbite de cette comète se trouve en ce mo- ment à une distance de la terre égale aux 2 dixièmes de l'orbite terrostrt. Si cette distance est intérieure, il y a chance, comme le remarque M. Faye, pour que nous pas- sions au moins dans la queue de la comète. Stanislas Meckieh. !x Propriétaire-Gérant . G. Tissasliei.. Cobdkil. - Typ. et stér, de Gaétb . Droits réservés au Cnam et à ses partenaires fc' 2g. - 15 DÉCEMBRE 1871 LA NATURE. VOYAGES ET DÉCOCVEBTES DANS Lt NOUVEI.1.E-GUIKÉE. La Nouvelle-Guinée est une des régions les moins connues du globe; si le centre des grands continents, tels que l'Afrique, l'Asie, l'Australie, offre de grandes lacunes géographiques , les côtes tout au moins dé- limitées, la configuration des terres a été détermi- née. Il n'en est pas de munie pour la Nouvelle-Gui- née. L'accès de ce pays, vierge eu grande partie du (.intact des Européens, a été interdit jusqu'ici par le caractère hostile des indigènes, par !e manque de bons mouillages, par les récifs qui opposent une barrière le long des côtes, et par l'insalubrité d'une grande partie du littoral. Ce grand continent insulaire de l'océan Pacifique, situé dans la Mélanésie. a une surface presque dou- ble de celle de la Fiance, quoique le développement des côtes soit de 1,400 lieues, au lieu que celui des nôtres nVt que de 700 lieues. Les Hollandais ont été les pionniers de la colonisa- ? ■ ■" ".;'»■ ;m I: ,. ' " ■ 4; il ■ vxiç *?îft--ff'.. : ^ taie Moresbj (Nouvclle-Guiiiét), visiti'e pour la preuiiiue fois par le. Hntitic. (D'après uoa photographie du lieutenant Hourilyan, membre de l'exptkliiion.) tiondans ces régions sauvages ; mais aujourd'hui les conquêtes dues à la persévérance de la race anglo- saxonne s'étendent de plus eu plus dans les nom- breux archipels de l'Océanie. Des côtes de l'Austra- lie, les colons anglais se sont dirigés sur la Nou- velle-Zélande, puis de là sur les Fidji, où ils plantent maintenant le coton. La faible distance qui sépare l'extrémité sud de l'Australie des côtes de la Nou- velle-Guinée, les attire vers ces lieux où ils n'ont pas à craindre de rivalité. Depuis François Serrano qui reconnut les pre- mières terres en 15H, les expéditions portugaises, hollandaises et anglaises laissèrent chacunes quel- que fait nouveau à ajouter à la géographie du pays ; la Francs aussi, prit part à ces conquêtes, car les noms de nos navigateurs célèbres, appartiennent à un grand nombre de points de la carte. Aujourd'hui les principales nations d'Europe, té- moins des prodiges accomplis par la colonisation australienne, ont tourné leurs regards vers cette terre restée encore en possession des indigènes. En 1870, M. Miklucho -Maclay, jeune savant russe , débarqua à la baie de l'Astrolabe ; il séjourna plusieurs mois visitant le pays, jusqu'à ce que les fièvres le con- traignirent à quitter le pays. Un Italien M. O. Beccari visitait en 1871 les îles de la mer d'Arafoura et quelques points du continent Guinéen. Mais, ce sont les Australiens qui dans ces derniers temps dévelop pèrent le plus d'activité dans ces investigations géo- graphiques. Les missions de Londres, ayant établi plu- 2 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 18 LA NATURE. sieurs stations sur la côte, où elles entretiennent des élèves missionnaires, ont prépare la voie aux fu- turs explorateurs. Depuis trois ou quatre ans il y a un mouvement croissant dans les tentatives privées ou collectives, vers la baie I'edscar; la recherche de l'or, ce gnmd magicien de la colonisation, a été le principal objectif; ici, peut-être comme en Australie, il sera le point de départ de la conquête pacifique du travail. Le gouvernement australien préoccupé des inté- rêts futurs, organisa au commencement de 1875 une campagne d'exploration vers la côte Sud-Est, tota- lement inconnue. Le Basilic, spécialement affecté a celte reconnaissance, aborda en premier lieu sur la cote qui s'étend ad pied du mont Astrolabe, relevé parDumont-d'Urville, Ou trouva une belle baie avec un mouillage abrité au milieu de hautes montagnes, à laquelle on donna le nom du capitaine Moreshy. Le Basilic continua sa croisière en suivant la côte vers l'Est, sur une longueur de 140 milles. 11 pénétra ainsi au milieu de ce dédale inextricable de récils de corail, l'effroi des navigateurs. Le 11 avril, ou se trouva dans l'archipel do la Loui- siade, qui n'est que la prolongation de la Nouvelle- Guinée. Les relevés hydrographiques permirent de déterminer la configuration exacte des côtes; jusqu'ici on croyait qu'elles se prolongeaient en pointes , niais on vit que le contour était très-acci- denté et qu'il affectait la forme d'une double fourche entourée de nombreux îlots. Quand le navire venait mouiller au milieu de ces iles, sa haute mâture, la fumée, la facilité d'évolu- tion étaient pour les naturels un grand sujet d'éton- nernent; mais ils se hasardaient néanmoins à ac- coster le navire avec leurs pirogues chargées de fruits et de productions du pays, qu'ils offraient pour de menus objets de fabrication européenne. Les ba- nanes, les cocos, des pierres vertes comme la mala- chite, des petits porcs, la racine de yam, s'échan- geaient couramment contre du fer et des outils. Les relations furent amicales; on n'eut pas à déplorer de regrettables collisions dans les rapports fréquents avec les indigènes, soit à bord, soit même à terre. Ces insulaires ont le type bien caractérisé de la race Papoue ; de haute stature, de forme souvent athlétique, ils conservent une grande régularité dans leurs traits. Leur accoutrement dénote une tendance à la parure fantaisiste ; leur cheveux taillés d'une façon grotesque et enduits d'une pommade pâteuse, leur poitrine bariolée de raies jaunes, leur donnent un aspect pittoresque et bizarre. Ils mâchent con- stamment le chunam, mélange de chaux vive et de bétel, ce qui colore leurs dents en rouge. La plu- part sont cannibales. La chasse fut très-abondante dans 1rs îles où re- lâcha le Basilic, quoique les matelots aient éprouvé une difficulté insurmontable à pénétrer dans ces fo- rêts vierges, où la nature tropicale revêt un aspect chaotique. Four bien se le figurer, il faut mélanger par ia pensée ies trtwcs et les arbres gigantesques plusieurs fois séculaires, à une multitude de grami- nées et de lianes, rehaussées par l'éclat de Heurs aux riches couleurs, il faut se représenter en outre les admirables chapiteaux formés par une multitude d'espèces de palmiers, portant leurs cimes au niveau supérieur de la forêt, tandis qu'ils sont mêlés dans le bas aux cannées, aux agaves, aux bégonias et aux riches feuillages des musaeées. Pour compléter le tableau, joignez aux vastes parasols des palmiers les fini gères arborescentes, les jeunes caccias aux feuilles pennées, les immenses faisceaux pro luits par les parasites, tombant comme des crinières gigantes- ques des brandies qui les supportent. Tout cet ensemble se dessinant dans une obscurité où les rayons du soleil tropical, peuvent à peine pénétrer, donnera une idée de cette luxuriante nature, dont nos bois d'Europe aux essences d'arbres peu nom- breuses ne peuvent se comparer. La croisière du Basilic se termina sans accidents, malgré les difficultés d'une navigation dans des eaux aussi dangereuses. On était de retour à Sommerset le 3 mai 1 H 7 ,5 , après une fructueuse reconnaissance géographique. J. GmxnD. LE LAÏÏAM1N DU CENTRAL-PARK A HEVV-YOnK. Depuis le commencement de juin dernier, le jar- din zoologique établi au Ccntral-Park, à New-York, possède un animal esposé pour la première fois en Amérique et bien rarement, croyons-nous, dans les autres collections du mande. La capture de cétacés vivants est, toujours une chose peu commode, et celle des Lamantins surtout, car l'habitat de ces intéres- sants animaux est presque borné aux grands fleuves de l'Amérique méridionale et centrale, comme l'Oré- noque et l'Amazone. Le Lamantin une fois pris, il fallut le conserver; c'était une difficulté grande, car on n'avait aucune donnée sur la nourriture véritable de ces animaux et sur leurs mœurs. Leur histoire se composait de plus de fables que de vérités, de plus à' on dit que d'observations. Quoi qu'il en soit, l'habile directeur a su conserver en bonne santé son Lamantin jusqu'à présent. Tout fait présager même que la suite du ré- gime ne lui sera pas défavorable puisque le prison- nier a déjà grandi depuis son entrée à la ménagerie. Nous allons indiquer tout à l'heure comment on le maintient en bon état, mais il n'est pas sans intérêt de résumer les renseignements que nous recevons de l'habile éleveur. On connaît trois espèces de Lamantins : le Latiros- tris, qui habite la Floride, le golfe du Mexique et les cotes de la mer Caraïbe ; l'Âitstralis, depuis la mer des Caraïbes jusqu'aux côtes du Brésil, enfin le Se- neyalensis, sur la côte ouest d'Afrique; cette dei- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 19 nière espèce singulièrement éloignée géographique- ni ent des deux autres. Le Lamantin, sur place, n'est point un animal rare, puisque llarlan, qui écrivait en 1825, dit qu'à b v loride on les trouve en tulle quantité qu'un In- dien peut en tuer, avec son harpon, dix à douze dans sa saison. Mais, entre un Lamantin mort harponné el un Lamantin vivant, la différence est grande! C'est en qui explique leur rareté dans les ménageries. On les trouve, ainsi que nous venons de le dire, à l'embouchure des grands fleuves comme l'Orciioque et l'Amazone ; ils remontent même les cours d'eau de l'Amérique du Sud à plusieurs centaines de milles, se dirigeant dans les lacs d'eau douce de l'intérieur. Us marchent par petites troupes, pour se protéger mutuellement et défendre les jeunes. Dès que la mère- est prise, ceux-ci oublient toute prudence, tout soin de conservation et la suivent jusqu'au rivage. C'est dans ces cas que les naturels s'en emparent en les frappant, jeunes et vieux, de harpons, de lances et rie flèches. D'une taille de 3 à 5 m., — celui du Central -Park n'a que 2 m. 20, et n'est pas adulte, — ces animaux, habitant des pays tropicaux, sont représentés. dans le Pacifique et dans la mer des Indes, par une autre espèce analogue, le Dugong. Le corps du Lamantin est allongé, en forme de poisson comme la haleine; la tète est conique, mais sans séparation distincte d'avec le corps. Son mullle charnu rappelle un peu celui de la vache, il est semi- circulaire en dessus où sont percées les narines qui se ferment au moyen d'une valvule quand l'animal est sous l'eau. La lèvre supérieure est fendue au milieu et de chaque côté de la fente sont implantées, par rangées, de longues moustaches roides. La lèvre inférieure est beaucoup plus courte que l'autre, et la bouche est plutôt petite que grande. Chez les jeunes, il y a à la mâchoire inférieure deux incisives effilées qui tombent ensuite, point de canines, trente-deux molaires. Les membres anté- rieurs sont transformés en nageoires sur lesquelles paraissent quatre ongles rudimentaires ; les mem- bres postérieurs n'existent pas. Cependant, les bras sont plus libres dans leurs mouvements que ceux des grands cétacés, et les Lamantins s'en servent pour se traîner au bord des lacs peu profonds. Ils ont deux mamelles placées sur la poitrine. La queue, ovale, ayant environ le quart de la lon- gueur du corps, se termine par une expansion hori- zontale arrondie. La peau est d'une couleur Yert- olive foncé, devenant nnire en séchant; elle porte quelques poils éparpillés sur le dos. Cette peau est fort recherchée par les habitants de l'Amérique du Sud pour fabriquer dos harnais, des fouets et tous objets de cuir demandant une grande force : leur du- rée est extrême. L'huile que l'on retire de la graisse e^t excellente. Quant à la chair, on dit qu'elle est de lionne qua- lité ; elle est même regardée comme celle d'un pois- son par les catholiques et se mange les jours maigres. Lorsqu'elle est salée convenablement et séchée au soleil, elle se conserve pendant plus d'une année. Orton, dans son ouvrage « Andes et Amazone n, compare cette chaire à celle du porc frais. Mais le capitaine Henderson en paraît enthousiaste. « La queue, dit-il, est le meilleur morceau duLamanlin; on la laisse tremper quelques jours dans un assaison- nement do vinaigre avec des épices et l'on mange froid. Cela produit un plat digne d'Apicius; si Uélio- gabale eût connu cette merveilleuse découverte, il l'eût proclamée le chef-d'œuvre des plats les plus délicieux, )> En six mois, le Lamantin du Central-Park a grandi de huit centimètres ; malgré sa taille énorme il ne pèse cependant que 175 kilos ! on l'a mis dans un réservoir d'eau douce, et il reste quelquefois cinq jours sans toucher à sa nourriture, refusant tout ce qu'on lui offre. On lui a présenté beaucoup de plantes aquatiques différentes et enfin on s'est procuré du Canna inrjz'ca qu'il mange de bon appétit ; on le mêle à du fucus vesiculor-iis, ce que nous appelons, sur nos côte, le varech craquelin qni y est très-commun. Pour manger, l'animal s'enfonce sous l'eau, ce qui paraît singulier puisque pendant tout ce temps, il ne peut re?pircr, ce qui dénote évidemment l'habi- tude qu'il a de couper les plantes qui poussent au fond des eaux. 11 a mangé aussi un peu de l'algue, appelée tlnjia latifolia, que l'on faisait venir de l'East-river, prenant chaque brin séparément et choi- sissant avec soin la partie la plus tendre. Sa lèvre supérieure fendue et mobile lui sert très-adroitement à trier ainsi sa nourriture. Le Lamantin est, d'ailleurs, un être complètement itioffonsif mais extrêmement intelligent, et très- haut, placé, par ses sentiments, dans l'échelle ani- male. Son caractère est doux, affectueux ; il pos- sède, à un degré remarquable, l'instinct de la socia- bilité, car on affirme que, en liberté, le mâle ne quitte jamais la femelle qu'il a choisie; qu'il l'aide à soigner et à élever les petits et que, si elle meurt, il reste auprès d'elle et ne l'abandonne qu'à la der- nière extrémité. En captivité, il manifeste de temps en temps une extrême envie de jouer, et vient demander à son gar- dien des caresses qu'il appelle par un léger bruit qui ressemble au en aigu d'une souris. 11 nage alors sur le dos, le ventre en l'air, et emplit de ses ébats, de ses sauts, le bassin dans lequel on l'a installé. ' Il a fallu le retirer dans uu bâtiment, à cause de la température qui est descendue jusqu'à 8°, 35, ce-qui eût pu être meurtrier pour un animal des latitudes tropicales. Il paraît, en effet, très-sensible au froid, faisant le gros dos dès que son eau ne lui semble plus assez chaude. Vers la mi-septembre il a semblé subir une mue, l'épiderme de son dos s'en allait parpetits morceaux, il a fait, en quelque sorte, peau neuve. Souhaitons que cet intéressant animal parvienne à passer l'hiver, toutes observations ne sont point terminées à son égard. H. de i,a Blajnchêre. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 20 LA NATURE. ORIGINE DES CYCLONES Chacun a pu observer pendant, l'été des tourbil- lons aériens rendus visibles par la poussière du sol qu'ils soulèvent. Ce sont des cyclone.s en miniature qui apparaissent fréquemment dans certaines régions. Le docteur Baddeluy, cité par Piddingtou, donne une remarquable description de ceux qui se forment au- dessus des plaines arides de l'Afghanistan; il en a vu qui restent stalionnaires et d'autres qui ont un mouvement de translation. Ceux qui des rives des- séchées du l'Orénnque s'élèvent dans certaines sai- sons jusqu'aux cernants supérieurs de l'atmosphère ont été souvent W If w s- 0' l'T W l cités d'après les Tableaux de la nature de Hum- boldt. Dans les Açores, on prend en quelque sorte sur le fait la nais- sance des tour- billons plus in- tenses appelés tornaiios, que ies navires rencon- trent assez fré- quemment sur la côte africaine. L'action calorifi- que produite par le soleil sur ces îles dorme lieu à une dilatation qui aspire l'air de tous les côtés. Les af- flux nord et sud sont déviés en sens inverse par suite de la diffé- rence des vitesses que l'air possède sur les parallèles d'où il provient. Un couple est ainsi constitué et la masse d'air inter- médiaire prend un mouvement giratoire en sens in- verse de la marche des aiguilles d'une montre, ce qui est conforme à la loi observée dans l'hémisphère nord. M. Keller, auquel on doit celte application, fait remarquer que les tornados qui arrivent tout formés à Fayal et à Terceira prennent naissance à Corvo, île située au vent et écartée du groupe principal des Açores, ce qui permet aux afflux d'air d'y arriver sans trouver d'entrave sur leur rouie, condition par laquelle la formation du tourbillon est favorisée. On sait que les moussons sont des alizés déviés de leur direction primitive au moment où ils se pro- longent au delà des régions équatoriales afin de ré- tablir l'équilibre atmosphérique, troublé par le grand échauffement des déserts situés dans des lati- tudes plus élevées» C'est dans l'Inde que ce phéuo- ^ 7]" ï ! ' I ôcur /ù/ar/ee Fig. 1 mène se développe sur la plus grande échelle, et les moussons nord-est et sud-ouest s'y partagent l'an- née. Le passage d'une mousson à l'autre constitue la période dans laquelle Ira conflits entre les vents peuvent donner lieu à des mouvements rotatoires de l'atmosphère. Par suite de l'inégalité dans la distri- bution des terres et des mers sur lesquelles passe la zone d'appel des moussons opposées, une partie de cette zone de maximum thermal peut être retenue dans une certaine position par rapport au déplace- ment du soleil. Il s'opérera alors une détente brusque dans laquelle la masse d'air retardée se précipitera avec impétuosité vers le point d'appel, et, rencon- trant la mousson opposée, fora naître un tourbillon. La ligure 1, ci- jointe, indique la disposition des vents, la rotation et la marche des cyclones dans chaque hémi- sphère. Pendant que le soleil se trouve dans l'hé- misphère nord la période de l'ap- parition des cy- clones comprend les mois de juillet à octobre ; elle s'étend de janvier à avril quand il passe dans l'hé- misphère sud. Les moussons de la mer de Chine no sont pas des moussons de cinq mois comme cel- les dont nous ve- nons de parler. Maury signale trois systèmes de moussons de trois mois auxquels correspondent les cyclones qu'on nomme typhons dans cette région. La théorie précédente explique bien le mouvement tournant de l'atmosphère, et, par la naissance de la force centrifuge qui pousse des masses d'air considé- ' râbles du centre vers la circonférence, cette forte dépression barométrique constatée dans la partie cen- I traie des cyclones. Hais elle est incomplète à l'égard d'un point très-important ; elle ne rend pas compte ! des causes qui développent et entretiennent le ruou- | vement tournant. Il y a là une dépense toujours très-grande de force vive. Les vagues dû la mer sont soulevées et souvent projetées en avant avec une vitesse énorme. « Des pierres du poids de 2,000 à r >,000 kilogrammes, qui forment l'enrochement de la digue de Cherbourg, ont été projetées par les lames de l'extérieur de cette digue par-dessus le parapet. 'boflr rftVtiêcc- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 21 et sont tombées à l'intérieur; quelques-unes sont restées sur le parapet même; elles ont, par consé- quent été soulevées ùuue hauteur verticale de 8 mè- tres environ. En frappant la digue, les lames s'éle- vaient à une hauteur égale à trois fois la hauteur du fort central, qui a 20 mètres de haut. (Rapport de l'amiral de la Routière sur l'ouragan du 11 jan- vier 1806). » les mâts des navires brisés et d'un autre côté, à terre, les arbres séculaires déracinés et tordus, témoignent aussi de l'intensité de cette puis- sance mécanique de l'ouragan. Or toutes les résis- tances l'usent et on se demande comment nu travail moteur équivalent peut se développer pendant la propagation de la tempête dans l'atmosphère. M. Pesliu, ingénieur des mines, s'occupe de cette question dans îm mémoire très-remarquable de V Atlas météorologique de l Observatoire de 1867. Outre le violent mouvement tournant, fait-il d'abord observer, il doit y avoir un mouvement vers l'axe du tourbillon et un mouvement parallèle à cet axe. Pour s'alimenter d'air nouveau, le cyclone doit le prendre aux parties de l'atmosphère qui entrent successive- ment dans son cercle d'action, en vertu de son mou- vement de progression. Mais par où se fait l'aspira- tion? Ce ne peut être par les parties hautes du tourbillon, car soumis en descendant à des pressions croissantes l'air doit acquérir une température de plus en plus élevée qui, pour la provenance d'une altitude moyenne, serait près de la surface, eu excès de plus de 20 degrés sur celle de l'atmosphère am- biante. L'afflux aurait donc lieu par la partie infé- rieure du tourbillon et serait dirigé, par un mouve- ment de spirale, vers les couches moyennes, qui se meuvent bien plus rapidement que les couches infé- rieures, retardées par le frottement et d'autres ré- sistances. Ceci admis, M. Peslin calcule la valeur du travail moteur qui entretient la tempête et la discus- sion de la formule à laquelle il arrive le conduit aux conclusions suivantes : « Lu tourbillon qui se pro- page dans une atmosphère y trouvera d'autant plus d'aliments pour entretenir sa violence que la loi de décroissance des températures y sera plus rapide. Si la loi de décroissance est plus lente que la loi théo- rique que nous avons donnée pour l'air saturé, l'atmosphère jouit d'une stabilité absolue, et le tourbillon y est amorti au bout d'un faible parcours. lSi la loi de décroissance est plus rapide que la loi théorique donnée pour l'air non saturé, l'atmosphère est dans un état d'équilibre instable, et le moindre tourbillon produit une immense perturbation. Si la loi est intermédiaire, ce qui est le cas ordinaire pour l'atmosphère terrestre, les tourbillons d'une ampli- tude suffisante trouvent passage et peuvent conser- ver leur violence ; mais ceux qui ne s'étendent que sur une faible hauteur dans l'atmosphère seront ar- rêtés ou amortis. Toutes choses égales d'ailleurs, ïe travail moteur créé par le tourbillon, et qui entre- tient sa violence, est d'autant plus grand que l'air de Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 22 LA NATURE. l'atmosphère où il se propage est plus près du point de saturation. s La formation, la persistance et la translation des cyclones dépendent donc non-seulement des condi- tions relatives aux mouvements mécaniques de l'at- mosphère, mais encore de ses conditions thermales et hygrométriques. Cette théorie rend également compte des pluies abondantes qui accompagnent les tempê- tes. Ce n'est qu'après que le point de saturation est, dépassé que le travail correspondant au mouvement ■ ascensionnel devient moteur. La quantité de pluie, versée est la différence entre la proportion do vapeur d'eau contenue dans l'air au moment où il est a-phé par la tempête, et celle qu'il conserve au moment où il est rejeté dans les régions supérieures de l'atmo- sphère tranquille. La hauteur à laquelle s'étend la lenipèle étant généralement assez grande, l'air est rejeté dans les hautes régions à une température plus basse de 20 à 30 degrés que celle de l'air pris dans les régions inférieures, et ne peut retenir par suite que le tiers, le quart nu une fraction plus petite de sa vapeur d'eau piimilive, ce qui explique', les abon- dantes averses qui surviennent si souvent. Une dila- tation considérable de l'air par laquelle la vitesse de l'afflux ascendant est. puissamment renforcée, pro- vient aussi du dégagement du calorique latent ré- ' sultant de ces pluies. Il y aurait à expliquer encore le mouvement de ' translation de la tempête à la surface du globe. Beau- coup d'auteurs qui ont traité des cyclones ont évité la difficulté en se contentant de considérer leur transport comme une simple conséquence de la cir- culation atmosphérique générale. Cette question a besoin d'être mieux étudiée, et il y a lieu de recom- mander des observations nouvelles, faites avec une grande exactitude, aux navigateurs qui rencontrent des tempêtes tournantes. Il y a là pour un hardi ca- pitaine, possédant un solide bâtiment à vapeur, un sujet d'exploration dans lequel il peut rendre d'im- portants services à la science et à l'art do la naviga- tion. De récents travaux du bureau météorologique de Londres sont propres à corroborer les .dées que nous venons de résumer sur la formation des cyclones. M. le capitaine Toynbee, chef de la section maritime du Bureau, a entrepris d'étudier successivement les différentes régions de l'Atlantique, à l'aide d'obser- vations tirées des journaux de bord, en suivant la méthode de Maury, judicieusement modifiée dans quelques détails. 11 s'est tout d'abord attaché à une région très-importante, le carré n° 3 de la division adoptée pour cet océan par M. Marsdeu. Compris d'une part entre l'équatcuret le parallèle de 10° nord, de l'autre, entre les méridiens de 20° et 50°, ce carré est à peu près intermédiaire entre l'Amérique du Sud et l'Afrique ; deux fois par an le maximum thermal le traverse, et on peut suivre mois par mois la marche des alizés, la pression barométrique et les isothermes de la mer et de l'air sur les vingt-cinq carrés qu'il compiend; I'a|izé S,-E. pénètre dans le carré n" 5, tandis que, par suite du voisinage de la cote d'Afrique, l'alizé N.-E. assez peu prononcé dans la région, n'a sa pleine influence que dans le coin nord-ouest du carré, et se trouve si bien rejeté vers l'ouest qu'il se fait sentir sur la cote américaine jus- qu'à la latitude du 4° sud. Pour arriver à des con- clusions relatives au sujet qui nous occupe, nous marquerons sur la figure 2 les aires de liaule pres- sion A et B qui, d'après la carte des isobares moyennes construites par M. Buehau, secrétaire d ' la société météorologique d'Ecosse, se trouvent sur les cotés polaires de la zone des vents alizés et les alimentent. La plus forte pression se produit dans le carré au mois de juillet, avec la prévatonce des alizés S.-E. Le minimum de pression se trouve alors au nord, au-dessus des eaux les plus chaudes, cL M. Toinbee fait remarquer que c'est dans cette, situa- tion que les circonstances sont les plus propres à la naissance des tempêtes tournantes. Eu effet les vents M et >' se rencontrent perpendiculairement de ma- nière à former des tourbillons, et les grandes quan- tités de calorique et d'humidité qui se trouvent dans la zone intermédiaire favorisent leur développement en cyclones. On constate que c'est bien à partir du mois de juillet que ceux des Indes occidentales com- mencent à paraître, et nous venons do pénétrer dans le principal laboratoire où ils prennent nais- sance. F. ZunCHEii. — La siijLiï pi'adianieiEiuiit. — »<>* LE SYSTÈME NERVEUX ET L'ÉLECTRICITÉ (Suite et lin. — Voy. page 1.) KOUVELLES HYPOTHÈSES 1>Ë M. A. 11. GA1MOD. Sortons du domaine des faits, et abordons les hypothèses avec M. A. -II. Garrod; on ne peut nier, dit cet auteur, que des actions se manifestent dans le système nerveux, soit pour recueillir des sensations, soit pour transmettre des volontés; quelle est la source de ces actions? Telle est la question pour laquelle il pense avoir une réponse satisfaisante. 11 admet (ce n'est pas démontre jusqu'à présent), quecesont des courants électriques qui circulent dans les nerfs, et il cherche l'origine de ces courants. Cer- tains poissons, la torpille, le gymnote, le silure ont des appareils spéciaux destinés à produire de l'électri- cité; mais, d'une part, chez ces animaux, ces or- ganes ne constituent pas le cerveau et, d'autre part, il n'existe rien de semblable chez l'homme, les mam- mifères et les oiseaux, etc. ; la comparaison du cer- veau à une batterie électrique n'est pas impossible, mais jusqu'à présent rien ne vient l'appuyer, il faut trouver autre chose. 11 importe de remarquer dès maintenant, que lors même que l'an n'admettrait pas l'existence de Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 23 courants électriques dans les ncrls, il n'y en a pas moins des modiliealions constantes qui se manifes- tent, par les résultats de la .msation et du mouve- ment et, comme toute action, a sa raison d'être, sa cause, il faut chercher une cause plausible : l'ex- plication de M. A. -H. Garrod peut s'appliquer à celle des deux hypothèses que l'on voudra faire. M. A. -H- Garrod trouve la raison d'être du cou- rant (nerveux ou électrique, à volonté} dans la dif- férence de température constante entre le centre et la périphérie de tout corps vivant; on sait que lors- que deux corps de températures différentes sont en communication, il y a passage de la chaleur du corps chaud au corps froid, et que, en même temps, d y a production d'une action spéciale; dans la ma- chine à vapeur, la chaleur passe de la chaudière au condenseur, et simultanément il y a production de travail mécanique; dans la pile thermo-électrique, la chaleur passe de la soudure échauffée, à la soudure froide, et il y a apparition, par cela même, d'un courant électrique dans la barre métallique. C'est ce second exemple qui explique le plus complète- ment l'idée de M. Garrod : il y a courant dans les circuits formés par des nerfs, parce que la partie centrale est à une température plus élevée que la partie périphérique. Pour que cette hypothèse puisse être admise, il faut qu'elle concorde avec les faits connus jusqu'à ce jour; examinons donc si cet accord existe. Tout d'abord pour les animaux dits à sang chaud, la tem- pérature centrale est constante et supérieure à celie de la peau, c'est là un fait incontestable. La tempé- rature centrale des animaux dits à sang froid n'est pas invariable, elle dépend de la température exté- rieure, mais elle est aussi toujours supérieure à la température périphérique. 11 faut remarquer que nous ne voulons pas dire que la température ex- térieure de l'air ne puisse être supérieure à la tem- pérature centrale, mais non à la température de la périphérie de l'être vivant, celle-ci pouvant se main- tenir au-dessous de la température ambiante par l'évaporation, etc. On conçoit alors que dans les animaux à sang chaud où la différence de température est notable, il y ait îles courants plus intenses que dans les animaux à sari" froid ; dès lors il doit y avoir plus de vivacité, [dus d'ardeur dans les premiers que dans les seconds. Ainsi s'explique également bien le sentiment de las- situde, de paresse qui nous accable dans les chaudes journées alors que la température périphérique ne peut rester aussi basse qu'en hiver, au printemps, ou que lorsqu'un vent see vient activer l'évaporation; de même on arrive à concevoir l'indolence des peuples qui habitent les pays chauds, et la vivacité dont font preuve les hommes des climats tempérés et froids; l'effet des bains froids, des douches est d'augmenter la différence de température entre le centre et la périphérie, et par suite, de rendre ceux qui ont été soumis à ce traitement plus vifs, plus actifs, puisque les courants nerveux sont plus intruses, Ou sait, d'autre port, qu'un animal ne peut rester dans un bain dont la température est égale ou su- périeure à la sienne propre, et que la mort suivrait une immersion un peu prolongée : ne serait-ce pas parce que les courants nerveux cessent de se pro- duire, lorsque la différence de température cesse d'exister? Et si l'action ne s'est pas prolongée, s'il n'est résulté qu'une fatigue, une extrême faiblesse, ne disparaît-elle pas par une douche froide, qui ré- tablit les courants nerveux en même temps que la différence de température du centre et de la péri- phérie? Une autre considération vient corroborer les re- marques précédentes : l'organe central du système nerveux, c'est le cerveau, c'est lui qui est la partie chaude du système; s'il produit des courants il faut, de toute nécessité, qu'il perde de la chaleur à chaque instant et, pour que l'action puisse se continuer, il faut qu'il en reçoive à chaque instant autant qu'il en perd, et ce ne peut être que le sang qui, dans son cours continu restitue la chaleur perdue. Or il existe une expérience du docteur John Davy, expérience, qui, jusqu'à présent, n'a pas été démentie, et de laquelle il résulte que le sang qui arrive au cerveau, est à une température plus élevée que le sang qui en sort, ce qui est bien d'accord avec l'hypothèse que nous étudions. On no peut, dire, d'ailleurs, que cette chaleur abandonnée au cerveau par le sang est em- ployée dans le travail de décomposition et de recom- position continuelle de cet organe, car le même raisonnement pourrait s'appliquer au passage du sang dans les muscles, tandis qu'on n'observe aucune différence de température dans le liquide sanguin à l'entrée et à la sortie des masses musculaires. Les idées de M. Garrod, que nous venons de résu- mer, ne présentent rien qui doive les faire rejeter tout d'abord; cet auteur a même répondu par avance à quelques objections qui venaient immédiu- nieut à l'esprit. Ce n'est pas à dire cependant que cette hypothèse doive être acceptée sans restrictions, mais il y a lieu, croyons-nous, d'eu tenir compte et de chercher par de nouvelles expériences à la com- pléter ou à la détruire. «>. LES TÊTES HUMAINES PRÉPARÉES PAR LES INDIENS JIVAROS. Aux confins du Pérou et de la république de l'E- quateur, sur les vastes territoires que traversent les eaux du Maranon, un grand nombre de tribus in- diennes, à peu près inconnues jusqu'à ces derniers temps, vivent au milieu de forêts impénétrables, qui les protègent du regard indiscret des Européens. C'est là, que l'on rencontre une grande famille in- dienne des territoires de Cuença et de Chaehapoyas, désignée autrefois par la Coudamiue, l.apie, etc. , sous le nom de Xibaros, et appelée actuellement Jimros Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 21 LA NATURE. oaJeberoî.Hn savant anthropologisle, bien connu par ses remarquables travaux, M. E. T. tlainy, vient de jeter un jour nouveau sur l'histoire de ces peupla- des, sur leurs mœurs , et principalement sur cer- tains usages caractéristiques, qui semblent permet- tre de les relier à un grand groupe ethnique qui comprendrait tous les sauvages Guaranis. Nous abor- derons directement le sujet, si curieux, et si peu connu, dont cet article est l'objet. « Parmi les usages earartérisques des Jivaros, dit M. Hamy, il eu est un qui est commun à presque tous les Guaranis ; c'est celui qui consiste dans la fa- brication, à l'aide de procédés encore mal connus, de ces hideuses conserves de tètes , que l'on com- mence à voir en certain nombre, dans les musées ethnographiques européens. Du Para et de Cumana à la Cordillère, tous les sauvages guaranis confection- nent avec le chef des ennemis vaincus des trophées ornementés de plumes, de peaux d'oiseaux, etc., et qui ne diffèrent entre eux que par dos détails de pré- paration. Cajas, Mauhès, Mondurucus, Gcntios lira- vos, etc., conservent, à leur façon, le souvenir de j leurs victoires. Et ce sont les dépouilles opimes pré- parées d'une manière un peu différente par les Jha- rosqui ont le plus contribué à faire connaître cette farouche famille indienne. Déjà, au dernier siècle, Manuel Sohreviela avait remarqué que les sauvages , qu'il venait de visiter dans le Pérou oriental « l'ont j bouillir la tête de leurs ennemis. Ils en détachent ensuite Ja peau, qu'ils empaillent et font sécher à la fumée puur eu former un masque. Les dents leur servent à faire des colliers, et ils suspendent les crânes au toit do leurs habitations. » Il ajoutait qu'à un jour fixé on célèbre les victoires de la trihu avec la plus grande pompe dans la maison du cacique, et que les garçons viennent à la fête tenant par les che- veux les masques dont il a parlé. « Ce sont ces masques, ou plutôt ces peaux de la face et du crâne séparées des os qu'elles recouvrent, qui, transportées en Europe, ont principalement attiré l'attention des ethnographes sur les Indiens, jusqu'alors ignorés, du Maranon. Le P. Puswi nous apprend qu'une tète semblable à celles que nous allons décrire s'est vendue à Paris comme une curio- sité au prix énorme de 1,50(1 francs, il y a une hui- taine d'années. « Les tètes préparées par les Jivaros sont aujour- , d'hui moins rares el moins recherchées : nos collec- tions en reuferment jusqu'à trois spécimens, et l'on ■ nous eu signale deux autres en Angleterre. La pre- j miè.ie, envoyée en 1801 par M. Cassola à M. \Y. (loi- I Liert, se trouve sommairement décrite dans les Tran- sactions de la Société ethnologique de foudres ; elle venait d'une hutte des rives de la Pastassa, el l'on supposa que c'était une tète de chef ennemi, « portée comme un talisman dans les combats. » Les téguments détachés des os formaient une petite tète qui paraissait réduite au quart de, son volume primitif. Une corde était fixée au sommet de la tète; une autre était pas- sée dans les lèvres perforées et pendait par devant. Les oreilles étaient percées et les narines réunies étaient remplies de résine noire. M. K. Owen émit l'opinion que c'était le tannage de la peau qui avait amené la réduction de volume. M. Ilollaert inclinait vers la dessiccation devant le feu sur un moule d'ar- gile. « Un second échantillon de l'industrie taxidermi- qiiu des Jivaros, décrit par M. IWriero, a été mon- tré à l'Exposition universelle de Londres de 1862, par don H. de Silva Ferro ; il venait d'une tribu que M. Ilarriero nomme Tarnbo ou Tumba. M. Barriero a fourni à propos de cette pièce des détails intéressants sur l'agent de la dessiccation (une pierre chauffée au feu et introduite dans la peau de la tète), sur la fête du triomphe, sur les superstitions qui s'attachent à la possession de ce genre de trophée ou chancha, transformé, dit l'auteur, eu idole, en oracle, on ta- lisman quand il vient d'un guerrier renommé par sa bravoure '. » Nous devons mentionner nue autre lète envoyée de l'Equateur au Muséum en 18G4, par M. Eabre con- sul général. Elle est l'œuvre de Jivaros appelés Jam- bus, et a montré que, ces tètes réduites, sont bien entières et qu'elles sont dues à des procédés particu- liers. Le caractère saillant de ces préparations est leur extraordinaire réduction. Notre gravure représente en vraie grandeur, un échantillon non moins remar- quable que celui de M. Fabi'fi; c'est une tète due au P. l'o/iii ; elle a été préparée par les Jivaros ; nous l'avons fait de-sincr d'après nature dans les galeries d'analomie comparée du Muséum d'histoire natu- relle, afin de reproduire fidèlement Je hideux aspect de ce tannage monstrueux. C'est probablement en effet, par un certain mode de tannage, que les Jiva- ros, après avoir désossé et vidé la tète, arrivent à lui donner un volume, qui n'excède guère celui d'une orange. Chose singulière, ces conserves, laissent aux traits leur forme première, elles les réduisent sans changer le rapport des proportions primitives. La tète ci-coutre dont la circonférence horizon- tale uc dépasse pas 0"\25, porto de longs che- veux noirs, qui atteignent une longueur de m ,t>5. Les sourcils, noirs sont bien plantés, la peau d'un brun fauve, est brillante, comme du cuir ciré. La victime a un peu de barbe qui forme une petite moustache. Deux orifices percés dans le vertex ser- vent à passer une cordelette destinée à suspendre, l'horrible tète en miniature. Au-dessous de cet échan- tillon, ou voit au Muséum, la couronne eu paille tressée qui ceignait la h te île sou vivant : cette cou- ronne ornée de plumes, noires, rouges et jaunes, me- sure Û 1 ' 1 , M' de circonférence, La courbe dans laréduc- tion opérée par le procédé taxidermique a donc diminué de 50 pour 100. Grâce aux documents communiqués par le P, Louis Pozzi, on sait aujourd'hui « que les tètes préparées * iïuuvcaux renseignements sur Us Indiens Jivaros, paj M. E. T. HaniY. — Revue d'anllirojiologui. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires ( -fianchu uu tt'le rtiduitc par Les Indiens Jivaros. (tiriiurfeLii: naturelle de lu prépurdUm.) Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 20 LA NATURE. parles Jiiaros, sont comme toutes celles des tribus guerrières de l'Amazone, de véritables trophées, tt Ils laissent croître leurs cheveux, dit le missionnaire, et ils en (orment une longue tresse à laquelle ils atta- chent le plumage, d'oiseaux ]jar eux abattus. Quand ils vont en guerre, et quelquefois aussi pendant les fêtes solennelles, ils suspendent à celle tresse les tètes des ennemis tués de leurs mains. » L'étude de ce curieux trophée, n'offre pas seule- ment l'intérêt d'une simple curiosité, elle fournit, comme on l'a dit précédemment des arguments d'une valeur véritable en faveur de l'assimilation des Jiva- ros à la race guarani et offre à ce point de vue une incontestable importance au point de vue anthropo- logique. « Les armes, dit M. Ilamy, les ornements variés, les peintures, etc., que nous connaissons àces mêmes Indiens; la lance, la javeline et la sarbacane, le bou- clier îond, la couronne de plumes ou de peau de singe, les colliers de dents d'hommes, de singes et de jaguars, les ornements en graines noires., blan- ches et ronges, les roseaux, qu'ils se. passent dans le lobule de l'oreille pour y lixer des plumes, les pein- tures jaunes et noires dont ils s'ornementent le corps, tout cela est commun aux Jivaros et à la plupart des Indiens de l'Amazone, du Brésil ou de la Guyane. Nous ne pouvons pas entrer dans le détail des assimi- lations, qui se présentent, en trop grand nombre. ISornons-iious à constater que nous sommes amenés par l'ethnographie, aussi bien que par l'étude de la nomenclature ethnique à classer les Jivaros parmi les Guaranis, et par conséquent à reporter vers l'est, jusqu'aux, bords de la rivière Cinncqie, la limite con- nue de ce grand groupe ethnique. Déjà, dans le Sud, d'Orbigny a trouvé les derniers Guaranis sur les pre- miers contre-forts des Andes boliviennes. 11 en est de même plus au nord, et une partie des vastes ré- gions laissées en blanc sur la carte ethnologique de l'ricbard peuvent, presque à coup sur, recevoir, dès aujourd'hui sur cette carte la coloration générale attribuée aux pays de race brcsilio-guaranienne.il manque à cette délimitation nouvelle la sanction de l'anthropologie descriptive, qui, nous l'espérons, ne se fera pas trop longtemps attendre. » Complétons ces document- si curieux, par quelques aperçus empruntés au même auteur, sur la physio- nomie et les mœurs de ces sauvages. « Quelque in- complètes et vagues que soient les descriptions con- nues des Jivaros, nous devons les reproduire avec les quelques développements, qu'ont pu leur donner les voyageurs. Ils nous montrent les Jivaros d'une taille svelte, dépassant un peu la taille ordinaire chez les hommes, plus petite que la moyenne chez les fem- mes. Le corps est bien pris; les membres sont bien musclés, robustes et agiles; la constitution est forte et saine. On ne nous dit rien de la l'orme de la tète; la face parait être orthogna'he ou peu prognathe; le front est découvert, le nez aquilin, parfois un peu re- courbé ; les yeux sont petits fit noirs, horizontalement dirigés et très-animés ; les lèvres sont minces et le? dents d'un blanc d'ivoire. Les cheveux, habituelle- ment fort noirs, sont parfois d'un brun roussâtre; la barbe est rare, et lorsqu'elle est plus apparente, on l'attribue, connue le teint clair de quelques indivi- dus, au croisement avec les Espagnoles. « Il n'y a, malheureusement, dans ce portrait du Jivaro rien de bien caractéristique. Au moral, le Jivaro met au service des goûts les plus belli- queux, un courage à toute épreuve et une remarqua- ble astuce. Son caractère est indomptable, et il pousse au plus haut degré l'amour de son indépendance 11 parle généralement un des treize dialectes mention- nés par Yelasco. Quelquefois, comme chez les Aguam- nas, il s'y joint un peu de quechua; if paraît même que les noms do nombre au-dessus de cinq sont em- pruntés à celte langue, et Mateo Paz Soldan a pu croire, avec quelques autres écrivains, que certains Jivaros auraient clé jadis soumis par les lucas. )) LE PAYS DES DIAMANTS L'Académie des sciences, dans sa séance du T> no- vembre, s'est occupé de ces diamants du Cap dont l'arrivée sur les marchés européens n'a pas été sans influer d'une manière sensible sur les cours habi- tuels. Avant de parler de la constitution et de la nature de ces diamants, il nous semble utile de don- ner quelques détails géographiques sur le pays où ou les recolle. Sur la côte occidentale d'Afrique, au-dessus du Cqi de lionne-Espérance, s'étend la colonie de Natal j qui e~t devenue en peu d'années l'entrepôt de toutes les marchandises de l'intérieur et principalement des deux républiques d'Orange et du Trausvaal, privées de communications directes avec la mer. Ces deux Etats ont été fondés par des boërs, co- lons descendants des Hollandais, anciens possesseurs du pays. La république du Trausvaal, qui nous oc- cupe particulièrement, située en plein pays des nègres Betjouanas, est bornée au nord par le Limpôpo, au sud par le Vaal, affluent du Gariep, ou Orange. Avant la découverte des diamants, la population ne s'éle- vait guère au-dessus de 50,000 individus dont la moitié appartenait à la race blanche. Les richesses minérales sont nombreuses, ce sont le fer, l'étuin, le plomb, la terre à porcelaine, l'ocre, l'alun, le salpê- tre, le charbon de Lerre, etc. Cependant, aucune de ces richesses n'aurait été exploitée, si la découverte de l'or n'avait appelé l'attention universelle sur un pays dont le nom était à peine connu eu Europe. Un voyageur allemand, Cari Mauch, fut le premier qui rapporta de ses courses aventureuses quelques échan- tillons de quartz aurifère. Eu 1867, il adressait au gouvernement de Natal un rapport favorable sur des mines d'or qu'il avait découvertes. Le bruit n'en fut pas plus tôt, répandu qu'une foule d'émigrants et de mineurs venus d'Angleterre, d'Australie et d'Amé- rique fondirent sur le Trausvaal, Les routes s'ouvri- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 27 rent, les villes se bâtirent et il ne fut bientôt plus possible de reconnaître ces vastes prairies aux fleurs éclatantes, où paissaient naguère des gazelles, des éléphants, des girafes et tous les animaux de l'Afri- que australe. Mais les résultats n'avaient pas répondu aux espérances qu'on avait conçues, déjà bon nombre de mineurs avaient quitté le pays lorsqu'on rencontra des pierres précieuses dans les deux distritets de Blooin- fiintein et de Potchefstroom. Les endroits les plus fertiles en diamants, c'étaient les rives des deux Vet- Fluss, affluents du Vaal et les champs de Pniel. Gé- néralement on les trouvait soit isolés, soit enfermés dans des gangues, niais toujours au milieu de galets fluviatiles et de blocs de quartz, gros comme une noix, et de morceaux de 1er noir, — L'année der- nière, dans les camps de Du Toits-pan 40,000 hommes retournaient le sol avec une activité fiévreuse, creu- sant des puits, lavant et triant des diamants. On ne peut imaginer l'aspect de ces villes étranges où l'on rencontre à côté de tentes, do voitures, de maisons en bois ou en fer, de huttes de terre ou de paille, des hùtels, des boutiques, des magasins aussi bien assor- tis qu'à Londres. Quelques mineurs ont fait leur for- ! tune d'un seul coup, tandis que d'autres fouillent j vainement le sol. Grâce à cette fièvre qui dure depuis déjà plus de quatre ans, ou s'obstine à chercher une fortune rapide mais bien aléatoire, lorsqu'on a sous la main tous les éléments de la richesse: un sol éton- namment fertile et d immenses prairies favorables à ; l'élève du mouton. G. M. LES PHOQUES DU LAC BAIKAL M. P. Dybowski, publie dans les Arckiv. fur Ana- tomie Physioloi/ie, etc., une curieuse étude sur les principaux habitants du grand lac de la Russie d'A- sie, dont les eaux douces, et très-profondes, s'éten- dent comme on le sait sur une surface considérable. Selon M, Dybowski, lit-on dans les Archives des sciences physiques et naturelles de Genève, où le rédacteur reproduit le travail du savant naturaliste, les phoques seraient assez communs dans le lac Baïkal ; cependant on a peu d'occasions de les obser- ver. Les habitants du pays assurent qu'ils ne vien- nent jamais ramper sur le rivage. L'époque du rut tombe sur les mois de juillet et d'août, et l'accou- plement a lieu à la surface de l'eau. Los jeunes vien- nent au monde après six ou sept mois de gestation, c'est-à-dire en janvier ou février, et sont déposés sur la glace. Ils diffèrent des adultes parla forme de leur corps et par leur pelage. Leur longueur est relative- ment assez considérable, puisqu'ils ont au moment de leur naissance O^.O'J et qu'ils ne semblent attein- dre à l'état adulte que 1"\30. Par contre le contour du corps n'est que defj m ,33, tandis qne chez l'adulte il est près de l m ,20. Le développement du nou- veau-né est très-avancé ; il n'y a point de fontanel- les, le crâne est complètement ossifié, et les sutu- res n'offrent qu'une très-mince couche de cartilage, Kn avançant en âge l'animal augmente beaucoup plus rapidement on circonférence qu'eu longueur. Les jeu- nes d'une aimée diffèrent peu des nouveau-nés pour leur longueur, tandis qu'ils l'emportent déjà beau- coup sur eux en corpulence et en poids. Cette parti- cularité explique comment il se fait qu'on ait pris souvent des jeunes pour des adultes. Ainsi, selon M. Dybowski, G, Radde a pris un jeune de sept à huit mois pour un animal de trois à quatre ans. Depuis le commencement de janvier, les phoques doivent vivre sous la glace qui recouvre le Baïkal jusqu'au milieu de mai. Gomment, pendant ces qua- tres mois, viennent-ils respirer à la surlace? C'est mie question à laquelle l'auteur ne peut pas répon- dre d'une manière complètement satisfaisante. Entre Kultuk, LisWinitschuaja et Wydrenuaja, c'est-à-dire dans toute la partie sud du lac étudié par M. Dybowski, et comprenant une longueur d'environ 90 verstes, ou ne peut découvrir pendant l'hiver aucune ouverture dans la glace; celle-ci a partout une épaisseur de 0'",fi0 à 1 mètre, et l'on n'aperçoit pas la moindre trace des phoques. Vers la (in de mars seulement, ou dans les premiers jours d'avril, ou commence à trou- ver, au moyeu de chiens dressés dans ce but, les sou- piraux servant à leur respiration. On y place des filets f'ails de crins de cluval pour prendre déjeunes phoques. Ces orifices varient de forme et de gran- deur; ils consistent généralement en trous courts, infundibuliformes , élargis dans le bas. Un soupirail de ce genre, observé par M. Dybowski à sept ou huit verstes du rivage, formait un trou d'un mètre de diamètre percé dans une glace de 0"',60 d'épaisseur, à une place où le lac avait une profondeur de 8u0 mè- tres. L'auteur suppose que ces voies de communication avec l'extérieur existent depuis la formation de la première glace, mais qu'on ne peut les découvrir dans le commencement de l'hiver au-dessous de la neige. Selon lui, ces orifices sont produits par les phoques eux-mêmes, sans qu'il soit encore possible de dire comment ces animaux s'y prennent pour les percer et les maintenir ouverts. ~0>. LES APPLICATIONS DE LA PHYSIQUE Par M. Amédée Guillehih l . L'auteur du Cis/ et des Phénomènes de la physi- que n'a pas besoin d'être recommandé au public ; depuis l'apparition de ce premier ouvrage qui, plu- sieurs fois réédité en France, a été traduit dans pres- que toutes les langues, M. Guillemin est accoutumé au succès. Le nouveau vol unie qu'il vient de faire paraî- tre, offre un grand intérêt; jamais sujets plus riches, 1 Un volume grand in-8", contenant 427 figures st 22 »ian- nties, — - h. Hachette. Paris, 1874, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 28 LA NATURE. plus merveilleux ne se sont offerts à un écrivain : reproché le manque d'animation, de mouvement à la les applications de ta physique, ne comprennent- manière de (aire de M. Guillemin, mais nous préfé- elles pas en effet mie grande partie des prodiges ai:- rons aux lirillauts effets d'un style coloré, la clarté complis par l'industrie moderne? Ou a quelquefois la méthode, la précision, qui, ne l'oublions pas, sont Chemin île fi:r atiuosubérique [|c Mcw ïuik. Le Ulbe iùlérieur d'un wu^on. Explosion des torpilles par l'électricité. — Système de délen&e des fOllb et des cdle* du général Chazal. les bases fondamentales du livre scientifique. Nous empruntons à ce bel ouvrage quelques passages qui ont vivement excité notre attention. CHEMIN I1E FER ATMOSPHÉRIQUE VF. SEW VOHK. On vient de construire à New York, un petit che- min le fer atmosphérique d'une faible longueur, menant de Warreri street à l'extrémité la moins éle- vée de la cité près de la rivière du Nord. Le tunnel de forme cylindrique porte à sa partie inférieure deux rails sur lesquels se meut un véhicule unique de voya- geurs, qui a à peu près le même diamètre que le tunnel à l'intérieur de ce wagon. On conçoit bien que ces applicationsde lapression atmosphérique comme Droits réservés au Cnam et à ses partenaires La nature. 20 force motrice sont plutôt des expériences intéres- santes, dont le succès en petit n'a rien de difficile, mais qui, à moins de perfectionnements non encore réalisés, ne parafent pas susceptibles d'être mises en pratique sur une grande échelle. Ce n'est guère que dans les villes très-étendues et très-populeuses qu'un réseau souterrain de tubes pneumatiques pour- rait être établi avec de grands avantages pour la cir- culation rapide des paquets et des dépêches télégra- phiques ou. postales. EXI'LOSIOH DES TORPILLES, L'explosion des premières torpilles n'était pas pro- duite par l'électricité. Mais on songea bientôt aux avantages pouvant résulter d'une inflammation à dis- tance, et qui restait à la volonté des autorités char- gées de la défense. L'ex-ministre de la guerre eu Belgique, le général Chazal, a combiné l'emploi de l'électricité avec celui de la chambre noire, d'une façon très-ingénieuse pour la défense de l'Escaut par Balance huscinuf servant à déposer un poids déterminé d'argent, dans l'opéryiion de l'argcnUire galvanique. les torpilles. Sous une tente protégée par un terre- plein, se trouve disposée la pile ou l'appareil d'in- duction qui détermine la production de l'étincelle. Là aboutissent séparément tous les fils qui relient électriquement les lignes des torpilles à l'appareil, et chacun d'eux est numéroté, de façon à rendre toute erreur impossible. Sur une table est placé un plan de l'Escaut, où les positions des lignes de torpilles sont indiquées, et qui n'est autre chose que la reproduc- tion de la projection optique du fleuve par l'appa- reil de la chambre noire disposé au sommet de la tente. Supposons qu'un navire ennemi soit aperçu remontant le fleuve. L'officier chargé de la surveil- lance et du commandement pourra suivre de minute en minute la position qu'il occupe relativement aux lignes d'immersion des torpilles. Au moment oppor- tun, il donnera l'ordre au marin chargé de l'appareil électrique, et indiquera le numéro du fil dont celui- ci doit fermer le circuit. Aussitôt l'explosion aura lieu. Des expériences laites, il y a quelques années, ont été, paraît-il, couronnées de succès. — Paris, pendant le siège, eut les abords de ses remparts et de ses forts protégés par un réseau de torpilles. Mais aucune attaque de vive force n'ayant eu lieu contre la grande cité, de la part de l'armée assiégeante, ce système de défense, d'ailleurs parfaitement organisé, n'a joué nécessairement qu'un rôle préventif. DORURE ET ARGEIVTURE GALVAHIODK. On peut, dans les opérations de dorure et tt'argeu- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires r,o LA NATURE. turc galvanique, employer un appareil qui règle au- tomatiquement la durée de. l'opération toutes les fois qu'on veut déposer, sur les olijut s à recouvrir, un poids fixé d'avance du métal précieux or ou argent. Cet appareil imaginé, par Roseleur, n'est autre qu'une balance disposée comme l'indique la figure ci-dessus. A gauche, on voit l'appareil placé au-dessous du fléau, de manière que les objets à dorer ou à argen- ter soient supportés par ce dernier, lorsqu'ils plon- gent dans le bain. Une tringle horizontale, fixée à la colonne de la balance, porte d'un calé, l'anode so- luble qui plonge dans le bain, et communique de l'autre avec le pôle positif de la pile. L'autre fléau porto, un double bassin : dans le bassin supérieur ou place une lare qui produit l'équilibre et maintient le lléau horizontal. Dans eette position, le courant ne passe pas, attendu que les tringles portant les objets qui doivent former le pôle négatif no communiquent pas avec la pile. Mais si l'on place alors dans le se- cond bassin de la balance, les poids marqués formant le poids du métal précieux qu'on veut déposer sur les objets immergés, l'équilibre est rompu, le fléau penche vers la droite ; une pointe métallique dont il est muni plonge dans un godet rempli de mercure relié au pôle négatif de la pile, et. dès lors le circuit est fermé; l'opération commence. L'opération dure, sans surveillance, tant que lu dépôt n'a pas atteint l'eteèsde poids déterminé ; mais aussitôt que cette li- mite va être dépassée, l'équilibre se rétablit, ïï con- tact cesse, et le courant est interrompu. »<~ CHRONIQUE Kooire me nouvelle comète. — M. (loggia, as- tronome, à l'Observatoire de .Vai>cille, a découvert lu 10 novembre une comète, qui semble parcourir le même orbe nue celle, tic 1818, découverte également à l'Observatoire do Marseille, par l'ons. ta période de cet astre serait de !jj ans, à moins qu'il n'ait passé une (ois sans être aperçu auquel cas celte période serait réduits à 27 ans 1/2. Dans son apparition de 1X18 cette comète était assez brillante pour que l'on ait pu facilement l'apercevoir à l'œil nu. Contrairement a ce qui était arrivé pour la co- mète de 1811, les paysans attribuèrent à ce corps céleste, beaucoup moins brillant, une. influence néfaste. Ils le dé- clarèrent coupabls des nombreux orages qui ravagèrent alors la France. Cette année, il est probable que la comète slissera inaperçue, site n'est des astronomes, cependant elle sera très-voisine de la terre à la lin du mois de novem- bre. Quoique le noyau ne soit pas destiné à nous rencon- trer M. Le Verrier a recommandé aux correspondants de l'Association sricutifique de France, de fane des observa- tions pendant les nuits de la fin de novembre et du com- mencement de décembre. Le savant astronome pense que le corps principal de la comète, peut être accompagné de corpuscules situés à quel- nue distance et susceptibles d'êtres rencontrés. Ces matiè- res célestes donneraient naissance à des apparitions d'é- toiles tilanfes, si elles venaient à loucher le» hautes régions atmosphériques. La recherche des étoiles filantes pondant la nuit du 2(1 au 27 uovembre, n'a produit aucun résultat, ce qui dotait être puisque la comète Biela a passé l'an dernier. \ jouis. Ce vieillard avait conservé toutes ses facultés jusqu'au dernier jour : l'oreille seule était devenue un peu dure. 11 demeurait auprès de sa fille, âgée elle- même de 70 ans, et vivait d'une petite pension que lui riavait le bureau de bienfaisance et des dons que lui faisaient ses nombreux visiteurs. Un des derniers curés de la commune a également dépassé l'âge de 100 ans. Mesure de la force de projection des torpil- les. — La photographie instantanée a été utilisée derniè- rement sous la direction de M. le lieutenant Abney, dans des expériences militaires, où l'on voulait juger île h force de projection, obtenue avec des substances explosives de Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. diverses natures servant a charger les torpilles et bombes sous-marines. Dans ces expériences, on enterrait la tor- pille à. marée basse, on la déchargeait au moyen d'un courant électrique à marée haute, on notait photogrnphi- quement la hauteur à laquelle atteignait la colonne d'eau piojotée en chaque cas en l'air, et puis, à marée basse, ou notait encore l'étendue du cratère Formé sur la côte par l'explosion. Dans chaque expérience, la chambre pho- tographique a rempli sa mission d'une manière extrême- ment satisfaisante. (Journal de Saint-Pétersbourg.) Tunnel nous 1 JlticUon. — Il vient de se former aux LtaLs-Lnis une compagnie qui se propose de relier ^c^v-Vork à Jer.sey-City, par un tunnel gigantesque pas- sant anus l'Uudsnn, Les travaux qu'il s'agit d'exécuter sont considérables : ils offriraient des difficultés sérieuses, mais non insurmontables, et les actionnaires de la nou- velle société espèrent un succès magnifique. Le capital à souscrire devra être de 3 millions de dollars. --*>* ACADÉMIE DES SCIENCES Séance du 8 décembre 1875. — Présidence de M. de Ql'itrkfagks. M. Gay. — A l'issue de la séance, le président an- nonce la peile que l'Académie vient de fa re en la per- sonne de)i. Cay, et regrette qu'aucun botaniste ne soit là [loue résumer les services rendus à la science par ce cé- lèbre et modeste chercheur. Nous rappellerons que son nom est attaché h une immense étude sur le Chili, qui suppose chez celui qui l'a menée à bonne fin les aptitudes les plus variées. M. llay fut si préoccupé de cette œuvre de toute sa vie, que, bien peu de temps avant sa mort, il se pfnsait encore â passer eu revue au .Muséum les échan- tillons géologiques qu'il a rapportés de ses explorations dans l'Amérique du Sud. La levure de bière. — Pour les amis des discussions urageu>es, la pièce importante de la séance est le mémoire lu par M. Trécul, au sujet de la levure de bière. L'auteur, eu effet, continue sa campagne contre 31. Pasteur, avec toute la force dont peut disposer un botaniste luttant con- tre un chimiste qui s'est fourvoyé dans la botanique. On sait que M. Pasteur n'use pas toujours avec ses adversaires d'une modération exemplaire de langage ; M. Trécul le lui rend bien aujourd'hui. Montrant comment les diverses parties des travaux botaniques de Al. Pasteur sont peu concordants, M. Trécul lit celte phrase que nous avons sténographiée au vol : « Je ne puis voir là qu'une de ces assertions équivoques, comme on en rencontre tant dans les travaux de M. Pasteur, b Ou conçoit que M. Pasteur voulait répondre sur-le-champ, et M. Balard s'est joint à lui pour essayer de lui faire obtenir la parole; maïs des amis mieux avinés du célèbre chimiste lui ont persuadé de remettre sa réplique à. lundi prochain. Il s'agit là, en effet, des questions les plus délicates de la micrographie, et M. Trecuf ne passe pas pour voir mal, Analyse spectrale des étoiles. — Plus fructueuse pour la science sera sans doute cette autre discussion, qui a cninmeucé aujourd'hui entre MM. Dumas, Le Verrier, Wurlz, Bcrthelot et Janssen, au sujet des recherches de M. Norman Lnckyer sur la spectroscopie stellairo. Le savant anglais, après avoir perfectionné les métho- des d'observation au point do pouvoir, dans une journée, étudier 5,000 coïncidences de raies spectrales, arrive aux deux conclusions suivantes : I" Les métaux seuls et l'hydrogène donnent des raies fines. Les métalloïdes et les eorjis composés déterminent l'apparition de ces bandes plus ou moins larges dé.ignées sous les noms de colonnes et de barres. '£' Lorsqu'on examine les étoiles, on est conduit, d'après l'examen de leurs raies spectrales, à les répartir en trois catégories dont le soleil, Sirius et les étoiles rouges peu brillantes sont les tvpes. En effet, dans le spectre du soleil, des raies fines indi- quent d'après leur position la présence de l'hydrogène, du magnésium, du calcium, du 1er, du strontium, du eérium, du cuivre, du plomb, du potassium, du sodium, e!c. Et l'on peut remarquer que tous ces métaux donnent des oxydes irréductibles par la chaleur seule. Si on examine ensuite les étoiles les plus brillantes, telles que Sirius, ou voit que l'hydrogène est beaucoup plus abondant. A coté de lui apparaît le magnésium.. Au contraire, dans les étoi- les moins brillantes, les étoiles rouges, on trouve, non plus des lignes fines comme précédemment, mais les bar- res it les colonnes caractérisant les corps non métalli- ques, comme h vapeur d'eau, et la combinaison des inélaus avec d'autres substances. D'après ces faits, l'auteur pense que dans les diverses régions du ciel la matière peut n'être pas dans le même état de condensation. On se rappelle que Lavoisier regar- dait les éléments de la chimie, non pas comme des corps indécomposables, mais seulement comme des corps indé- e, imposés. Toutefois ce fait que le soleil lui-même avec les rnnjens dont il dispose, n'a pas réalisé la décomposition de nos corps simples, portait à penser que ceux-ci sont bien réellement élémentaires. Or, d'après 31. Lockver, il faudrait s'attendre a trouver dans les étoiles plus chaudes que le soleil nos éléments soumis aune véritable dissocia- tion, et réduits en éléments plus élémentaires encore. Ou pourrait même croire que le passage de ces éléments à l'état où sont nos corps simples a du mettre en mouvement une quantité énorme de chaleur, qui apporte un appoint important à l'entretien de la température dis étoiles. Ces conclusions soulèvent néanmoins des questions de thermochimie, que M. Berlhelot s'empresse de signaler. La loi de Dulong, d'après laquelle la chaleur atomique de tous les corps simples est la même, fait de ces corps des substances tout a fait à part, et dont la complexité est bien difficile 2t admettre, en présence des propriétés thermi- ques si différentes des substances composées. D'ailleurs M. Wurtz fait remarquer que l'existence de l'hydrogène n'autoriserait pas à penser que ces éléments, en se con- densant, donneraient de l'hydrogène. Ce peuvent être très-bien des corps simples analogues aux nôtres, quoique différents. M- Jaussen ajoute que tout en s'associant à ces réserves, il est d'avis que les diverses couleurs des étoiles, bleues, blanches, jaunes et iviiges, indiquent des états successifs d'un refroidissement de plus en plus avancé au fur et à mesure duquel certaines combinaisons, jusque-là empê- chées par la dissociation, deviennent possibles. Il saisit l'occasion pour rappeler qu'il a émis ces idées bien avant M. Lockyer et pour protester de la satisfaction que lui in- spirent les confirmations de l'astronome anglais. C'est alors que toute cette discussion, jusque-là si ex- clusivement scientifique, a failli prendre un tout autre ca- ractère. M. Dumas, d'une voix émue, s'est empressé d'ap- puyer la réclamation de M. Janssen etd'eiprimer sa dou- leur de voir celui-ci, pendant que nos voisins d'oulre- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires S2 LA NATURE. Manche sont si admirablement outillés, absolument privé do moyens de Iravait.A ces mots, M. Le Verrier, comme si sa chaise eût subitement livré passage à. un cent d'épingles, se lève brusquemuii t : « Ce n'est pas ma faute, dit- il, s'il en est ainsi, et je suis le premier à le déplorer ; si cela dé- pendait de moi cet état de choses ne durerait pas long- temps, etc... » Cependant, comme personne ne l'avait nommé on peut s'étonner de cette susceptibilité. M. le directeur de l'Observatoire a dépensé toute son éloquence pour dire qu'il lui semblait dommage de compromettre d'admirables travaux pour des conséquences hasardées. Il regarde tout ce qui a rapport à une évolution des étoiles comme absolument faux et suivant lui, si les étoiles étaient en passe de se refroidir, il y a longtemps maintenant qu'il n'y en aurait plus une seule assez chaude pour rayonner. On doit conclure de cette affirmation que M. Le Verrier sait la température des étoiles, la vitesse de leur re- froidissement, l'époque depuis laquelle elles se refroidis- sent, etc. Mais il aurait bien dû, à cet égard, donner à l'assistance quelque éclaircissement. Espérons qu'il y reviendra. Structure de l'œuf. — 11 y a déjà quelque temps, M. Balliam, étudiant des œufs d'arachnides, trouva qu'à côté de la vésicule germinative, il s'en trouve une autre qui avait passé inaperçue. Poursuivant ses recherches il trouva que la nouvelle est justement !a véritable vésicule germinative et que l'autre, désignée jusque-là sous ce niim, est réellement une vésicule nutritive. Cesfaits intéressants ont été confirmés pour les œufs de poisson osseux. Or, l'auteur constate aujourd'hui que la vésicule germinative de ces œufs est réellement une cellule toute organisée et do plus que celte cellule est fournie de toute pièce par ia paroi de l'ovaire où l'œuf s'est formé. Il y a là, quant à la transmission de la vie des parents à leurs descendants, un fait dont l'importance capitale n'échappera à personne. Poissons et poisons. — Au point de vue de l'unité des phénomènes physiologiques, le travail publié aujourd'hui par MM. Raliuteau et Femaud l'apillon est digne d'atten- tion. Ces expérimentateurs ont reconnu, en effet, que dure les poissons les matières toxiques diverses fissent rigou- reusement de la même manière que chez les mammifères et les oiseaux. Rivoli! miocène à Fre/mes-lès^Rimyis. — Dans une note que M. Daubrée présente à l'Académie, nous signa- lons le village de Fresnes, comme situé précisément sur le littoral de la mer qui, au début de l'époque miocène, nourrissait en abondance les huîtres cyathules. L'examen de la couche où sont contenues ces coquilles, nousafourni en abondance de petits galets calcaires dont la présence suppose forcément le voisinage d'un rivage battu par les flots. De plus ces galets calcaires sont fossilifères et les coquilles qu'ils renferment montrent qu'ils ont été arra- chés à des assises de calcaire de Saint-Ouen. C'est donc ce dernier terrain qui constituait les falaises à l'époque où Fresnes aurait pu être un port de mer, si les hommes eus- sent existé. Stanislas Mecmkr. DE YERNEML Parmi les membres de l'Institut que l'année 1873 a moissonnés, un des plus regrettables est certaine- ment M. de Verueuil, académicien libre. Le fauteuil que cet homme de bien avait rempli si dignement est aujourd'hui occupé par M. de Lesscps. M. de Verneuil appartenait par sa naissance et par ses alliances à la haute aristocratie française, no- tamment à la famille de Rroglie qui a hérité de sa fortune sauf les legs faits aux sociétés savantes, et particulièrement à ta Société de géologie dont il fut un des fondateurs. Quoiqu'il pût prétendre aux fonctions les plus éle- vées de l'Etat, il professa pendant toute sa carrière la plus profonde indifférence pour les intrigues poli- tiques, et le plus grand éloiguemeiit tant pour le monde que pour les cours et les antichambres des ministères. M. de, Verneuil était toujours occupé à augmenter ses collections de géologie, à les classer, à les décrire. Elles étaient devenues si considérables pendant les dernières années de sa vie, qu'il eut un procès avec le propriétaire de la maison qu'il occupait rue de Varennes parce que ce personnage craignait qu'en entassant tant de morceaux de roches et de pierres, on lit écrouler son immeuble. Ces échantillons venant de pays lointains avaient été souvent recueillis sur place par M. de Verneuil, qui exécuta de très-longs vojages d'exploration, toujours à ses frais. Nous citerons au nombre de ces grandes excursions , l'exploration des monts Ornais , avec iMureliissoii , qui devait plus tard devenir le directeur du geological Survey d'Angle- terre, et qui grâce à cette grande entreprise scienti- fique put concevoir la pensée de son grand ouvrage Siluria. La théorie des gisements aurifères, eomplélemcnt inconnue quand M. de Verneuil partit pour la Russie, est un des Iruits de ces explorations. 51. de Verneuil exécuta sept voyages successifs en Espagne avec M. Edouard Collmub, et le résultat de ces campagnes scientifiques, longues et pénibles, fut la publication de la carte géologique de ce beau I pays. Grâce à ces travaux, renseignement géologique fut créé en Espagne. Si M. tiollomb avait été Anglais sans doute qu'il eût été récompensé, comme le fût Murchisson. Mais comme il a l'honneur d'être Fran- çais, il ne recueillit aucun fruit de ses longs tra- vaux. M- de Verueuil a fait au Vésuve une multitude d'excursions, notamment pendant la grande éruption de 1872, où il partagea volontairement lous les pé- rils de M. Palmieri : arrivé trop tard pour assister au commencement de l'éruption, il se dirigea à l'ob- servatoire vésuvien au moment où les populations fuyaient épouvantées. C'était un magnifique specta- cle que do voir ce vieillard s'avancer presque seul au milieu d'une pluie de feu , bravant la mort pour jouir d'un admirable phénomène et pour assouvir la soif de savoir qui le dévorait. Le Propriétaire-Gérant : G-. Tissaxdiek. Cofbeil. - Typ. et slér. Ci^.ih . Droits réservés au Cnam et à ses partenaires iV 29. — 20 DÉCEMBRE 1873. LA NATURE. 53 LES HOUYELLES DÉCOUVERTES PALÉONTOLOGIQUES DU PHOFESSEUR MARSH. Parmi les nombreux animaux d'espèces éteintes découverts récemment aux États-Unis dans les ter- rains tertiaires delà région des montagnes rocheuses, quelques-uns des plus remarquables sont des mam- mifères gigantesques, provenant des dépôts éocènes de Wyoming im- porte doue de les faire connaître , et des renseignements exacts sur ces fossiles sont d'autant plus opportuns qui: des erreurs ont été com- mises à ce sujet. Ces animaux égalaient presque l'éléphant par la taille. La tôle osseuse , longue et étroite a trois paires de cornes Lien sépa- rées entre elles. La mâchoire supérieure est armée de grandrs défenses combes , dirigées en bas, con- stituées par les ca- nines et rappelant celles des Morses , mais elle est dépour- vue de dents inci- sives. Les molaires, au nombre de six, sont très -petites et d'une forme parti- culière. On a trouvé plu- sieurs espèces de ce lype mammalien remarquable, mais toutes ne peu- vent pas encore être décrites avec certitude. L'espèce typique du groupe, le Dirwceras ancefis, fut décou- verte en septembre 1870. En 1872, le professeur Cope donna le nom de Loxolophadon semicinclus à une espèce analogue à celle dont it va être question, et dont une de nos gravures représente un type très- voisin, le Loxolophodon comutus. Le musée de Yale-College possède aujourd'hui les débris d'un grand nombre d'individus appartenant à l'ordre des Dinocerata auquel se rapportent les types de diverses espèces déjà décrites par le professeur Marsh l . Celles-ci sont toutes représentées par des pièces bien caractérisées, et l'une d'elles, le Dinoc.e- ras mirabilis, par une tête entière et un squelette 1 Amej-icati Journal o[ Scienrr and Art». i«73. t. VI. !' umt. — {•• nuun i. Dinot^r.is mirabilis. — 5. Lotolophodon cornulua. presque complet. Cette circonstance a permis à l'au- teur de déterminer avec certitude les caractères et les affinités de ce très-singulier groupe d'animaux. La plupart des caractères crâniens ont été constatés sur une tête dans un état de conservation parfaite, et que représente la gravure ci-dessous. Cette tète est remarquablement longue et étroite, Les trois paires de cornes osseuses qui la garnissent s'élèvent successivement l'une au-dessus de l'autre, et l'énorme crête qui entoure la concavité profonde du siuciput contribue, ainsi que les grandes défenses décurrentes , à lui donner un aspect sin- gulier dont aucun au- tre animal vivant ou fossile ne nous offre d'exemple, La struc- ture de la tête nous présente aussi plu- sieurs particularités intéressantes à no- ter. L'os sus-occipital est très-développé , et après s'être élevé au-dessus de la Imite crânienne, constitue une crête énorme qui se prolonge oblique- ment eu arrière au delà des condyles. Antérieurement, cette crête se conti- nue de chaque côté, obliquement, au- dessous des fosses temporales, qui sont très- grandes. Les portions latérales sont formées essen- tiellement par les pariétaux; les cornes de la paire posté- rieure en naissent et au-dessous de ceux-ci elle présente en dedans un épaississement. Eu avant de ces cornes les crêtes s'abaissent rapidement et s'effacent presque entière- ment au-dessus du centre des orbites. Les cornes dont il vient d'être question sont plus hautes que les cornes antérieures et leur sommet est obtus et aplati trans- versalement. Les os frontaux ne donnent niissauce à aucune apophyse post-orbitaire, et les orbites ne sont pas séparées des fosses temporales. L'os squa- meux constitue la partie inférieure de la fosse tem- porale et envoie vers le bas un prolongement post- glénoïdal très-fort ; une apophyse zygomatique, qui s'en détache aussi, se porte en avant et ressemble à celle du Tapir. L'os malaire complète en avant l'arcade zygomatique, disposition qui n'existe chez aucun proboscidien connu. L'os lacrymal est grand et constitue le bord antérieur de l'orbite comme Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 5i LA SATURE. chez le rhinocéros. Dans sa partie faciale il est percé d'an grand trou. Au-dessus des orbites, le frontal donne naissance latéralement à une crête saillante qui devait protéger efficacement l'œil de ces animaux lorsqu'ils se battaient entre eux. Sur cette crête se trouve une petite protubérance qui ressemble à un axe de corne très-réduit, mais d'après sa position im- médiatement en avant de la crête latérale, ou ne peut pas supposef qu'elle ait porté une véritable corne. Les os inturiuaxillaires sont massifs et très-remar- quables en ce. qu'ils supportent une paire de cornes osseuses, robustes et coniques. Ces protubérances sont rapprochées entre elles à leur ba-e, et leur som- met est obtus, arrondi même. Au-dc-sous de ces cor- nes se trouvent les énormes dents canines qui sont implantées dans leur base. En arrière de ces défense.', on voit une barre.de médiocre longueur, suivie d'une rangée de six petites dents prémolaires et molaires, dont la couronne est garnie de deux collines trans- versales, séparées entre elles du côté externe, mais se rejoignant à leur extrémité interne. Les os nasaux sont massifs et se prolongent beau- coup antérieurement. En avant des arcades zygoma- tiques, ils su resserrent et constituent la partie infé- rieure de la surface interne des cornes maxillaires, ainsi qu'une élévation situéeentre celles-ci. De cepoint jusqu'au bord antérieur de la suture naso-inlerniaxil- laire, ils augmentent un peu en longueur, puis ils se rétrécissent de nouveau jusqu'au bout du museau. Les membres des Dinocerata ressemblent beau- coup à ceux des proboscidiens, mais sont plus courts proportionnellement. L'humérus e*t court, massif et assez semblable à celui de l'éléphant par ses carac- tères essentiels ; une des différences les plus mar- quées consiste en ce que la grosse tubérosité n'est que peu comprimée et ne s'élève pas au-dessus de la tête de l'os, La crête coudylienne do l'extrémité inférieure est. tuberculiforme et ne se continue pas supérieurement sur le corps de l'os. L'extrémité inférieure de l'humérus ressemble beaucoup à celle du rhinocéros ; les proportions sont à peu près les mêmes. La tête du radius est appliquée contre le mi- lieu de l'articulation cubitale et le corps de cet os ne croise pas le cubitus aussi obliquement que chez l'é- léphant. Les cornes des Dinoccrata constituent un carac- tère fort remarquable. Celles des os nasaux étaient probablement courtes et dermiques, à peu près comme celles des rhinocéros, mais plus petites ; celles des os maxillaires étaient ' coniques, très- allongées, et constituaient certainement des armes défensives puissantes. Les cornes postérieures étaient les plus grandes, et la forme comprimée de leur axe osseux indique qu'elles étaient élargies et peut-être branchues 1 . M. Alph.Milnc Edwards, enrendantcompte.del'in- téressante découverte du professeur Marsh, dans une des réunions de la Sociétéphilomathiquc,afaitremar- ' American Journal of Science and Artt, iBÏZ. — Annales des science* nalurellet. E>" série. quer que, d'après la forme et la disposition de oc- trois espèces de protubérances osseuses, il incline à penser qu'elles pourraient bien ne pas avoir porté de cornes, mais correspondre à des lobes dermiques analogues à ceux dont la tète des Phacochères est g.irnie, et qui prennent chez les vieux mâles un dé- veloppement considérable. M. Alph. Milne Edwards a ajouté que, par la forme allongée de la tête, la conca- vité de la région frontale, ainsi que par l'existence de pièces osseuses, qui semblent être comparables aux os du boutoir, le Binocerm mirabilis offre certaines ressemblances avec les Porcins. Les investiga'ions du professeur Marsh n'ont pas été bornées à l'étude de mammifères ; le savant pa- léontologiste de Yale-Collcgc a mis la main sur une nouvelle sous-classe d'oiseaux fossiles très-remar- quables, désignés sous le nom d'Oilontornithes; il a ouvert la voie à de nombreux explorateurs qui conti- nuent ses conquêtes géologiques, et ses travaux doi- vent être rangés parmi les plus importants docu- ments géologiques de notre époque. LES TUBES A EFFLUYES F.XI'KI'.lliNCES [UXOTES DE M. 110UZKAD. -- TRAVAUX DE MM. l'AUL ET A.RMOULD THÉSAIID. La bobine d'induction de M. Ruhnikorff est au- jourd'hui un instrument classique que possèdent tous les laboratoires. On l'emploie habituellement pour obtenir les étincelles destinées à combiner les gaz dans les analyses eudiométriques, mais Sun rôle ne se borne pas à provoquer des combinaison.'; ; elle exerce encore des décompositions et on utilise cette propriété particulière dans les cours de chimie, notamment pour faire voir qu'au moment de sa dé- composition en azote et en hydrogène, le gaz ammo- niac double son volume primitif. Ou n'obtient ja- mais cependant, dans cette expérience, un résultat tout à l'ait exact, car l'étincelle d'induction qui sé- pare le gaz ammoniac en ses éléments est aussi capable de déterminer de nouveau leur combinaison pour reformer le gaz primitif; elle exerce ainsi deux actions absolument contraires : l'une qui semble due à une véritable action électrique, l'autre à la chaleur qui accompagne le passage de l'étincelle. On conçoit qu'il y ait avantage à séparer ces deux actions puisqu'elles sont capables d'agir en sens in- verse, et c'est surtout dans la préparation de l'ozone que cette séparation serait précieuse, puisque l'ozone qui se forme facilement sous l'iufience des étincelles, se détruit par l'action de la chaleur. C'est précisé- ment en vue d'obtenir plus facilement l'ozone que M. Houzeau a construit récemment un appareil animé par une bobine de Ruhmkorff, dans lequel il n'y a plus d'étincelles lumineuses, mais seulement des décharges obscures, des effluves singulièrement i plus efficaces pour obtenir l'oxygène modifié. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 55 Un sait qu'à la (in du siècle dernier, van Marum re- marqua dans lu voisinage d'une machine électrique donnant de grandes étincelles, une odeur particulière analogue à celle qui se manifeste autour des points loudroyés par le tonnerre, et qu'il attribua cette odeur à l'électricité elle-même. Ce fut seulement en 1810 que Schœnbein montra que l'oxygène dégagé par l'électrolyse de l'eau présente cette même odeur et !a conserve après son séjour dans des flacons bien bouchés ; c'e^t encore lui qui donne à la substance caractérisée par cette odeur le nom d'ozone. Il resta cependant quelques doutes sur la véritable nature de cette matière, jusqu'aux travaux exécu- tés en Suisse, par M. Marignac et par de la Rive, associé étranger à notre Académie, et que la science a perdu tout récemment; en France, par MM. Fremv et Ed. Becquerel : ils réussirent à démontrer avec précision que c'était bien l'oxygène pur qui révêtait, sous l'influence électrique, une forme nouvelle, et c'était là, il faut le reconnaître, un fait des plus curieux. Les travaux s'accumulèrent bientôt sur cet oxygène modifié et les chimistes s'en occupèrent avec d'autant plus d'ardeur, qu'en étudiant cette forme particulière de l'oxygène, on touchait à cette importante question des corps simples qui reste la prande inconnue de la chimie actuelle. L'ozone nous apparaît, au point où les études sont arrivées, comme un corps gazeux forlemenl odorant présentant une fois et demie la densité de l'oxygène et doué d'affinités infiniment plus énergiques que lui. C'est ainsi qu'il oxyde à froid l'argent qui résiste si bien à l'action de l'oxvgène ordinaire, qu'il enflamme l'hydrogène phosphore pur, qu'il brûle l'ammoniaque pour la transformer en acide azotique, enfin qu'il dé- place l'iode de l'iodure de potassium. Toutes ces propriétés ont été observées sur les tra- ces d'ozone que renferme l'oxygène soumis à des traitements convenables, et la difficulté de se procu- rer des quantités un peu sensibles d'ozone n'était pas un des moindres obstacles que rencontrait la continuation de ces recherches. Aussi les chimistes et physiciens cherchaient-ils, à l'envi, un procédé ré- gulitr de préparation, ou au moins un moyen d'ob- lenir des quantités un peu notables d'ozone, quand M. llouzeau, qui a déjà consacré beaucoup de temps etde talent à étudier l'ozone, imagina un appareil nouveau qui s'est rapidement répandu dans les labo- ratoires et qui a donné déjà des résultats remarqua- bles que nous allons résumer rapidement. L'appareil de M. llouzeau est formé de deux tubes concentriques ; celui du milieu renferme un fil mé- tallique, fixé à une des extrémités d'une bobine de Runikhorff ; l'antre fi], attaché au second pôle de la bobine, est enroulé en spirales autour du tube exté- rieur; enfin, le gaz circule dans l'espace annulaire compris entre le tube intérieur et le tube extérieur, et, par suite, n'est directement eu contact avec au- cun des deux fils. Les deux fils métalliques dans lesquels circule l'électricité, fonctionnent à la façon d'une bouteille de Leyde, et le gaz qui parcourt ce milieu, traversé par les effluves obscurs à l'aide desquels les deux électricités différentes lancées dans les fils se recomposent, est profondément mo- difié : si c'est de l'oxygène, il se charge d'une quantité notable d'ozone dont l'odeur se répand rapi- dement autour de l'appareil. La méthode de M. llouzeau donne de l'oxygène beaucoup plus chargé d'ozone qu'aucun des autres procédés; aussi a-t-elle permis de découvrir quelques propriétés nouvelles de ce gaz. Fait-on pénétrer dans du gaz défiant le gaz sortant du tube à effluves, il détermine immédiatement la combustion avec une forte explosion, M. llouzeau, à qui on doit cette belle expérience, conseille de faire arriver lentement clans un tube un peu large un courant d'hydrogène bicir- honé obtenu par la réaction de l'acide sulfurique sur l'alcool ; puis à l'aide d'un autre tube plus étroit et pénétrant d'environ un centimètre dans le tube rem- pli d'éthylene, on dirige assez lentement un courant d'ozone, le plus concentré possible. A chaque bulle d'ozone qui arrive une détonation se produit. Quand on fait agir l'ozone sur la benzine, ce li- quide d'une odeur si désagréable, qui doit à- sa fa- culté de dissoudre les corps gras d'être employé dans tous les ménages pour détacher les étoffes, on ob- tient encore, d'après M. llouzeau, un produit essen- tiellement détonant : c'est l'ozobenzine, qui, sous l'inlliionce du choc ou de la pression", dégage tout à coup une masse considérable de gaz, comme le feraient la nitroglycérine ou les picrates, dont les propriétés fulminantes sont bien connues. Quelques décigraromes d'ozohenzine produisent une détonation tellement violente que les vitres du laboratoire sjmt infailliblement brisées ; aussi ne doit- on faire usage dans ces expériences que de minimes quantités ; 3 à 5 milligrammes suffisent pour con- stater les propriétés éminemment explosibles de cette dangereuse matière. Enfin, M. llouzeau a encore pu montrer, à l'aide de son appareil, les remarquables propriétés décolo- rantes do l'ozone. Si on jette dans un flacon qui ren- ferme de l'oxygène mélangé d'ozone, une dissolution d'indigo, on le voit se décolorer aussi facilement que s'il était au contact du chlore. On sait, au reste, que les étoffes bises sont blanchies par une simple exposition à l'air, et comme il est démontré aujour- d'hui que notre atmosphère renferme de l'ozone, il paraît bien probable que c'est ce dernier gaz qui agit dans la vieille méthode dite « blanchiment sur le pré. )i Telles sont les propriétés nouvelles que M. llou- zeau a pu constater en employant l'ozone à un état de concentration infiniment supérieur à celui qu'il présentait lorsqu'il était préparé par les anciennes méthodes, et ces résultats ne sont certes pas les seuls qu'il soit permis d'espérer. M. llouzeau ne s'est pas trouvé seul à- employer les tubes dont il avait fait connaître la disposition, et bientôt même on réussit à les modifier heureusement de façon à leur donner une plus longue durée. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. M. rloillot, écrivain distingué, bien connu des lecteurs du Moniteur, propose tic remplacer les iils du tube de M. Houzeau par du charbon de cornue contenu dans le tube intérieur et dans l'espace compris entre te tube à gaz et un troisième tube concentrique aux deux premiers ; enfin M . Arnoukl Tbénard, qui porte dignement un nom déjà deuv fois illustré par son grand père et par son père, apporta à la construction des tubes une dernière modification qui leur donne une nouvelle efficacité. Ainsi que 1 indique la figure ci-jointe, l'appareil de M. A. Thénard se compose de trois tubes d'inégale longueur, soudés les uns sur les autres. Le tube central aa' est rempli de chlo- rure d'antimoine en dissolution dans l'acide chlorhydrique ; le pôle négatif B de la bobine pions e d iils le liquide qui descend jusqu'au fond du tube en a'; la mémo dis- solution de chlorure d'antimoine est placée dans le tube extérieur E ; il reçoit le fil positif de la bobine en À. Le liquide EE est donc élec- trisé positivement, le liquide aa' négativement et le gaz qui entre en C et sort en I), après avoir passé au travers de l'espace annulaire réservé entre les deux tubes, est soumis aux effluves électriques dé- terminés par les deux électricités contraires des deux liquides. C'est dans des tubes ainsi dispo- sés que M. A. Tbénard dirige les gaz sur lesquels il veut faire agir les effluves électriques. Un de ceux qu'il soumit d'abord à ce traite- ment fut l'acide carbonique, qui se décomposa en oxygène et eu oxyde de carbone avec augmentation du volume. L'expérience est parfaite- ment nette et dénature à montrer la différence complète d'action que présentent les effluves et les étin- celles, Tandis que l'acide carbonique soumis à la force décomposante des décharges obscures renferme jus- qu'au quart de son volume du mélange d'oxygène et d'oxyde de carbone qui provient de sa décompo- sition, l'acide carbonique décomposé par les étincel- les brillantes d'une bobine n'en présente jamais que 7.5 [)/0, car celles-ci agissent non-seulement sur leur force décomposante, mais aussi par leur chaleur, qui détermine la combinaison des gaz d'abord séparés, jusqu'au moment où acide carbonique, oxygène et oxyde de carbone se trouvent dans un état d'équi- libre tel que l'étincelle ne produit plus d'effet, la dé- composition étant égale à la combinaison. Cet équi- libre est atteint quand le mélange renferme précisé- ment 7.5 0/0 d'oxyde de carbone. Celte expérience n'est pas cependant la plus cu- lube ù ofUuvcs de RI. A. ThénarJ. rieuse dû celles qu'ont publiées, pendant le cours de cette année, MM. l'aul et Arnouhl Thénard, travail- lant en commun dans ce laboratoiredelaphceSaint- Sulpice, si libéralement ouvert à tous ceux qui veu- lent s'instruire. M. Paul Tbénard avait remarqué autrefois que le gaz qui s'échappe des marais renferme en volumes égaux l'acide carbonique et l'hydrogène protocar boné, c'est-à-dire qu'il constitue un mélange dans lequel le carbone, l'hydrogène et l'oxygène se trou- vent en équivalents égaux comme lorsqu'ils sont com- binés dans une matière organique, Iris-répandue: le glucose. L'effluve inrait-il la puissance de détermi- ner l'union de ces différents élé- ments, de façon à reconstituer une matière organique? telle est l'idée qu'ont voulu vérifier MM. Paul et Aniould Tbénard en faisant passer un mélange, à volume égal, de for- melle et d'acide carbonique dans un de leurs tubes à effluves, dis- posé de telle sorte que les change- ments de volume que les gaz de- vaient supporter devinssent faciles i constater. Or, après dix minutes d'expé- riences , la condensation des gaz était déjà sensible, elle s'accrut ivec le temps et bientôt on vit apparaître sur les parois des tubes lin liquide doué d'un fort pouvoir réfringent, visqueux, jaunâtre, qui se trouva être une matière organique d'un ordre assez élevé, brûlant facilement. Sa nature n'a pas été daturminée, mais il suffit que sa formation ait été constatée pour qu'on saisisse l'importance de l'expéiionce de MM. l'aul et Ar- tiould Tbénard, La synthèse des matières orga- niques, au moyen des éléments, a toujours été un des problèmes qui préoccupent davantage les chimistes, et la végéta- tion nous fait assister, en effet, à leur formation par une suite de réactions que nous sommes incapables de reproduire dans le laboratoire. N'est-il pas sur- prenant, par exemple, que sous l'influence do la lu- mière une feuille puisse décomposer l'acide carboni- que et l'eau, matières extrêmement stables l'une et l'autre et que nous ne réduisons en leurs éléments qu'an moyen des températures les plus élevées que nous sachions produire ? Or ce travail qui s'exécute dans la feuille d'une plante, l'effluve l'exécute éga- lement, il décompose l'eau eu oxygène et hydro- gène : il sait réduire l'acide carbonique en oxygène et en oxyde de carbone, ainsi que cela a lieu dans les parties vertes des végétaux frappés par les rayon? du soleil. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 37 (lonnm: l'expérience enseigne que pour un volume d'acide carbonique, décomposé pnr les parties vertes des plantes, il y a un volume d'oxygène mis en li- berté, c'est-à-dire un volume d'oxygène précisément égal à celui que renferme l'acide carbonique et que !a décomposition de ce dernier n'est, ainsi qu'il vient d'être dit, que partielle; il faut forcément que l'eau soit décomposée en même temps que l'acide carbonique et qu'elle nous donne par sa décompo- sition le demi-volume d'oxygène nécessaire pour compléter celui qui apparaît au moment de l'insola- tion, de telle sorte que la décomposition est repié- senlée de la façon sui- vante 1 vol. acide carbo- nique— 1 vol. oxyde de carbone + 1/2 vol. oxy- gène ; 1 vol. vapeur d'eau — 1 vol. hydrogène + 1/2 vol. oxygène. L'oxvgène dégagé présente donc un vo- lume égal à celui de l'acide carbonique dé- composé , et laisse en présence de l'oxvde de carbone et de l'hydro- gène en volumes égaux qui, en s'unissant, doi- vent fournir dans les végétaux un des pro- duits qu'on y rencontre le plus abondamment dans le jeune âge, le glucose, qui est précisé- ment représenté par dt l'oxvde de carbone et de l'hydrogène, ou en- core du carbone et de l'eau. Or ce produit n'a jamais pu être préparé direc- tement; il est impossible, jusqu'à présent, de l'ob- tenir par synthèse, et toutes les tentatives faites pour unir l'oxyde de carbone à l'hydrogène ont été impuissantes; c'est cependant un problème du ■même ordre qui vient d'être résolu par MM. Théuard, et c'est là, à notre sens, un des points les plus im- portants de leurs nouveaux travaux. Ils n'ont pas obtenu, il est vrai, la matière organique, non encore dénommée, qui est venue se condenser sur leur tube en combinant directement l'hydrogène et l'oxyde de carbone, mais en employant l'acide carbonique et le formène, dans lesquels on rencontre les éléments en mêmes proportions; en effet, au lieu d'avoir ; 2 vol. oxyde de carbone] 1 vol. oxygène, renfermant \ 1 vol. vap. de carbone. 2 vol. hydrogùne. ils ont employé : 4 '1)1. acide carbpnicfue reii-( 4 vol. oxygène, ieiqual j 2 vol. viiji. de carbone. Appareil emploie par MU. Tlién&rd pour fuira circuler le gai dans les tubes à cflLuves. 4 vol. hydrogène carboné rcn-1 2 vol. vap. de carbone, fermant [ 8 vol. hydrogène. dans lesquels l'oxygène et le carbone sont, comme dans le premier cas, en volumes égaux, et l'hydro- gène en volume double ; on peut donc considérer l'expérience de MM. Thénard comme ouvrant une nouvelle voie à la synthèse des matières organiques, déjà si brillamment étudiée par M. Berthelot. Le premier appareil employé par MM. Thénard présentait un inconvénient : les gaz n'y eirculaienl qu'assez difficilement, leur mélange n'était pas aussi complet qu'on pouvait le désirer: on ne pouvait pas les renouveler aisé- meni. Ils ont levé cette difficulté à l'aide de l'appareil que repré- sente la figure ci-contre. On voit que l'électricité de la bobine se distri- bue dans les deux tubes à godets remplis de chlorure d'antimoine, et formant l'un le tube central, l'autre le man- chon extérieur entre lesquels circulent les gaz qui sont mis en mouvcmcntd'une façon continue, à l'aide d'un mécanisme très - incé- o nieux, celui d'une trompe à mercure. 0:i reconnaîtra, en effet, à l'inspection de notri figure, que le mercure placé dans le grand vase solidement fixé en haut de l'appareil, peut s'é- couler goutte à goutte dans le tube vertical de droite et entraîner chaque fois dans son mouvement une certaine quantité du gaz emprisonné entre deux gouttes consécutives ; l'excès de mercure retomba dans la cuve dans laquelle chemine le tube hori- zontalement, tandis que le gaz entraîné, reçu dans un entonnoir plongeant dans le mercure, s'engage de nouveau dans l'espace annulaire où il est soumis aux effluves. On conçoit enfin que si les gaz eu s'unissant donnent une matière liquide ou solide, ce qui ne peut avoir lieu que par une forte dimi- nution de volume, il soit possible de faire pénétrer par l'entonnoir, placé sous le mercure, une nou- velle proportion des gaz qui , sous l'influence de l'effluve, doivent réagir l'un sur l'autre. MM. Thénard, qui nous ont permis de faire prenore pour la Nature le dessin de l'appareil encore iné- dit qu'ils emploient à leurs recherches, l'utilisaient, au moment de notre visite, à des recherches délica- tes qui relient de la façon la plus heureuse les an- ciennes recherches de M. I'. Thénard à celles qu'il Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 38 La natuiîe. poursuit en ce moment avec son fils. En parler plus longuement serait aujourd'hui une indiscrétion, mais ce que nous en avons dit suffit, pour qu'on voie combien est précieuse la nouvelle disposition des tubes à effluves. COMMENT YOYEHOTS LA LUNE GROSSE? Il m'est arrivé Fort souvent, par une étude d'appré- ciation optique dont je vais parler, d'adresser api es dîner à diverses personnes la question que je viens du transcrire. Je voulais savoir, d'une part, si tout le monde juge identiquement des grandeurs apparentes qu'il ne peut vérifier, et, d'autre paît, si l'erreur commune dont la rectification fera l'objet de cet ar- ticle est moins générale que je ne pensais. Nous voyons le soleil et la lune à peu près do la même grosseur dans le ciel. Cette grandeur dépend à la fois des dimensions réelles des corps célestes et de la distance à laquelle ils sont éloignés de nous. Ainsi le soleil 1,270,000 fois plus gros que la terre, ne nous paraît pas plus volumineux que la lime, qui n'est pourtant que les deux centièmes du volume de la terre, c'est à dire cinquante fois plus petite. 11 faudrait cinquante lunes pour former un globe de la grosseur de la terre, et il eniaudrait 50 fois 1,279,000 ou 6-1 millions, pour former un globe de la grosseur du soleil. Ainsi, quoique 04 millions de fois plus pe- tite, la lune nous paraît aussi grosse que le soleil, parce qu'elle n'est qu'à 60 rayons de la terre, ou 96,000 lieues de A kilomètres, tandis que le soleil est à 37 millions de lieues d'ici, ou 23,000 rayons terrestres. La distance de la lune à la terre n'estque. les 0,00239 de la distance de la terre au soleil. Les diamètres du soleil et do la lune sont entre eux comme les nombres 108,556 et 273 ; il eu est de même de leurs circonférences, puisqu'on démon- tre en géométrie que les circonférences sont entre elles comme leurs rayons. Ainsi la circonférence de la lune est environ 400 fois plus petite que celle du soleil. D'autre part, la lune est environ 400 fois plus proche que le soleil. Voilà comment ces deux astres nous paraissent être de la même grandeur. Numériquement, le soleil sous-tend dans le ciel, pour l'observateur terrestre, un angle de 31' 5" et la lune 31' S". Ce sont là les grandeurs apparentes moyennes. Comme leurs distances à la terre changent à chaque instant, ces deux astres paraissent tantôt un peu plus grands que cette vaieurmoycmie, tantôt un peu plus petits. C'est aussi là ce qui fait que, quand la lune passe devant le soleil, elle est tantôt juste de la même grosseur, et produit une éclipse totale d'un instant; tantôt plus grosse, et produit une éclipse totale de plusieurs minutes; tantôt plus petite et produit une éclipse annulaire, dans laquelle le disque brillant du soleil déborde tout autour du disque noir de la lune comme un anneau lumineux. ' Ces principes astronomiques une fois posés, je re- viens à ma question si souvent faite depuis plusieurs années par moi-même à un très-grand nombre de personnes, et je vous demande de quelle grosseur apparente vous voyez la lune et le soleil. A cette question, posée à table, comme je l'ai dit plus haut, on m'a presque toujours répondu en prô- nant un point direct de comparaison: « comme une assiette, i Cette réponse générale, qui paraît satisfaisante, ne l'est guère. Lue assiette, pas plus que tout autre ob- jet, n'a pas de grandeur apparente absolue. Tout dépend de la distance à laquelle on la regarde. Aussi avais-je soin de compléter ma question en ajoutant: (( Comme une assiette vue à quelle distante ? » Et généralement on répond : « Comme une assiette placée sur la table à 60 centimètres environ de notre oeil. » Voilà ce que j'ai constaté. C'est de cette dimension app.irente que l'on voit généralement la lune. Cer- taines personnes la voient plus petite, d'autres la voient plus grosso ; l'appréciation n'est pas la même pour tous les yeux. Puis, à l'horizon, quand la pleine lune rouge s'élève des (lots ou des montagnes, on croit la voir beaucoup plus volumineuse encore, « comme un tonneau, comme une meule de foin, » etc. Eu réalité, sa grandeur apparente est plus petite à l'horizon que dans le ciel, de toute la valeur de la parallaxe de la terre. Aussi notre question a-t-elle pour objet la pleine lune dans le haut du ciel. Ou la voit grande comme un disque de plus de deux centimètres de diamètre, comme une assiette placée à 60 centimètres environ de notre ceil, plus ou moins. Eh bien, il n'y a pas au monde d'erreur plus co- lossale que celle-là. D'où provient-elle ? J'en ai vai- nement cherché la cause. Examinons, en effet, la question de plus près. La lune offre un diamètre de 31 minutes d'arc, c'est-à- dire d'un demi-degré environ (un peu plus). Qu'est- ce t{u un degré ? C'est la trois cent soixantième par- tie d'une circonférence quelconque- Ainsi supposons que la table autour de laquelle nous causons mesuie 500 centimètres de circonférence, c'est-à-dire l'",l-i de diamètre, ou 57 centimètres de ravon. Si nous divisons le bord de la table par centimètres, chaque centimètre, chaque intervalle entre deux divisions équivaudra précisément à un degré. Or, si l'on plaçait sur le bord de la table undisque. de papier de la grandeur apparente de la lune, loin de couvrir l'emplacement d'une assiette, il ne devrait occuper que la moitié de l'une de ces divisions, la nioitié d'un degré, la moitié de 1 centimètre : 5 mil- limètres et un dixième. La lune et le soleil ne nous paraissent donc gros que comme un pois de 5 millimètres environ de dia- mètre, placé à 57 centimètres de notre œil. Au lieu de l'assiette, ce n'est plus qu'un pois dans l'assiette. On voit qu'il y a uue sensible différence. Ces 57 centimètres sont à peu près la longueur du bras, à partir de la paume de la main. Pour se cou- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 59 vaincre de la singulière exiguïté dont nous parlons, il suffit de prendre dans la main une tête de grosse épingle, ou un crayon, ou quelque objet qui n'ait que m ,005 de diamètre, et do le placer, en éten- dant le bras, devant la lune : il J'éclipse entièrement. A plus forte raison, en allongeant le bras, il suffit de placer le petit deigt devant la lune pour l'éclip- ser et au delà. C'est là un chapitre de plus à ajouter à celui des illusions de la vue. La première fois que j'ai fait cette remarque, c'é- tait par un beau soir d'été, il y a une dizaine d'an- nées. Je commençais à faire des observations astro- nomiques, et parfois quelques personnes étrangères aux observations venaient regarder la lune à la lu- nette. Or très-souvent, une personne qui mettait l'œil au chercheur s'écriait spontanément: « Oh ! comme elle est petite ! elle n'est pas plus grosse qu'un pain à cacheter. » Or remarquez que la petite lunette du chercheur grossissait une dizaine de fois. Ainsi, tout en voyant la lune dix fois plus grosse qu'à l'œil nu, on la trouvait plus petite. C'est en vérifiant cette sensation optique que je constatai qu'en réalité nous voyons la lune beaucoup plus petite que nous ne nous l'imaginons. Ce fait doit être dû, d'une part, à l'irradiation; d'autre part, aux comparaisons instinctives que nous établissons à notre insu entre de grands objets de dimensions connues, comme des maisons, des tours, des coupoles, et la lune, qui, située toujours au delà, nous parait de dimensions apparentes compa- rables. Ayant déjà signalé cette observation curieuse dans un journal, j'ai lu les deux réponses suivantes à l'appui. La première est de M. Viguier, professeur à Montpellier et a été publiée dans le Bulletin de l'As- sociation scientifique de France, édité à l'Observatoire de Paris. La seconde est de M. Proctor, astronome anglais, et a été publiée dans le journal anglais Nature. « Portés par les apparences à nous supposer pla- cés au centre d'une grande sphère, dit le premier, et ne pouvant juger de la distance absoluedes astres, nous les rapportons à cette sphère, et ils doivent par suite paraître y sous-tendre un arc de grand cercle, correspondant à leur dimension apparente. Si donc ce diamètre correspond, comme pour la lune, à la 300 e partie de la demi-circonférence, cet astre pa- raîtra avoir un diamètre égal à la longueur de cet arc ; en d'autres termes, nous jugeons instinctive- ment qu'il faudrait 5(30 lunes environ pour former le demi-cercle situé sur notre humon. « Posons-nous cette autre question analogue à la précédente : Pourquoi ne cessons-nous pas d'attri- buer à une assiette la grandeur que nous lui connais- sons, lors même qu'elle est placée à 10 et 20 mètres de notre œil, et que, par suite, son diamètre appa- rent devient beaucoup plus pelit? Notre jugement cherche encore ici à mettre en harmonie la distance supposée de l'objet, son diamètre apparent et sa grandeur réelle connue ou supposée, comme le sont des problèmes en général peu déterminés : si l'in- connu est la grandeur réelle de l'objet, la notion plus ou moins approchée de la distance et celle du diamètre apparent donnent à notre esprit une valeur correspondante des dimensions apparentes ; si la grandeur réelle lui est familière, il saura faire inter- venir la distance pour corriger la diminution que semble indiquer le diamètre apparent. Un mouche- ron, par exemple, passant devant notre œil et pro- jeté à notre insu au loin dans l'espace, peut produire sur notre imagination l'apparence d'un oiseau de proie. Regardez un treillis en fer placé environ à Û m ,40 de l'œil, disposez ensuite cet organe comme si vous regardiez les losanges tracés sur un mur situé à 10 ou 20 mètres au delà, ils paraîtront amplifiés. Le rôle du l'imagination, de la disposition correspon- dante des divers parties de l'oeil est évident pour ce- lui qui analyse un peu ses appréciations de grandeur, de distance. « Plusieurs conséquences résultentdes explications qui précèdent. Les dimensions de la lune, comparées à celles qu'elle aurait si, conservant son diamètre apparent, elle venait se placer à la distance de la vi- sion distincte, doivent donner les dimensions de la sphère à laquelle nous la supposons fixée. On aper- çoit sans calcul qu'elles ne sont pus très-considéra- bles. De plus, cet astre, se montrant à l'horizon commn à la base d'une voûte surbaissée, nous sem- ble avoir un diamètre plus grand, parce que nous le voyons correspondre à la 3U0° partie d'une circonfé- rence d'un plus grand rayon. Enfin la comparaison de ces grandeurs apparentes doit donner la mesure de ce surbaissement d'ailleurs très-variable. Un autre fait, au premier abord paradoxal, trouve ici son ex- plication : nous ne voyons pas toujours la lune de la même grosseur ; l'état de l'atmosphère, la profon- deur apparente du ciel, de 1 horizon plus ou moins estompé par la brume, influent sur notre jugement, et cela toujours parce que la sphère céleste ne con- serve pas ses dimensions apparentes. C'est encore pour la même raison, que cette grosseur dépend aussi delà vue de celui qui l'observe: à laide de simples besicles, le myope, le presbyte surtout peu- vent facilement s'en convaincre, » Voici maintenant les remarques de M. Proctor. a Les observateurs ordinaires paraissent croire qu'ils ont réellement indiqué la grandeur d'un mé- téore, quand ils ont dit, par exemple, qu'il avait 1 mètre de diamètre, ou quelque chose de semblable. Naturellement une pareille expression n'a absolu- ment aucun sens pour un astronome, tandis que la manière de parler moins précise en apparence par laquelle on compare la grandeur d'un météore à celle de la lune est, en réalité, beaucoup meilleure. 11 est vrai que lorsqu'un observateur dit qu'un météore était aussi grand que la lune, il fait une bien plus grande erreur qu'en disant qu'il avait 1 mètre de diamètre; mais l'astronome sait ce que cela veut dire, taudis que, par l'autre manière de parler, il no Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 40 LA A' AT L' RE- peut se former aucune idée juste de la grandeur appa- rente du météore. « Si chaque observateur estimait de la même ma- nière les dimensions linéaires d'un objet céleste, on pourrait réellement interpréter l'expression des di- mensions linéaires d'un météore. Mais cela n'est pas. Comme M. Yiguier le fait justement remarquer, les personnes à vue courte et à vue longue estiment di- versement la grandeur de la lune, la position de la lune modifie le jugement, l'état même de l'atmo- sphère indue sur l'estimation que nous faisons in- stinctivement. « Mais il est intéressant d'examiner coque l'on en- tend réellement en disant que la lune a 1 pied de diamètre. Je puis faire remarquer qu'on assigne sou- vent cette dimension à la lune, quoique plusieurs jugent qu'elle paraît plus grande. La lune sous-tend un angle d'un demi-degré environ, de sorte que, d'a- près cela, un demi-degré de la sphère céleste répon- drait à une longueur de 1 pied. Ainsi la circonférence aurait environ 720 pieds et le rayon environ 11?> pieds. Telle est à peu près la distance qu'au juger on assigne à la lune. Cette dernière manière de voir est plus exacte, vu que les estimations diverses que l'on fait des dimensions de la lune suivant sa position suffisent pour montrer que l'esprit assigne instincti- vement à la voûte céleste une forme aplatie, dont la partie qui est au-dessus de notre tête semble être la plus rapprochée de nous. C'est, en effet, une opinion commune que le diamètre de la lune, lorsqu'elle est à l'horizon, paraît deux fois aussi grand que lors- qu'elle est au-dessus de notre tète, et d'après cela on assignerait à la voûte céleste la forme d'un segment de sphère qui serait moindre d'un cinquième de la surface delà sphère au-dessus de l'horizon. « 11 est bon de remarquer que nous pouvons con- clure de la grandeur estimée de la lune, comparée aux intervalles nui séparent certaines étoiles, que l'esprit assigne instinctivement à la lune une distance beaucoup plus grande que celle des étoile fixes. Par exemple, je trouve que si, lorsque la lune est au- dessous de l'horizon, l'en demandait à un observa- teur si la distance qui scparclcs trois étoiles du Bau- drier d'Orion (je veux dire la distance do Ç à i, ou e à S) est plus grande ou moins grande que le dia- mètre de la lune, il répond qu'elle est égale à ee dia- mètre. En réalité, le diamètre apparent de la lune n'est que le tiers de la distance entre ces étoiles. Il suit de là que l'esprit estime la distance entre les étoiles sur une échelle qui n'est que le tiers de celle même sur laquelle il mesure la lune; en d'autres termes, il regarde ladistance des étoiles comme étant environ le tiers de celle de la lune. « Il peut se faire que le résultat de cette compa- raison indique simplement que l'esprit assigne à cette sphère céleste, vue pendant une nuit sans lune, une distance égale à un tiers seulement de celle qui nous sépare des étoiles dont l'éclat est affaibli dans une nuit où la /une est pleine. » Ces deux réponses complètent les remarques que j'ai faites sur ce phénomène de la vision; mais elles ne l'expliquent pas davantage. Il reste cerlain que nous croyons voir la lune et le soleil plus gros que nous ne les voyons en réalité. Casiille Flammarion. LA CHÈVRE ANGORA EN AMÉRIQUE Les journaux américains s'occupent beaucoup ac- tuellement d'une acclimatation nouvelle, destinée à prendre encore une importance plus considérable : c'est l'élève des chèvres angora dans l'île Guada- lupe, L'ile Guadalupe est située à environ 250 kilomè- tres de la côte occidentale de la Californie mexi- caine. Elle a été achetée par une compagnie formée aux États-Unis et reconnue le 25 janvier 1873. la Guadalupe hland Company se livre exclusivement à la production da chèvres à toison, tant par l'élève da la race d'Angora pure, que par l'amélioration de la race indigène au moyen du croisement. Les expli- cations suivantes ont été fournies sur ses travaux et ses résultats par M. Ilarrison Gray Otis au « Forest and Stream, » de New-York. Aussitôt en possession de son île, la «.Guadalupe hland Company » y débarqua une troupe de beaux boucs angora, destinés à produire avec les chèvres indigènes des individus à toison, si faire se pouvait. Il faut dire avant tout que l'île Guadalupe renfer- mait, lors de son achat, un nombre considérable de chèvres. Dans les cinq années précédentes, 32,000 avaient été tuées, rien que pour leurpeau et leur suif; il en restait encore environ 20,000. De ces 20,000, la moitié, étant mâles, seront tués, afin d'arrêter la production des individus sans toison. Les 10,01)0 fe- melles seront conservées, pour être croisées aveedes boucs angora de premier choix. Quant à la valeur de ces métis, l'expérience est faite. Le troisième croisement, ayant 7/8 d'angora, donne des chèvres à toison magnifique. Par suite du croisement répété, le sang d'angora prendra sans doute de plus en plus la prédominance ; il absorbera la race primitive, il s'y substituera; et la belle chè- vre d'Asie sera ainsi acquise à l'Amérique. 11 y a longtemps que cette conquête est l'objet d'efforts intelligents. M. Landrum, maintenant direc- teur du Rancho-Guadalupe, avait réussi à faire re- produire la chèvre d'Angora aux États-Unis, il y a déjà douze années; et, depuis, il ne cessait d'en prê- cher l'élève sur la côte de l'océan Pacifique: outre la grande valeur que lui donne sa toison, cette espèce ne perd rien, sous le climat californien, de ses ad- mirables qualités prolifiques; elle y est aussirobuste et rustique que dans son pays originel. Veut-on savoir maintenant sur quoi repose l'en- treprise de la Guadalupe hland Company ? En cal- culant sur un accroissement do 25 p. 0/0, c'est-ÎH dire bien moindre qu'il ne l'est réellement en Cali- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA MATURE. 41 fornie pour l'espèce caprine, on trouve que 500 chè- vres indigènes et quelques centaines du boues angora représenteront au bout de dix ans, tant en chair, suif, reproductions, qu'en toisons précieuses, un capital de 2,270,990 liv. sterling, soit un peu plus de 56 raillions de francs. Or il y a actuellement dans l'île, non pas 5,000, mais 10,000 chèvres, on y a déjà ajouté près d'un millier de chèvres d'Angora, toutes du sang le plus pur; et, depuis le premier arrivage, des quantités de boucs considérables, de bnucs choisis, comme étalons arrivent sans cesse ; il y eu a déjà plusieurs centaines, et ils seront prochai- nement en proportion, remplaçant totalement les boucs indigènes, que l'on tue. Quant à l'accroissement futur de l'affaire, il est considérable. L'ile Guadalupe offre d'immenses pâtu- rages appropriés aux chèvres: 166,000 acres (envi- ron 80,000 hectares) au moins, d'une terre herbeuse, c'est-à-dire le « Paradis du Pacifique. » Cela peut nourrir le nombre énorme de 75,000 chèvres. L'an- gora ne coûte pas plus cher là-bas à élever que lu chèvre indigène, c'est-à-dire presque rien ; elle est belle, grande, vigoureuse, reproduit beaucoup, et a une inappréciable valeur, par sa fourrure, comparée à ses congénères. Voilà ce qu'on fait eu Amérique ! II. DE LA BlAH£IIÈRE. La grande tortue franche de la rue YLïieime. LES TORTUES FRANCHES A PARIS MM. Fotel et Chabot, les marchands de comestibles de la rue Vivienne, ont eu l'heureuse idée de se ren- dre acquéreurs .d'un lot de tortues franches et de les exposer dans les étalages de leurs magasins. Une foule considérable de curieux stationne constamment devant ces monstrueux chéloniens trop dédaignés des gourmets. En effet, ces animaux ne sont pas seu- lement, comme un vain peuple pense, bons à faire de l'excellent bouillon. Leur viande, bouillie de ma- nière à en retirer tout le sue, conserve le goût du bœuf le plus délicat. Ces morceaux que l'on dédai- gne sont dignes de figurer sur les meilleures tables, tant ils sont tendres et appétissants. La viande fort abondante n'est pas la seule partie qui puisse être utilisée avec le plus grand profit. La graisse est d'une délicatesse aussi grande que celle de l'oie, les par- ties tendres, telles que les nageoires et les cartilages, servent à faire une délicieuse gelée; enfin le foie qui est très-volumineux, peutse manger sauté comme du foie de veau. Il n'y a que l'écaillé qui ne puisse être utilisée dans l'espèce dont nous nous occupons etqu'on peut appeler tortue de boucherie. En effet, la taille de ces animaux est énorme. Celle que nous représen- tons, et qui a été dessinée, d'après nature, au mo- ment où l'on allait la dépecer dans la cuisine, ne me- sure pas moins de l m ,45 de longueur ; elle a donc à peu près la taille d'un homme. On en a vu cependant à Paris de plus volumineuses encore. MM. ï'otel et Chabot en ont conservé pour preuve des écailles plus gigantesques que celles des chéloniens qui font sen- sation aujourd'hui. On a capturé des tortues franches qui pesaient jusqu'à 700 kilos, tandis que le poids de celle qui nous occupe ne dépasse pas 150 kilos. Mais les déchets sont moins abondants que lorsqu'on doit dé- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 42 LA NATURE. pecer un veau de même pouls. Cela tient au pou de développement da la tète et dos membres, dont la partie supérieure, entièrement cachée sous la cara- pace, est excessivement tendre et prodigieusement charnue. Les tortues franches pullulent sur certains îlots des Antilles, et sur la p.irtie sablonneuse des côtes mexi- caines : il serait facile d'en faire une nouvelle et im- portante source d'alimentation publique. Ces animaux ont la précieuse faculté de vivre si longtemps sans manger, qu'on peut les a| porter sans frais des réglons tropicales, sans plus de pré- caution que s'il s'agissait d'un colis. Il n'y a même pas besoin de les emballer. Les tortues de MM. Potel et Chabot n'ont rien mangé depuis qu'elles ont été prises, etc'ist dans la nier des Antilles qu'elles ont fait leur dernier dé- jeuner. On n'a pas besoin d'adopter vis-à-vis d'elles toutes les précautions nécessaires pour apporter d'Australie la viande fraîche. Il n'y a pas à les enve- lopper déglace fondante pour les conserver, car elles gardent juste assez de vie pour que la décomposi- tion putride ne les attaque pas. Elles se trouvent évi- demment plongées dans une sorte de torpeur et de demi-somnolence qui les empêcherait de faire usage de leurs membres pour chercher à se sauver. Ces tortues si précieuses au point de vue alimen- taire se reconnaissent à la forme des écailles de leur carapace et à leur nombre. Elles en ont toujours treize principales qui soûl juxtaposées sans être im- briquées. La carapace n'a pas du tout la forme bombée si commune parmi les tortues terrestres. Le plastron est séparé de la carapace par des parties tendres, au lieu d'être soudé à des pièces dures, comme chez certains chélonieiis. On remarquera que la tète triangulaire de la tor- tue franche porte un bec corné dont elle se sert pour découper les plantes nécessaires à son alimentation et qui, quoique gélatineuses, olfrcnt une ténacité très- marquée. Les narines peuvent se fermer par une sorte de soupape qui empêche l'eau de la mer d'y pénétrer et les nageoires de devant sont lerminées par des on- gles qu'emploie la tortue pour creuser dans le sable le nid où elle pond ses œufs. W. du Fokviei.ie, RAPPORT EHTIIE LA PÉRIODICITÉ DES TACHES SOLAIRES ET LES CYCLOSES. M. Charles Meldrum a présenté, sur ce sujet, des considérations intéressantes à la dernière réunion de l'Association britannique. L'année dernière, eu 1872, la statistique avait déjà établi que les cyclones de l'océan Indien entre l'équateur et le 25 B degré de latitude sud étaient beaucoup plus fréquents pendant les périodes du maximum que pendant les années du minimum des taches solaires. Le sujet a été plus complètement exa- miné depuis cette époque et M. Meldrum a pu con- struire un catalogue de tous les c\ clones qui sont arrivés pendant les 26 dernières années. On a inscrit dans ce catalogue tous les cyclones de la force de 9 à l 'i, c'est-à-dire de grandes tempêtes et d'ouragans. Voici le nombre des cyclones, pour chaque aimée, depuis 1847 à 1873. liai. Min. Mil. 1847 . . 5 1848 . . 8 1849 . . 10 1850 . . 8 1831 . . 7 1852 . . « 1853 . . 8 185i . . 4 1855 . S 1856 . . 4 1857 . . 4 1858 , . » 1859 . . 15 1860 . . 13 1801 . . Il 26 15 39 Min. Mai. 18G2 . . 10 U63 . . 9 181H . . 5 1805 . . 7 18(i6 . . 8 1807 . . Ij 1808 . . 7 18t;0 . . 9 1870 . . il 1871 , . 11 1872 . . 15 1875 . . 12 30 Cette table montre qu'il y a, en effet, quelques rapports entre le nombre des cyclones et celui des taches du soleil, si, comme on doit le penser, l'auteur n'a pas fait un choix systématique dans l'en- semble de toutes les tempêtes enregistrées. En pre- nant le nombre des cyclones à chaque année du maxi- mum et du minimum des taches solaires et dans l'année qui précède et dans celle qui suit, de ma- nière à former dos périodes de 3 ans, on obtient les résultais donnés dans la dernière colonne, qui mon- trent que, pendant les maxima de 1848-50 et de 1859-61, le nombre des cyclones a été de 05, tandis que, dans les périodes de miuima 1 855-57 et 1866-68, il n'a été que de 34 ou un peu plus do la moitié. En 1856, il n'y a eu qu'un véritable ouragan, et en 1867, il n'y en a pas eu du tout. L'auteur remarque que, pendant les 22 dernières années, les soins qu'on a mis à enregistrer des cy- clones de l'océan Indien ont été si grands, que les résultats doivent être dignes de la plus sérieuse at- tention et qu'ils mettent certainement en évidence une connexion intime entre les taches ou les cyclo- nes du soleil et les cyclones terrestres, qui peuvent être aussi appelés des taches pour des observateurs placés sur les autres planètes. L'examen de la violence des cyclones montre que leur intensité suit, comme leur nombre, la loi pré- cédente, On a pu former la liste des anciens ouragans qui sont restés dans la mémoire par les grands désastres qu'ils ont causés. Voici cette liste pour l'île Maurice; IIOHHfiE nombre noMiir.E 1731 1 1800 1 1834 1 1754 1 1807 2 1830 1 1760 1 1815 1 1844 \ 1766 1 1818 1 1848 i 1771 1 181H 2 1850 \ 1772 1 1824 2 ~ïT 1773 1 1828 1 1780 1 182'J 1 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 43 Sur ces 2-i ouragans, 17 tombent vers les périodes dû marima des taches solaires et seulement 7, aux périodes de miniuia, comme on peut le voir : ANKEfJ5 HE HAUUA 1760 1 1771 1 1772 3 1773 1 17H6 1 lt-00 ) 1807 3 18 là ; 1818 i , 1819 ,' * 18.8 I q Igï'J ! " 183(i 1 18i-< 1850 DE KiSIMA 1731 1751 1706 1826 1834 13 H 17 Cette tabla chronologique est extraite de l'Alma- uachde l'ile Maurice pour 1869. Elle contient en ou- tre les reniarfjues suivantes : 1" décembre 1760, phénomènes météorologiques; 5 février 1815 idem. Etaicnt-ce des aurores boréales ? L'histoire de l'île Maurice rapporte, d'autre part, qu'il n'y a pas eu d'ouragans de 1789 à 1801 . Or, la table des taches solaires montre que les années 1788 cl 1 804 étaient des années de maxima et que le mi- nimum arriva en 1798. LES ABEILLES TRAVAILLANT SUR COMMANDE. On ne saurait imaginer à quel degré les apiculteurs intelligents savent se faire obéir des abeilles, à con- dition de respecter avec soin les instincts de ces in- sectes, si farouches d'ordinaire quand on les aborde sans précaution. Un curieux exemple en ce genre a été récemment présenté par un des premiers lauréats de la Société d'horticulture des arrondissements de Melun et de Fontainebleau, à la suite de sa 23 e Expo- sition qui a eu lieu cette année, en septembre, dans la petite ville de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) sous l'habile direction de son secrétaire, M. Camille Bernardin. Dans un village voisin, déjà célèbre par les poulaillers roulants de M. Giot, à Chevry-Cossiguy, se trouve un rucher, au milieu d'une vaste prairie arrosée d'un cours d'eau. 11 appartient à M. Lance, le lauréat dont nous venons de parler. Après plusieurs années de continuels perfectionnements, cet apicul- teur est parvenu à réaliser les meilleures ruches, à la ibis d'observation et de produit. En reprenant une méthode déjà expérimentée par plusieurs personnes, et qui dérive de l'emploi de la ruche à cadres, M. Lance introduit, dans le haut de ses ruches, des boî- tes vitrées rectangulaires, où les abeilles construisent leurs gâteaux dans le sens longitudinal. L'instinct de ces insectes les porte à remplir toujours de leurs rayons la portion la plus élevée de la cavité, natu- relle ou artificielle, qu'ils ont adoptée pour la nidi- fication. En retirant ces boîtes, à diverses époques, on peut observer les cellules à miel, les cellules à propolis, le couvain, etc. Si on les place au moment où s'ouvrent autour du rucher certaines fleurs, on peut véritablement commander aux dociles abeilles du miel à tel ou tel parfum. A l'Exposition de Brie, se trouvait du miel de sainfoin et de luzerne, un des meilleurs qu'on puisse produire. Toute la question est de placer et d'enlever la boîte en temps voulu. Ces boîtes, revêtues ensuite à l'extérieur de petites vignettes coloriés et d'ornements, forment un élégant plat de dessert. M. Lance s'est amusé à intriguer sin- gulièrement les paysans apiculteurs de la localité, et même diverses personnes instruites, en leur pré- sentant un miel très-blanc et de bel aspect, mais d'un mauvais goût qu'ils ne savaient s'expliquer. Cela provenait d'une récolte faite au moment précis où fleurissaient près du rucher de nombreuses camo- milles. On pourra certainement obtenir des miels thérapeutiques, qui pourront servir à édulcorer tel ou tel médicament, et, quand on voudra, on fera faire aux abeilles des miels vénéneux ; les voyageurs font souvent mention de ces miels. Ainsi le botaniste Auguste Saint-llilaire fut malade au Brésil pour avoir mangé imprudemment du miel sauvage. M. Lance vient d'obtenir l'autorisation d'établir à Fontaine- bleau un rucher d'expériences, suivant ses procédés, et ce sera un agrément de plus pour les touristes. LES MERVEILLES DE L'INDUSTRIE Par M. Louis Fisuieb 1 . L'infatigable vulgarisateur, qui a déjà publié tant do livres, sur toutes les branches de la science, vient de faire paraître le premier volume d'une grande publication qui fait suite en quelque sorte aux Mer- veilles de la science. M. Louis Figuier a le don de trouver les sujets attrayants, de les expoier d'une façon agréable, claire, intelligible, et de les orner d'un incomparable luxe d'illustrations. Les ouvrages de M. Figuier ont été quelquefois l'objet de criti- ques acerbes ; mais nous ne partageons pas l'opinion de ces juges sévères, qui examinent tout à la loupe et qui semblent prendre un malin plaisir à dévoiler les plus petites imperfections et les moindres erreurs. Notre opinion sincère sur l'auteur de ces innombra- bles œuvres de science vulgarisée, c'est qu'il est digne des plus grands éloges de la part de tous ceux qui se soucient des bienfaits de l'instruction. C'est par douzaines que M. Figuier a jetés entre les mains de la jeunesse, dos livres attrayants et essen- tiellement instructifs, des ouvrages qui donnent lo 1 1 vol. grand in-8° illustré. — l'urne, Jouvct et C". l'aria. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 41 LA NATURE. goût de la science, et qui inspirent au jeune lecteur 1k désir de connaîtra et d'apprendre. Au lieu de détiigrersystématiquement les œuvres d'un tel écrivain, applaudissons au contraire à leur succès légitime, car quoi qu'on puisse dire, elles sont utiles et contribuent à répandre des notions substantielles et salutaires. Les Merveilles de l'industrie sont fécondes en surprises et en attraits. Les fabriques de porcelai- nes, de faïences, les verreries, les cristalleries, ]es usines de produits chimiques, passent successive- ment sous les yeux du lecteur, qui rencontre par- tout des sujets d'admiration, entremêlés de récits curieux et intéressants. — Les gravures ci-contre reproduisent deux fabriques de savons ; la première de savon commun, la seconde de savon de toilette. L'auteur a l'excellente habitude de faire l'historique des questions qu'il étudie ; cela donne beaucoup de relief, aux faits contemporains. A propos des savons, sujet quenousavons choisi à peu près an hasard dans l'œuvre nouvelle, M. Figuier nous raconte l'origine des célèbres savonneries de Marseille, qui ont été FabricatioQ du savon de suif dans uni: usine des enyirons de Paris. (Opérations de la cuctiun du savon et du coulage dans les- mises.) créées en France pendant l'administration du grand Colbert, et qui sont devenues une véritable source de richesses pour notre pays. Voici une anecdote plus récente, qui nous a paru originale : « C'était en 1814, à la première rentrée des Bour- bons. Le comte d'Artois venait d'arriver à Marseille, et y avait trouvé l'accueil le plus enthousiaste et le plus bruyant. On le promenait de fête en fête au mi- lieu des acclamations de la foule et des harangues de l'autorité. Au nombre des curiosités locales et comme preuve d'intérêt vis-à-vis d'une grande industrie, il avait été décidé que son Son Altesse Royale honore- rait de sa visite une de nos principales fabriques de savon. C'était, il m'en souvient, celle de M. Payen, située sur les hauteurs de la vieille ville, et qui avait été improvisée et décorée pour la circonstance. Les ouvriers y étaient à leur poste, en habit de travail, les contre-maîtres aussi ; on devait donner au prince le spectacle d'une fabrication en miniature. Elle eut lieuen effet, et qu'en sortit-il? Un buste de Louis XVIII en savon, d'une blancheur transparente, et sur le socle duquel on pouvait lire cette inscription ; « // efface toutes les taches. » Pour préparer le savon desuif, on coupe le suif en morceaux et on en introduit environ 900 kilogram- mes dans une chaudière en fer battu. On verse dans cette chaudière 400 à 4à0 litres de lessive causti- que faible {lessive de sel de soude à 10°), et l'on a Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. « Vempâtage en entretenant une ébullition modérée, pendant qu'on active la saponification en agitant la masse avec un redable. Notre première figure donne l'aspect d'une usine des environs de Paris. Les sa- vons de toilette offrent la même composition que les savons ordinaires, mais seulement ils sont préparés avec plus de soin. Ils sont pulvérisés avec des ma- tières odoriférantes, et moulés ensemble dans des appareils spéciaux. On voit ci-dessous l'intérieur d'une fabrique de savon de toilette «liez un parfu- meur parisien. On aperçoit à droite la rangée des ma- chines broyeuses et peloteuses (jui confectionnent les pains de savon, et à gauclie les opérations du pa- quetage des mêmes pains. Le nouvel ouvrage que M. Louis Figuier vient d'entreprendre comprendra quatre volumes sem- blables à celui dont nous parlons. Les trois suivants seront peut-être plus intéressants encore. Us traite- ront des industries des mines et des métaux, et de? industries mécaniques, agricoles et alimentaires. " '-** . iu telle ut' d une fabrique de saxon de tuilette (aalie des machines chez un parfumeur de Paris), CMONIQCE Exposition Internationale d'horticulture de Florence. — La Société royale d'horticulture de Tos- cane convie tous les horliculteun et les amateurs à l'Ex- position internationale horticole, qu'elle ouvrira le 11 mai 1874, à Florence (Italie), il qui ne sera fermée que le 25 du même mois; ce tournoi horticole, dit le Journal d'agriculture, coïncidera avec le Congrès international de botanique, qui se réunira également à Florence à la même époque. Tlus de 200 concours sont inscrits au programme; les prix seront plus nombreux encore, carie total de ceux qui ont été mis à la disposition des organisateurs dopasse déjà 4o0, dont 110 médailles d'or. Les demandes d'ad- mission doivent être adressées au président du comité d'organisation, à Florence, avant le 31 janvier 1874. Le cl -min de for de Calais a HarstiUe. — On sait que la commission d'enquête parlementaire a examiné ré- cemment un très-sérieux rapport sur cet important projet, qui a excité l'attention publique. L'examen approfondi de la question du chemin de fer de Calais à Marseille a élé renvoyé, par l'Assemblée nationale, à. l'époque où elle sera saisie des propositions relatives a un certain nombre de lignes nouvelles, indiquées par le ministre des travaui publics. I*e phylloxéra vastntrlx. — Le Journal d'agricul- ture résume succinctement les nombreux travaux exécu- tés sur la destruction de ce terrible ennemi des vignobles. Les publications sir les moyens de détruire le phylloxéra, dit M. Barrai, se multiplient sans apporter de nouvelloi lumières sur la question. Trais faits paraissent seulement certains : premièrement on peut donner à [a vigne une vigueur qui lui permette de résister davantage à son en- nemi, en la nourrissant lortement par des engrais azotés, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 46 LA NATURE- tels que des guanos, des urines, etc.; deuxièmement, on peut tuer le puceron par une immersion ayant, en outre, l'avantage de fournir à la vigne dus sucs abondants ; c'est le procédé Faucon ; — troisièmement, on peut avoir re- cours à des insecticides varias, tels que le sulfure de car- bone, l'insectivore Peyrat, l'ingrédient Desailly pour le chaulage des grains, etc. La viticulture est donc mainte- nant convenablement armée pour combattre r.on ennemi; mais avant une campagne nouvelle, il sera impossible de savoir quel est le meilleur instrument à employer pour assurer la viefoire. Swincc solennelle de la Société royale, de Londres. — la Société nivale de Londres a tenu sa séance annuelle, le dernier lundi de novembre, dons le nouveau local de ses séances. Sir Georges Beddel Air; a résigné la présidence, après avoir résumé l'état actuel des travaux de la société pendant la session qui vient de s'é- couler. 11. Williamson, l'ancien président de l'Association bri- tannique, a été, dans la session deBradford, nommé secré- taire pour la correspondance étrangère, en remplacement de M- Miller, le savant professeur de minéralogie à l'Uni- yersilé de Cambridge. Comme nous l'avons dit dans notre compte rendu, H. Williamson est professeur de chimie à l'Université de Londres. La médaille Copley a été décernée à M. llelmhollz, de Berlin, pour l'ensemble des travaux sur la physiologie. Les principaux sont : la Conservation de la force, 1H47 ; les Leçons d'acoustique, 1805, et le Manuel d'optique physio- logique, 1807. M. Ilelmlioltz f;ùl partie, depuis 18(10, de la Société royale de Londres en qualité d'associé étranger. Deux médailles royales ont été décernées, dans la même séance : la première à M. Allmann, professeur d'histoire naturelle à lTniveisité d'Edimbourg, pour ses travaux, et notamment ses Iravaiix sur leshydroïdes et les polvzoaires ; la seconde médaille a été décernée à M. lîoscoë, profes- seur au collège Quecn à Manchester. Il est inutile de dire que cet honneur lui a été conféré pour te récompenser de ses travaux sur l'analyse de la lumière à l'aide du spec- troscope, mais quelques-uns de nos lecteurs ne savent peut-être pas que ce savant s'est distingué également dans l'étude des compusés du vanadium. Les mémoires de 11 Roscoe se trouvent presque tous insérés dans les Mémoi- res et le- Transactions de la Société royale. Quelques jours auparavant, la Société avait procédé à ses nominations annuelles de membres correaondanls. La France a obtenu une nomination, celle de M, lier- niitte, membre de 1 Académie des sciences. La Belgique, une nomination, celle du vénérable Oma- lius d'ilalloy, célèbre géologue, président du Sénat belge. La Russie, une nomination, celle de M. (JLlo Struve, di- recteur de l'Observatoire de Pulkaiva. Les États-Unis, une nomination, celle de M. Assa Gray, professeur à l'Université de Cambridge. L'empire d'Allemagne a eu, à lui seul, deux nomina- tions, le professeur Erman, de Berlin, et le professeur Heule, de Gœttingue. A la suite de la mort de M. de la Rive, deux places sont encore vacantes dans la liste des associés étrangers. CORRESPONDANCE Nous publions très-volonfiers la lettre suivante que l'on nous envoie d'Italie, et qui a déjà été insérée dans le Rotna giornale de! maitino ; « Monsieur le Directeur, » Dans l'estimable revue scientifique, publiée à Paris sous le titre : la Nature, on lit, à la date du 1!) juillet 1873, une relation du tremblement de terre de Bellime. L'auteur m'attribue la prévision d'un nouveau volcan au milieu des Alpes. Voici ses propres paroles « Ce fremble- « ment de terre semble donner raison au professeur Pal- « mieri, qui prétend qu'un vo'can iinira par sortir au o milieu des Alpes. C'est le voisinage du ment Baldo que Pruprictaire-Gérant : G. TissAsuiEt. Cviiiiul. — Typ. et nier. Chktj. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires iV 50. — 27 DÉCEMBRE 1 S75. LA. NATURE. 40 AUGUSTE DE LA RIVE Auguste de la Rive est né à Genève en 1801. Cet homme célèbre que la mort vient d'enlever est fils de Charles-Gaspard de la Rive, chimiste et physicien, né et mort comme lui à Genève, après avoir comme lui contribué à la gloire de l'Académie de cette ville. Destiné au barreau, Charles-Gaspard, son père, avnit dû se réfugier un Angleterre, à la suite d'une condamnation du tribunal révolutionnaire de Genève. 11 ne revint dans sa patrie, qu'après un eiil de plu- sieurs années, utilement employé à faire ses études médicales à l'Académie d'Edimbourg. C'est dans l'Athènes du Nord qu'il contracta une étroite amitié avec le grand Davy, ce qui devait le mettre en rap- port également intime avec Ampère et Arago. Auguste, inspiré par le noble exemple de son père, ne se borna pas à étudier le droit; il s'adonna égale- ment à la culture des sciences physiques, et notam- ment de l'électricité, dans laquelle sou père avait fait d'intéressantes découvertes. 11 n'avait que 22 ans lorsqu'on lui confia la chaire de physique, qu'il occupa jusqu'en 1846, épo- m m liaison de la Rive ( d'upi-às une photographie}. queà laquelle il donna sa démission à cause des chan- gements survenus dans le gouvernement de la répu- blique. Quoique protestante, la famille de la Rive ne partageait pas l'hostilité de beaucoup de ses coreligionnaires contre la religion catholique, et l'onvitplus d'une fois les de la Rive contribuer de leurs deniers à l'édification de temples appartenant à une confession rivale de la leur. Ils ne pouvaient, par conséquent, approuver la part active que le gou- vernement de la république prenait à la guerre du Sonderbund. Dans cette période critique de l'histoire de Genève, Auguste de la Rive avait été un des chefs les plus actifs et les plus résolus du parti conservateur. La défaite de ses amis le décida à la retraite, et il ne rentra dans la vie politique que lorsque la république put !' anace. — 1 er seratslre. se croire menacée dans son existence par les agran- dissements delà France. En 1861, époque de l'annexion de la Savoie à la France, il se rendit en Angleterre, comme minière plénipotentiaire de la Confédération helvétique. Grâce à l'action très-aetive exercée par le roi Léopold en faveur delà Belgique, il obtint du cabinet anglais l'assurance qu'une annexion à la France serait con- sidérée comme un casus belli. Le premier travail d'Auguste de la Rive est un mémoire sur les courants électriques produits par l'action du magnétisme terrestre dans la portion mo- bile d'un conducteur, voltaïque. C'est ce curieux phé- nomène, si plein d'enseignements, qui attira les pre- mières méditations du jeune de la Rive. C'était le couronnement de l'édifiée dont les fondements ve- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 50 LA NATURE. liaient d'être creusés par son père. Kn effet, quel- ques années auparavant, Charles-Gaspard avait ima- gine les flotteurs électriques et constaté l'action i dont son fils devait tirer une si brillante expérience. A partir de 1846, Auguste de la Rive n'avait plus à sa disposition les in4rumcnls de l'Académie ào. Genève. 11 se créa un laboratoire dans la maison de campagne que sa famille possède depuis plus de qua- tre siècles à Prcsmges. Cette maison historique est située à 8 kilomètres de Genève dans un vallon retiré, de sorte qu'on n'y a ni la vue du lac ni celle du Mont-Blanc. Le parc qui l'entoure est très-vaste, l'avenue principale a près j d'un kilomètre de longueur. On v admire une grande ' quantité de vieux arbres imprimant à ce manoir, ■ que de la Rive se plaisait à administrer lui-même, un caractèie de beauté tranquille et majestueuse. Le comte de Cavour, allié, et ami de la famille de la Rive, allait souvent méditer à l'ombre de ces grands chênes séculaires sur les destinées de l'Italie future. Parmi les visiteurs et les hôtes de Prc- smges, nous citerons encore le feu duc de llroglie, le vénérable Léopold de Buch, MM. Charles Sainte- Glaire Rcvillc, Grove, Yerdet, Matteucci, le comte Rossi, Topil'er, Sismondi et Agassi?. C'est à Prcsinges qu'Arago vérifia les merveilleuses découvertes d'Œr- stedt. C'est là qu'il conçut l'idée première de l'éleetro- aimant, c'est là que Ampère, le génie incomparable, venait respirer l'air des montagnes et se retremper au foyer d'une aimable hospitalité helvétique. Séduit par la nature franche et vive du fils de son ami, Ampère aimait à guider ses premiers pas et à diriger lui-même ses premières expériences. Il avait réussi à lui transmettre une étincelle de ce feu sacré qui le dévorait lui-même, et que seul la mort put éteindre dans son sein. C'est enfin à Presinges, que Faraday fut révélé à Davy dans des circonstances bien étranges. n Davy, qui allait en Italie pour faire son pèlerinage artistique et philosophique, avait emmené avec lui de Londres, Faraday, alors simple garçon de labora- toire, hier encore ouvrier relieur. Faraday, inconnu et très-pauvre, avait sollicité de llavy la permission de l'accompagner sur le conti- nent à quelque titre que ce fût. Davy avait dit oui, mais à condition que Faraday se considérerait comme un simple domestique, et Faraday, rigide observa- teur de sa parole, s'acquittait de ses fonctions avec une ponctualité tonte britannique. Davy allait souvent à la chasse avec son ami Char- les-Gaspard de la Rive, qui eut occasion d'entretenir son valet. Il fut frappé de la pénétration singulière de cet homme, lui demanda quelques éclarcissements et obtint la confidence du singulier marché que Davy avait fait. Vainement il voulut obtenir de Davy de transformer la situation de son valet ; l'obstiné phy- sicien refusa de l'admettre à sa table. Craignant de froisser un ami, mais ne voulant pas humilier plus longtemps un homme, dont il avait compris la va- leur, de la Rive prit un terme moyen; il décida que Faraday, au lieu de manger avec les domestiques, serait servi seul dans sa chambre. Le jeune de la Rive allait quelquefois partager ses repas solitaires. De là date une amitié qui, malgré la différence des iiges, fut, on le comprend, des plus vives et des plus tendres. Le laboratoire où de la Rive a exécuté ses travaux, depuis l'année 1846 jusqu'en 1805, était situé au premier étage du bâtiment que nous avons repré- senté au premier plan de notre gravure. C'est dans d'autres parties de la maison, qui a été. remaniée à plusieurs reprises et qui n'a aucune prétention ar- chitecturale, que les travaux avec Davy et avec Am- père ont été exécutés. C'est là que de la Rive a reçu ses premières leçons de la part de grands génies qui ont laissé dans notre histoire une trace si glorieuse. Depuis 1869 jusqu'à sa mort, Auguste de la Rive avait établi son laboratoire dans une maison qu'il possédait en ville. Il se composait de trois ou qua- tre chambres situées au rez-de-chaussée, où l'on avait établi les conduites d'eau et de gaz nécessaires, mais sans aucun luxe. Comme tous les grands inventeurs, Auguste de la Rive ne croyait pas qu'il y eut au inonde un seul physicien assez riche pour se payer le luxe d'instruments inutiles. C'est seulement à Paris, à propos de l'Exposition universelle, que ses belles démonstrations sur la rotation des courants électri- ques dans le vide de la machine pneumatique ont eu lieu sur une échelle grandiose. Ce qui frappait le plus dans Auguste de la Rive, c'était l'activité extraordinaire et l'étendue de son esprit. Il n'y avait, pourainsi dire, pas de sujet auquel il ne prit un intérêt des plus vils. Il était toujours prêt à prendre part aux discussions, et dans tout il recherchait ce qui avait de l'importance, il mettait constamment le doigt surle noeud vital. Sa mémoire était excellente, on pourrait dire ad- mirable, et il l'exerçait sans cesse. 11 n'y a guère de travail important de ces trente dernières années qu'il n'ait lu, dans quelque langue qu'il ait été écrit. Son grand ouvrage sur l'Électricité donne !a preuve de cette merveilleuse érudition. Car tous les chapitres sont accompagnés d'une bibliographie ines- timable, où tous ces travaux analogues sont admi- rablement résumés. Nous ne pouvons indiquer ici toutes les découver- tes qui sont dues à cet homme célèbre, et qui lui ont valu l'honneur si mérité d'être un des huit associés étrangers de l'Académie des sciences, mais nous ne pouvons passer sous silence l'invention des piles à peroxyde de plomb, qui sont le premier pas fait dans l'utilisation des composés insolubles, la découverte de la boussole des sinus, seul moyen de mesurer rigoureusement les courants, enfin la découverte de la dorure électrique. Riche et dévoué à la science, de la Rive ne chercha point à accroître sa fortune. Il abandonna généreu- sement au public l'usage des propriétés électro-chi- miques des courants. Il ne garda pour luiquel'hon- neur d'être, en 1842, le lauréat de l'Académie des Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 51 sciences. En même temps, cette illustre assemblée récompensait MJI. RuoU et Klkington, qui avaient rendu pratique et industrielle l'admirable invention théorique: du savant Genevois. Le prix de trois mille francs qui lui fut décerné, il le consacra à la fondation d'un prix décerné par l'Académie de Genève. Comment ne pas rappeler que c'est de la Rive qui a indiqué le renforcement d'un couple voltaïque par son propre courant dérivé au moyen d'une bobine d'induction? pouvons-nous passer sous silence celte théorie électro-chimique de la pile qui a mis fin à la trop* célèbre théorie du contact, et qui a démontré que les affinités chimiques sont le primurn movens de cette force si étonnante, si multiple dans ses effets, si semblable à la vie, que certains l'ont con- fondue avec la vie elle-même ? Nous devons ajouter que Auguste de la Rive a été un vrai journaliste scientifique dans la plus haute expression du mot. C'est lui qui a créé les Archives de l'électricité, recueil qui restera longtemps sans rival. Il a été un des plus actifs collaborateurs des Archives des sciences physiques el naturelles, excel- lent recueil qui se publie mensuellement à Genève. Auguste de la Rive s'occupait, lorsque la mort est venue le surprendre, de travaux relatifs à la théorie des aurores boréales, si admirablement étudiées par Donati. Son esprit éclairé était digne de comprendre les promesses de la météorologie cosmique. Il anno- tait et compulsait toutes les observations qu'il avait pu se procurer sur un aussi admirable et mystérieux phénomène ! Il est mort à Marseille, pendant un voyage entre- pris dans un climat moins rude que Genève, pour rétablir sa santé chancelante. Les siens, appelés en toute hâte à l'issue d'une attaque de névralgie, eurent la triste consolation d'alléger ses souffrances par des devoirs sacrés et de recueillir ses derniers soupirs. Auguste de la Rive laisse deux fils ; l'un d'eux s'occupe de travaux littéraires ; l'autre a rédigé la partie mathématique du grand ouvrage de son père, sur V Électricité théorique et appliquée. Le nom de de la Rive n'est pas perdu, ni pour les lettres, ni pour les sciences. Nous n'avons pas eu l'occasion de voir le savant et l'homme, celui dont nous retraçons avec émotion la vie si bien remplie. Mais nous avons puisé dans ses ouvrages le peu que nous savons d'électricité théori- que et pratique. En rendant hommage à sa mémoire, il nous semble que nous nous acquittons d'un pieux devoir. W. de Fokvielle. LES RÈGLES DE LA ROL'TE A LA MER L'abordagede la Ville-du-Havre, parle Lock-Earn, survenu après le sinistre du North-Fleet, après tant d autres, a vivement surexcité l'opinion publique. Ce que l'on s'est demandé tout d'abord, c'est, si dans le recueil des lois internationales, il n'y en avait pal qui prévît et dût empêcher de tels désastres, et l'on a trouvé la convention de 1862. A cette époque, en effet, la France, l'Angleterre, émues des nombreu- ses rencontres suivies de sinistres, dont les océans, chaque jour plus sillonnés, étaient le sombre théâtre, ont rédigé en commun une série do règles, qui ont aujourd'hui force de loi sur toutes les mers, les au- tres puissances maritimes les ayant adoptées à leur tour. Rédigés par des hommes choisis et expérimentés, il semblerait que ces règles dussent être infaillibles : elles ne le furent, malheureusement pas; aussi en An- gleterre, dans leParlement et dans la Presse, elles ont été l'objet de critiques nombreuses, critiques qui ont trouvé de l'écho en France bien avant les deux sinistres dont l'humanité est encore si péniblement affectée. Le principal argument mis en avant par les ad- versaires de la convention internationale de 1862, c'est que le nombre des abordages va toujours crois- sant depuis l'adoption des nouvelles règles de route. Nous croyons qu'on s'avance beaucoup en produisant une semblable affirmation, car il n'y a pas de catalo- gue général des naufrages remontant à plus de quinze ou seize ans, et ceux qui ont la prétention d'en dresser le bilan pour cette période ne tiériteut au- cune confiance. II n'en est pas tout à fait de même pour les statis- tiques locales, et, parmi celles que nous avons sous les yeux, la liste des naufrages publiée en Angleterre, par le Board of Trade, entre autres, permet d'argu- menter d'une façon plus sérieuse. Cette liste, qui em- brasse dix-huit de ces dernières années, et que le Board of Trade lui-même considère comme com- plète et sûre depuis 1859, seulement, ne mentionne que les naufrages survenus sur les côtes ou dans les eaux du Royaume-Uni. C'est là un espace restreint sans doute, mais ces mers étant celles du monde où la navigation est la plus active, elles sont aussi celles qui voient leplus de sinistres et de collisions. Elle nous présente les totaux suivants: Nombre des sinistres survenus de 1859 à 18G8, 16,184 ; col- lisions, 5,559; total des navires perdus, 19,779; navires perdus à la suite d'une collision, 7,154. En examinant les chiffres qui composent ce tableau, on remarque que, sur 1,000 sinistres, le nombre des collisions a été de 226 pour les 4 premières années de 1859 à 1862, et de 220 pour 1,000 pour les 5 dernières années de 1864 à 1868. Il y a donc une tendance, assez faible il est vrai, aune diminution, qui sera plus forte si nous éliminons tous les aborda- ges autres que ceux qui so produisent entre des navires en marche, et cesont ces derniers seuls que prévoient les règles de route. Nous obtenons alors 157 collisions sur 1,000, qui se trouvent réduites, après la promulgation de la loi, à 145. Les 3,559 collisions que nous venons de constater dans le cours des dix années comprises entre 1859 et 1 868 se répartissent de la manière suivante : entre 2 vapeurs eu marche, 75 ; entre 2 voiliers en marclie, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 52 LA NATURE. 1,702; enlre un vapeur et un voilier en marche, 533; entre2 voiliers, l'un àl'ancre, l'autre enmarche, 595 ; entre un vapeur à l'ancre et un voilier en mar- che, 20 ; entre un voilier à l'ancre et un vapeur en marche, 86; entre 2 navires à l'ancre, 488. Entre des vapeurs l'un en marche, l'autre à l'ancre, il ne s'est produit qu'une collision de 1850 a 1868, et cela en plein jour, en octobre 1857. Ce résumé prouve suffisamment que les reproches adressas à la convention de 1862 sont fort exagérés. Il faut reconnaître néanmoins que l'adoption de ces nouvelles règles n'a pas produit tout le bien qu'on en espérait. Pourquoi? Avant de répondre à cette question, examinons les 2,408 collisions survenues entre 2 navires en marche pendant les 8 années de 1859 à 1866, et classons-les d'après leurs causes. Nous trouverons ainsi que, sur 2, 408 collisions, il y en a eu : 28 causées par un virement de bord man- qué ; 48 par le manque d'espace ; 1 45 parla brume ; 264 par des accidents inévitables ; 155 par l'absence de signaux de nuit; 127 par défaut d'expérience des capitaines; 203 par manque du prévoyance; 215 à la suite d'erreurs du pilote ou du capitaine ; 557 par l'inobservance ou l'interprétation inexacte des rè- gles; 594 par pure négligence, et enfin 94 par des motifs indéterminés. Ainsi, sur 2,400 collisions, un quart à peine a été la suite d'accidents inévitables ou de circonstances que l'intelligence humaine ne pouvait empêcher. plus des 3/4 ont eu pour cause l'avarice, la négli- gence ou l'incapacité. Ces chiffres nous paraissent parler assez haut. Nous les compléterons néanmoins par la comparai- son des abordages survenus la nuit avec ceux de jour. Le document que nous avons sous les yeux, établit que, de 1850 à 1868, sur 2,766 collisions, il s'en est produit 1,791 pendant la nuit, et 795 pen- dant le jour; il établit encore, que sur 100 colli- sions, 40 arrivent par beau temps, et sans brume. Revenons aux règles de route. Les causes qui les empêchent de produire tous les résultats qu'elles recherchent sont diverses. Il y a d'abord l'augmenta- tion constante du nombre des navires, et aussi l'ac- croissement de leur longueur. Tandis que les mers s'encombrent, les navires évoluent bien plus diffici- lement, bian plus lentement qu'autrefois. La rapidité exigée aujourd'hui, dans les traversées, la nécessité d'arriver coûte que coûte à une heure fixée au dé- part, compliquée de la réduction des équipages, ne sont pas non plus étrangères à la multiplicité des abordages qui se sont produits depuis une vingtaine d'années. Les règles de la route à la mer, édictées en 1862, ne sont donc pas aussi défectueuses que l'on veut bien le dire; elles ont surtout contre elles d'être mal observées et même de ne pas l'être du tout. Ceci dit, nous accorderons volontiers qu'elles sont perfectibles et qu'on peut les améliorer Nous cite- rons entre autres articles qui, en raison de leur am- biguïté, doivent être reformés, les suivants ; « Anr. 11. — Si deux navires à voiles se rencon- trent courant l'un sur l'autre ouà peu près, et qu'il y ait risque d'abordage, tous deux viennent sur tri- bord pour passer à bâbord l'un de l'autre. « Art. 13. — Si deux navires sous vapeur se ren- contrent courant l'un sur l'autre ou à peu près, et qu'il y ait risque d'abordage, tous deux viennent sur tribord pour passer à bâbord l'un de l'autre. « Aar. 14. — Si deux navires sous vapeur font des routes qui se croisent et les exposent à s'aborder, celui qui voit l'autre par tribord manœuvre de ma- nière à ne pas gêner la route de ce navire. « Aet. 16. — Tout navire sous vapeur qui appro- che un antre navire de manière qu'il y ait risque d'abordage, doit diminuer sa vitesse ou stopper, et marcher enarrière s'il est nécessaire. « Anr. 18. — Lorsque par suite des règles qui précèdent, l'un des deux bâtiments doit manœuvrer de manière à ne pas gêner l'autre, celui-ci doit néan- moins subordonner sa manœuvre aux règles énon- cées à l'article suivant. « Ait. 19. — En se conformant aux règles qui précèdent, les navires doivent tenir compte da tous les dangers de la navigation ; ils auront égard aux circonstancesparticulières qui peuvent rendre néces- saire une dérogation à ces règles, afin de parer à un pareil inconvénient. » Pour l'ensemble delà loi, il y aura lieu de s'inspi- rer des excellents travaux publiés en Angleterre par la Naval Science et particulièrement par 11. Stirling l.acon, et en France, dans la Iievue maritime par MU.Rayot, Rurct, Galache, Vavin, etc. Ce qu'il fau- dra évidemment trouver et prescrire, c'est un sys- tème d'avertisseurs pour les temps de brume, et par la nuit des feux bien visibles. Trop encombrante sans doute pour être placée sur tous les navires, la lumière électrique devra du moins être exigée à bord des paquebots, et en général de tous les bâtiments ayant un tonnage un peu élevé. Cette lumière rendra do grands services, non pas en aveuglant le navire que l'on rencontre comme on le fait quelquefois, mais en éclairant sa propre mâture, ou en envoyant droit sur l'avant un faisceau oblique de rayons lumineux, ce qui indique exacte- ment la route faite. Au reste, une commission s'or- ganise en ce moment au ministère de la marine pour reviser le règlement de 1802; on peut être assuré d'avance qu'elle apportera dans son travail ce zèle, cet esprit pratique, ces lumières qui font de nos of- ficiers de marine un corps si distingué et si popu- laire. L. Rekard. LE PASSAGE DE VÉNUS SUR LE DISQUE SOLAIRE. L'année 1874 est une date importantepourles as- tronomes du monde entier : au mois de décembre de cette année-là, Vénus passera sur le disque solaire. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 55 Ce phénomène, qui n'a pas eu lieu depuis 105 ans, ne se verra plus, après 1874, qu'en 1882, puis on 2004. II offre le moyen de connaître la parallaxe so- laire à un demi-dixième de seconde près, et par con- séquent do vérifier aveo des notions sûres les dis- tances mutuelles de tous les astres. Un savant très-connu et très-populaire, M.. I.rîuni- bosson, vient de publier un ma- gnifique ouvra- ge, intitulé His- loirtdesastres 1 -, où il donne de très-curieux dé- tails sur ce pas- sage de Vénus si attendu et qui comptera parmi tes événements mémorables de notre siècle. Cràce à l'obli- geance des édi- teurs, nous pou- vons reproduire pour nos lec- teurs ces docu- ments si inté- ressants et si clairement expo- sés. « La gravure ci-contre repré- sente le passage de Vénus sur le Soleil observé de trois points dif- férents A, B, C. Au moment de son pass.ige sur l'astre du jour, cette planète se trouve deux fois. et demie environ plus près de nous que le So- leil. Sa parallaxe a donc une va- leur très- appré- ciable. Supposons que deux observateurs A et B soient placés aux extrémités d'un diamètre terrestre, faisons abstraction du mouvement de rotation de la terre, chacun d'eux pourra mesurer la corde qu'il voit décrire à la planète, soit en évaluant le temps du passage, car le mouvement angulaire étant par- faitement connu , le temps fournira l'espace par- 1 Histoire des astres illustrée, ou Astronomie pour tous, par J. FlamI)05son, — Ouvrage illustré rietiî gravures sur hois, de 3 cartes célestes et de 10 planches en couleur. — Paris. Firmin-Didol frère», lils et ij; 1874. Passage de Vénus sur le soleil. couru. Les deux cordes partant de a, b étant déter- minées, on en conclura facilement leur distance a è>, puis, au moyeu de deux triangles ayant la même base A b B et A a D, ou trouvera que la distance des cordes vaut cinq fois le rayon de la terre. L'angle sous lequel on voit de la terre la distance a b vaut donc cinq fois l'angle sous lequel on verrait du So- leil le rayon ter- restre, ou cinq fois la parallaxe solaire. Ainsi, en pre- nant le cin- quième de la dis- tance a b, on aura la parallaxe de l'astre. (t C'est Ilallcy, un des grands astronomes de l'Angleterre et ami de Newton, qui indiqua 1;» premier le moyen d'obtenir la parallaxe du Soleil, ou sa dis- tance à la terre par le passage de Vénus sur cet astre: « L'illus- tre astronome savait bien, néan- moins, qu'il ne pourrait, selon toute probabi- lité, faire usage lui-même de sa méthode, et que depuis long- temps sans doute il aurait cessé do vivre (il était né en 165(3) quand le mo- mentseraitvenu. 11 la recomman- dait pourtant avec bonheur, se préoccupant bien plus d'être utile aux hommes après avoir disparu du milieu d'eux, que d'adresser de mélancoliques regrets à cette existence d'ici-bas, trop courte pour lui permettre de contempler le phénomène dont il avait le premier découvert l'im- portance. Touchante manifestation des instincts éle- vés que nous a donnés la l'rovidence, qui nous font entrevoir un impérissable avenir succédant aux agi- tations éphémères de la vie*. ■> 1 Petit, Traité d astronomie. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 54 LA NATURE. L'importance pour la science du passage de Vénus sur le Soleil a provoqué nombre d'observations et de voyages périlleux : « Poussé par cet héroïque dévoue- ment au devoir, dont le nom de Ilalley rappe- lait au reste plus d'un glorieux exemple, ajoute le savant que nous venons de citer, les astronomes se répandirent à la surface du globe, aliu d'observer les passages annoncés. L'un d'eux entre autres, Le Gentil de la Galaisière, parti de l'Inde, au mois de mars 1760, et paralysé par la guerre que nous sou- tenions alors contre les Anglais, eut le courage d'at- tendre à Pondiebéry, pendant huit longues années, le passage de 1709, risquant ainsi sa position officielle à l'Académie des sciences de Paris, où. foute de nou- velles sur soi» compte, on finit en effet par le remplacer ; ris- quant aussi son _^&>' patrimoine, qu'il avait confié à un dépositaire infi- dèle, des mains duquel il ne lui fut plus possible de l'arracher ; et pour comble de chagrin, man- quant entière- ment le but de son inépuisable abnégation, puis- que, après avoir pu seulement apercevoir, mais non observer du pont de son na- vire, le passage de 17(51 , il se trouva sous un ciel chargé de nuages qui lui cacb de 1760. » I h: VâQUs et ses phases iront absolument le phénomène « Déjà connu par un premier voyage en Sibérie lors dupassagede 1701, l'abbé Ciiapped'Autcroche, à son tour, s'en alla mourir de la fièvre jaune on Californie, le 1" août 1700, à i'àge de 41 ans, pour avoir voulu prolonger de 15 jours encore, sans grande utilité, il est vrai, son séjour au sein de l'é- pidémie, afin d'ajouter à son observation de l'éclipsé de Vénus celle d'une éclipse de lune et de quelques autres occultations. « Nombre de savants s'engagèrent également jus- qu'aux limites habitables du continent européen pour procéder à cette observation. Tant d'efforts ne restèrent pas infructueux, et l'on connut enfin, avec une précision presque parfaite, l'unité des longueurs célestes, la véritable distance de la terre au Soleil, précision qui ne tardera pas d'ailleurs à être vérifiée dans les prochains passages de 1874 et de 1882. i Eu même temps que M. Rambosson donne daiu son bel ouvrage ces intéressants renseignements his- toriques sur les passages de Vénus, il parle des par- ticularités offertes par la remarquable planète, 6 LA NATURE. Pendant les gelées et particulièrement pendant lr.s neiges, le Pic- Vert n'a absolument qu'un moyen d'exis- tence, c'est le piochage des fourmilières. Il les perce comme les troncs d'arbres et bien plus facilement puisque les matériaux des fourmilières ne lui offrent aucune résistance. I.e Pic-Vert pénètre à (l m ,30 et 0"',40 dans les fourmilières ; chacun peut s'en assurer, eu étudiant pendant l'hiver les grosses fourmilières des hois, les seules que le Pic-Vert affectionne. Dès le 22 no- vembre, M. d'Eslerno a vu des fourmilières attaquées ; mais, au mois de février, plies le seront, dit-il, pres- que toutes et bien plus profondement ; c'est sur elles que le Pic-Vert aura vécu pendant tous les froids. Et sur ce, M. d'Eslerno donne le nio\eu infaillible de prendre au collet le Pic-Vert sur les fourmiliè- res. Si quelque, jour, dit-il, l'administration découvre que le Pie- Voit perce et perd les troncs d'arbres les plus sains (du moins parmi les bois feuillus), si elle arrive à l'idée de mettre sa tète à prix , c'est sur une fourmilière que sera prompteiiieut pris, pendant l'hi- ver, le dernier de ces oiseaux. Vous le vovez, notre honorable collègue n'y va pas de main morte. 11 vent voir le dernier des Pics-Verts àson dernier soupir. Cela s'explique, M. d'Esterno est propriétaire de bois, et il a collectionné nu cer- , tain nombre de troncs d'arbres percés par les Pics- ! Verts. M. d'Esterno défend ses arbres, rien de mieux ; je ne le contredirai pas sur ce point. Habitant de la plaine, je ne sais pas par expérience si les Pics-Verts font un si grand tort aux arbres que le prétend M. d'Esterno. Mais ce que tous les naturalistes ont constaté jusqu'ici, c'est que ces animaux n'attaquent généralement que les arbres malades et envahis par des insectes destructeurs. Mais, en admettant l'opinion de M. d'Esterno rela- tive à la sylviculture, je suis persuadé que tous les horticulteurs protesteront avec m À contre son arrêt de murt à l'endroit du Pic-Vert. Les fourmis causent de tels dégâts dans les jardins, que l'oiseau qui les détruit doit être, considéré, selon nous, comme un oiseau utile, quoi qu'en ilisent la Bel- gique, l'Allemagne et le congrès de Vienne. Le Pic- Vcrt est le gendarme de nos jardins ; sans lui nos prunes, nos abricots, nos poires, nos pèches et nos raisins, qui sont ravagés par les fourmis, seraient complètement mangés par ces insectes dévorants. Non -seulement les fourmis font beaucoup de tort à ces fruits, mais elles communiquent souvent à ceux sur lesquels elles se sont promenées une odeur et une saveur peu agréables connues sous le nom de goût de fourmis. Dans les jardins, elles établissent fré- quemment leur habitation au pied des plantes ; elles creusent entre les racines des galeries dans toutes les directions, rendent ces plantes languissantes et les font quelquefois périr par l'acide formique qu'elles répandent à l'entour et qui brûle les radicelles. Comme tous ceux qui ont des jardins savent com- bien il est difficile de se débarrasser de ces insectes nuisibles àPhortieuPure, nous venons plaider la cause du Pic-Vert; cet animal a une vilaine voix, c'est pos- sible, mais il faut reconnaître que la nature a sans doute compris qu'un oiseau si préoccupé de son exis- tence ne devait pas chanter. Il est, en effet, comme l'a dit Buflon, assujetti à une tâche pénible et ne peut trouver sa nourriture qu'en perçant les ccorces et la fibre dure des arbres qui la récèlent ; occupé sans relâche à ce travail de nécessité, il ne connaît ni délassement ni repos ; souvent même il dort et passe la nuit dans l'attitude contrainte de la besogne du jour; il ne partage pas les doux ébats des autres ha- bitants de l'air ; il n'entre pas dans leurs concerts et n'a que des cris sauvages, dont l'accent plaintif, en troublant le silence du bois, semble exprimer ses efforts et sa peine. Et puis nous autres qui avons étudié la médecine, lions plaidons d'autant plus volontiers la cause du Pic-Vert, que c'est cet oiseau qui nous a donné les pre- mières leçons de percussion. On sait, en effet, que le Pic- Vert frappe à coups de liée le tronc des arbres, et au son rendu par le bois, il reconnaît les endroits creux où se nichent les vers qu'il recherche, ou bien une cavité dans laquelle il puisse se loger lu. -même, et disposer un nid. J'espère que M. d'Esterno prendra en considération notre défense et qu'il reviendra surson arrêt de mort, ou nous serons forcé d'en appeler auprès des savants et de tous ceux qui sont convaincus que tout être dans la nature a le droit de vivre et a son utilité dans l'harmonie universelle. EiiXEsr Mexault. M>o — DEUX MERVEILLES DU CAP Des diamants sujets à faire explosion d'eux- mêmes; des tortues pourvues de dents do chien, voilà des productions bien dignes de l'Afrique, cette « terre des monstres ! » Les tortues sont fossiles et se rencontrent dans les mêmes couches du sol que les diamants. Nos lecteurs pourront les voir, les uns et les autres, associés presque comme dans la nature, dans la galerie de géologie du Jardin dos plantes, où nos gravures ont été faites d'après les échantillons. Le diamant encore engagé dans sa gangue est re- présenté ci -contre de grandeur naturelle. Il provient des mines exploitées depuis peu, au cap de llonne- fispérance, et déjà célèbres par les trouvailles qu'on y a faites. C'est un octaèdre très-arrondi, d'une limpidité un peu grasse. La roche qui l'empâte est une espèce de conglomération de grès à grains tins. On aura une idée de la richesse des champs dia- mantifères du Cap par ce fait qu'une seule exploita- tion a fourni en moyenne, d'après M. Desdemaine. Ilugon, plus de trois mille diamants pendant huit mois passés. Les mines appartiennent à deux catégo- ries très-distinctes. Les premières dites sèches, si- tuées au milieu de plaines unies, consistent en cou- ches où la pierre précieuse est mélangée avec des Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. minéraux tels que les ilménites, les grenats, les py- rites, etc.; les autres, appelées mines de rivières, sont établies dans le lit ou sur le bord des cours d'eau et offrent, en association avec les diamants, des agates, des calcédoines, des péridots. Dans les deux cas, les diamants sont habituelle- ment fragmentai- res, et cela n'a rien de surprenant d'a- près leur déplorable faculté de faire par- fois spontanément explosion, ainsi que nous le disions tout ;*3*' à l'heure. Ce sont '"^Mi justement les plus beaux et li' s plus gros qui sont le plus sujets à celte infir- mité. D'ordinaire la rupture se déclare dans le cours de la Di.uu.vr cristallise engagé dans un £rè3 vcrdàLie et provenant dos mines du cap de Honne-iSjjérarice.. (Grandeur naturelle.) première semaine, nv.iis trois raoisaprès l'extraction, il y a encore possibilité qu'elle se pro- duise. Ou dit qu'on l'empêche en enduisant la pierre de suif, mai? si cet enduit doit être permanent, il diminue singu- lièrement la va- ._- :,,: leur de la gemme. Les champs dia- mantifères sont situés sur la li- mite delà colonie du Cap et des Etats libres du fleuve Orange, à environ 1,200 ki- lomètres de Cape- Town. Leur alti- tude est d'environ 2,000 mètres. Chacun d'eux cor- respond à une- sorte de bassin qui se signale même de loin par une très - faible élévation du ter- rain. L'enceinte des bassins , dont les parois des- cendent en pente régulière vers le centre, est con- stituée par des roches schisteuses facilement décom- posables à l'air. Les couches qui les remplissent consistent en sables et grès gris ou verts, en calcaire et en argiles. Quoique leur âge géologique ne soit pas encore absolument fixé, cependant, et malgré l'opinion de quelques géologues qui les rapportent au terrain carbonifère, tout porte à penser qu'elles datent de Vcpoque triasique. Les plantes fossiles qu'on y ren- contre et que M. Ralph Tate a décrites, ont tout à fait les caractères de la végétation de cette période, et les reptiles très-nombreux dont les restes y sont enfouis offrent aussi, suivant M. Huxley, des affini- tés très-intimes avec la faune du trias. D'ailleurs, par ses animaux comme par sa flore, cette formation présente lefaciès ter- restre ou lacustre. C'est à l'année 1844 que remonte la pre- mière découverte de reptiles fossiles dans les couches qui nous occupent. Elle est due à. M, An- drews Geddes Bain. Les études , aux- quelles les débris recueillis donnèrent linu , furent pour- suivies par de nom- breux géologues : MM. Sharpe, Saltcr, Egertou, Ilooker cl Paul Gcrvais, Albert Owen, tm Angleterre; JIM Gaudry et Fischer, en France. Cette faune erpétulu- gique est aujourd'hui très-considérable. Ou y distin ïue des crocodr % Ptïgjiogsitiil'S DEPKEshue (Fischer) . Crâne fossile découvert dans les couches triasifjufcs du cap de Eonne-Espérancc. (Deux tiers de grandeur naturelle.) S" liens, des lacer- tiens , des laby- rintbodontes et des dinosauriens, dont les vertèbres sont doubles, en dimension, de celles de l'élé- phant cl d'un tiers [dus grosses que celles du méga- losaure. Mais, les plus curieux de ces reptiles, ceux auxquels nous fai- sions allusion en commençant sont voisins des tor- tues, dont ils dif- fèrent néanmoins par des particula- rités importantes. Leur caractère le plus saillant consiste dans la présence de deux longues défenses aiguës, courbées, analogues à celles desmachairodus, des chevrotains et des morses. C'est pour cela que M. Bain les avait nommés bidcntals ; on préfère maintenant le nom plus régulier de dicynodon, qui vient du grec et signifie littéralement : deux dents de chien. Richard Owen, par l'étude approfondie de ces fos- siles, reconnut que les dicynodontes étaient, de leur vivant, des animaux ovipares, à respiration puhnu- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 58 LA NATURE. nairc et à sang froid ; car Cuvier a appris au paléon- tologiste à lire dans quelques restes d'os les détails de l'organisation viscérale et les particularités de la vjc d'êtres à jamais disparus. À côté de caractères analogues à ceux des tortues, le célèbre savant an- glais en trouva d'autres qui éloignent les dicynodon- tes do ces animaux pour les rapprocher des lézards, mais sans les confondre avec eux. D'après Huxley, ils devaientavoiruiie longue queue. Aussi, Owen (it-il des reptiles qui nous occupent un ordre à part qui, sous le nom d'anomodontes, est maintenant aussi important et aussi Lion caractérisé que n'importe quel autre ordre de lu classe des rep- tiles. Cet ordre comprend plusieurs genres et, entre autres, celui des plyehugnathus, auquel appartient ranimai dont on a dessiné ici le crâne d'après nature. C'est le P. depressus, découvert et décrit par 11. le docteur Fischer, aide-naturaliste au Muséum d'his- toire naturelle. Les os ne sont pas conservés partout; le plus souvent ils ont été usés ; sur quelques points ils ont disparu jusqu'à la gangue, qui est un grès dur à grain très-fins, de couleur gris verdilre. Les défenses sont brisées, mais le dessinateur, tout eu faisant sentir le point où s'est faite la rupture, les a restaurées pour rendre à l'animal sa véritable phvsionomie. Les ca- vités orbitaircs sont grandes, arrondies, éloignées l'une do l'autre; le globe oculaire devait se trouver à fleur de tête. M. Fischer signale dans la mâchoire iulérieure deux cavités ressemblant à des alvéoles in- cisifs ; peut-être sout-ce réellement des dents rudi- mentaires, aussi peu développées que celles deshyper- odontes parmi les cétacés. Il serait bien intéressant d'élucider cette importante question. Quoi qu'il en soit, les anomodontes sont remarqua- bles par l'ensemble de leurs caractères, qui en l'ont des êtres étranges, parce qu'ils semblent, avoir été empruntés aux régions les plus diverses du règne animal. C'étaient, comme nous l'avons dit, des inter- médiaires entre les lézards et les tortues : la partie antérieure de leur tête est construite comme chez les premiers, mais ils avaient, comme les secondes, le bord des mâchoires édontnlé et recouvert pendant la vie d'un étui corné analogue à un bec. La manière oblique dont s'ouvrait la bouche des plychognathus rappelle certains poissons. D'après Huxley, leurs na- rines et divers traits de leur ostéologïe les rappro- chent des oiseaux. Leurs défenses ont beaucoup plus d'analogie avec la dent des mammifères qu'avec celle des reptiles. Enfin, la constitution du bassin d'un grand dicynodonte, par la manière dont les deux côtés sont soudes ensemble, reproduit aussi une par- ticularité propre à divers mammifères et qui ne s'é- tait jamais rencontrée jusqu'ici parmi les reptiles. C'est par des transitions de ce genre, entre les types regardés comme les plus différents, que la paléonto- logie excite si vivement l'intérêt, non-seulement des savants, mais de tous ceux qui sont sensibles aux harmonies grandioses de la philosophie naturelle. Stamsias Meunier. ORIGINE DES CYCLONKS (Suite eL lin. — Voy. p, 20.) Un certain nombre de cyclones formés près de l'é- quateur passent dans la mer des Antilles et se dirigent progressivement vers l'est, en parcourant dans la zone tempérée la seconde branche de leur Inip'eloire parabolique. Plusieurs d'entre eux arrivent jus- qu'aux côtes occidentales de l'Europe. On a constaté que le plus souvent ils traversent l'Atlantique le longduGulf-strcam, elles marins ont donné par suite à ce courant le nom de père des tempêtes. 11 est fa- cile de voir, d'après la théorie de M. Peslin, à quoi tient la constance de la route suivie par le tourbillon sur l'Atlantique. L'atmosphère, au-dessus du fleuve d'eau tiède sorti du golfe du Mexique, est dans sa partie inférieure plus chaude et plus chargée de va- peur que l'atmosphère voisine au nord et au sud, ce qui explique les épais brouillards do l'hiver dans cette région. À mie certaine hauteur seulement, on retrouve l'identité d'état entre les couches d'air. Ou rencontre donc au-dessus du (lulf-stream les deux conditions principales qui ont été reconnues favo- rables à la propagation des tempêtes tournantes ; la décroissance rapide des températures et un air voisin de la saturation. Toutes les tempêtes tournantes qui traversent l'Atlantique dans la région extra-tropicale n'ont pas été fermées dans la zone tornde. Celles que le courant équatorial amené sur les côtes occidentales d'Europe sont beaucoup plus nombreuses que celles qui tra- versent la merdes Antilles. Elles présentent de plus une grande variété dans leur étendue et leur inten- sité, depuis les violents cyclones semblables à l'ou- ragan de l'Amazone dont nous avons reproduit la description, jusqu'aux simples bourrasques qui ont été comparées aux remous tournoyants visibles dans le courant d'un fleuve. Ces bourrasques sont carac- térisées, comme les cyclones, par une baisse plus ou moins forte du niveau barométrique qui se produit au centre des masses aériennes dans lesquelles la pression croît dans tous les sens à partir du minimum central. Sur les cartes synoptiques tracées à l'aide des données journalières fournies par les stations mé- téorologiques reliées par le réseau électrique euro- péen, les courbes isobares permettent de suivre les mouvements de ces tempêtes tournantes dont les vonts, eu général parallèles aux courbes, soufflent dans le sens indiqué par la loi des tempêtes. Les tra- jectoires des centres ont souvent des points de re- broussement, des directions dépendantes du l'oro- graphie de la contrée. Quelquefois ces tourbillons dévient jusqu'au Sahara africain et reviennent ensuite en Europe, où ils laissent tomber le sable qu'ils en- traînent. On a pu rattacher en outre au passage de ces mouvements tournants la généralité des orages. Quelques-unes des cartes synoptiques des atlas météorologiques publiées par l'Observatoire de Paris Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 53 ont été prolongées sur l'Atlantique à l'aide de don- nées fournies par un grand nombre de navires. Plu- sieurs d'entre elles ont mis eu évidence des tourbil- lons entièrement semblables à ceux qui avaient été observes sur le continent, et progressant comme ceux-ci vers l'est. Mais tes cartes fournissent peu de renseignements sur l'origine des tourbillons. Ainsi le commentaire de la carte du 1 er octobre 1864 signale une tempête en formation dans les parages de Terre- Neuve et du Labrador, sans autre indication. Le Bureau météorologique de Londres a publié une série de cartes synoptiques de la partie de l'o- céan Atlantique située au nord du parallèle de 50 de- grés, pour les onze jours qui ont précédé le 8 février 1870, cartes qui nous permettent une nouvelle étude sur l'origine des tempêtes tournantes. Cet intéressant travail a été entre- pris après la dispari- tion d'un grand bâti- ment à vapeur, City of Boston, qui avait quitté Halifax le 28 janvier, an début de la période du mauvais temps , et dont on n'a plus en- tendu parler. La vaste enquête a été encore dirigée par le capi- taine Toynbee, qui réunit et discuta les données fournies par trente - six navires dispersés sur diffé- rentes parties de la région atlantique, par les stations météorologiques de la côte des États-Unis, de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que celles provenant des stations d'Europe et résumées dans le Bulletin international de l'Observatoire de Parés. Les cartes synoptiques montrent qu'il y avait pendant les onze jours presque constamment du vent de nord dans le voisinage de la côte américaine, et que le veut de sud régnait à une certaine distance dans l'est. Suivant les cartes des lignes isobares de M. Buchan, dont il a tléjà été question plus haut, il devait exister des pressions maxima dans les lieux où soufflaient ces vents, et eu se rapportant à la loi de Buys-Ballot *, un minimum de pression devait se trouver entre elles. Ce minimum correspondait précisément au Gulf-stream, et notre remarque faite à propos du carré n° 3, sur la coïnci- dence de la plus basse pression avec la plus haute température des eaux, se conlirme ici. On retrouve la situation caractérisée alors et dont * M. Duys-Ballot, directeur de l'Institut i/iétéurologique d'Utreclil, a déduit la règle suivante de très-nombreuses obser- vations : Macez-voua de manière à ce que le point où le baro- mètre est le plus baa se trouve à votre tiauche, et celui où il eal le plus haut à votre droite ; vous tournez le dos à la direc- tion d'où le vent soufflera. dous avons déduit la probabilité delà naissance d'un mouvement rotatoire. La condition du renouvelle- ment de la force vive du cyclone ainsi produit se trouve aussi dans la chaleur et dans l'humidité de l'air au-dessus du Gulf-stream. Sur les cartes synoptiques du 5 février, à huit heures du matin, à trois heures et à huit heures du soir, on peut suivre les modifications des lignes iso- bares qui enveloppent un centre de dépression situé à peu près par 30 degrés de longitude ouest et hO de- grés de latitude nord. Sur celle du 6, le centre s'est un peu déplacé vers l'est, et sur celle du 7, tout le système des isobares, toujours formé autour d'un centre, s'étend sur les îles Britanniques. L'examen de ces cartes suggère an capitaine Toynbee d'intéres- santes observations, qui peuvent aussi servir à éclair- cir la question de l'origine et des mou- vements des tem- pêtes tournantes. « Peut-être, dit-il , le mouvement de l'aire de dépression vers le nord-est est-il causé par le change- ment de position du point où les deux courants aériens se rencontrent, la dé- pression ancienne se comblant constam- ment, pendant qu'une nouvelle dé- pression se forme en avautd'ellc. La figure ci-contre aidera à comprendre cette idée. Supposons un vent de nord du côté ouest et un vent de sud du côté est de l'Atlantique; par suite de la pression exercée lune sur l'autre par ces vents, quand ils arriveront au contact, il se formera en un point C, où cette action sera la plus forte, un revoliu ou tourbillon. Le mi- nimum de pression barométrique et une pluie abon- dante s'y manifesteront. Le tourbillon paraîtra avancer à mesure que le contact s'étendra lui-même, mais en réalité il sera formé de nouveau dans l'air. La direc- tion du mouvement et la vitesse avec laquelle avan- cera l'aire de dépression dépendront de la force re'a- tive des deux courants. Les tourbillons se sont formés en A et en B avant d'arriver en C, et maintenant c'est en D que le centre de dépression nouveau se formera. La direction des vents indiquée par des (lè- ches fera comprendre le phénomène de la rotation générale, pendant que le tourbillon central se reforme en avant à l'aide de l'air frais fourni par les deux vents qui sont entrés en lutte. » D'après cette théorie, il n'y aurait plus à supposer le déplacement d'énormes masses d'air, et cette cir- constance parait écarter l'objection soulevée contre, la théorie généralement admise jusqu'à présent. Il y a tout lieu d'espérer que la continuation des études Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 60 LA NATURE. dans lesquelles est entré le Bureau météorologique de Londres apportera dus lumières qui permettront des conclusions définitives. Nous n'avons plus qu'à résumer ici quelques con- sidérations sur les mouvements cyeloniques, émises récemment par l'éminent directeur de ce Bureau, M. Robert Scott, dans une conférence faite sur les progrès de la prévision du temps à la Société royale. On connaît la direction du mouvement rolaloire des cyclones dans notre hémisphère. Un mouvement in- verse , anticyclonique, a lieu quelquefois autour d'une eulmination barométrique, et la tempête prend alors le nom « d'anticyclone. » La série de mauvais temps examinée plus haut présentait ce cas, le 6 fé- vrier, à l'est de l'Angleterre, pendant qu'un accrois- sement de pression considérable avait lieu sur la mer. Le vent engendré soufflait du sud-est avec une telle force, que les travaux eu exécution au port de Wick furent bouleversés par la mer. Les surfaces de haute pression occupent une éten- due considérable, et on a constaté qu'elles ne sont pas en général sujettes à se déplacer beaucoup. Les dépressions paraissent tourner autour de ces surfaces et ne pas s'avancer sur les régions qu'elles occupent. L'étude des relations mutuelles de ces surfaces de haute et de basse pression a déjà conduit à dus ré- sultats intéressants. Ainsi M. Robert Scott indique, comme un des signes précurseurs pour l'Angleterre du danger d'une tempête du sud-ouest, une hausse très-prononcée du baromètre dans la région sud de la France. Il y a aussi à étudier l'influence mutuelle des dé- pressions qui se suivent à peu de distance, les cas de séparation d'une tempête tournante en deux autres, et celui de l'absorption de tempêtes séparées eu une seule. Mais ces études, comme la plupart de celles que nous venons de résumer, demandent, pour abou- tir à des théories moins incomplètes et à des résultats pratiques, un plus grand nombre d'observations que celles réunies jusqu'à présent. On ne saurait donc trop engager les navigateurs assaillis par les ouragans et les stations météorologiques qui se trouvent sur leur passage à noter avec soin toutes les circonstances qui accompagnent ces prodigieux météores. F. ZuiïCUEn. COUPE GÉOLOGIQUE A TRAVERS LES PYRÉKÉES Les Pyrénées, que l'on avait considérées jusqu'ici tomme une chaîne de montagne anormale, au point de vue de la composition géologique, offrent un in- térêt tellement grand, depuis qu'elles ont été si bien étudiées par les savants modernes, qu'il m'a paru opportun et utile de publier une coupe montrant la constitution intime de notre grand massif de monta- gnes du midi de la France, et de rectifier certaines erreurs géologiques, assez importantes, commises à «on sujet. Deux géologues avaient annoncé depuis plusieurs années, et l'un d'eux le professe encore dans son cours à Toulouse, que les terrains concourant à for- mer les Pyrénées, ne présentaient pas de suite com- plète, et que plusieurs niveaux géologiques man- quaient dans la série des couches redressées et disloquées de cette chaîne de montagnes. Les études entreprises depuis une douzaine d'années, surtout par MM. Collomb, Coquand, Frossard, Hébert, E. Lartet, FI. Magnan, Ch. Martins, L. Martin, Noulet, etc., et moi-même, sont venu renverser les vues sim- plement théoriques des rares géologues auxquels j'ai l'ait allusion. C'est ainsi que les recherches des savants que je viens de nommer ont eu pour résultat de prouver : 1" Que les granités pyrénéens, loin d'être tous éruplifs, sont souvent très-bien stratifiés et alternent avec des calcaires, des schistes ardoisiers, des mica- schistes, des gneiss, des amphibolites, etc. Cet en- semble forme un niveau de roches de dépôt, connu sous le nom de terrains cumbrien et laurcntien, et occupe la base de toutes les autres formations. (F.Garrigou, II. Maguau, L. Martin* 1 .) 2° Que les roches dioritiques et amphiboliques, appelées opbites, dans les Pyrénées, ne sont pas tou- jours des roches éruptives, ignées. Bien souvent, en effet, les passages insensibles de ces roches aux cal- caires et aux schistes argileux environnants per- mettent de les considérer comme des production; spéciales, faisant corps avec les couches qui les sup portent ou qui les recouvrent, ayant la même pro- venance physique et mécanique, mais s'étant pro- duites dans des milieux aqueux de composition chimique différente. (F. Garrigou, H. Magnan, Virlet d'Aoust*.) 3" Que les principaux gîte? ferrifères des Pvrénées (Vic-de-Sus et Ferrières) appartiennent au terrain dé- vonien, de môme que les grands gisements de mar- bres rouges et verts, et que le terrain laurcntien contient également des mines de fer exploitables et exploitées. (Puy-Morens, F. Garrigou.*) 4° Que le calcaire carbonifère et le terrain bouiller, de même que les terrains permiens et triasiques exis- tent dans les Pyrénées (Nérée Uoubée, Coquand, Frossard, Garrigou, Geuraud, IL Magnan, L. Mar- tin 1 .) 5 U Que la série du terrain crétacé inférieur est complète et qu'elle s'arrête au terrain cénomanien, exclusivement. (Hébert, H. Magnan.) 6° Que des glaciers immenses ont laissé dans notre chaîne de montagne, et à diverses époques, des traces irrécusables de leur existence. (Collomb et Ch. Mar- tins, F. Garrigou, Jesmbernat, H Magnan, de Nan- souty *.) 7° Que la présence de l'homme dans les Pyrénées date de temps bien reculés, puisque la laune a eu le temps de se renouveler au moins deux fois, dans nos régions, depuis le moment où l'homme a habité les 1 J'ai marqué d'un astérisque [*) les faits les plus nou- veaux. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 61 cavernes, (Alzieu, Cartailhac, de Chaaitngnier, A. Fontan , Fros- sard, Filhol,F. Garrigou, E. Lar- tet,L. Martin, À. Milne -Edwards, de Nansouty , Noulet , Piette , l'hilippe, F. Regnault, Rames, Trutat.) 8° L' homme a également ha- bité les lacs pyrénéens, comme il le faisait en Suisse, dans les temps préhistoriques. (F. Garri- gou)*. _ Le diagramme représenté dans la figure ci -jointe donne une idée des terrains constituant les Pyrénées. Le terrain permien seul n'est pas représenté dans cette portion de la chaîne ; on ne le retrouve, surtout, que dans la partie occidentale. Le trias existe tout près de Foix ; mais comme la coupe que je décris ne passe pas exactement sur ce point et l'exactitude la plus rigoureuse étant la règle que je ma suis imposée dans mes descriptions, je ne fais qu'indiquer le trias près de Fois, sans le représenter théoriquement sous le terrain jurassique (lias) de Saint-Sau- veur. En remontant de Pamiers vers Foix , Tarascon et Vie - de-Sos , nous trouvons : l" Les dépûts alluviens les plus récents de notre époque, sur lesquels est bâtie, en partie, la ville de Pamiers. Des terras- ses de ces mêmes dépôts éche- lonnées en escalier et qu'il m'a été impossible de représenter ici à cause des dimensions trop restreintes de la coupe, donnent par leur superposition leur âge respeetif, les plus élevées au- dessus du fond de la vallée étant les plus anciennes. (Alluvions quaternaires.) 2° Une formation argilo-mar- neuse M, avec alternances de calcaires grossiers et de cailloux roulés quartzeux, généralement peu volumineux à mesure que l'on l'éloigné de la montagne. Cette formation renferme des fossiles (ruminants, rongeurs, carnassiers) que j'ai recueillis aux environs de Pamiers et de Saverdun. Ils ne sont pas en- core décrits, mais ils appar- j a "tpatJfL^^ firrter, rfuwhUttiA.. PC Va > -5 tiennent aux terrains tertiaires (miocènes). La partie supérieure de cet étage miocène a été enlevée iné- galement sur plusieurs points par des courants d'eau considé- rables, dont l'existence peut être rapportée à une période géologi- que postérieure à l'époque mio- cène et antérieure à l'époque quaternaire. Ce serait donc là un effet produit par des cours d'eau pliouènes, qui, du reste, ont dé- posé leurs alluvions et leur lœss. Ceux-ci se retrouvent sou- vent en place dans ces sortes de vallées occupant le sommet des plateaux supérieurs dans les plaines du bassin sous-pyré- néen. 3° Un dépôt glaciaire énorme, atteignant une épaisseur de plu- sieurs centaines de mètres, et formant la moraine frontale d'un glacier antérieur à l'épo- que des dépôts stratifiés mio- cènes, puisque ces dépôts fossi- lifères reposent sur cette mo- raine. I). G. — Cette formation, qui est postérieure au soulève- ment dit des Pyrénées, a été elle-même disloquée et brisée par un accident géologique plus récent, dont l'effet s'est fait sen- tir d'une manière très-sensible sur quelques points spéciaux: dans le bassin sous-pyrénéen. 4° Une formation E, composée d'alternances de calcaires gré- seux et de poudingues générale- ment calcaréo - siliceux avec fossiles d'eau douce. C'est là l'cocène proprement dit. Il est relevé à 45" et plonge vers le nord. 5° Des grès à nummulites, des marnes plu a ou moins com- pactes à turriteiles, des calcai- res à milliolites (foraminifères), qui forment dans leur ensemble le terrain nummulitique N, re- dressé comme le précédent à 45', et plongeant au nord, comme lui . 6° Un calcaire compacte repo- sant sur des marnes rouges avec lesquelles il alterne quelque- fois, en formant un terrain spé- cial, avee fossiles d'eaux douces (l'abbé Pouech), et sur d'autres Droits réservés au Cnam et à ses partenaires Cl LA NATURE. points d.vis la Haute-Garnirne et dans 1'Ariége, Avec fossiles marina (Le-jnierie). C'est à M. Ley- merie qu'est due la découveite du ce terrain au- quel il a donné le nom de Garumnien, G. Depuis lors, divers géologues ont signalé ce même niveau géologique dans le bas Languedoc et en Provence. Je l'ai retrouvé moi-même sur la côte nord du golfe de Gênes, en allant de Nice vers Menton, Vintimillc, etc. C'est dans un calcaire appartenant à cet éfage que sont creusées les grottes de Menton. L'inclinai- son et le plongement de ce terrain sont les mêmes que pour les étages précédents. 7° A la suite apparaissent : 1° des calcaires jaunâ- tres, auxquels succèdent : 2° des grès contenant des lits de lignite, et plus loin 3° des grès fossilifères (hip- purites, caprines, cyelolithes, etc.) alternant avec des couches argileuses qui reposent sur un énorme con- glomérat formant la base de tout cet ensemble. Les deux membres supérieurs de ce terraju sont rapportés, grâce à leurs fossiles (osirea vesicularis, etc., anan- cltites ovata, etc.) à la craie de Maestricbt et à l'étage séuonien C ! . — Les deux membres inférieurs con- stituent également, grâce à leurs fossiles, le terrain Luronien et le cenomanien. C. — Le plongement de ces terrains se fait au nord, 8 U Après avoir traversé la petite plaine de Verna- jonl, — ■ dont une moraine plus récente que la mo- raine D. G. cache les terrains C s , — on arrive au pied d'un grand monticule calcaire, appelé le pic de Saint-Sauveur, constitué par le terrain crétacé infé- rieur G 1 , calcaire lithographique aveu fossiles (neri- nees, belemnites, ammonites, terebratula sella, c.i- tlaris Pyrenaica, etc.), et parle terrain Jurassique J. (ammonites radians, belemnites sulcalus, terebra- tula perovalis, etc.). Le trias T. est visible très-près, de ce point. Le terrain Jurassique commençant par une brèche calcaire énorme repose sur le trias. Cet ensemble forme une sorte de voûte brisée vers la nord, ainsi que le représente la coupe. 9° Une faille fait apparaître brusquement le gra- nité au sud du pic Saint-Sauveur et de la ville de l'oix. Le granit se poursuit jusqu'à Tarascon, et par- tout on trouve, à Ferrières, à Àmplaing, à Mercus, à Coupas, etc., des roches stratifiées (calcaires, schis- tes et micaschistes), alternant avec le granité. Il faut ranger cet ensemble dans le terrain Laurenticn avec fossiles (Eozoon Canadense, trouvée à Mercus). — A ISonpas, l'on rencontre une nouvelle moraine plus récente que les précédentes. 10" A Tarascon, apparaissent les terrains de tran- sition S. D. fossilifères (ortis, orlhocères, etc.), sur- montés par des gypses et des ophites au-dessus de Quié, 0. — Le calcaire crétacé inférieur fossilifère repose sur cet ensemble et renferme des grottes supé- rieures G 1 , habitées par l'homme à l'époque de l'ours, et des grottes inférieures G', habitées par l'homme à l'époque du renne (pierre taillée), et aussi pendant les âges préhistoriques de la pierre polie, du bronze tt du fer (vallée de Kiaux). 11° Le terrain Laurentien apparaît de nouveau jus- qu'au village de Cabre (près Vic-de-Sos). 12° Une faille a mis en ce point en contact le gra- nité, avec toute la série inférieure des terrains, et ceux-ci, par suite de ce grand accident straligraphi- que, se touvent complètement renversés. On trouve à la base, en elfet, un niveau de calcaires marmoréens blancs, avec dipircs, couzeranite, amphibole, etc., semblables au calcaire carbonifère et à fossiles de Gabas, d'Ossau et d'Aspe. Eu remontant, l'on rencon- tre les calcaires dêvoniens avec minerai de fer (Rancié), puis le silurien supérieur et inférieur avec ardoises, puis enfin les granités laurenticns. Sur cet ensemble repose à Sem un lambeau de terrain jurrassique (lias). On le voit doue, en remontant la vallée de l'Ariégc, on trouve la série complète de tous les terrains. D' F. Gamiigou. CHRONIQUE Xnuvellos expériences speetroscopiquea. — II. Norman Lockver vient de publier, on Angleterre, dans le nouveau volume, des Transactions philosophiques, un mémoire sur l'influence que lu pression exerce dans la modification des raies brillantes du spectre de métaux ou dans l'inversion qu'elles produisent sur le spectre de la lumière qui les traverse. Noire savant confrère a trouvé que les résultats découverts sur quelques cas particuliers par MM. Frankknd et Norman Loekycr doivent être généralisés, et que la diminution de pression a pour effet de réduire proportionnellement toutes les lignes brillantes du spectre direct et toutes les lignes noires du spectre interrompu. Les plus longues diminuent de longueur, mais sauf Us der- nières, qui disparaissent. Les expériences ont été faites à laide de la lumière électrique, moyen simple d'obtenir les raies brillantes des métaux incandescents. ï*es sondages de l'océan Pacifique. — Un navire de la marine des Etats-Unis, le Tuscurora, a été frété par le gouvernement américain, pour relever les niveaux de l'océan Pacifique, afin de déterminer la direction la plus favorable d'un câble télégraphique sous-marin entre l'A- mérique et l'Asie. Les membres de l'expédition ont déjà obtenu des résultats importants; ils ont exploré le Paci- fique jusqu'à 1,001) milles du cap Flatter;, sur le terri- luira de Washington. Le fond de l'océan Pacifique diffère sensiblement de celui de l'Atlantique; il paraît être plus tourmenté, plus îrrégulier, rempli de vallons et de proé- minences, fa plus grande profondeur où la sonde ait pu parvenir est de 15,204 pieds anglais, près de 3,00(1 de plus que celle de l'Atlantique sur la route des câbles. Le sol du Pacifique consiste en une vase bleue noirâtre, mé- langée de gravier et du coquillages. le» œufs du ïama-niîiï, — La plus grande des difficultés qui retardent, en France, l'introduction de V At- tacha Yama-maï du Japon, l'espèce séricigéne la plus pré- cieuse après le ver à soie du mûrier, c'est réclusion lia— tive des oeufs avant l'apparition des feuilles de chêne. M. de Saulcy, à Metz, reduute beaucoup celte chance fu- neste pour ses persévérants élevages , et, cette année même, le manque de nourriture a détruit, dès leur début, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. C.3 les tentatives (l'éducation du Yama-muï, à Londres, chez 11. Wailly, et, dans l'Ardeche, sur la propriété de M. de Jlilly. Le retard des œufs à la glacière, si avantageux pour la graine de l'espèce vivant sur 1b mûrier, paraissait incer- tain à l'égard de l'espèce japonaise par la circonstance in- solite suivante : la petite chenille est toute formée, dans l'œuf, quinze jours après la ponte ; l'effet du froid lui serait peut-être funeste. L'expérience a cependant été tentée, cette année, ïi la magnanerie expérimentale du bois de Boulo- gne, où les vers du Yama-muï, glacés en mars, ne sont parvenus a l'éclosion qu'au moment où les feuilles de. chêne, | bien sorties des bourgeons, leur assuraient une alimenta- ' tion fortifiante; malheureusement la maladie de la fiachc- j rie, qui sévit avec intensité à Paris, et depuis plusieurs années, sur les différents insectes producteurs de soie, a tout détruit vers la fin de l'éducation, de sorte qu'au- cune conclusion n'était possible. Il n'en a pas été de même, dans une autre localité, à Ferrussac (Haute-Loire). Des œufs, glacés en même temps que les précédents et confiés aux soins d'un très-habile sériciculteur, M. Le Doux, ont donné des chenilles robustes elde beaux cocons, d'où sont sortis des reproducteurs vigoureux. 11 est utile que la publicité du journal la Nature fasse connaître ce résultat, qui peut avoir la plus heureuse influence, en donnant aux magnaniers un moyen bien simple de ne pas perdre leur temps etleur argent en essais infructueux, ce qui décourage nécessairement beaucoup d'entre eux. Petites glacières domestiques, — Comme corol- laire tout naturel de ce qui précède, nous ferons connaître les petites glacières très-économiques qui sont employées au laboratoire de M, Pasteur, à l'École normale pour la graine de ver à soie, pour les ferments, etc. Elles peuvent rendre de grands services pour la conservation du gibier, du poisson, etc. L'appareil se compose d'une fontaine de cuisine, en grès, placée au milieu d'un tonneau etenlourée de coton cardé, corps très-mauvais conducteur de ïa cha- leur, dont on forme aussi le tampon épais servant de cou- vercle au tonneau. Une longue caisse de fer-blanc, percée de petits trous, si on veut, et où on place les objets à gla- cer, occupe le contre de la fontaine. On jette entre elle et les parois des morceaux de glace. Un kilogramme de glace, dépense insignifiante, suffit pour maintenir la température de zéro, pendant trais à quatre jours, tant est lente, avec cette disposition, la fusion de la glace, dont l'eau s'écoule ensuite par le robinet de la fontaine, qu'on a eu soin de faire sortir hors du tonneau. Chacun peut installer, à la cave ou dans un sous-sol un appareil aussi simple et aussi peu coûteux. Nouveau chauffage économique. — On parlo beaucoup, depuis quelque temps, d'un combustible formé de trois parties de terre végétale et d'une partie de menu charbon. Le tout est arrosé d'une dissolution de sel de soude. Vous avez avec ce mélange, disent les apologistes, un combustible admirable, qui chauffe aussi bien que du charbon. Il se peut que du menu charbon brûle tant bien que mal, même étant associé à une matière inerte ; mais il est évident que le sable et l'argile de la terre végétale ne brûlent pas, et que ces substances ne peuvent fuurnir do la chaleur. Il faut être bien ignorant pour ajouter foi à de telles inventions, qui ne sont, en définitive, que re- cettes de bonnes femmes ou de charlatans. Le successeur do Donatl- — Nous sommes heu- reux d'apprendre à nos lecteurs que le gouvernement ita- iien vient do donner un digne successeur à l'illustre Do- nati. C'est M. Schiaparelli, auteur de la Théorie nouvelle des étoiles filantes, qui est appelé à remplir cette haute fonction. Jeune d'années, mais figurant déjà au nombre des grands astronomes du siècle, M. Schiaparelli ne p^ut manquer d'augmenter rapidement la réputation de l'Ob- servatoire d'Arcctri. Si nous en croyons nos pressenti- ments, il se montrera digne comme son prédécesseur d'occuper les lieux immortels oii expira le grand Galilée. Le musée d'ethnographie du Louvre. - — Dans la séance de l'Assemblée nationale du 1G décembre, M. Edouard Charton, prenant part à la discussion du bud- get de l'instruction publique, a Tait, relativement au mu- sée d'ethnographie du Louvre, une proposition qui nous paraît de nature a être prise en cgnsidération. Il s'agirait d'agrandir le musée du Louvre, en lui ouvrant les salles où sont contenues les collections de navires et d'ethno- graphie. « Ces collections, dit avec raison M. Charton, ne sont point là à leur place, elles sont trop à l'étroit et en quelque sorte comprimées entre ces murailles, comme le serait l'enfant qui veut grandir dans un berceau trop pe- tit. » L'orateur demande que ces musées spéciaux soient désormais compris dans les attributions du ministre de la marine, qu'on les transporte dans un lo.al plus vaste, comme à l'hôtel des Invalides, où ils ne manqueraient pas de se développer, en étant plus à l'aise, en même temps qu'ils rendraient à l'art une place qui lui appartient. Nous nous rallions entièrement à ces sages et utiles considé- rations. Les restes d'un grand homme. — La commis- sion scientifique, chargée d'étudier, au point de vue an- thropologique, les restes de F. Pétrarque, et de publier le résultat de ses observations à l'occasion du centenaire du grand poète, a procédé, dans les premiers jours de ce mois, à l'ouverture de l'urne de granit rose, au milieu d'un grand concours de monde. Les os, qui, au lieu d'être réunis dans une caisse de bnis ou de métal, étaient épais sur uno simple planche, étaient de couleur d'ambre, hu- mides et moisis en partie. Le crâne, de moyenne gran- deur, était intact; l'os frontal assez développé. Ls mâchoires contenaient encore plusieurs dents, parmi les- quelles diverses molaires et incisives assez bien conser- vées. Les orbites étaient très-larges. Presque toutes les vertèbres et les côtes ont été retrouvées. Les os du bassin étaient en bon état, ainsi que les omoplates, les humérus et les autres os îles bras ; les apophyses des fémurs et des tibias très-prononcées. On a découvert enfin une quantité do petits os, qui composaient probablement les mains et les pieds. Des vêlements il ne restait qu'une poudre noi- râtre. De 1a grosseur et de la longueur des os, on est auto- risé a conclure que Pétrarque était un homme de taille moyenne et de constitution robuste. On a déposé dans l'urne, avant de la refermer, une bouteille cachetée ren- fermant un acte commémoratif de l'étude anthropologique, accomplie par les soins et aux frais de l'Académie de llo- vulenta, et signé par la plupart des délégués intervenus à la cérémonie. Le prix d'Ourdies et les signes de la mort réelle. — Dans une des dernières séances de l'Académie de médecine, M. Devergie a lu un remarquable rapport sur le prix du marquis d'Ourches, prix de 25,000 francs, à décerner à. celui qui découvrirait un moyen infaillible pour reconnaître la mort certaine. Ce moyen devrait être assez simple, 'assez primitif pour être à la portée do tout le monde, d'un simple villageois, d'un individu dénué même de toute instruction. A côté de ce prix, le testateur en avait institué un autre de 5,000 francs pour la décou- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires &i LA NATURE. verte d'un moyen scientifique d'arriver au même résultai. L'importance du prix de 25, COU francs avait tenté tien des gens de tontes classes, de toutes conditions ; aussi l'Aca- démie a-t-elle reçu 102 mémoires, sans compter ceux qui lui sont parvenus après l'expiration des dclais réglemen- taires. Sur ces 102 mémoires, 32 seulement onl été jugés dignes d'un examen sérieux, et M. Devergie rend compte, avec critiques et réflexions à l'appui, des différents moyens proposes par les auteurs de ces mémoires. Personne n'a gngné le fameux prix de 25,000 francs. Ce prix retournera donc à la famille, suivant les volontés du testateur. Quant au prix de 5,000 francs, il est plus que probable qu'il sera partagé entre différents concurrents qui ont présenté ries mémoires intéressants. Tout le monde comprendra l'importance de cette grande question. On sait que, dans certains cas do léthargie, un homme peut paraître mort, sans que la vie l'ait cependant abandonné. 11 y a malheureusement des cas nombreux de personnes enterrées vives. L'idée seule d'un effrovable réveil, dans une bière, enfouie en terre, donne le frisson. Celui qui gagnera le prix du marquis d'Ourdies sera un véritable bienfaiteur de l'humanité. Les lièvres de Patagonie- — Le Jardin d'acclima- tation a fait récemment l'acquisition de maras ou lièvres de Patagonie. C'est la seconde fois qu'il reçoit celle espèce. Lo couple qu'il possédait avant la guerre a succombé pen- dant l'hiver de 1870. Le mara est une utile conquête à tenter, car il est de grande taille, sa chair est abondante ct de bon goût. Si on réussit à le faire multiplier en Eu- rope, ce sera un gibier de parc très-intéressant. Les nou- veaux pensionnaires du Jardin d'acclimatation ont creusé un terrier qui met en communication l'intérieur de l'abri qui a été mis à leur disposition avec l'extérieur. Ils pré- fèrent ce chemin voûté par leurs soins à la porte qui leur avait été faite. Les inaras sont doux et inoffensifs ; ils pas- sent la plus grande partie du jour assis sur leur derrière ou couchés. A ce propos, il est bon défaire remarquer combien leur allure et leur port différent de ceus des lièvres, auxquels leur nom de lièvres de Patagonie tend à les assimiler. Au pas, au trot et au galop, les maras ont beaucoup plus l'al- lure de cerfs que de rongeurs. CORRESPONDANCE a Monsieur le rédacteur, « La lecture de l'article analytique que vous avez pu- blié sur ihe Depihs of the Sea, de M. Wv ville Thonsp- son, m'amène à faire une réclamation en faveur de la science française et des Fonds de la mer nationaux. « M. Thompson est dans le vrai, lorsqu'il constate que le lit de l'Océan n'est pas toujours calcaire, mais son éton- nement eût été moins vif s'il eût connu nos modestes essais. Voici, en effet, ce que j'écrivais en 1869, page 198 du tome I" des Fonda de. la mer. « Pour la cinquième ou la sixième fois, depuis le com- • mencement de nos recherches, nous rencontrons un dé- t pôt privé de calcaire. Le premier exemple de ce genre • nous fut fourni par un sable argileux des îles du Salut, • près de la Guyane française; le second, par un spéci- « men vaseux, pris au banc d'Organabo, dans les mêmes • parages. Ces points n'ayant encore donné aucun animal f inconnu, nous ne nous étions plus occupés d'eux, et nous • avions songé à attribuer l'étrangeté de cette absence de i chaux et de carbonates a l'action des grands courants « d'eau douce, descendant des rivières continentales. Est- « ce là la véritable cause, et existe-t-elle à Halt-Bay, de « même que pour les îles du Salut, le banc d'Organabo, i divers points de h côte d'Afrique, à l'entrée du Rio- « l'ongo? » (i J'ajoute que les fends, exempts de calcaire, se retrou- vent partout, dans lu détroit de Magellan comme sur les cotes d'Islande, près des côtes de la Guyane comme aux abords du Sénégal. Il n'est donc pas étonnant qu'il en existe aussi au milieu de l'Atlantique. o Veuillez agréer, etc. « L. Pkeuer. n Pamllae (Gironde), dfj^mbre 1S'3. » Nous accueillons avec le plus grand plaisir l'observation que nous adresse un des fondateurs de la belle publication française, intitulée les Fonds dé la mer, et dont nous avons précédemment parlé, (Voy. table de la première année.) BIBLIOGRAPHIE Traité pratique du chauffage, de la ventilation et de la distribution des eaux dans les habitations particuliè- res, par Cn. Jolï. — Paris, J. Baudry, 1 S7ô. La deuxième édition de cet ouvrage utile, et intéressant vient de paraître. L'auteur, après avoir esquisé quelques notions indispensables sur l'eau, l'air, la cliaieur, passe en revue les différents systèmes d'approvisionnement des eaux, des citernes, sources artificielles, réservoirs, etc. Il parle cn détail des bains, et des moyens de chauffage usi- tés dans les pays civilisés. Le chauffage et la ventilation forment les autres parties du livre, dans lequel un grand nombre défigures ont été exécutées avec beaucoup d'exac- titude. L'ouvrage de M. Ch Joly est une œuvre très-com- plète, très-laborieuse, destinée à rendre de réels services aux architectes, aux entrepreneurs et aux propriétaires. Noies et réflexions sur l'ozone, par lo docteur Giuseppe Belli'cci. 1 vol. in-18, en langue italienne. — Prata. Ce travail du savant professeur do l'Université de Pé- rouse est certainement un des plus complets qui aient été écrits sur l'importante question de l'ozone. — Les chimis- tes y liront avec intérêt des détails nombreux sur les pro- priétés orgnnoleptiqucs, physiques et chimiques de l'ozone, sur snn rôle d'agent désinfectant, sur son mode de pro- duction, et enfin sur su nature au point de vue théori- que. Les Sciences usuelles et leurs applications mises à la portée de tous, par le capitaine de frégate Louis bu Temple. 1 vol. in-8" illustré. — • J. Helzel et C", Paris. (le livre est certainement un de ceux où les démonstra- tions scientifiques sont le mieux mises à la portée de tous. Son caractère est une remarquable ctarté ; rien n'y est inutile, rien n'y est obscur. Se faire bien comprendre est un grand art; nous félicitons M. du Temple de le possé- der si bien. Erratum. — Page 38, colonne 2, ligne 31 , au lieu de : comme un disque de deux centimètres, lisez : comme un disque de dix centimètres. Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandieh, Coïibul.— Tjp. et ilér, de Crkti Droits réservés au Cnam et à ses partenaires ïv 51. — 3 JANVIER 1874. LA NATURE. 6b MESDEMOISELLES MILLIE ET CHRISTINE SUHKOM5IÉES « ROSSIGNOL A DEUX TÈTES. » Figurez-vous deux mulâtresses, tournées à peu près dos à dos, et soudées entre elles à la partie in- férieur ^ de leurs colonnes vertébrales et par les prin- cipaux organes de la partie inférieure du tronc : te] est l'aspect général des deux êtres qui vont nous oc- cuper. Les deux bassins et les organes qu'ils con- tiennent sont, à proprement parler, les seules par- ties anormales de leurs corps, à ne les considérer qu'au point de vue anatomique. Le monstre a donc deux têtes, quatre seins, deux ombilics, quatre bras et quatre jambes. Mesdemiusdks ilillie cl Christine. Millie et Christine sont nées aux États-Unis, dans le comté de Colombus (Caroline du Nord) en 1851. Il est remarquable que ce prodigieux accouchement se soit effectué sans accident. La mère était une zambo, c'est-à-dire une métisse de nègre et de Peau- Rouge : le père, un nègre pur sang. Aujourd'hui, elles ont donc 22 ans. — Il est facile au premier abord de se tromper sur la position res- pective des deux sœurs, qui semblent unies par le côté. Le fait est que, dans leur enfance, elles se tournaient complètement le dos, obéissant ainsi h l'une des lois découvertes par Geoffroy Saint-Hilaire, loi d'après laquelle les individus qui composent les monstres doubles se relient par les régions homolo- gues : ils pourront donc être soudés tous deux par le dos, comme Millie et Christine, ou tous deux par le ventre, comme, par exemple, les fameux frères siamois, mais jamais le ventre de l'un ne sera soudé au dos de l'autre. Millie et Christine sont donc soudées par le dos ; Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 66 LA NATURE. maisleur position primitive a été un peu modifiée par l'usage, l'effort constant qu'elles ont fait natu- rellement |-our se tourner l'une vers l'autre, ayant eu pour effet de tordre leurs colonnes vertébrales en spirale, de façon que leurs visages sont presque à angle droit. En forçant encore cette position, elles peuvent parvenir à s'embrasser. Dans la posture qu'elles ont ainsi fini par adopter, elles s'appuient l'une sur l'autre, d'après M. le professeur Tanl Bert qui les a soigneusement étudiées, et la posi- tion de chacune d'elles, est telle, qu'un individu isolé ne pourrait la prendre sans tomber à la ren- verse. De cette position à angle droit que se sont donnée les deux troncs résulte que les deux têtes sont tournées presque du même côté. C'est de ce côté- là que s'avancent les deux sœurs; c'est sur le côté opposé qu'elles s'assoient, etc. Enfin l'ensem- ble de leurs deux personnes a un devant et un der- rière. Il en résulte encore que les quatre jambes sont disposées par paires ; deux jambes internes et anté- rieures et les deux autres externes et postérieures. Les deux sœurs marchent en s'appuyant successive- ment surchacune de ces deux pairesde jambes ; elles boitent un peu parce que les jambes internes sont un peu plus courtes que les externes. Quand Millie- Christine dansent (et elles dansent plus gracieuse- ment qu'on ne pourrait le croire}, l'ordre précédent n'existe plus ; chaque sœur danse pour son compte et les jambes homonymes, dit M. Bert, s'avancent ensemble. La suture des deux sœurs se fait environ au niveau de lcurpremière vertèbre lombaire. Nous regrettons de ne pouvoir donner sur le bassin que des renseigne- ments communiqués par le directeur de ces jeunes filles, mais ces demoiselles, beaucoup mieux élevées qu'il ne le faudrait pour l'intérêt de la science, n'ont consenti aux exhibitions dont elles sont l'objet qu'à condition de n'avoir à subir aucun examen ni aucune question indiscrète. Heureusement que l'une d'elles eut, il y a quel- ques années, un abcès très-mal situé à se faire ouvrir. Le chirurgien constata alors qu'à ce niveau, les deux personnes se confondent, et ne forment qu'une seule femme; le méat urinaire seul est dou- ble et correspond à deux vessies; il n'y a qu'une colonne vertébrale inférieurement. Ce que nous apprend ce chirurgien anglais con- firme la loi que Etienne Geoffroy Saint-Ililaire a for- mulée sous le nom d'attraction de soi pour soi, loi d'après laquelle les organes de l'un des individus composant les monstres doubles tendent à s'unir avec les mêmes organes de l'autre. Ce sera donc dans l'aorte de l'un que viendra s'ouvrir l'aorte de l'autre ; leurs veines caves inférieures, leurs intes- tins, etc., tendront également à se confondre. Nous verrons comment, dans le cas présent, les nerfs des deux sœurs sont également soumis à la même loi. Les visages des deux sœurs se ressemblent. Ce ne sont pas absolument des visages de négresse ; elles tiennent de leur ancêtre Peau-Rouge d'avoir une che- velure moins laineuse que celle du nègre, quoique bouclée, et non pas roide comme celle de l'Indien Peau-Rouge. En outre, leur teint n'est pas franche- ment noir, et l'élément nègre n'y a pas complète- ment effacé la couleur cuivrée des autochthones américains. Mais ces deux visages ne sont ni l'un ni l'autre symétriques ; la moitié du visage qui est tournée eu dedans, c'est-à-dire du côté où elles sont unies, est un peu moins développée que l'autre : ce qui donne à leur visage une expression un peu singulière. — Il était très-intéressant de savoir si l'œil et l'oreille de cecôtédu visage élaient moins parfaits que ceux de l'autre côté. M. Bert a constaté à l'aide d'une mon- tre que les quatre oreilles entendaient également bien. Les deux têtes peuvent penser chacune à un objet différent : l'une peut parler anglais, tandis que l'au- tre s'essaye à l'allemand, etc. Toutes deux sont in- telligentes et bien élevées. Quoiqu'elles soient gé- néralement d'accord, car elles ont bon caractère, l'une peut être en querelle avec l'autre. L'une peut dormir, tandis que l'autre est éveillée, mais généra- lement elles s'endorment et s'éveillent ensemble. — Il est remarquable que, malgré cette indépendance de leurs pensées, il leur arrive souvent de rêver la même chose. — Nous donnerons tout à l'heure une explication à cette curieuse exception. Nous les avons entendues chanter une chanson anglaise. Leur voix nous a paru à peu près la même ; toutefois elles exécutent chacune une partition dif- férente. Elles ont chacune un cœur, mais ces deux oiganes ne battent pas à l'unisson l'un de l'autre. Si l'une des deux sœurs chante seule, son cœur accélérera ses mouvements, sans que la fréquence de l'autre soit modifiée. Pourtant si l'on prend le pouls sur les membres inférieurs, on voit que les quatre pouls sont rigoureusement synchrones en tout ttat de chose. Le mélange du sang des deux sœurs duime lieu à une série de phénomènes remarquables. Par exem- ple, l'une des deux sœurs est sujete à la migraine : tant que la migraine est légère, sa sœur ne s'en res- sent pas ; mais si la migraine est grave, la sœur en est légèrement indisposée. Ainsi les fièvres graves leur sont communes, et non les légères indisposi- tions. Ajoutons qu'elles jouissent d'une bonne sauté. Elles ont traversé plusieurs fois l'Océan sans mal de mer.' On les a vaccinées; malheureusement on le; a vaccinées toutes deux ensemble ; il eût été curieux de voir si la vaccination de l'une eût protégé l'autre contre une seconde inoculation vaccinale. Chacune d'elles possède un estomac; et chacune d'elles éprouve le sentiment de la faim et celui de la soif. Mais si une raison quelconque, soit une ma- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 67 ladie de l'estomac, empêchait l'une d'elles de satis- faire à ces besoins, elle n'en mourrait pas pour cela, misque sa sœur donnerait au sang les aliments qui lui sont nécessaires. Ce qui rend Millie-Christine extrêmement remar- quables, c'est qu'elles sont, toutes deux sensibles des quatre jambes. — Des quatre membres inférieurs quel que soit celui que l'on touche, les deux souirs en ont conscience. A vrai dire, tandis que celle dont oit touche la jambe aune notion parfaite de l'attou- chement, sa sœur ne le ressent que d'une façon plus incomplète ; elle ne sait si le corps dont ou s'est servi est chaud ou froid, si son impression est dou- loureuse, ni quelle est sa forme exacte; elle sait seulement qu'on a touché la jamhe de sa sœur. Pique-t-on la jambe de Millic avec les deux branches écartées d'un compas, Christine ne percevra qu'une seule piqûre, et réciproquement. Ce singulier phénomène peut s'expliquer assez facilement. Ou sait que le système nerveux se com- pose d'une série de conducteurs, assez bien comparés à des fds télégraphiques qui se rendent des diffé- rents points de la surface du corps à la moelle épi- nière ou au cerveau, à qui ils transmettent les sensations recueillies à l'extérieur. 11 suffit donc d'admettre que les fibres nerveuses des deux sœurs subissent une fusion intime avant de se rendre à la moelle, pour expliquer la communauté de leurs sen- sations. Indépendamment des fibres nerveuses sensitives, existent des fibres motrices chargées de transmettre les volontés du cerveau aux différents muscles de l'économie; normalement ces fibres ne sont distinc- tes des premières qu'à l'endroit où toutes deux vont se jeter dans la moelle épinière. — Chez Jlillie- Christïue les libres motrices (racines antérieures) des deux sœurs ne se fusionnent pas entre elles comme les fibres sensitives; aussi chaque sœur ne peut-elle remuer que ses jambes, et n'a sur celles de sa voisine aucune influence. Grâce à la fusion des fibres sensitives, chacune d'elles a conscience des mouvements de su sœur, mais à cause de l'indépen- dance des libres motrices, elle ne peut rien pour les modifier. Nous pouvons nous expliquer assez aisément que les raves des deux sœurs se ressemblent souvent, du moment qu'elles ont des sensations communes sur une partie aussi étendue de leurs corps. Les impres- sions ressenties pendant le sommeil sont en effet les pointsde départ delà plupart denos rêves. Nous avons fait nous-mème autrefois d'assez nomb reuses expérien- ces à ce sujet. Liez le poignet à dix personnes endor- mies; le lendemain, elles auront rêvé, l'une qu'elle était enchaînée, une autre, qu'elle portait un bracelet d'or, une autre encore, qu'on lui pressait tendre- ment la main, etc. Le sujet du rêve variera avec la disposition d'esprit des individus observés; mais chez la plupart, la sensation que vous leur aurez im- posée aura joué son rôle. Chez deux sœurs perpé- tuellement soumises aux mêmes influences, telles que Millic et Christine, la disposition d'esprit doit être toujours à peu près la même ; nous venons de voir qu'elles éprouvent souvent des sensations iden- tiques : on conçoit que leurs rêves se ressemblent quelquefois. Nos lecteurs voudront peut-être savoir quel nom impose à Millie-Cbristine la nomenclature des deux Geoffroy Saint-flilaire. La description que nous ve- nons d'en donner permet d'y arriver facilement. Les monstres doubles sont divisés par les deux fondateurs de la tératologie eu deux grandes classes suivant que les deux individus qui les forment sont de volumes égaux (ce sont alors des autosites), ou inégaux (classe des parasites); Millic et Christine sont donc autosites. Les autosites se divisent eux-mêmes en trois tribus : 1° Les deux individus sont à peu près complets ; ils ne se relient que par une partie peu étendue de leurs corps; 2" Le monstre n'a qu'une tête pour deux corps ; 5 U 11 a deux tètes, mais les deux corps se relient au-dessous de l'ombilic. C'est évidemment à la première de ces tribus qu'ap- partiennent nos mulâtresses. On l'indique par la ter- minaison page (tv^vj^i, je soude), qu'on ajoute au nom grec de la région. Millie-Christine sont donc autosites pygopages. Les monstruosités semblables à celle qui nous oc- cupe ne sont pas extrêmement rares, mais ce qui est exceptionnel, c'est de voir la vie se prolonger, malgré une organisation très-défavorable, jusqu'à l'âge de 22 ans. L'exemple le plus célèbre d'une semblable excep- tion est celle que Isidore Geoffroy Saint-IIilaire dé- crit, d'après les auteurs du temps, dans le troi- sième volume de son Traite de tératologie. Ce sont deux Hongroises, Hélène et Judith, qui vécurent de 1701 à 1723. À l'âge de sept ans, on les promena par toute l'Europe, et on les laissa examiner par les savants les plus considérables de l'époque. 11 se trouva même un poôte (Anglais à la vérité, c'était l'illustre Pope) pour leur adresser des vers. Elles res- semblaient en tout point à Millie-Christine; seule- ment les deux sœurs n'étaient pas semblables entre elles. Hélène était plus forte, plus intelligente, et mieux portante que Judith; celle-ci était petite, un peu bossue, et avait été paralysée à l'âge de six ans ; depuis elle avait été guérie. — Les deux sœurs pas- sèrent les dernières années de leur vie dans un cou- vent à Presbourg (et' non Pétersbourg, comme il est dit dans Buffoii). a Comme elles approchaient de vingt-deux ans, Judith prit la fièvre, tomba en léthar- gie et mourut. La pauvre Hélène fut obligée de sui- vre son sort. Trois minutes avant la mort de Judith, elle tomba en agonie, et mourut presque en même temps. » A l'autopsie, on reconnut que les deux aortes et les deux veines caves inférieures se réunis- saient en bas de la colonne vertébrale. On ne^décrit pas la position respective des deux bassins. — Cuf- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires es LA NATURE. l'on a donne d'Hélène et Judith une description assez incomplète et un dessin qui paraît un peu fantai- siste. Homme chez Millie-Christine, les orifices inférieurs étaient simples; comme chez elles, il y avait deux vessies, deux canaux, excréteurs, ayant chacun ses besoins, ce qui était une source de querelles entre les deux sœurs. Ces êtres singuliers sont-ils composés de deux per- sonnes ou d'une seule, en un mot faut il les appeler Mesdemoiselles ou Mademoiselle, comme le font les exhibiteurs de Millie et Christine? Si nous interrogeons à ce sujet les léralologistcs, ils nous olfrent à chois'Y entre trois réponses déri- vant chacune d'une théorie différente : Suivant les deux (îeoflroy Saint-Hilaire, les mons- tres doubles sont formés par deux germes différents, qui aune époque peu avancée do leur développe- ment se sont réunis, soudés suivant des lois qu'ils ont eu la gloire de déterminer. Depuis ou a modifié, non pas les lois posées par les Geoffroy, mais la théorie qu'ils avaient imaginée pour expliquer la création des monstres doubles. On a admis qu'ils provenaient de deux embryons formés sur un seul geime, c'est-à-dire, pour citer un exemple familier, de deux embryons situés sur un seul jaune d'œuf. Suivant une troisième théorie, les monstres dou- bles proviennent d'un seul germe et d'un seul em- bryon ; mais cet embryon unique se dédouble en parlie sous des influences inconnues. Ainsi, suivant cette théorie, théorie de la scissipariLé, Millie et Christine ne formaient primitivement qu'une seule personne. Cette question difficile embarrassa souvent l'E- glise : dans le doute, un curé hollandais laissa même mourir un monslre double sans baptême, attendant l'avis de son évéque, lequel avait lui-même consulté ses collègues. La mort du nouveau-né ou des nou- veau-nés trancha la question. L'histoire d'Hélène et Judith nous apprend au contraire que Judith étant tombée gravement ma- lade, on administra successivement les deux sœurs. 11 y avait eu deux tètes à baptiser, l'Eglise avait compté deux personnes. D r Bi:r,Tii.i.oii. LES PIGEONS VOYAGEURS ET LE NOUVEAU SERVICE DE DÉPÊCHES DE LA PRESSE. Lorsque M. Eampont conçut l'idée si ingénieuse de faire servir les aérostats montés du siège de Paris aux transports des pigeons voyageurs, beaucoup de personnes s'imaginèrent que la poste aux pigeons ve- nait d'être inventée par cet habile administrateur. Cependant on trouve dans les auteurs les plus an- ciens la preuve que l'instinct d'orientation des pi- geons devait cire connu dès la plus haute anti- quité. Chez les Romains, l'histoire authentique a con- servé le souvenir d'occasions dans lesquelles l'instinct de direction des pigeons voyageurs fut utilisé. Après la mort de César, ses meurtriers furent obligés de se réfugier dans les provinces. Decimus lïrutus, pour- suivi par Marc Antoine, se réfugia dans la ville de Modèue, capitale de la Gaule cisalpine, dont il avait le gouvernement. Mais ce grand citoyen avait pris la précaution d'emporter dans sa fuite des pigeons ro- mains, de sorte qu'il put donner des nouvelles au Sénat pendant toute la durée de l'investissement. Grâce peut-être à cette circonstance le siège fut levé. Decimus Brutus, plus heureux que les Parisiens de 1870, réussit sa grande sortie. Mais les chances de la guerre tournèrent contre lui en rase campagne, où les pigeons ne pouvaient lui être d'aucune utilité. L'instinct des pigeons était également connu des Orientaux ; ou trouve dans les Mille et une nuits un très-curieux passage où il est question de l'in- stinct d'orientation des pigeons de Bagdad. C'est à Nour-ed-din, prédécesseur de Saladiu et prince célèbre par sa piété ainsi que par sa valeur, que l'on rapporte l'organisation de la première poste aux pigeons. Il avait établi, dans son vaste empire qui comprenait l'Egypte et la Syrie, des tours qui servaient de pigeonniers et à l'aide desquels il com- muniquait avec des colombes plus rapidement et plus sûrement que s'il avait étahli des relais de che- vaux. Pendant la marche des croisés sur Jérusalem, un pigeon, messager de Nour-cd-Din, échappa aux ser- res du milan qui le poursuivait. Ce fut pour aller ex- pirer au milieu de l'armée. On trouva sous son aile le billet arabe qu'il était chargé de porter, et dont la connaissance fut utile aux chrétiens. Celte circon- slance poétique, mais très-naturelle, fut considérée comme un grand miracle, et l'armée continua sa route vers Jérusalem, persuadée qu'elle allait facile- ment triompher des Sarrasins. Cette assurance, ne contribua pas médiocrement au succès qui couronna leurs efforts. Les croisés ne tardèrent point à imiter les Orien- taux, et lorsqu'ils furent assiégés dans Ptolémaïs par les Sarrasins victorieux, ils cherchèrent à communi- quer de la sorte avec le restant de l'armée. Mais les musulmans, qui s'aperçurent du stratagème, eurent recours à une ruse que M. de Bismark devait em- ployer plus tard, et lâchèrent de faux pigeons pour faire croire aux croisés renfermés dans la ville qu'ils n'avaient aucun secours à espérer. Après le retour des croisades il est incontestable que les pigeons messagers furent plus d'une fois em- ployés. Que de nobles dames gardées dans leur donjon par un mari jaloux reçurent par uno colombe, messagère des nouvelles de leur chevalier? Mais sous la féodalité les colombiers, qui se multi- plièrent d'une façon prodigieuse, devinrent le mono- poles des grands, et les pigeons nobles furent pro- tégés par des lois d'une rigueur inouïe. Un manant Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. G9 était condamné nux galères s'il s'avisait de tuer ces oiseaux ; aussi lorsque l'heure de la délivrance eut sonné pour la France, on lit une Saint-Lîarthélemi dos pigeons. La plupart des 42,000 colombiers féo- daux furent détruits à la suite de la mut du 4 août, et des millions de pigeons furent massacres. On ignorait alors que leurs maîtres seraient eux aussi menés à la mort ! Cependant c'est à la Révolution française que l'on doit de connaître la manière d'élever les pigeons voyageurs dont le merveilleux instinct avait été ou- blié à l'époque de la grande prospérité des colom- •^*s^§spg Le pigeon voyageur au vol. biers. L'auteur qui révéla cette étonnante faculté était un Svrien nommé Michel Sabbagh, \enir à Paris à la suite de l'armée d'Egypte et vivant à la Biblio- thèque nationale, où on l'employait à copier des ma- nuscrits arabes. Plus lard il fut employé comme cor- recteur à l'Imprimerie impériale. 11 composa un petit volume intitulé fa Colombe messagère plus prompte que l'éclair, qui parut en arabe vers 1805, avec une traduction de Sylvestre de Sacy. L'influence de cette publication remarquable fut longue à se faire sentir. C'est vers 1820 que les pre- miers clubs colombophiles furent formés en Belgique et après 1830 qu'ils acquirent tout leur développe- ment. Le peuple belge fit de l'élève de ses pigeons une grande affaire nationale, pendant que les Hollan- dais, par un singulier contraste, cherchaient à res- susciter l'art également oublié, également intéres- sant, de la fauconnerie. A deux reprises différentes, les pigeons voyageurs boiras eurent de l'influence sur notre législation- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 70 LA NATUIÏE- La loterie ne fermait pas ses bureaux le mémo jour dans toute la France, on réservait aux départe- ments lointains la faculté de prendre des billets aux tirages tant mie le résultat ne pouvait en être connu ; comme l'usée du télégraphe était 1 ésené au gouver- nement, c'était sur l'arrivée de la malle-poste qu'on se ralliait. Des spéculateurs ou plutôt des fraudeurs, ipii con- naissaient les expériences des pigeons belges, imagi- nèrent de se faire envoyer à Marseille, par pigeon SfiSl i\ *Wv- Le pigeon migrateur. voyageur, la liste des numéros gagnants, et se pré- sentèrent pour réclamer les lots. Le gouvernement ayant deviné la fraude, des procès en résultèrent, et pour couper court à cela, les délais de distance fu- rent supprimés. La loterie ferma, pour toute la France, au moment du tirage des lots. A une époque plus rapprochée de nous, d'autres spéculateurs eurent l'idée d'employer les pigeons belges au transport de la cote de la bourse, à Bruxelles et à Anvers. Une sorte de poste aux pi- geons, dont l'Illustration publia le dessin, fut orga- nisée. Le succès (Je cette entreprise fut grand, car le Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 71 télégraphe aérien ne servait point à transporter les dépêches des particuliers. C'est alors que le gouver- nement, voyant que l'on pouvait se passer de lui, prit la résolution de mettre ses appareils au service du public pour les nouvelles de cette nature, et l'entre- prise qui avait ou do brillants débuts tomba entière- ment. Ce sont les services rendus par la poste aérienne qui ont attiré, d'une façon ineffaçable, l'attention pu- blique sur le parti que l'on peut tirer des pigeons messagers. Déji la Prusse a établi des colombieis de l'Etat dans ses principales places fortes ; Strasbourg et Metz ont une garnison.... de pigeons allemands. La France n'a point été, aussi rapide dans l'organi- sation de ses pigeonniers. Un rapport déposé, peu après le 24 mai, par M. Rampont et par M. le géné- ral liagon, ne paraît point avoir eu de suites. Mais l'industrie privée vient remplir une lacune regretta- ble dans nos institutions publiques. Grâce au zèle avec lequel les journaux politiques luttent contre l'éloi- gnement de l'Assemblée nationale, nous ne serons pas pris au dépourvu en cas de blocus nouveau. Cette fois ce n'est pas seulement contre le télégra- phe de Chappe que les pigeons ont à lutter, mais contre la vitesse de l'électricité, c'est-à-dire d'un fluide qui fait le tour du monde en une minute. Au premier abord, les cliauces paraissent inférieu- res à celles des tentatives dont nous avons déjà parlé. Mais la situation n'est plus la même parce que la dis- tance qui sépare Paris de Versailles est trop faible pour que l'électricité ait le temps de faire briller dans sa lutte contre l'aile l'incroyable célérité dont la nature l'a dotée. Les pigeons ne mettent pas plus de 15 à 20 mi- nutes pour faire la route qui sépare la rue des Réser- voirs de leurs pigeonniers. Ce laps de temps, qui permettrait à l'électricité d'aller jusqu'à la lune et d'en revenir, est bien moins long que les formalités nécessaires pour que l'appareil officiel se mette en mouvement. Les oiseaux n'ont pas besoin de tant de cérémonies, et pour les lancer dans les airs il suffit d'ouvrir un panier. C'est la Liberté qui a eu l'initiative de cette belle innovation, rapidement adoptée par tous les journaux du soir. Depuis le commencement de la session 1873- 1 Wi 4 jusqu'à la lin de novembre, le service a marché sans entraves, mais les difficultés commencent avec les jours brumeux, car les pigeons ont besoin d'y voir très-clair pour reconnaître leur route. On peut dire, en efiet, que c'est la vue qui les guide exclusi- vement et non pas un chimérique instinct d'orienta- tion. Du moment qu'on écarte toute idée supersti- tieuse, on comprend qu'il soit nécessaire que l'air soit très-pur pour que les pigeons puissent aperce- voir leur colombier. Malgré la puissance de leur or- ganisation, ils ne pourraient saisir les points de re- père dont. ils ont gardé la mémoire si l'atmosphère leur cachait la forme du sol, le relief des montagnes et les détours des cours d'eau, en un mot tous les points de repère qui peuvent les guider, La nuit, ils perdent presque entièrement leur fa- culté; cependant lorsqu'il fait un beau clair de lune, ils peuvent revenir d'une faible distance, s'ils sont très-exercés. C'est ce qui fait que les journaux tels que le Soir n'ont point songé à se servir de ces in- téressants oiseaux. Pour faire porter leurs dépêches par voie aérienne, il faudrait que nos nocturnes i onfrères arrivassent à dresser des chouettes ou des hiboux. Mais le naturel de ces animaux ne paraît se prêter à aucune espèce d'éducation. Nous avons représenté, dans notre première gra- vure, le pigeon messager en plein vol portant ses ailes étendues. C'est ainsi qu'on le verrait passer au-dessous de sa nacelle, si on l'observE.it du haut d'un aérostat. L'autre dessin représente le pigeon migrateur, que nous avons cru également devoir placer sous les yeux du lecteur, comme terme de comparais :n. Le développement du crâne de cette espèce, encore à l'état de nature, est bien moins considérable, et par conséquent l'instinct loin d'être aussi développé. L'intelligent oiseau en volant tient la tète forte- ment tendue. 11 la porte ainsi jetée en avant non- seulement pour qu'elle lui serve de contre-poids, mais encore pour discerner plus facilement tous les détails du paysage au-dessus duquel il passe si rapi- dement. Ce robuste volant fournit avec un air calme un vol do GO kilomètres à l'heure, et une course d'en- viron 1,000 kilomètres. Son vol est doue rapide, quoique bruyant et précipité, car ses ailes n'ont ni la longueur ni la forme de celles du faucon. Elles sont légèrement échancrées et tronquées vers le bout. Cette circonstance influe sur l'effet final, qui est beaucoup plus complexe qu'on ne saurait l'imaginer a priori. L'EXPLOITATION DE LA TOURBE AU CANADA. Une des industries les plus florissantes des posses- sions anglaises du Canada est celle de l'exploitation de la tourbe; l'importance qu'elle présente au point de vue commercial, la singularité des procédés d'ex- traction qu'elle nécessite, nous engagent doublement à en parler à nos lecteurs. Le journal anglais Engi- neering a reçu à ce sujet des documents tout à fait inédits et complètement ignorés en France; nous lui empruntons les plus saillants d'entre eux, qui nous semblent offrir un intérêt spécial, à une épo- que où le monde industriel se préoccupe si sérieu- sement de la consommation houillère et de la pos- sibilité d'utiliser de nouveaux combustibles. Les vastes tourbières du Canada diffèrent considé- rablement de celles de la Somme et de l'Irlande. Dans cette dernière contrée, l'atmosphère est sans cesse chargée d'humidité; la tourbe se forme rapidement. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 11! ■ i... ii.,.' :'. i S: iiDiinii ■Il I I Droits réservés au Cnam et à ses partenaires cÉïj iSjî 'i : ÏJÏ": 'li-Jlli'J'PHHUSï*' ■■■' il IJ ], Ht Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 74 LA NATURE. Coupée et desséchée, elle devient très-dure et donne un bon combustible. Dans l'air plus sac du Canada et des Etats-Unis, elle ne peut prendre naissance que sous l'influence d'une couche d'eau d'épaisseur assez considérable. La tourbe se forme là en ahondanee dans les terrains aqueux, dans les eaux stagnantes et les rivières d'un cours lent. Certains cours d'eau, au Canada, sont peu à peu obstrués par la tourbe ; ils se répandent alors hors de leur lif, pour former en- core de vastes lits bourbeux. Toutefois, dans ces der- nières tourbières, les grandes pluies y amènent du gravier et du sable, qui détériorent singulièrement le produit utilisé comme combustible. La tourbe rouge ou fibreuse du Canada est très- légère quand elle est séi liée, mais ne perd que 40 pour ! 00 de son volume, tandis qu'elle perd 80 à 90 pour 100 de son poids. Par conséquent, pour obtenir une tonne de tourbe sèche d'une fondrière non des- séchée, il faut extraire de 8 à 9 tonnes. C'est là qu'est la plus grande difficulté de l'exploitation, surtout eu égard à ce fait que la meilleure tourbe ne fournit, proportion gardée, que les trois cinquièmes du char- bon en combustible. Comme cette tourbe, qui atteint parfois de 30 à 40 pieds de profondeur, est souvent mélangée de dé- tritus, de branchages, de racines, il faut, avant la dessiccation, procéder à l'élimination de toutes ces substances. Voici comment se conduit l'exploitation au Ca- nada. On trace dans une grande tourbière une ligne centrale, et les plantes aquatiques sont accumulées à droite et à gauche. Des canaux de dessèchement sont pratiqués de distance en distance à travers les couches de détritus, sur 9 à 10 pouces de profon- deur. Un grand soin est apporté au nettoyage du futur canal; et sur une aire bien préparée, entre les rem- blais de droite et de gauche, un dock est organisé; ou installe bientôt l'atelier ou laboratoire ambulant. Cet atelier consiste en un vaste bateau, muni de tout le mécanisme nécessaire à l'exploitation. Fen- dant de longues années, on avait employé des mé- thodes d'extraction qui paraissaient beaucoup plus simples, mais dont les résultats économiques étaient défavorables. Le nouveau système, dû à 31. Hodges, a donné beaucoup de facilité à un travail jusque-là très-laborieux. Les bateaux construits par M. Hodges, le créateur de la nouvelle industrie pour extraire la tourbe, ont 80 pieds de long, 16 pieds de traverse et 8 pieds de fond. Une paire do grosses roues-vis (voir la gravure), armées de lames tranchantes, et de 11 pieds de dia- mètre, est placée à l'une des extrémités du bateau. Ces roues reçoivent le mouvement d'une machine placée à l'arrière. Elles se coupent un passage dans la tourbière, et forment un chenal de 1 9 pieds de lar- geur sur4 à 6 pieds de profondeur ; et comme l'eau . remplit l'excavation à mesure que la tourbe est en- levée, le bateau avance avec le mouvement de la vis, généralement à une vitesse de 15 pieds à l'heure. Le jeu des vis peut varier de 1 1/2 à 3 et même 4 pou- ces par révolution, suivant la densité de la matière à pénétrer. Deux hommes sont continuellement oc- cupés à dépouiller la tourbe amenée dans le fond du bateau des détritus et des racines qu'elfe contient. Un élévateur décharge enfin la tourbe dans une tré> mie, et de celle-ci dans la partie du système où elle est définitivement délivrée de toute matière étran- gère. Les traverses que l'on voit représentées sur notre première gravure, et qui sont fixées au bateau mé- canique dont nous venons de parler, distribuent à angle droit, sur une largeur arbitraire, la tourbe extraite du chenal. Celle-ci se répand d'elle-même sur 1 aire qu'on lui a réservée, et sur une épaisseur de 9 pouces environ. Les remblais sur les rebords du chenal, et qui sont formés des détritus enlevés de l'aire sur laquelle est déposée la tourbe, séparent celle-ci de l'eau et l'empêchent de s'y mêler. A 90 pieds de chacun de ces remblais, l'an en pratique un autre, avec une épaisseur double et dans le même but. Il s'agit ensuite de niveler ce dépôt; c'est une opé- ration importante. De l' uniformité d'épaisseur de la touche dépendent principalement la solidité de la tourbe et sa dureté ; quand elle est dure, sa valeur est augmentée en ce sens qu'elle peut mieux résister à l'action de la pluie et à celle du soleil. Après deux jours environ, la pulpe, partiellement desséchée par l'action du soleil à la surface, et par l'action du drainage dans les couches inférieures, se réduit et craque en se consolidant. C'est le moment de couper la tourbe transversalement. Cela se prati- que au moyen de couteaux recourbés, à six pouces d'écart, et montés sur un mécanisme, et que l'on promène sur la surface à entamer. Deux hommes, l'un de chaque coté de l'aire, procèdent à cette opé- ration. Au bout de quelques jours, — à moins que le temps ne soit pas favorable, — la tourbe est coupée longitudinalenient. Notre deuxième gravure repré- sente ce travad important. 11 est nécessaire de sépa- rer la tourbe dans toute sa profondeur. Il faut ensuite empiler en meule les briques de tourbe. Quand le temps est favorable, une quinzainedejourssuffisent. L'opération de l'empilement se fait par des hommes et des enfants. Chaque homme a pour auxiliaires trois enfants : il détache les briques; ses aides les enlèvent et les empilent par quatre, appuyées les unes contre les autres, et se touchant par le haut; une cinquième repose ensuite sur les précédentes. Les briques demeurent dans cette position pendant quel- ques jours, ensuite elles sont renversées et replacées dans la position précédente. Finalement, on les place sur des bateaux de transport, et on les emporte an stock. L'exploitation de la tourbe au Canada occupe un grand nombre d'ouvriers; elle est une des sources de prospérité de ce pays. L. Luéritieiî. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. LE BUREAU MÉTÉOROLOGIQUE DE LONDRES. A la suiie de la conférence internationale tenue à Bruxelles en 1853, et dont l'initiative était due au lieutenant Maury, les différents États participants constituèrent des bureaux destinés à centraliser les observations uniformes recommandées, et à distri- buer les cartes et lus instructions nautiques qu'on en déduisait. L'importance du nouvel ordre de recher- ches fut vivement sentie en Angleterre, et le Parle- ment vota un crédit annuel de 80,000 fr, afin d'or- ganiser la division spéciale créée pour le dépouille- ment des journaux de bord et la publication des documenta météorologiques au bureau général du commerce {lloard ûf Trade). L'amirauté ajouta 2u,000 fr. et plaça à la tête de ce service l'amiral Fitz-Roy, connu par ses excellents travaux hydrographiques et surtout par sa campagne dans les parages du cap Ilorn sur le Beagle, où il avait alors comme chirurgien un éminent naturaliste, Ch. Darwin, dont le nom devait devenir célèbre. Le savant directeur se passionna pour son œuvre et devint bientôt l'émule de Maury, avec lequel il en- tretint dès le début une correspondance amicale qu'on lit avec intérêt dans la publication (Meteoro- loyical Papers) fondée pour faire connaître les fé- conds travaux de l'établissement. Par leurs soins des observatoires furent placés aux Bcrmudes et à Hali- fax (Nouvelle-Ecosse) et ces stations furent pourvues d'instruments enregistreurs qui ont fourni des don- nées importantes pour la météorologie de 1 Atlan- tique. En Angleterre, l'observatoire de Kew fut chargé de la vérification des baromètres et autres instruments que le gouvernement fit construire suivant un mo- dèle uniforme, et qui furent délivrés à la marine de l'État, ainsi qu'à tous les capitaines de la marine mar- chande, qui s'engageaient à faire les observations pres- crites durant leurs traversées. L'amiral et ses collaborateurs discutèrent de nom- breuses données sur les typhons de la mer de Chine, recueillies par les navigateurs anglais. On rassembla toutes les recherches étrangères relatives à cette im- portante partie de la météorologie. Un des numé- ros des Meteorolngical Papers contient la traduction du grand mémoire de Dove sur la loi des tempêtes. Les registres météorologiques de la dernière campa- gne du Fox, dans laquelle Mac-Clintock trouva enfin les traces de Franklin, ayant été repris et soumis à un soigneux examen, il en résulta un mémoire des plus instructifs sur les régions arctiques. Le climat de Port-Natal fut étudié à l'aide des observations du docteur Mann. Maury avait commencé dans ses Nautical Mono- graphs un travail d'ensemble sur les pressions baro- métriques moyennes à la mer ; on le cumpléta à l'aide de nouvelles séries de hauteurs recueillies dans les hautes latitudes des deux hémisphères. La publi- cation des Notices trimestrielles sur le temps ( Wea- tker Pieports) déduite des observations journalières et accompagnées le plus souvent des remarques de l'amiral Fitz-Roy, commença en iSCO. Nous men- tionnerons encore parmi les travaux remarquables exécutés alors une série de tableaux donnant le poids spécifique et la température de l'eau de mer, dans plusieurs régions de l'Océan et une très-utile statis- tique de l'apparition des ice-bergs dans les mers aus- trales. L'étude générale d'une violente tempête (dite du Royal Charter, parce que ce grand bâtiment de transport y périt) fut entreprise, et le sous-directeur, M. Babington, en résuma tous les détails. 11 con- struisit pour plusieurs jours consécutifs, et pour des intervalles de quatre heures dans les périodes plus particulièrement intéressantes, une série de eai- tes synoptiques permettant de suivre le mouve- ment cyclonique pendant son passage sur les îles Britanniques. Il y fit mention de toutes les circon- stances remarquables qu'il put recueillir, de cette observation toute nouvelle, par exemple, que, dans toutes les mines au-dessus desquelles le centre passa, la diminution de la pression atmosphérique caracté- risant ce centre provoqua un dégagement de gaz grisou. L'amiral rédigea, sous le nom de Manuel baromé- trique, une courte instruction sur la manière d'ob- server l'instrument et de tirer parti des observations pour prévoir le temps. Ce manuel, très-clair, im- primé eu caractères facilement lisibles, fut distribué aux pêcheurs et marins des côtes, et dans un grand nombre de localités, on installa des baromètres pu- blics (fishingbarometers), dont l'observation produi- sit des résultats très-favorables pour les populations exposées à tant de dangers dans les mers britan- niques. Une autre publication, le Livre du temps ( Wenther bûok) renferme une exposition très-remarquable des principes de la météorologie et de ses applications. Cet ouvrage, « écrit pour tout le monde, ce qui ne veut pas dire qu'il doive être nécessairement super- ficiel, n a eu beaucoup de succès en Angleterre. Sa lecture a l'avantage de faire connaître le caractère do l'auteur, dont le style original et animé par un vif enthousiasme pour la nature et ses harmonies rap- pelle les belles pages de Maury. Après la description des instruments, l'amiral donne des notions géné- rales sur les courants atmosphériques et en déduit les règles qu'il a fait inscrire à coté de l'index des baromètres. De la circulation régulière il passe aux perturba- tions, aux cyclones et autres phénomènes exception- nels ; enfin, conduisant le lecteur dans les différentes mers du globe, il en décrit les climats, les vents do- minants, et mêle souvent à ces tableaux le souvenir de ses impressions' personnelles. 11 donne ensuite de nombreux détails sur le système général de prévi- sion institué SOUS sa direction pcmr indiquer le temps Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 76 LA NATURE. probable à l'aùlc des observations météorologiques provenant, par voie télégraphique, des diverses par- ties du pays. Dans la démission de ces données au Bureau central, on procédait d'abord empiriquement et les résultats n'offraient pas une grande certitude, mais l'idée de la télégraphie du temps était très- féconde et devait aboutir au service important qui se généralise aujourd'hui en Europe et dans l'Amérique du Nord. « Les considérations dynamiques déduites des faits statiques, dit l'amiral dans le Livre du temps, ont, une grande importance, mais pour obtenir une ap- proximation suffisante avec la célérité nécessaire, il faut une grande aptitude, beaucoup d'expérience et une sérieuse attention. « À ceux qui nous objectent que nos prévisions no se réalisent pas toujours dans toutes les localités d'une même région, nous répondrons que comme nos signaux de tempêtes, qui eu sont les résultats, nos prévisions n'ont qu'un caractère général ; elles avertissent seulement qu'une perturbation générale et non locale va probablement se manifester dans la partie de l'atmosphère qui enveloppe nos îles. - « Nos déductions pourront être incorrectes et nos jugements erronés; mais il est certain que les lois de la nature et les signes mis à la portée de l'homme sont invariablement exacts. C'est la rectitude de l'in- terprétation qui fait défaut. « Les principaux caractères des deux grandes di- visions du vent sont bien connus de tout homme de mer. Le marin ne tient pas à calculer à deux ou trois quarts près les changements ou combinaisons inter- médiaires. Ce qu'il demande, c'est de savoir d'une manière générale de quel côté, nord ou sud, surgira la tempête qui doit l'assaillir. Certes il serait désira- ble de pouvoir préciser l'heure où un coup de vent doit se faire sentir, mais l'insuflUance de uns con- naissances météorologiques ne nous permet pas de la déterminer et nous ne pouvons qu'y suppléer eu indiquant les circonstances dans lesquelles on doit redoubler de précaution. « Faut-il, pourra-t-on dire, que les bâtiments res- tent dans un port pour éviter une tempête qui peut, après tout, ne pas avoir lieu? faut-il que les cabo- teurs et les pêcheurs demeurent inactifs et laissent peut-être échapper une occasion favorable? Nulle- ment. Les signaux ne sont qu'un avertissement ; ils signifient uniquement : « Veillez. » — « Soyez sur vos gardes. » — (l Attention aux baromètres et aux signes du temps. » ci Peut-être nos caboteurs préfèrent-ils le risque d'un coup de vent à la perte pécuniaire qu'entraîne un séjour inutile d'un ou deux jours dans le port ; mais pour les navires destinés à faire un long voyage la question est toute différente; une tempête dans a Manche peu après le départ ne pourrait manquer de leur causer de graves embarras. » Les informations dont le bureau météorologique disposait alors étaient trop restreintes, et la méthode employée tenait trop à ce qu'on peut appeler la di- vination pour que ses prévisions pussent être éten- dues à deux jours et plus; aussi, à la suite de criti- ques assez justes, on dut rentrer, comme nous le montrerons plus tard, dans de plus étroites limites. Pour ajouter à l'utilité des dispositions que nous venons d'indiquer, l'amiral imagina un système de signaux de jour et de nuit, formés par des cvlindres et des cônes ou bien de fanaux diversement combi- nés, qui étaient bissés dans les ports au haut d'un mât pour avertir les marins de l'approche des tem- pêtes ou du moins de l'existence d'un état dangereux du temps. M. Le Verrier, directeur de l'Observatoire de Pa- ris, appliquait à la môme époque le télégraphe à la concentration des observations météorologiques et aux avertissements à donner au s régions menacées par les perturbations de l'atmosphère. 11 avait fondé un Bulletin international recevant, à l'aide du ré- seau européen, les observations d'un nombre de sta- tions progressivement porté à 70 et publiant les car- tes synoptiques qu'on eu déduisait. De fécondes rela- tions s'établirent, entre les centres de Taris et de Londres pour développer le nouveau champ de re- cherches. Mais au milieu de ces intéressants travaux , auxquels il prenait part avec une activité toute juvé- nile, l'amiral Fitz-Roy mourut, vivement regretté par ses nombreux amis, par le monde savant et par les populations des côtes anglaises, qui lui étaient re- devables, comme on l'a vu, de très-utiles institu- tions. Nous exposerons, dans un prochain article, les améliorations apportées, après sa mort, au Bureau météorologique de Londres, en résumant les excel- lents travaux de ce bureau jusqu'à l'époque actuelle. F. ZunciiER. — La sorte prochainement. — «>. PUBLICATIONS NOUVELLES Ttalté élémentaire d'entomologie, par M. Maurice, Gnuori, docteur hx> sciences naturelles , ancien président de la So- ciété entomologinue de France. — Paris, J.-B. Baillièrc et fils; 1S73. 11 existe en France un assez nombre d'ouvrages sur l'entomologie ou étude spéciale des auimau x articulés, mais les uns s'occupent uniquement des caractères de classification, et sont surtout destinés aux collec- tionneurs, d'autres présentent l'histoire si intéres- sante des mœurs des insectes et de leurs métamor- phoses, enfin beaucoup de mémoires et notes sont consacrés aux espèces utiles ou nuisibles, et donnent des recettes contre les dévastations qui causent un si grave préjudice à l'agriculture, à la conservation des matières premières, des produits alimentaires ou ma- nufacturés réunis en magasin. Beaucoup de ces importants travaux sont comme perdus dans des recueils périodiques, parfois à peine connus, de publicité insuffisante, et il arrive souvent Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 77 qu'ils sont l'œuvre de person- nes souvent peu habituées au langage de la science entomo- Ingique et commettant de gra- ves erreurs de détermination. Pour la première fuis en France, l'auteur du livre actuel a cherché, en conservant l'or- dre didactique des sujets, à offrir aux débutants un guide pour leurs études entnrnologi- ques et le classement de leurs collections, à présenter une esquisse de nos connaissances sur les métamorpho=es et les mœurs des espèces types des principaux groupes. Eu outre, les agriculteurs et les indus- triels trouveront des indica- tions détaillées sur les espè- ces qui les intéressent, et tous les moyens que la science a découverts comme remèdes à de véri Laliles fléaux. Le premier volume du traité paru cette année commence par une in- troduction à l'entomologie , beaucoup plus courte que les ouvrages célèbres de Lacor- daire et de M. Westwood, mais qui, n'entrant pas dans leurs minutieux détails, est une véri- table introduction, n'exigeant aucune connaissance préalable de la classification. Ce sont des considérations d'anatomie et de physiologie générales. Ou y trouve, entre autres su- jets, un résumé des recherches personnelles de l'auteur sur la chaleur propre des insectes, et la découverte de cette loi que, chez les adultes, la chaleur se localise dans le thorax en raison directe de l'énergie du vol. La chasse aux insectes, en France, aux diverses époques de l'année, le moyen d'établir les collections et de conserver leurs sujets si fragiles et si altérables forment un guide pour l'amateur qui débute. On y trouve ainsi l'exposition des méthodes d'éta- lage sur une planchette à rainures, de façon à bien disposer les antennes et les pattes et à taire sécher les ailes perpendiculairement au corps, pressées sous des bandes de papier opaque ou transparent (fig. i). Ces préparatifs sont indispensables si on veut que les insectes en collection montrent tous fig. i. leurs caractères bien apparents, et offrent un attrayant coup d'oeil. Les moyens d'élever les larves et les chenilles, dans des pots remplis de terre, sous des couvercles de gaze ou de toile métallique (fig. 2), ont aus>i un grand intérêt pour les collectionneurs, afin d'obtenii des sujets d'éclosion, car les individus capturés au vol ont souvent leurs couleurs ternies, et leurs ailes délicates déchi- rées, éraillées sur les bordu- res. La plus grande partie du premier volume est consacrée à l'ordre immense des coléoptè- res, le plus recherché des ama- teurs, en raison surtout de Ja plus facile conservation. Los découvertes modernes y trou- vent leur mention, en même temps que les espèces les plus communes, par lesquelles on débute d'une façon nécessaire, sont décrites en peu de mots, mais de manière à être aisé- ment reconnues et nommées. L'étude des coléoptères souter- rains des cavernes ajoute un charme puissant aux excur- sions des touristes dans les montagnes. Rien de plus cu- rieux que ces êtres hypogés. sans ailes, tous de couleur fauve, tantôt aveugles, tantôt munis d'yeux plus nu moins parfaits, et, cela, paraît-il, en raison du degré d'éclairement de leurs retraites, l'organe ap- paraissant quand son emploi devient nécessaire. Les érudits retrouveront avec plaisir tous les anciens récits sur les sca- rabées sacrés des Egyptiens, roulant les boules qui contiennent leurs œufs, où les anciens retrouvaient l'image vi- vante des mouvements du globe ter- restre, Une recherche plus utile initie les cultivateurs aux métamorphoses des hannetons, et aux ressources fon- dées sur l'observation des mœurs qu'of- fre la science pour diminuer les rava- ges de leurs terribles larves. Les espèces funestes des charançons sont également le sujet d'un examen de détail, et le livre traite in extenso les moyens de préserver nos céréales con- tre ta calandre, par les tarares, les Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 78 LA NATURE. silos et le chauffage méthodique des grains. Les colzas et les légumes ont de redoutables ennemis dans les minuscules Attises ou puces de jardin; l'auteur fait connaître les procédés mécaniques ou chimiques propres à les détruire. À côté des adversaires se trouvent les insectes car- nassiers destinés à les combattre et à protéger nus cultures, On doit veillera leur conservation, et même intro- duire certaines espèces dans les jardins, selon les indications du traité. L'ouvrage, outre un certain nombre de figures sur bois, est accompagné de soixante planches sur cuivre. LES SINISTRES EN MER La perle do la Vil!e-du-Havre appelle forcément l'attention du publie sur le nombre des sinistres ma- ritimes, mais le défaut de statistique générale nous oblige de nous borner aux documents publiés par le Doard ofTrade pour nous rendre compte de l'im- portance de ces terribles accidents. Les registres de la marine anglaise comprenaient en 1871 un total de 25,6-45 vaisseaux, sur lesquels 1,162 ont été totalement perdus, ce qui donne une proportion de 45 pour 1,000. Le nombre des victi- mes a été de 2,185 et celui des naufragés qui ont échappé après des blessures plus ou moins graves, des souffrances plus ou moins longues, de 31,054, chiffre énorme, beaucoup trop considérable pour que des mesures énergiques no soient point adoptées. En effet, le nombre des navires de guerre perdus est beaucoup moindre, comme il résulte du tableau sui- vant. Si on fait abstraction des navires coulés, brûlés ou naufragés par suite d'une bataille navale, on trouve que la proportion est, de 1793 à 1815, de 31 pour 1,000; de 1816 à 1857, de 14 pour 1,000 ; de 1857 à 1871, de 9 pour 1,000. Or les risques de mer étant les mêmes pour les uns et pour les autres, la différence ne peut tenir qu'à l'infériorité de la manœuvre et le manque de précautions adoptées abord des navires marchands. Des causes particulières de perte ont été radicale- ment écartées, Ainsi l'adoption des paratonnerres, d'après le système de sir Snow Harriss, a supprimé la perte par le feu du ciel et même toute avarie pro- venant de ce fait. C'est le plus bel exemple que l'on puisse citer pour rétorquer l'opinion des gens qui rangent tous ces sinistres sous le titre de cas de force majeure, la force aveugle qui produit ces désastres étant, dans la plupart des cas, ce qu'il y a de plus mineur. Si nous supposons que les accidents de mer qui frappent la marine britannique repré- sentent la moyenne générale des accidents de la ma- rine universelle, nous arrivons à des chiffres véri- tablement effrayants. Eu effet, en 1869, le pavillon britannique ne flot- tait que sur la cinquième partie des navires à Slot ; donc, si l'on adopte nos prémisses, il en faut con- clure que le nombre des pertes totales sur toutes les mers du globe a été de plus 'de 6,000 bâti- ments de tout tonnage ayant entraîné, la mort de plus de 12,000 victimes, et le naufrage de plus de 150,000 individus ayant échappé à la mort après des souffrances, plus ou moins vives, mais toujours excessivement sérieuses. Quelques chiffres tirés des statistiques du Board of Trade montreront que malheureusement nous n'exagérons rien à cet éf, r ard. En effet, dans la seule année 1870, on ne compte pas moins de 190 vaisseaux qui ont été dévorés par le feu. Le nombre des abordages pendant la durée de cette même période dépasse 2,000 ayant entraîné la perte de plus de 200 navires représentant une somme de cent millions de francs. Sur les diverses lignes transatlantiques, le nombre des steamers perdus depuis 1840 est de quarante- quatre, sur lesquels ou n'en compte pas moins de sept qui n'ont plus donné de leurs nouvelles, et qui à eux sept représentent un capital de plus de vingt millions et un elfectif de plus de 2,000 victimes. Il est vrai, comme on l'a dit dans plusieurs journaux à propos du naufrage de la Vilte-du-Havre, qu'il part chaque jour trois navires à vapeur des divers ports de l'Union américaine à destination de l'Eu- rope, et que rie ces trois vapeurs deux partent du seul port de New-York. L'année dernière, ces steamers ont transporté 500,000 passagers. Le nombre a augmenté notable- ment cette année, et il est loin d'être en voie de dé- croissance. Ajoutons à ces chiffres quelques autres qui nous montrent que les efforts généreux faits pour sauver les victimes des naufrages n'ont point eu lieu en pure perte. De 1855 à 1871, les bateaux de sauvetage ont sauvé lu vie à 6,858 personnes rien que sur les côtes d'Angleterre; pendant la même période, les fusées à la Congrève (système Tremblay) en ont sauvé 5,646. Il existait, en 1871, sur les côtes anglaises 281 mortiers, et 201 bateaux de sauvetage. Il y avait 503 stations pourvues du corset du capitaine Ward. Grâce à ces moyens énergiques, on a sauvé, en 26 ans, 64,000 naufragés et l'on n'en a perdu que 12,000. Pendant cette période, le Board n'a pas dépensé pour ce service moins de 134,000 livres sterling, soit environ 120,000 francs par an, non compris de nombreuses souscriptions particulières. CHRONIQUE L'université de Strasbourg française et alle- mande. — Mil. P. Bert et Bouisson viennent de soulever au sein de l'Assemblée nationale, une discussion qui leur fuil honneur, au sujet des besoins financiers des facultés Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 79 qui existent en France. Nous aurons occasion de revenir sur ces débats, qui mettent en évidence l'infériorité déso- lante de l'instruction dans notre pays ; nous nous borne- rons aujourd'hui àplacer sous les yeux du lecteur le passage suivant du discours de M. Bouisson : « Lorsque l'Université de Strasbourg était dans notre administration, une somme de 500,000 francs au plus était inscrite au budget des dépenses pour l'entretien de cette Université, qui comptait cinq facultés. Eh bien, ac- tuellement, dans cette année même, 5,450,000 fr. ont été consacrés à l'Université de Strasbourg ; le nombre des professeurs a été doublé, et par le fait de ces améliora- tions à la fois relatives à l'enseignement et au matériel, le chiffre des élèves a augmenté dans une proportion signi- ficative ; il était tout au plus de 350, alors que Strasbourg était une université française; plus de 800 élèves suivent aujourd'hui les cours améliorés et ayant reçu tous les bien- faits que la science moderne peut désirer. » Ces chiffres doivent se passer de tout commentaire: ils sont navrants ! Le phylloxéra dans l'Europe centrale. — Le fléau du phylloxéra a fait, parait-il, invasion en Autriche, cl les vignobles qui entourent Kloslerneubourg ont été at- taqués. En Allemagne, l'importation des ceps de vigne a été, comme on sait, interdite. En parlant de cette mesure et en traitant la question du phylloxéra vastatrix, la feuille agricole mensuelle de Berlin (Monatschrift zur Fœr- derung) émet les réflexions suivantes : À notre avis, dit-il, il est un point non moins important qu'intéressant et qu'on n'a pas suffisamment considéré. L'insecte est-il un parasite qui ne vit et ne peut vivre que sur la vigne, ou bien est- ce un polyphage, semblable à beaucoup d'autres insectes et qui, ayant jusqu'ici échappé à l'œil vigilant du natu- raliste , vivait naguère en petit nombre sur d'autres plantes, mais qui, sous l'influence de circonstances par- ticulières, ti élu domicile sur la vigne? Se serait-il pas possible de retrouver ce phylloxéra vastatrix sur d'autres plantes encore. Nous rappellerons ici que le coléoptère Lo- ryphora decemlincata, qui vivait auparavant sur les sola- nces du Colorado, et qui, ilepuis peu d'années ravage les champ? de pomme de terre de l'Amérique du îiord ; il est aujourd'hui parvenu jusqu'à la côte orientale, d'où il ris- que d'être introduit eu Europe, avec des pommes de terre du pays. Le journal demande qu'on prohibe l'importa- tion de la pomme de terre, surtout celle d'Amérique, l'in- vasion du donjphora en question ne devant peut-être pas se faire longtemps attendre. Or, suivant l'auteur, la pré- sence en Europe de cet insecte aurait, à J'égard de la pomme de terre, des conséquences encore plus funestes que la propagation du phylloxéra vastatrix n'en a eu pour la vigne. Populations. — On connaît, dit la Gazelle fcctrfo- madaire dt médecine, les lois d'accroissement des diver- ses populations. On sait qu'eu Angleterre, où cet accrois- sement est le plus rapide, la population double en 50 ans , aux Etats-Unis, au Canada et en Australie, en 25 ans; en Allemagne, dans le nord, en 56 ou 60 ans ; dans le midi en 167 ans, ce qui donne 100 ans pour la moyenne; eu France, in 140 ans. Il en résulte que, dans un siècle, Ls proportions seront les suivantes : pour l'Anglais, 160 mil- lions; pour l'Allemand, 124 millions; pour le Français, 69 millions, c'est-à-dire que les individus parlant allemand forment la septième partie, et ceux parlant français ia douzième ou treizième partie de ceux parlant anglais. Tous ensemble ne forment pas le quart des populations de langue anglaise. Les pays de longue française ou allemande seront à ceux de langue anglaise comme est aujourd'hui la Hollande à l'égard de la France. Le brouillard a Londres. — Le Times nous donne des renseignements curieux sur un brouillard très-épais qui a plongé Londres dans de véritables ténèbres vers le milieu de décembre. Quoique la grande métropole anglaise soit accoutumée à la brume, elle en avait rarement vu d'aussi épaisse. La circulation des voilures, des railways et des piétons a été instantanément arrêtée. Les stations télé- graphiques ont été envahies par une foule inusitée; c'étaient des personnes qui envoyaient des dépêches a toutes desti- nations, pour s'excuser de manquer un rendez-vous. — En ce qui peut nous concerner spécialement au point de vus météorologique, nous ajouterons que l'odeur de ce brouillard était particulière et très-prononcée, comme nous l'écrit un do nos correspondants. Choléra. — Depuis quelques jours, dit la Gazette de médecine, "la ville do Munich est désolée par la réappari- tion soudaine et très-menaçante du choléra, alors qu'on s'en croyait définitivement délivré. Les journaux du lieu assurent que le gardien des tours de Noire-Dame de Munich, qui demeure à 350 pieds au-dessus du sol, est mort aussi d'une attaque de choléra, quoique aucune personne ne fut montée chez lui pendant toute la durée de l'épidémie. 11 avait l'hahitude de se faire monter ses vivres par le moyen d'un treuil. D'après la Gazette d'Augsbourg, il est fortement question de suspendre les réunions de la Chambre et de licencier les élèves des écoles populaires de Munich, à cause des progrès de l'épidémie. Du 29 au 30 novembre, il y a eu 35 cas, dont 15 décès, quelques-uns foudroyants; du 30 novembre au l" r décembre, il y a eu 20 nouveaux cas et également 13 décès. Statistique de l'hippophagle. — Pendant le troi- sième trimestre de 18ù'7, on a livré à k consommation, a Paris, 418 chevaux, 7 ânes et 10 mulets. Pendant le troisième trimestre des années suivantes, voici les chiffres: en 18C9, chevaux 599, ânes 27, mulets 10; en 1871, chevaux 624. ânes 82, mulets 10; en 1873, chevaux 1,548, ânes 140 et mulets 15, qui cnl fourni 303,970 ki- logrammes de viande nette , c'est-à-dire, non compris le coeur, le foie, la cervelle, la langue, etc., dont on fuit usago comme de ceux du bœuf. ACADEMIE DES SCIENCES Séance du 22 décembre 1875,— Présidence de M. de Quithefages . Hètèragème. — A l'occasion du procès-verbal de !a dernière séance, M. Pasteur demande à constater que, dans son mémoire inséré au compte rendu, il a supprimé toutes les expressions qui pouvaient paraître blessantes pour plu- sieurs de ses confrères. Il ajoute que M. Tréeul a catégo- riquement refusé d'emporter les flacons qui avaient été, ou se le rappelle, préparés à son intention. M. Tréeul n'accepte pas les reproches de M. Pasteur. Selon lui , les flacons mis si libéralement à sa disposition ne présentent pas les conditions favorables au succès et surtout n'élaient point comparables à ceux dont ii s'est servi. L'absence absolue d'air dans les vases qu'on lui pro- posait, vases qui se trouvaient complètement remplis da Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 80 LA NATURE. liquida est, à son sens, incompatible avec la manifestation des phénomènes de transformation qu'il a signalés. Le sa- vant micrographe commençait à cet égard «ne discussion apprufondia et voulait énumérer les résultats secrets obte- nus par M. Hofmann, par M. Bastien, etc., lorsque, Tordre du jour étant très-chargé, M. le président lui a demandé de rédiger sa réponse et de la renvoyer à huitaine. Tremblement de terre à Barcelone. — La secousse éprouvée le 20' novembre dernier, à 5 heures du matin, se dirigeait très-sensiblement du K.-fi au S.-O. en suivant le littoral de la mer. A douze kilomètres de la ville, cette trépidation s'infléchit très— nettemement vers l'ouest. Une remarque très-intéressante résultant du témoignage des veilleurs de nuit et des promeneurs attardés est, qu'au moment du phénomène, les arbres de la place de Catalo- gne se sont mis à chanter, c'est-à-dire ont rendu un son : tout j fait comparable à celui des poteaux télégraphiques. ! Cette comparaison parait conduire le correspondant .1 voir dans le bruit des arbres un phénomène électrique, mais on sait que, pour les fils télégraphiques, le veut seul est !a cause du bruit, ces fils constituant une gigantesque harpe colienne. Parachoc. — Le secrétaire annonce gravement que M. Gagne, avocat, adresse la description d un « parachoc sauveteur des navires et des wagons. » Le prérident, non moins gravement, renvoie cet archi-mémoil'e à une com- mission. On ne nous dit pas si l'auteur de l'Enitéide s'est servi du langage des dieux pour s'adresser aux immortels. Quadrature du cercle. — Nous ne pouvons saisir le nom de l'auteur d'une note envoyée de Ti ieste, et relative à la quadrature du cercle, combinée au mouvement perpé- tuel. D ordinaire de pareilles communications ne sont même pas mentionnées, mnis 31. Élit) de Beaumont ayant par- couru le nouveau travail pense que, malgré son titre, il est sérieux, ne traitant que des approximations dont ces ques- tions sont susceptibles (?). Là-dessus le président prie M. le général llorin délire la lettre en question et de dire ce qu'il en pense. Celui-ci se récrie :« Il suffit, dit-il, après avoir )elé un coup d'oeil sur la pièce, que le mot quadra- ture du cercle soit dans le litre pour que je rcf;se d'être commissaire; il est contraire aux règlements de l'Acadé- mie de s'occuper de pareilles questions. » A quoi le pré- sident fait spirituellement observer que le savant général a fait, en définitive en exprimant son opinion, le rapport qu'il prétend refuser et qu'on n'a rien de plus à lui de- mander. Panification des légumineuses. — Une invention qui pourra rendre de très-grands services, en temps de siège ou de disette, est celle que publie aujourd'hui M. Ruiez. Suivant lui, à la suite de quelques lavages préalables, la farine des pois, des lentilles, des haricots, etc., devient susceptible d'une panification parfaite. Le pain obtenu ne peut être distingué, quanta sa qualité, de celui que donne la froment. Le phylloxéra. — Dans un nouveau mémoire très- étendu et accompagné de nombreuses planches, M. Cornu fait voir que le phylloxéra, alors même qu'il est eu état d'hibernation, peut néanmoins se déplacer, quitter les por- tions épuisées de racines et gagner des régions pins suc- culentes. D'ailleurs on peut très-aisément faire cesser l'état d'hibernation; il suffit pour cela, à l'aide d'une étuve, d'élever la température à un degré comparable à la chaleur de l'été. L'insocte réveillé reprend immédiatement le cours de ses pontes, comme si l'été, était réellement re- venu. Quelquefois il suffit de huit jours pour que le phyl- loxéra ainsi arraché à sa léthargie accomplisse ses trois mues et commence à pondre. Stabilité et métamorphoses réciproques des oxydes de l azote- — Ce sujet, déjà étudié par beaucoup de chimistes, fournit à M, Berthelot plusieurs faits nouveaux. Ainsi l'a- cide hypoazotique, considéré jusqu'ici comtne le plus stable des oxydes de l'azote, s'est, entre ses mains, décomposé en oxygène et eu azote. Il a suffi, pour obtenir ce résultat, de soumettre le gaz, dans un tube scellé à .la lampe, à une série d'étincelles électriques. Au bout d'une heure un quart, de l'acide hypoazoii'|ue était décomposé ; après 18 heures d'expériences, i! n'en restait plusqueles 14/100 du volume primitif, mais il ne semble pas que cette limite puisse être dépassée et, par conséquent, que la décomposi- tion totale puisse être obtenue. On sait que plusieurs chi- mistes avaient pensé que l'action du hioxyde d'azote sur l'oxygène pourrait fournir un procédé eurliométrique, tout l'oxygène d'un mélange gazeux devant être absorbé par le hioxyde. Or il n'en est rien, car il ne se fait jamais soit de l'acide azoteux seul, soit de l'acide hypoazotique seul, mais un mélange de ces deux corps. Toutefois si l'on in- troduit dans l'appareil un corps, delà potasse par exem- ple, capable île retenir l'acide azoteux au fur et à mesura de sa formation, onconstate qu'il ne se produit absolument que cet acide, et par conséquent que tout l'acide hypoazo- tiqiie qu'on observe en opérant par le procédé ordinaire provient d'une modification subséquente de l'acide azoteux, acide qu'il est, comme on volt, impossible de conservera l'état gazeux. M. Péligot a trouvé, de son côté, clans des recherches déjà anciennes que l'acide azoteux liquide con- tient toujours un excès d'oxygène; cet excès correspnnd à un septième, environ, d'acide hypoazotique. M. Berthelot signale à cet égard l'anomalie très-curieuse que présen c la comhinaisnu directe de l'acide azoteux avec l'oxygène pourpro duire l'acide hypoazolique.Contrairementà ce qu'on observe dans tous les cas analogues, il y a ici dilatation Deux volumes d'aeide azoteux s'unissent à un seul volume d'oxy- gène et il en résulte quatre volumes d'acide hypoazotique. Passant au protoxyde d'azote, l'auteur a reconnu que c'est vers 5011 à 520 degrés que ce gaz commence à être décomposé par la chaleur. L'étincelle électrique le décom- pose très-vite : en 1 minute, il y a un tiers du gaz décom- posé, et, au bout de 5 minutes, les deux tiers ou les trois quarts. Lebioxyde d'azote se rléfait sous l'action de l'étin- celle électrique. Une partie se résout en azote et oxygèm et une autre en protoxyde d'azote et oxygène. Le protoxyde d'azote, à la limite, forme sensiblement les deux tiers de la portion décomposée. Sous l'influence d'un contact pro- longé à froid avec le hioxyde d'azote beaucoup de sub- stances minérales ou organique» subissent une oxydation lente et partielle. Double élection de correspondants. — Avant de se for- mer en comité secret, l'Académie procède à l'élection de deux correspondants dans la section de physique. M. Angs- trom est nommé par 45 voix contre 2 données à M. Sio- kes et une à M. Tyndall. Il faut dire que plusieurs membres avaient mis par erreur, sur leur bulletin, le nom de M. Armstrong. Puis M. Billet, de Dijon, est appelé à l'u- nanimité a la seconde place. Stanislas Mkdnier. \£ PruprieLute-Girant ; G. Tissabdiei. COïiïtFit, lyp. ctstér. de Cdhtb. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires .V 32. - 10 JANVIER 1 874 LA NATURE. 31 LE PR0T0XYDE D'AZOTE Jjepuis quelques années, le gaz hilarant semble retrouver en partie son ancienne vogue. Ce sont les Américains surtout qui ont tint revivre le piot.oxyde d':. note, et sur l'exemple de leurs confrères trans- atlantiques, un grand nombre de dentistes parisiens arrachent aujourd'hui les dents sans douleur, avec le (oui ours du gaz de Davy. — Si l'on parle beaucoup du ] rotoxyde d'azote, on en dit tout à la fois beau- coup de bien et beaucoup de mal : il nous a semblé que le meilleur moyeu de bien apprécier les mérites ou les inconvénients de ce curieux produit était d'ex- périmenter ses effets sur soi-même, et nous nous sommes procuré le nouvel appareil respiratoire qui, fort peu connu de la plupart de nos lecteurs, oflre en lui-même un incontestable intérêt. — Cet appareil, qui se construit exclusivement en Angleterre, a sin gulicrement contribué à répandre l'usage du protox.v{lÈ d'azote; il permet à l'expérimentateur d'obtenir lt gaz hilarant, immédiatement, sans préparation préli- minaire, eu ouvrant un simple robinet. Plus de distil- lation incommode do nitrate d'ammoniaque qui donne naissance non-seulemeutau protoxyde d'azote, mais à de petites quantités d'acule hypoazo tique' , acre et dau- Nouvel apparat anglais pour l'uiUlauon. du proLoiyde d'azotu. gereux pour les poumons; plu* de réaction délicate, difficile pour celui qui n'a pas un laboratoire à sa déposition. Le gaz aujourd'hui est préparé à l'avance à l'état de pureté, dans une fabrique de Londres ; il est comprimé par dos pompes, dans des bouteilles de fer, où il prend l'état liquide ; il se conserve indéfini- ment dans ces récipients à parois résistantes, soumis à une pression considérable. Si l'on ouvre le robinet d'échappement, le protoxyde d'azote liquide reprend subitement l'état gazeux, et remplit presque instan- tanément un sac de caoutchouc du volume de 18 li- tres, quantité suffisante pour produire l'anesthésie. Lue bouteille de fer, qui n'est guère plus grande qu'une bouteille de vin, fournit successivement plus de 400 litres de protoxyde d'azote; quand elle est vide, on ta porte à Paris au dépôt du fabricant an- !• mute. — i« siuitiU*. glais, et l'on vous en remet une pleine en échange. L'idée de faire voyager ainsi des récipients contenant 1 On admet généralement, dans les traités de chimie, que le nitrate d'ammoniaque, soumis à l'action de la chaleur, se dé- double er. protoxyde d'azote» et en eau, d'après la réaction suivante : AïO s AzII*0 = 2AiO + 4110 Aïolate d'ûmniuniaque. d'aiote. Mais la décomposition est plus complote, et il se produit en mime temps que le gaz hilarant une certaine proportion de bioxyde d'azote, qui l'orme bientôt des vapeurs rutilantes [acide hypoa/.olique). — Si Ton veut préparer du protoxyde d'azote pur, il fuit avoir soin de le laver, eu le taisant passer dans une dissolution de sullalc de protoxyde de fer, qui ab- sorbe le bioxyde d'azote. Il fauL avoir soin, en outre, d'em- ployer du nitrate d'ammoniaque ci'islallisé et pur, bien exempt de chlorhydrate d'ammoniaque. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 82 LA NATURE. le protoxyde d'azote liquéfié est ingénieuse et hardie. Plus d'un physicien et. plus d'un chimiste auraient certainement pensé qu'il y avait là des difficultés ou des inconvénients, mais le problème, est actuellement résolu dans les meilleures conditions. L'appareil est contenu tout entier dans une petite boîte de la grandeur d'un nécessaire de voyage ; le récipient cylindrique en for B est placé au milieu de la boîte, comme le représente notre, gravure. Il y est maintenu par une vis calante. Un ajutage à robinet est adapté à sa partie antérieure ; un tube, courbé à angle droit, est muni d'une vis qui permet d'y adap- ter le tube qui communique au sac de caoutchouc II. Par l'intermédiaire d'une clef, on ouvre le robinet /; le liquide s échappe violemment à l'état de gaz, il fait entendre un silllement, et le récipient de caout- chouc est rempli avec une rapidité extraordinaire. Quand le sac est plein, on ferme le robinet/", et l'opé- rateur applique contre la bouche du patient le tystème destiné à l'inhalation. C'est une poche con- cave, dont le bord, formant tampon, s'applique par- faitement sur le visage de manière à emprisonner complètement la bouche et le nez. Par le mouvement d'aspiration, une soupape b s'ouvre de l'extérieur à l'intérieur, et permet au protoxyde d'azole contenu dans le sac de caoutchouc de pénétrer dans les pou- mons ; par le mouvement d'expiration au contraire, lis gaz chassés des poumons s'échappent par une soupape a, s'ouvrait en sens inverse de la première, c'est-à-dire de l'intérieur à l'extérieur. L'appareil est diposé de telle façon que l'on peut très-facilement ,°'en servir soi-même, sans aucun concours étranger; n tient la poche respiratoire contre son visage, sans qu'on puisse craindre de prolonger involontairement l'action du gaz, puisqu'on n'a plus la forée de tenir le système à sa bouche, dès que l'anesthésie fait sen- tir ses effets. On a déjà souvent décrit l'action exercée sur l'é- conomie par le protoxyde d'azote; mais chaque indi- vidu ressent en quel jue sorte une impresssion diffé- rente. J'ai respiré à plusieurs reprises , un sac de protoxyde d'azote, et je n'ai pas tardé, à chaque opération, à éprouver un affaiblissement extraordi- naire dans tous les membres. L'effet est vraiment singulier et ne manque pas d'un charme réel. On croirait que la vie s'éteint peu à peu, insensiblement et sans secousse; on se sent tout à coup incapable de remuer et d'agir. On s'éteint complètement jus- qu'au moment du réveil ; l'insensibilité absolue ne dure guère plus de 40 à 50 secondes. C'est pendant cette courte période de temps que le chirurgien ou le dentiste accomplissent leurs opérations. Il arrive par- fois que le patient n'a pas perdu connaissance, il voit, il a conscience de ce qui se passe autour de lui, mais il ne sent plus. Avant d'arriver à l'insensibilité, cer- tains individus sont pris d'un fou rire, ce qui a fait donner le nom de gaz hilarant au protoxyde d'azote. J'ai, ces jours derniers, expérimenté sur une per- sonne qui prenait tant de plaisir à respirer le gaz en- chanteur, qu'il était difficile de lui arracher de la bouche la poohe respiratoire; à peine en avait-elle aspiré quelques litres qu'elle riait aux éclats, pendant plusieurs minutes consécutives : le ri:'e était si violon 1 , qu'elle en éprouvait des douleurs d'entrailles, mais il lui était impossible de modérer les élans de sa gaieté. Dans ces derniers temps, le protoxyde d'azote a été soumis à une série d'expériences remarquables 1 qui tendraient à démontrer que ce gaz est dangereux à respirer, et que, s'il produit l'anesthésie, c'est par un commencement d'asphyxie. L'objection que l'on peut l'aire à eette affirmation, c'est l'usage continuel du protoxyde d'azote par un grand nombre de den- tistes, qui n'ont presque jamais eu d'accidents à signaler. L'inhalation du gaz, quand elle n'est pas trop longtemps prolongée, est toujours agréable, et ne laisse aucun malaise, ne cause aucune pertur- bation ultérieure, Nous sommes persuadé que l'emploi du protoxyde d'azote se généralisera de jour en jour, puisqu'il est aujourd'hui aussi facile de l'employer (pie l'éther ou le chloroforme, « ces agents merveilleux et terribles, » comme les appelait Fleurons. L'anesthésie if est-elle pas, en effet, une des merveilles des temps modernes? Quelles admirables substances que celles-là, qui arrêtent momentané- ment le sentiment de la vie, pour supprimer les ef- froyables douleurs des opérations chirurgicales! A une époque où l'on n'avait pas soupçon de l'ef- fet singulier exercé sur l'économie par de tels agents, l'étonnement fut extrême quand on apprit les expériences du grand chimiste Davy. Le protoxyde d'azote eut un succès universel; on ne parla que do ce gaz étrange, (l'était eu 1799; le méde- cin Ueddocs, avait fondé à Clifton, près de Bris- tol eu Angleterre, Y Institution pneumatique, dans le but d'étudier les gaz qui venaient de se pro- duire entre les mains do Cavendish, de Priestley, et que Lavoisier devait éclairer d'un jour si nouveau. Davy avait été chargé d'étudier les propriétés chimi- ques des gaz connus jusque-là et d'examiner l'action qu'ils exercent sur l'économie vivante. Par un ha- sard extraordinaire, le premier gaz que respira l'il- lustre opérateur fut le protoxyde d'azote. Davy publia bientôt un livre fort rare aujourd'hui : ile- clierclies chimiques sur l'oxyde nitreux et sur les effets de sa respiration, qui est le véritable point de départ de la méthode anesthésique. La réputation de V Institution pneumatique ne tarda pas à se répandre dans le monde civilisé tout entier. Partout, en Angleterre et en France, on voulut respirer le protoxyde d'azote, qui passa alors pour un agent merveilleux, beaucoup plus eflicaee à procurer des sensations extraordinaires qu'à causer l'insensibi- lité'. Tout le monde fut frappé, en effet, de l'étrange 1 Yoy. la. Tabie de la première année de la Nature. * Sir Humpîiry Davy nous parait avoir quelque peu exagère les facultés intellectuelles procurées par l'inspiration du protoxyde d'aante, 11 est vrai que ce gaz excite une douce gaieté, Je rire même, et cause un état de bien-aise particulier, une ivresso charmante. Mais il y a loin de là aux impression» Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 83 propriété que possédait le nouveau gaz d'exciter le rire; peu d'expérimentateurs remarquèrent qu'il était capable de suspendre ou d'anéantir les douleurs physiques. Iji fait si important n'échappa pas au perspicace Davy : a Le protoxyde d'uzole, dit le grand chimisle, paraît jouir de la propriété de détruire la douleur; on pourra probablement l'employer avec rucecs dans les opérations de chirurgie qui ne néces- sitent pus une grande effusion de sang. » Malgré ces affirmations si nettes, si précises, il fallut attendre un demi-siècle av.int que la méthode aneslhésique entrât dans la pratique chirurgicale. Aujourd'hui, comme le savent nos lecteurs, elto est tout à fait admise dans tous les pays civilisés. Le protoxyde d'azote, le premier agent d'anesthésie, longtemps délaissé, revit avec vigueur, et comme nous l'avons déjà dit, le nouvel appareil, si ingénieux, si pratique dont nous avons donné la description, est pour beau- coup dans cette renaissance. Grâce à lui, les expé- riences seront facilitées, les doutes seront entière- ment levés. Mais, pour notre part, d'après notre propre impression, nous croyons pouvoir affirmer que le précieux anesthésique de Davy est exempt de danger réel. Nous n'hésiterions pas à conseiller son emploi dans les opérations chirurgicales. Gastos Tissawdier. LE JUCROPODE DE LA CHINE nu roissoH de paradis. — son embryogénie KT SES MÉTAMORPHOSES. Il existe à l'aris, dans les aquariums de M. Car- bounier, une splcndide phalange de petits poissons soi, limes, décrites par l'illustre savant. H nous semble cu- i [eux de reproduire le passage la plus remarquable du livre de Davy : a Je respirai le gaz pur. Je ressentis immédiatement, dit le L'i-and chimiste, une sensation s'élendnnt de la poitrine aux extrémités; j'éprouvais dans tous les membres tomme une soi te. d'exagération du sens du tact. Les imp:es-ionfl perçues par le sens de la vue étaient plus vives; j'entendais distincte- ment tous les liruils de la chambre, et j'avais très-bien con- science de tout ce qui m'environnait. Le plaisir augmen- tant par degrés, je perdis tout rapjori avec le mon le extérieur. Une suite de fraîches et rapides images passaient devant mes yeux; elles se liaient à des mois inconnus et formaient des perceptions toutes nouvelles pour moi. J'existais dans un monde à part. J'étais en train de Faite des théories et des dé- couvertes, quand je fus éveillé de celle extase délirante par le docteur Kin^lake, qui m'ola le sac de la bouche. A la vue des personnes qui m'entouraient, j'éprouvais dahord un sentiment d'orgueil; mes impressions étaient sublimes, et, pendant quel- ques minutes, je nie promenai dans l'i^arleuient iiidilTérent h ce qui se disait autour de moi. Kntin, je m'écriai avec la lui la plus vive et de l'accent le plus pénétré : Hifii n'existe que la pensée, l'univers n'est composé que d'idées, d'impressions de plaisir et de souffrance. Il ne s'était écoulé que trois minutes et demie durant cette expérience, quoique le temps m'eût paru bien plus long, en le mesurant au nombre et à la vivacité de nies idées ; je n'avais pas consommé la moitié de la mesure du gaz, je respirai le reste avant que les premiers eliols eussent disparu. Je ressentis des sensations pareilles aux précédentes ; je lus promplcment plongé dans l'extase du plai- sir, et j'y restai plus inngtemps que la première fois. » chinois récemment introduits eu France et, par con- séquent, encore assez rares pour n'être pas généra- lement connus. Cependant l'élégance de leurs for- mes, l'éclat de leurs couleurs, la grâce de leurs mouvements, la singularité de leurs mœurs et l'exis- tence chez eux de métamorphoses, aussi réelles que celles des batraciens, en voilà certes beaucoup plus qu'il n'en faut pour attirer un moment l'attention du lecteur sur ces jolis poissons que les naturalistes ont désignés sous le nom de Macrnpodes {longs pieds), à raison du grand développement de leurs nageoires et surtout de leurs nageoires caudales. Dans une série de Mémoires insérés au Bulletin de la Société d'acclimatation de Paris (années 1870 et -1872), M. Garbonnier a décrit avec autant d'élégance que d'exactitude les caractères zoologi- ques, les mœurs et les amours du Poisson de para- dis. Il nous a l'ait connaître le nid d'écume, si artis- tement construit par le mâle, les soins touchants que celui-ci prend des œufs et des petits qui en nais- sent; enfin les obstacles que lui-même a dû sur- mouter pour assurer la conservation et la reproduc tion de ses élèves aquatiques, originaires du Céleste- Kmpire. La Nature a déjà publié 1 un intéressant résumé des observations de cet habile pisciculteur, mais elle n'a rien dit du développement des Macropodos dans l'œuf et hors de l'œuf. Nous croyons donc remplir une lacune importante en donnant ici un aperçu sommaire des Lits nou- veaux que nous avons pu constater, en étudiant, l'an dernier et cette année même, l'embryogénie du petit poisson chinois 1 . Ceux de nos lecteurs qui voudront prendre une connaissance plus complète des résultats que nous avons obtenus pourront consulter la Rame des sciences naturelles*, dirigée par M. E. Dubreuil, ou mieux encore les Mémoires de l'Académie des scien- ces, inscriptions et belles-lettres, de Toulouse, pour l'année 1875. Plus on étudie l'embryogénie, plus on acquiert la conviction qu'un nombre d'animaux bien plus grand qu'on ne le pensait, il y a quelques années à peine, subissent, après leur naissance, des métamorphoses plus ou moins considérables. Les mammifères et les aiseaux sont, parmi les vertébrés, les seuls qui déro- gent à la loi générale, et encore, pour les ranger. dans l'exception, faut-il un peu tenir compte des v 1 Voy. )a table du premier volume. 1 M. Georges u oucliet s'est aussi occupé du même sujet, presque en même lemps que nous, et il est arrivé à des ré- sultais, à très-peu de chose près, identiques aux nùtres, sans cependant S'apercevoir, parait-il, qu'il aujt sous les yeux de vraies métamorphoses J du moins u'a^t-T pas une seule Ibis prononcé ou écrit ce mot. [Voy. son Mémoire intitulé : Obser- vations sur le développement d'un puissun du genre Macho- pode, Mémoire inséré dans la Revue zaolnqique de M. Guiîrin- Jlêneville, numéro du 10 octobre 187^.] Kotre premier travail sur l'embryogénie du Poisson de pa- radis a été ceiiimuiiiqué à l'Institut, le 30 septembre de l'année 1873. 5 Livraison de mar» 18J3. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires *i LA NATCllE. changements, souvent très-marqués, que l'âge, les saisons, l'époque des amours, etc., amènent dans bon nombre d'espèces appartenant à ces deux classes de Vertébrés. Les métamorphoses des Reptiles batraciens (cra- pauds, grenouilles, salamandres) sont connues et parfaitement décrites depuis longtemps. Pline en parle, mais en mêlant à chaque instant l'erreur avec la -vérité. Ovide les a décrites de manière à ne pas être démenti par les naturalistes, sauf toutefois en ce qui regarde l'origine singulière qu'il attribue à ces reptiles, en les taisant naître de la boue des ma- rais, Smiina limen kabcl virides gencrantia ranas. (( Le limon contient des semences ou des germes qui donnent naissance aux vertes grenouilles. » Quant aux poissons, bien que l'embryogénie de certaines espèces ait été étudiée avec som par plu- sieurs observateurs très-habiles, il était naguère en- core généralement admis qu'ils sortaient de l'œuf avec les formes et les organes qu'ils devaient toujours coaserver. Erreur grave et d'autant plus étonnante, que les œufs des poissons, par leur transparence ha- bituelle, par leur grand nombre chez un seul et même individu femelle, par l'extrême facilité avec laquelle on peut les féconder artificiellement, offrent à l'observateur des moyens d'étude jusqu'à présent trop négligés. Aussi, concevons-nous très-bien que le professeur Agassiz ait excité une surprise générale lorsqu'il y a huit uu neuf ans, il est venu dire aux naturalistes que l'Ârgyvopelecus hemigymnus (Cu- vier), n'était pas autre chose que la Dorée ou poisson Saint-Pierre (Zens faber, Linné), et que le genre Sarchirus de ftafinesque était un jeune Lepidostée. Dans une lettre adressée à M. Milnc Edwards, de l'Institut, le 26 décembre 1864, le célèbre profes- seur de Cambridge (États-Unis), s'exprimait ainsi qu'il suit : s Je me propose prochainement de faire voir comment certains petits poissons, ressemblant d'abord à des Gadoïdes ou à des Blennoides, passent graduellement an type des Labroïdes et des Lophioï- des. Je pourrais également montrer comment cer- tains embryons, semblables à des têtards de gre- nouilles ou de crapauds, prennent peu à peu la forme de Cyprinodontes, comment certains Apodes se transforment en jugulaires ou en Abdominaux, et certains Malacoptcrygiens en Acanthoptérygiens, et enfin comment on pourra fonder une classification naturelle des Poissons sur la correspondance qui existe entre leur développement embryogéuique et la complication dè*leur structure à l'état adulte J . » * Agassiz, Annales des sciences naturelles, t. III, Y 1 su—. rie, p. 56. — Au moment même où nmis corrigeons les épreu- ves de cet article, nous apprenons la mort du proiesseiir Agas- siz. Qu'il noua soit permis de consigner ici l'expression de nos tu» regret», à l'occasion de la perte immense que les sciences îialnrelles viennent de fuira en la personne de t'illustre zuolo- *inL«j. Nous ignorons si, depuis l'époque où il écrivait ces lignes à M. Mil ne-Edwards, l'illustre naturaliste dont nous venons de citer les paroles s'est occupé d'un ouvrage spécial sur les métamorphoses des poissons. .Mais nous n'avons pas voulu laisser échapper l'occa- sion toute récente de nous convaincre de l'exactitude' de ses assertions. Nous avons donc profité de l'o- bligeance de M. Guy, dont le magnifique aquarium toulousain renfermait un couple de Macropoiles en voie de reproduction; et, en suivant jour par jour, heure par heure, le développement de ces jolis pois- sons chinois, nous avons pu, nous l'espérons du moins, mettre hors de doute les curieuses transfor- mations qu'ils subissent et confirmer ainsi, par nos observations personnelles, celles du savant Améri- cain. L'reuf du Macropode est de couleur blanche et de la grosseur d'un grain de pavot. Fi;.'. 1. — Œuf lIli prenne! pur, observé à. 4 heures et demie du juir. Il se compose d'une coque ti ansparente et d'un il- tcllus (ou jaune) formé de nombreux globules, qu'ac- compagnent beaucoup de vésicules graisseuses grou- pées autour d'une vésicule plus grosse et occupant le centre du l'oeuf eu voie d'évolution. Bientôt de petites éiiiinences apparaissent à la surface du vitellus et occupent la place où devront se montrer, quelques heures plus tard, la tôle, les yeux, et, au pôle opposé, la partie caudale elle-même. Ces mamelons font par- tie d'une couche dite blastodermique, ou blasto- derme, qui constitue les premiers rudiments du corps de l'embryon et s'étend circulaii'cnient autour du jaune, qu'elle recouvre en partie. Fjw. 1. — (E11F observé le deimêine juur après 1.1 Iéui.iiLj.,liou, j 8 lirlircs liu matin ; *. tf. leB yeuï; e, éminenuH plus claire qui les séraiie. q, saillie représentant la queue; b, bkisLotierme ; «. vjlellna mm: ses gouLle-s hui- leuses, et ses glohules; c, coque ou Membrane e&iirieme de l'itul; 1, liquide albLimineuv Vers le soir du second jour, la tête se dessine ; l'œil et sou cristallin se voient distinctement ; le tronc et lu queue sont toujours recourbés autour de Droits réservés au Cnam et à ses partenaires ■LA NATURE. 85 la masse vitelliue, qui à ce moment est parsemée, comme le corps lui-même, de taches noirâtres, plus ou moins stellifornics. Le cœur existe et il a com- mencé à battre diîjà depuis longtemps (dès la 4() £ heure) ; la circulation du sang est établie, soit dans le système général (du moins eu partie), soit dans la vésicule vitelliue; mais elle subira plus tard des modifications importantes, en rapport avec le pro- grès de l'évolution embryonnaire. fi?, s. — diibTynn pW-s il'cdon:, La t'tG t et le corp, son! eiiroulùs anttun 1 du vilelllis, ï, p, taufiei jiigmemaîres ; y, y, yeux, t J , Œlir; v, ni:sicuj>; ombilicale îi.'jà stnjKtf de lâchas pigtiientaires et tnnï^rmjnL une [;i'C5S.? poulie huileuse et des ^ûutles plus pctilcs; a\ .jorte: uc, veille ca*c, en- voyant une branche & l.i Tt'.sii:Lj]ç Yileliine où ]A eircuUtion du Wli£ esl ùlabliy; J) T p:ilelte lyitaluire il l'état miliincntaire; if, la rnieiie. Au commencement du 5 e jour (celui où le travail est le plus actif), le cerveau se montre à travers les parois demi-transparentes et non encore ossifiées du crâne ; les veux se meuvent dans leurs orbites ; les capsules auditives se présentent sous la forme de deux cavités contenant chacune deux otolitkes ou petites pierres destinées à renforcer l'audition. L'embryon exécute dans l'œuf des mouvements assez vifs. Enfin, soixante ou soixante-cinq heures après la fécondation, le pelit poisson brise ses enveloppes, Fin. t. — EmVryor. ètdos, M de quLilre ]ifui'«s de l'ius que le prérédenl Les tînmes Inities indiquent les rru'iïjis pirties que dans lu li£. s t ttrt. ar- tère jorle, qui se continue en fnr/naïil une anse a avec I» veine eme vc, i [g veines et lacunes ombilicale; /j, p, paleltes iinlftloircs; cd, enriie di.rsule nvee ses divisions vertébrales di'i m- masses musculaires divi- sriesl ni, nageoire embryonnaire; me, niasses cèrèl raies, dégage sa queue en l'étendant, tandis que la tète et le tronc restent appliqués sur l'énorme vésicule vi- telline qui, longtemps encore, doit fournir à sa nour- riture et au développement de certains organes de nouvelle formation (branchies et appareil bran- chial, intestins, foie, appareil buccal, etc.) Lorsque l'embryon sort de l'œuf, il offre l'aspect d'un têtard de Batraciens. Ses deux gros yeux sont encore dépourvus de toute matière colorante ; il n'a ni bouche, ni intestin, ni orifice anal. Pas de bran- chies, pas de squelette osseux, pas de nerfs périphé- riques visibles, pas d'organes sécréteurs de la bile ou de l'urine, pas de nageoires, si ce n'est deux espèces de palettes pectorales, qui n'entreront en fonctions que deux ou trois jours après la naissance. Mais la queue et l'abdomen sont entourés d'une membrane délicate et transparente [nageoire embryonnaire), continue, dans laquelle prendront naissance, vers la fin du second mois, les vraies nageoires, dorsale, caudale et ventrales, avec les rayons osseux qui les supportent. Abse.ice complète d'écaillés. Fijï- 1. — Kmbryon larvaire de Maui jp^da, s^é de huit jour*; tf, bondi*. tj, y, yeutj /rT> io&setles olfactives; ca, capsule?» audiliTftB; me, masu-a Ciîrébrdes peu (listi-icLe* el Tuey par transparence; np, cpercUle* qui: s'ouvrent en menie temps que la bouche, el en deliûra degrçuelle* j'ai cru voir, de chaque coté, un des rayais braftchiust^ges avec nVa cils en mou- veinent; p, p, palettes natatoires ou nageoires pectorales; çh, grosse goutte hiiikutc du vitellus, comme devenue bit! de par l 'application d* In partie dorsale de l'atomen à sa surface; pu, parois abdominales qui coin- wiencent à englober La goutte bifide; q, queue ; n, nageoire embryonnaire, A travers la peau, parsBtnèfl de chr amûb i fis iet, dont plusieurs déjà njnl étoiles; on aperçait la corde dorsale, divisée en L'y'indres c[f, airni que tes musses musculaires m, indiquées par dus lignes de wipiratian- L'ani mal est vu en dessus. Pour ne pas compliquer la figura, on n'a pas repré- senté les vaisseaux sanguins, où lu circulation est trèfl-active. et qu'on aperçoit encore, gviica à lu. demi-transparence de» tissus, i lobe otTacUr- 3 lobes optiques; 3 tiémisplifires cerebrau*. Mis dans une goutte d'eau sur le porte-objet du microscope, le petit Macropode qui vient d'éclore y frétille vivement par intervalles, bien qu'on n'aper- çoive encore chez lui aucune fibre musculaire, organe essentiel du mouvement. Sa taille est alors d'un mil- limètre et demi, dont la queue occupe près des deux tiers. Tous les organes ou tous Jes appareils dont noua Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. Tenons de signaler l'absence se montrent à des in- tervalles de temps très-divers. Ainsi la bouche, apparaîtra seulement vers le 3° jour après la naissance ; l'intestin, trois jours plus tard ; les reins, la vessie urinaire, beaucoup plus tard encore. F]£. «. — Larve on letard do Micro-pc-de, &$l de près d'un mni«. Les lettres indiquent les mêmes parties que dans là Ug. g ; 1, lobes ollaclils; 2, lulms optiques ; S, hémisphères cërébciui ; K, cervelet, Lus grosses Rouîtes hui- leuses sunt doji eojisidera.hleuifliit réduites. La partie centrale du squelette futur, ou cordr, dorsale, est d'abord toute- cellulaire, puis cartilagi- neuse. Elle s'étend, eu avant, jusque derrière les yeux: en arrière, jusqu'à l'extrémité de la queue. Elit: donnera naissance aux corps des vertèbres; la gaine qui l'entoure produira les arcs vertébraux destinés à loger et à protéger l'encéphale et la moelle épnuère, c'est-à-dire les ccn'res nerveux. «-<*'-- r P 1 i;f- '• — Purlton postérieure Ai la queue il'nii eirilrsui larvaire, âgé dû huit jour*; rj, coriie der*»!u : rp, rjvuns pi imiliiâ de la future siiiaeoire causale, sus à travers ls iLaeeelre cullirvunjiaire. Enfin, les écailles, revêtues chez l'adulte de cou- leurs si éclatantes et si variées, n'apparaîtront que plus tardivement encore : ce qui, du reste, est le cas ordinaire chez presque tous le* poissons, L, Pœcilie d* Surinam exceptée. Les vertèbre» et les longues apophyses, supérieures et inférieures, dont elles sont munies, étaient bien formées chez un petit Macropode que nous avons oIh serve deux mois après sa naissance; -mais les écailles ne l'étaient pas encore. fie. S. !), 10, — Xss,enm'S pectorales a. divers rtagréï de iU-,.-in|i|irine t. Un m, on vuil la Bue membrane qui réunit les rav.ius r, jut^u'aVn isulés. D'importantes modifications, que nous ne saurions décrire sans l'aide de nombreux dessins, ont lieu soit dans la circulation, soit dans la respiration, laquelle, avant de. s'opérer par des branchies, s'exécute unique- ment au nitjven d'un organe transitoire (la vésicn!n vitetline) qui disparaîtra vers le milieu du second mois. y li 1 ,;. 11. -, Trr.ne piiriiientaires, un chrùmabttLitr.s. lujipeuienL, ;i divers dit^rés du d/-. Malgré les lacunes volontaires que nous signalons dans la description des phénomènes relatifs au déve- loppement rie notre petit poisson chinois, ce que nous avons dit sufiit, et au delà, pour démontrer la réalité des métamorphoses chez cette splendide es- pèce. fit cependant, il y a quelques années à peine, les savants croyaient si peu à l'existence des métamor- phoses chez les poissons, que 11. de Quatrefages af- firmait encore, en 1853, que. ces vertèbres ne sunt soumis, après leur naissance, à aucune transforma- tion rappelant celles des reptiles batraciens, avec les- quels plusieurs d'entre eux offrent, d'ailleurs, de ri grandes ressemblances d'organisation. « Le poisson, disait alors l'ingénieux auteur des Souvenirs d'un naturaliste, le poisson sort de l'œuf complètement formé 1 . » Un an après, Auguste.MûlIer découvrait que l'Am- uioccte, ou lamprillou de nos pêcheurs, n'est rien au- tre chose que le jeune âge, que l'embryon larvaire d'une lamproie, le sucet, ou petite lamproie de rivière [Pelromyzun Vlaneri de filocli). 1 De Quatrefages, les hlrtamorpltoxet (Hcvue des Deux Mondes, litr. tlu i" avril lS^o, ji. li tin tirage it tiartj. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 87 De son côlé, M. fllanchard affirme que les an- guilles Je nos cauï douces ;< sont certainement des larves; )) ce sont, suivant lui, « des êtres incapables du se reproduire, des êtres qui doivent subir des changements avant de satisfaire à la loi de la repro- duction l . si Mais cette assertion n'est appuyée sur aucune preuve décisive, sur aucune observation directe propre à en- traîner la conviction. M. Blanchard, n'a pas vu par lui-même, et nul encore n'a constaté les change- ments probables que le savant professeur du Muséum soupçonne, mais ne démontre pas. Il n'en est pas de même en ce qui concerne le Macropodc paradisien. Personne, en effet, après ce que nous avons vu et fait voir à des témoins compétents, personne aujour- d'hui ne peut douter que nos petits poissons ne su- bissent, après leur éelosiori, des changements pres- que aussi considérables que le sont ceux que l'on connaît depuis longtemps chez les têtards des Batra- ciens. Au sortir de l'œuf, on ne l'a pas oublié, l'em- bryon du Poisson de paradis est, en effet, un vrai têtard, et cette forme insolite avait frappé M. Car- bonnier lui même'. » De plus, die/, le Macropodc, comme chez la gre- nouille, il y a : l 1 Formation, de parties nouvelles (bouche, in- testin et ses annexes, branchies, appareil générateur, nageoires ventrales, dorsales et caudales ; écailles, squelette osseu*) ; 2° Disparition de parties précédemment exis- tantes (vésicule ombilicale et ses vaisseau* transi- toires , membrane caudale ou nageoire embryon- naire) ; 3° Modification. La modification s'observe dans la forme du corps, dans la structure du cœur, dans le nombreot dans la distribution des vaisseaux sanguins, dans les yeux, d'abord immobiles et privés de pig- ^v^vV'^^ ÏSS»^" Fig. i? Macropodc mâle. (Grandeur naturelle.) ment; dans la pince qu'ils occupent, dans la nageoire embryonnaire, d'où sortiront les vraies nageoires im- paires, etc. Or, formation .disparition, modification ; tels sont les trois modes essentiels que comprend cette opéra- tion très-complexe qu'on appelle métamorphose, et dont, si je no me trompe, l'embryogénie du Macro- pode nous a rendus témoins. Nous avons tout lieu de penser que les observations du professeur Agassiz établiront bientôt la généralité de ce phénomène chez les poissons osseux, peut-être même chez tous les poissons. A l'histoire du Macropode se rattache une des pa- gss les plus tristes et les plus sanglantes de l'histoire de Paris, ou pour mieux dire, de notre histoire na- tionale. Après des peines infinies, M. Carbonnier était parvenu à élever, avec un plein succès, environ 500 alevins, dont le nombre, au printemps do 1870, se réduisait à bli, malgré le chauffage artificiel {au gaz ou à la lampe) auquel il avait soumis lus réservoirs où il les avait placés, malgré le soin qu'il avait pris de les maintenir, pendant l'hiver de 18G9, à une tem- pérature convenable (de 12 à 20 u centigrades), et de leur donner une pâture très-dilfiuile à recueillir alors 1 Blanchard, lus Poissons des eaux douces de la France, p. '<0d. Pans, lSLifl. dans la glace des fossés ', Heureusement que, dès les premiers jours d'avril 1870, la température ex- térieure devint sensiblement égale à celle des aqua- riums. M. Carbonnier avait disposé isolément les couples destinés à la reproduction; le 15 juin, les pontes commencèrent et donnèrent de nombreux produits. Mais il n'a fallu rien moins qu'une persévérance rare, jointe à un amour de la science poussé presque jusqu'à la passion, pour soutenir le courage de M. Carbonnier au milieu des luttes pénibles et doulou- reuse qu'il a eues à soutenir pour mener à bien sa loua- ble entreprise, Félicitons-le donc d'avoir triomphé des difficultés que lui opposaient tout à la ibis, et la ri- gueur de l'hiver sibérien de 1870-71, et les cruelles exigences des ennemis de la patrie. 1 Dans un de ses intéressants Mémoires sur le macropode, M. Carljunnier affirme que, huit jours après sa naissance, h: petit animai est entièrement formé. C'est là une erreur g cive; car il résulte de nos observations toutes récentes (23 ûclobrc lo73!, que les Slacropodes âgés de deux mois n'ont encore ucquis ni les formes définitives, ni tous les urganesde l'adulte. 1 Celte pâture se composait d'animalcules infusoires (mo- nadei, kolpoda, paramécies, etc.), de petits crustacés {cy- clnpes, daphnies, etc,), et de larves dï-phéménnes récem- ment t'elosti. Le macropodc adulte si nourrit volontiers de uni», ou du viande hachée Ires-menu et comme réduite en poudre. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. On ne peut toutefois su défendre d'une juste émo- tion en lisant, dans ses Mémoires, toutes ses tribula- tions de savant, toutes ses douleurs de citoyen, pen- dant la siège de Paris, et les événements à jamais déplorables qui précédèrent ou suivirent la capitu- lation. D" N. Jolï (de Toulouse). -> LES SOURCES DU NIL Le fleuve saint, le mystérieux Nil des anciens, a dans tous les temps attiré l'attention des vovageurs. Les particularités singulières qui le distinguent des autres cours d'eau du globe sont bien faites, en effet, pour éveiller la curiosité. Alors que tous les fleuves, pendant la chaleur de l'été, deviennent des ruisseaux, seul le Nil coule à grands flots, déborde, inonde les plaines de la basse Egypte, dépôt alluvionnaire qui lui doit sa naissance. Immense et majestueux, il coule ou plutôt il glisse lentement sur une faible pente sans que l'absorption des sables altérés du dé- sert, sans que l'évaporaiion, sous ce climat, torride, semblent diminuer la masse de ses eaux. Ce phéno- mène anomal avait attiré l'attention des anciens et l'on trouve l'exposé de leurs hypothèses, le récit de leurs expéditions , dans les ouvrages d'Eratosthène, de Pline et de, Ptoléinée. Us connaissaient l'Albara, tri- butaire venu de l'Àbyssinie, l'Astapus ou fleuve Bleu qui sort du lac Dombea et se déverse dans le Nil, à la hauteur de Rhartoum. Quant au B.duel-Abjad ou fleuve Blanc, considéré par eux comme la tète du fleuve, des centurions envoyés par Néron le remon- tèrent jusqu'à d'immenses marais, qu'ils ne purent franchir. Enfui l'toiémée, qui avait puisé ses informa- tions dans l'ouvrage perdu de Mann de Tyr, affirme que, dans le sud, court de l'est à l'ouest une chaîne de montagnes (les monts de la Lune), toujours cou- verle de neige; les ruisseaux auxquels elle donne naissance forment deux lacs d'où s'échappent deux rivières qui engendrent, en se réunissant, le cours véritable du fleuve. Ces renseignements que nous avons longtemps rejetés de parti pris, que nous avons traités de fables ridicules, sont à peu près exacts; encore, faut-il attribuer les erreurs de détail au dé- faut, des connaissances mathématiques des anciens; nous avons vécu sur ces seules données jusqu'à ces derniers temps, où des explorations répétées viennent de jeter une vive lumière sur un problème qui a si longtemps tenu en échec la perspicacité des géo- graphes. Il faut arriver aux voyages de la fin du dix- huitième siècle, à l'expédition française en Egypte, pour que l'attention publique s'intéresse aux choses de l'Afrique. Mais c'est à Méhémet-Ali que revient l'honneur d'avoir fait, dans les temps modernes, la première tentative sérieuse vers les sources du Nil. L'expédition qu'il envoya en 1849 franchit les ma- rais qui avaient arrêté les centurions de Néron et parvint jusqu'à Gondo-Koro, par o degrés de latitude nord. Cependant, si les sources du Nil étaient situées, comme l'affirmait Plolémée, si loin dans le sud, n'était-il pas plus facile et moins long de les attein- dre en partant de la côte orientale d'Afrique? Telle est la réflexion qui détermina un jeune officier de la marine française, M. Maizan, à chercher sur le rivage de la mer des Indes un point, près de l'équateur, d'où il pût s'engager dans l'intérieur à la suite des caravanes des marchands d'ivoire. Il débarqua doue dans l'île de Zanzibar, y apprit la langue du pays, réunit sa cargaison et se mit en route. A peine débar- qué à Bagamoyo, en face de Zanzibar, il fut attiré dans l'intérieur par les pompeuses promesses du ehel Mazoungera et assassiné par lui avec des rat- iinemenls de cruauté. Bien que les résultats de cette expédition avortée dès son début aient été nuls, elle révéla du moins à Speke et à Burton la route qu'ils devaient suivie douze ans plus lard. Vers la même époque, eu 1845, une mission était fondée dans la ville de Momhaz, au-dessus de Zanzi- bar, par le docteur Krapf, qui était rejoint trois ans après par le révérend Rebmann. Les deux mission- naires, bientôt, familiarisés avec la langue du pays, firent des courses dans l'intérieur et se procurèrent des renseignements tout nouveaux sur mie étendue de pays de deux ou trois degrés. Leur découverte la plus importante fut celle de deux pics neigeux, le Kilimandjaro et le Renia, dont le premier situé entre trois et quatre degrés au sud de l'équateur, et le se- cond par deux degrés plus au nord. Bien qu'ils n'aient pu s'en approcher, ils constatèrent du moins' que ces montaunes, pour conserver ainsi des neiges éternelles presque sous l'équateur, devaient s'élever de 12 à 15,000 pieds au-dessus du niveau de la mer. Ktajent-ee les monts de la Lune de Ptoléinée? Sup- position qui ne manquait pas de vraisemblance, car les indigènes parlaient de deux lacs, les lacs Banngo etZamburu, d'où s'échappaient plusieurs rivières dont l'une portait le nom de Tnumbirih : c'était là tout au moins une curieuse coïncidence, car près de Gondo- Koro, le Nil est désigné par les indigènes sous le nom de Toubiri. Les rapports et les découvertes successives des mis- sionnaires frappèrent l'esprit d'un officier de l'armée des Indes, Richard Burton, qui, dans l'espoir de trou- ver la solution du problème que les missionnaires n'avaient fait qu'entrevoir, résolut de tenter une ex- pédition en suivant la route montrée par M. Maizan. Après avoir obtenu du gouvernement anglais et de l.i Société de géographie de Londres, des subsides con- sidérables, après s'être associé le lieutenant Speke, il se rendit à Zanzibar, point de départ des explora- teurs africains. Mous reproduisons ci-contre quel- ques vues de cette ville, extraites du curieux ouvrage de M. Stanley (Comment j'ai retrouvé Liningstone) , et dont nous parlerons plus eu détail, dans la suite. Ce fut au mois de juin 1 857, que les deux voyageurs, ayant débarqué sur le continent, s'avancèrent à tra- vers le terrai n marécageux, pestilentiel, alluvionnaire qui s'étend jusqu'au rebord escarpé qui défend le Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 89 j lateau de l'Afrique contre les violences de la mer. A la sortie de cette dernière région alpestre éminem- ment salubre, lus explorateurs s'avancèrent dans un pays île plaines (de ( J0U à 1,401) pieds au-dessnsdn niveau de la nier) qui les conduisit à travers une série de peuplades toujours en guerre entre elles jusqu'au pays d'Oimyaniouézi (pay.s de la Lune), connu des Portugais depuis le seizième siècle. Laca- k ïwS fli1 ' ''^î'Jv ^'^■^ï%?'"^^^iitSÈ ; flïinWîf'^iffiil^"' ■ Vue* de Zauzibar. pitale da ces peuples, Kaseli, est un crntie commer- cial impoitant où tous les trafiquants arabe* d'es- claves et d'ivoire ont d'immenses entrepôts. Parfai- tement accueillis, MM. Burtou et Speke, qui avaient pris quelque repos, rassemblé des vivres et obtenu des renseignements, s'avancèrent dans l'ouest. Après avoir traversé, pendant soixante-quinze lieues «ne contrée bien arrosée, soigneusement cultivée et qui s'abaissait graduellement, les deux voyageurs attei- gnirent, le 13 février 1838, une ligne de hauteurs d'où ils aperçurent une immense nappe d'eau, le lac Tanganyika, sur le bord duquel se détachait la ville Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 90 LA NATURE. d'Udjidji. Situé outre lu 27 B et le 28' degré de longi- tude, le Tsnganyika, lue aux eaux douées et pnis.,nii- ueuscs, s'étend du S 1 -' au o e degré du latitude australe, long de 250 milles, il ne dépasse pas ")0 à 35 milles: dans sa plus grande laideur et se trouve enserré de de tous côtés dans un cirque de collines rocheuses liantes de C00 à 900 mètres. Après deux mois d'explorations et de courses in- cessantes en canot sur le lue, les voyageurs reprirent la route de Kaseh. Mais leurs démêlés constants avec les chefs de peuplades, contre l'avidité desquels ils étaient forcés de défendre leur cargaison, les fati- gues de la route et les fièvres paludéennes avaient iltérê la santé lie MM. Speke et Burton. Ce dernier même fut obligé de s'arrêter à Kaseh, taudis que son compagnon, grâce aux renseignements donnés par les naturels, découvrait après vingt-cinq jours de marche un nouveau lac auquel il donnait le nom de Yictoria-Nyanza. Speke ne putmalhnureusementfairc qu'une courte reconnaissance du lac dans sa partie méridionale, qu'il fixe par 2 degrés M minutes. La différence de niveau entre le Victoria et le Tangn- uvika lui fit croire que ces deux lacs appartenaient à des bassins hydrographiques différents, car le Victo- ria s'élevait de 1,008 mètres et le Tanganvika de 025 mètres seulement au-dessus du niveau de la mer. Les résultats de cette expédition étaient considé râbles. L'intérieur du continent n'était pas, comme on l'avait cru jusqu'alors, ou immense désert de sable, mais une série de pays accidentés, des collines abruptes, stériles, des pics sourcilleux couverts de neiges éternelles, des plaines fertiles, habilement cultivées, bien arrosées et de riantes vallées avec une végétation luxuriante; au centre, un groupe de grands lacs qui recevaient les eaux des montagnes et se dé- versaient à leur tour, pensait Spcke , en fleuves considérables. « l.u Victoria, disait-il, était le réser- voir la source du Nil. » La découverte du capitaine Speke fit grand bruit en Angleterre : la question était résolue; mais à ce premier enthousiasme succédèrent bientôt et la réflexion et l'examen approfondi des résultats ob- tenus. Speke, lui-même, pour mettre fin aux dis- sentiments qui s'étaient élevés au sein de la Société de géographie et du monde savant, résolut de com- pléter sa découverte et de suivre jusqu'à Gondo-Korn la rivière que les naturels lui avaient dit s'échapper de l'extrémité septentrionale du Victuria-Nyanza. Il s'adjoignit pour cette nouvelle expédition le capitaine Grant, de l'armée des Indes, et débarqua à Zanzibar au mois d'août 1800. Ce ne fut pas chose facile que de réunir les porteurs et l'escorte qui devaient accom- pagner les voyageurs; toutes les mesures semblaient bien prises, lorsque le capitaine Speke, fort de l'ex- périence de sa première tentative, se mil en route. Mais une famine épouvantable, les ravages des né- griers, les exigences dos naturels retinrent un au entier l'expédition dans les contrées que Speke avait autrefois si facilement parcourues. Ce fut à la fin de 1801 seulement qu'il atteignit le Victoria. Les deux explorateurs recueillirent sur ses bords, pendant toute une année, une quantité d'informations sui- tes habitants et les pays voisins, ainsi que sur le régime hydrographique auquel appartenait le Vie- toiia. L'étendue de ce lac serait de 75 lieues; s,i largeur serait au moins aussi considérable; ses eaux, peu profondes, ont dii s'élever autrefois beaucoup plus haut. Le climat, grâce à l'élévation du pays, est excessivement doux, m;iis les pluies continuelles le rendent malsain et en l'ont le séjour de fièvres perni- cieuses. C'est à cette persistance des pluies pendant toute l'anuée, mais surtout pendant les mois d'oc- tobre et de novembre, d'avril et de mai, qu'il faut attribuer les crues du Nil qui correspondent à ces époques. Le résultat Se plus important de cette pre- mière partie du vovage est dans l'assurance donnée par les indigènes de l'existence au nord-est du Vic- toria d'un autre grand lac, le Haringo, celui-là même dont avaient entendu parler les missionnaires de Motnbaz. l'infin un autre lae, aumoinsaussi important, le Mwoutau-Nzighé, «e trouverait au nord-Ouest sur le bord opposé du Nyanza à huit ou dix jours de marche. MM. Speke et Grant auraient vivement désiré s'assurer de la réalité de ces informations, mais les fatigues qu'ils avaient essuyées depuis leur départ, l'épuisement de leur cargaison de. verroterie, eu même temps que le désir de compléter leur reconnaissance en vérifiant si l'important cours d'eau ' qui sort du Nyanza était bien le Nil, leur comman- daient impérieusement de gagner l'Egypte. Us étaient à ce moment à 150 lieues de Gondo-Koro. Une sorte de mer de boue et de roseaux à travers laquelle se faisaient jour divers cours d'eau, termi- nait le lac. Le plus considérable de ces courants, deux fois plus large que la Seine à Paris, fut suivi par MM. Speke et Grant pendant deux degrés jus- qu'aux cataractes de Karuma, où, par un coude im- mense dans l'ouest, il allait se jeter, suivant les naturels, dans le lae Mwoutan-Nïighé. Mais la guerre qui désolait ce pays ne permit pas aux voya- geurs de faire celte course énorme ; ils coupèrent au plus court, droit devant eux, retrouvèrent par 5 de- grés 1/2 de latitude nord un fleuve considérable; vraisemblablement le même qu'ils avaient aban- donné : c'était le Nil Blanc. Us atteignirent quelques jours après l'établissement d'un négrier, le Maltais Debono, et arrivèrent à Goudo-Koro le 1 5 février 1 86ô, La joie des deux explorateurs fut grande en y trouvant un voyageur de leur nation , sir Samuel White Baker, qui se préparait à aller à leur ren- contre, et à tenter en partant du nord l'expédition qu'ils venaient de faire en partant du sud. Ils étaient rejoints quelques jours après, dans cette lo- calité, pur un commerçant anglais, M. Petherick, que la Société de géographie do Londres avait chargé d'amener à Mil. Speke et Grant un ravitaillement complet; mais les barques avaient été pillées et dé- truites parles nègres; lui-même avait à graud'peine échappé aux assaillants, et, loin d'apporter des se- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 91 cours et des provisions, il en avait lui-même le plus grand besoin. M, Baker fournit à tout et reçut en échange, de MM. Speke et Grant, des cartes fit des renseignements sur leurs découvertes et sur ce qu'il fallait faire pour les compléter ; eux mêmes quit- tèrent bientôt Gondo-Koro et regagnèrent l'Angle- terre, où l'accueil le plus enthousiaste les attendait. Ils avaient bien cette fois découvert la source du Nil et personne ne pouvait le contester ! On répon- dait à cela que eonnaître le lac de Genève, ce n'est pas connaître la source du Rhône ; il faut de plus avoir exploré un pavs dans tous ses détails pour pouvoir désigner parmi les différents cours d'eau qui l'arrosent, celui qui par son importance doit former la branche mère du fleuve. Tel n'était pas le cas de MM. Speke et Grant, qui n'avaient pu contourner le lac, ils ne pouvaient même, pas rigoureusement pré- tendre que le Nil sortît du Victoria, puisqu'ils avaient été obligés d'abandonner le fleuve qu'ils avaient découvert. C'était une probabilité, tuais non une certitude absolue. Au reste, ce ne sont peut être pas les sources du Nil seul qui doivent se trouver dans ces parages, mais celles de tous les grands lleuves africains. C'est, en effet, la région la plus élevée du continent, le sommet des versants qui portent à la mer les eaux des montagnes neigeuses qu'on peut considérer comme les Alpes de l'Afrique. Or, dans les Alpes, le Rhin, le Rhône, le Danube prennent leur source dans un même massif de mon- tagnes : n'en peut-il, n'eu doit-il pas être de même nu Afrique et ne trouverons-nous pas du même coup les sources duNil, du Congo, de l'Ogowai et peut-être du Clmri? G. Marcel. — L;i .suite prochainement. — — #<.« DÉCOUVERTES DE FOSSILES M AMÉRIQUE La Nature a donné lo résumé des découvertes pali'ontologiques du professeur Marsh, mais nous ne connaissons pas encore en France toute la richesse de l'Amérique du Nord en espèces animales fossiles. Les trouvailles d'un autre chercheur dans les territoires de Colorado, YVvoming, Idaho, pays montagneux tra- versés par la partie la plus considérable et la plus escarpée des montagnes rocheuses, pourront eu don- ner une idée. Ce professeur Cope, qui a également exploré tout l'État de Katisas, a été attaché à l'expé- dition de llazaiu dans le Colorado; et c'est dans la partie de ce territoire qu'on nomme les mauvaises terres, the Bail Lands, qu'il a fait ses plus riches dé- couvertes. 11 y a là un vrai cimetière d'animaux éteints. C est par centaines qu'il faut compter les espèces, représentées par une variété infinie- d'individus, que l'on doit à ce laborieux professeur. Depuis les restes énormes du mastodonte jusqu'aux os des plus petits rongeurs, tout a été mis au jour, même des débris d'insectivores, detalpidés. La délicatesse et la finesse de ces petits ossements donnent à leur conservation merveilleuse un intérêt particulier. Les restes de grands quadrupèdes sont des plus nombreux: ou trouve notamment des spécimens de races chevalines primitives ; ce qui est d'autant plus curieux que, dans notre période géologique, le che- val n'existait pas eu Amérique avant l'arrivée des Européens. Le Colorado, aux époques géologiques précédentes, a dû renfermer un nombre très-considérable de rhi- nocéros ; M. Cope n'en a pas déterminé moins de sept espèces. Le plus beau spécimen est un crâne complet avec les dents : il est parfaitement caractéristique D'étranges individus de cette remarquable famille ont été ainsi mis au jour, par exemple une espèce cornue, se rapprochant de l'éléphant. Ces animaux devaient être un peu plus grands que l'espèce ac- tuelle ; l'une des variétés les plus grosses avait une corne au-dessus de chaque œil, et une sur le nez. Ce qu'il y a d'intéressant dans cette découverte, c'est que — pourvu que tous les travaux postérieurs con- tinuent à maintenir les restes découverts dans la ti'ihn des rhinocéros, — elle montrera la naLure s'é- cartant des lois que les savants admettent, et prou- vera sans doute, que la science moderne a une tendance exagérée à réduire le nombre des espèces de ruminants. Les carnivores abondent. Ce sont des eaniens et do félins. On remarque surtout une nouvelle espèce du genre chien, dont la particularité est d'être grande comme un ours. Enfin les reptiles ne manquent pas à l'appel: ce sont des tortues, des lézards, des ser- pents de toute taille et de loute figure. La faune des Bail Lands à l'époque tertiaire devait être d'une ri- chesse incroyable. 11 est impossible de donner de très-amples détails sur les découvertes du professeur Cope. On le com- prendra, quand on saura que la science lui doit la détermination d'au moins trois cents espèces de ver- tébrés, dont plus de la moitié sont entièrement nou- velles, l'lufôt que de s'engager dans une multiplicité si grande, il vaudra mieux plus tard taire connaître individuellement au lecteur européen quelques-unes de ces espèces nouvellement exhumées. Qu'il suffise pour le moment d'avoir signalé leur existence et montré l'immense richesse en fossiles des territoires des montagnes rocheuses. H. de la Clakhére. »> AGASSIZ EN EUROPE Ce grand, naturaliste est né à Orbes, dans le canton do Vaud, le 28 mai 1807. Son père était un pauvre pasteur protestant do village, qui l'envoya à l'école publique de Bienne, où il attira, par la précocité de son intelligence, l'attention de ses professeurs. Poul- ie récompenser, il fut mis au collège de Bienne, et de là il alla à Zurich, pour étudier la médecine et l'hts- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 92 LA NATURE. toire naturelle De Zurich il passa à Heidelberg, et de Jleidelberg à Munich, où il suivit pendant quatre ans les cours de Schelling, le phil jsophe idéaliste et é\olutk>iiiste par excellence. Pour Schelliug, en ef- fet, il n'y a rien de vrai que les phénomènes de l'in- telligence, et la nature entière n'est que la traduction matérielle des pensées de la Divinité. C'est, à cette forte école qu'Aga^siz puisa le spiritualisme éclairé dont tous ses ouvrages sontanimés. Partout, en effet, ce grand homme reconnaît la main de l'être suprême, dont son lumineux génie se plaît à déciire les chefs- d'œuvre Nulle part ou ne trouve un esprit plus li- béral, une horreur plus vive pour les conceptions étroites, un éloiguement plus prononcé pour les ma- térialistes, qui veulent chasser Dieu (Se la nature. Retirez à Cuvier ses faiblesses et ses complaisances; donnez-lui un milieu plus favorable au développe- ment de ses doctrines, n'ayant plus à se préoccuper du soin de flatter les puissants de ce monde, et vous aurez Agassiz. C'est en 1826, à peine à dix-neuf ans, qu'Agassw commença à produire une œuvre. Il fut chargé par Marti us de rédiger ses notes et de mettre en ordre les poissons qu'il avait rapportés du Brésil. Le talent avec lequel il s'acquitta de cette mission attira sur lui l'attention d'une grande maison de librairie de Leipzig. L'éditeur Cotta, de Leipzig, ayant besoin de faire ter- miner l'histoire de ses poissons d'Europe, jeta les yeux sur ce jeune savant ayant deux qualités : du ta- lent à exploiter et des besoins à satisfaire. Agnssiz La pierre tî'Agnssiz, ou VHùtel des Xeuchâiduta accepta ce qu'où lui donna et accompl it son œuvre de manière à ce que la postérité lui en tienne compte. Mais la fortune ne venait point; Agassiz n'aurait pas eu l'argent nécessaire pour faire son pèlerinage à Pa- ris et voir le grand Cuvier, si Christenat, un des amis de sou père, ne fût venu pécuniairement à son aide. Protestant de naissance, et natif de Montbéliard, Cuvier ne pouvait manquer d'être sympathique au jeune voyageur. Comme lui, il avait été pauvre, comme lui il avait lutté contre l'exploitation du génie par l'inintelligence, comme lui il avait fréquenté les uni- versités allemandes. Si Cuvier eût vécu, Agassiz fût peut-être resté dans cette France dont la langue était la sienne, et dont il est, au point de vue scientifique et littéraire, un des plus illustres enfants. Car sa mé- thode, son style et la tournure de son esprit, tout en lui, rappelle les grands auteurs de l'école française. Mais Cuvier succomba aussi rapidement qu'Agassiz devait succomber lui-même quarante et un ans plus tard, victime surtout de son ardeur au travail, de cette fièvre scientifique qui ravage les hautes intelli- gences et qui nous coûte tant d'existences précieuses. Heureusement pour Agassiz, Neuchâtel apparte- nait au roi de Prusse, qui en était le prince; et la cour de Berlin était en quelque sorte obligée de faire quelques sacrifices pour entretenir l'Académie dans un certain étatde splendeur. Agassiz fut nommé pro- fesseur d'histoire naturelle dans cet établissement qu'il devait illustrer et où son talent attira de nom- breux auditeurs. Il compta parmi ses élèves les plus assidus le prince Louis-Napoléon Bonaparte, qui était élevé avec le plus grand soin sous les yeux de la reine Ilortense, et qui conserva pendant toute sa vie la plus Droits réservés au Cnam et à ses partenaires la Nature. k grande admiration et la plus sincère attachement pour son ancien professeur. Agassiz épousa la fille d'un botaniste suisse que le roi de Prusse attira à Berlin. Agassiz ne voulut point imiter son beau-père, et il resta au milieu de la Suisse romande, dont il aimait aveepassion les admirables paysages. Mais M. de Hum- boldt, qui était le miuislre des libéralités du roi de Prusse, et qui avait un crédit illimité clicï le ban- quier de la cour, avança à Agassiz les fonds néces- saires pour la publication de son grand ouvrage sur les Poissons fossiles. Sans doute, en reconnaissance de ce bienfait, Agassiz donna à son fils aîné le nom d'Alexandre. Sur ces entrefaites, un des compatriotes d'Agassiz, nommé Charpentier, découvrit dans les montagnes les roches striées et les trace* de l'action d'anciens gla- ciers éteints. Agassiz devina toute l'importance d'une remarque aussi intéressante, et il entreprit avec toute la fougue, de la jeunesse de grandes expériences pour démontrer qu'à une certaine époque, les glaciers dï Agassi*, à l'âge di? 40 ans. la Suisse débordaient sur toutes les régions voisines. Agassiz ne perdit point courage. Il enseigna hardi- ment l'existence d'une période glaciaire, étonnant épisode de l'évolution mystérieuse de notre globe. Cette révélation inattendue jeta le trouble dans toutes les académies des deux mondes. Pendant quelque temps elle n'excita que des sourires de pitié sur les lèvres des savants patentés. Mais Agassiz n'était point homme à se laisser arrêter dans sa route. Sa voix éloquente et sa conviction profonde lui conquirent des disciples. Aussitôt les glaciers, jusqu'alors délais- sés, se peuplent de chercheurs qui, presque tous, sont devenus illustres. Leur livre d'or, c'estla pierre où chacun d'eux a écrit son nom; on l'a nommée V Hôtel des Neuchàtcloù, parce qu'Agassiz et ses amis campaient sous son ombre pendant qu'ils pro- cédaient à leurs grandes expériences. A cette époque, la pierre était inclinée et soutenue par deux murs de pierres sèches. Comme elle s'était délitée et redressée en marchant vers la moraine fron- tale, on renonça à s'en servir comme d'un abri. C'est alors que M. Dollfus-Ausset, le frère du maire de Mulhouse, fit construire la cabane en terre ferme qui domine le glacier de l'Aar, et où les voyageurs vont encore se reposer. Nous avons reproduit l'Hôtel des N>;uchàtelois Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 9i LA NATUftE. d'après un dessin fait sur place, en 184(5, ]iar M. Edouard Collomb, nu dus plus fidèles aiuis de M. Uollfus-Auïscl. cl de Louis Ayassiz. La pierre, qui était touillée vers la fin du siècle der- nier des hauteurs du Sehieeîdiorn, était île nature schisteuse et se démembrait progressivement à me- sure qu'elle suivait la pente naturelle des glaces, ll'après les mesures prises, il va une lrenlain j d'an- nées, c'était précisément en IST^J qu'elle devait arri- ver au terme de sa carrière et se coucher pour tou- jours sur les flancs de la morain : frontale. Mais il y a déjà longtemps qu'elle n'est plus représentée que par des blocs épais sur la neige. C'est eu 181u" qu'Agassiz, ne pouvant suffire aux frais de sa gloire, fut obligé: d'aller chercher en Amé- rique une moins rude existence! Ce n'est pas sans une vive émotion qu'il quitta ces Alpes si chères à son cœur de montagnard, ces Alpes qui lui avaient rendu nue première fois la santé en 1805, et vers les- quelles il est mort tournant encore ses regards. La dernière fois qu'il aperçut les grandes cimes où il avait erré si souvent, il avait gravi les plus hauts huilons des Vosges, et de grosses larmes coulaient de ses yeux en songeant aux incertitudes de l'avenir. Quelques semaines après, il voguait à toute va- peur vers la terre féconde où il devait trouver une nouvelle patrie, [dus généreuse que celle que lui avait donnée la nature. \V. nu Fonvikllk. CHRONIQUE Élonnnnte monstruosité. — La mole est aux monstres. L'homme-chien et la femme à deux Utcs. qui ont eu à l'ai Î3 un si grand sucrés, vont probablement nous attirer les monslrcs :1e foutes les parties du monde. Eu attendant de nouvelles exhibitions, nous citerons un cas remarquable de monstruosité dont .M. Depaul a parlé dans une des dernières séances de l'Académie de médecine. Il s'agit d'une petite file de cinq ou six ans, qui porte à la partie intérieure île l'abdomen, la moitié d'un corps d'en- fant avec deux jambes parfaitement conformées. On dirait en un mot, un autre enfuit qui est entré dans le ventre de la petite fille, et dont on ne voit que ta moitié inférieure du corps. Cet appendice prodigieux est perpendiculaire à l'axe du corps de la petite lille ; M. le docteur Uepanl se demande s'il ne serait pas possible d'enlever une infir- mité aussi embarrassante. Le nouveau président «le la Société rojale cl*: Londres. — Contrairement à ce qui se passe de ce coté du détroit, la Société royale de Luudros ne change pas chaque année de président, tj'haliitnde routante est de renommer le président sortant, à moins qu'il ne se retire volontairement, comme sir Biddel Arv vient de le faire. C'est ainsi que Newton fut réélu vin/t-quatre fris et que Joseph Banks le fut quarante et une. C'est le président qui a fourni lapins longue carrière, M. llouker, botaniste; cé- lèbre, directeur du Jardin de Kew et lils du botaniste du même nom, vient d'être nommé à ce poste élevé, qui n'a point, comme on le voit, d'équivalent en France, l'epuis 1841!, le jardin de Kew est administré par les Hooker qui en ont fait une des merveilles de Londres. H. Hooker, à-é aujourd'hui de cinquante-sept ans, est célèbre par ses ex- plorations botaniques poussées jusqu'au Tliibet, et par ses succès d'acclimatation des thés dans l'Inde. C'est le premier botaniste élevé à la présidence de la Société royale depuis Banks, liais sa nomination est un acte d'indépendance delà Société, qui proteste aus*i contre les violences du chancelier de t Kdiiqiuer et Us mauvaises humeurs de .11. Gladstone. Au contraire, la nomination de Banks était nu aclcde complaisance vis-à-vis diiroi Georges, grand ami de ce compagnon de Cooks. Le prédécesseur de Banks était le docteur l ! riiir,lr, qui préféra donner sa dé- mission pli. tôt que de. déclarer que les paratonnerres de- vaient être terminés par une boule. C'était la ridicule théorie du docteur Wilson que h- roi Georges soutenait, afin de démontrer que Franklin avait eu tort de les terminer eu pointe. Exploration du fleuve Bien par M. Francis (.ai-iiier. — La Société de géographie de Paris a reçu, par l'intermédiaire du ministre de la marine et des colonies la communication du rapport adressé à M. l'amiral gou- verneur de la Cochinchme, par M. Francis Garnier, lieute- nant de vaisseau, ancien chef de l'expédition du Mé-Kong. Ce rapport est un résumé du Tovage que l'émiiient explo- rateur vient de faire à ses frais dans la Chine centrale pen- dant les mois de mai, juin, juillet cl. août 1873 l . Dans celle expédition remarquable, dit le Journal offi- ciel, 11. Francis Garnier s'est proposé d'examiner les moyens et l'opportunité de canaliser le fleuve Bleu en amant de lian-Kou (dernier port ouvert aux Européens) pendant un parcours de 121) milles jusqu'au point où ses eaux s'é- talent dans les immenses et fertiles plaines duTse-Tchuon. Actuellement, en raison même des sinuosités du fleuve entre lian-Kou et la ville d L h.injr, les Chinois prennent une route plus courte par une sorte de voie canalisée dans laquelle le grand lacToug-tin couvre de ses eaux une im- mense dépression de terrain où surgissent ça et Jà quel- ques collines. La circulation est très considérable sur ce la., et la discriptiou que donne JI. Y. Garnier des pays qu'il vient de parcourir témoigne d'une activité agricole, commerciale et industrielle égale à celle des pays les plus favorisés de l'Europe. Mais les richesses naturelles et industrielles que ce tra vail met eu état d'exploitation ne sont que fort incomplè- tement utilisées par suite de l'absence des moyens rap des de circulation et de correspondance qui font défaut au pays. L'accès seul d'Européens entreprenants suffirait à en décu- pler les ressources au bout de quelques aimées. Mallieurou- sement les grands centres de population sont encore fort hostiles aux « barbares de l'Occident, » et le gouverne- ment chinois ne peut étendre qu'avec une extrême pru- dence les zones accessibles à nos commerçants. Au nombre des principales ressources minérales, il faut signaler des gisements aurifères dignes d'être exploités. Les mines de cinabre sont eu très-grande abondance et très .riches ; le soufre, le fer, la houille, le Mil sont également abondants et le plus souvent très-grossièrement exploités. Résultats-do l'exploitation des chemins de fer anglais. — Fin prenant pour unité le mille parcouru par Les trains, soit de voyageurs, soit de marchandises, on ar- rive aux résultats suivants. L'entretien moyen du mille coûte 58 c. 8 pour la voie et les travaux d'art. La traction 1 Voy. la Table de ta première année de la Nature. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 95 coûte 83,9 et le matériel roulant absorbe 27 centimes. Les dépenses de personnel sont de !!.">,3 et les dépenses générales ou d'administration de 13,5. Les taxes sont éva- luées à 12,9 et l'impôt spécial à G, 3- Les attiilenls éprou- vés pur les voyageurs donnent lieu à une indemnité de 3,8 et les accidents au retard de marchandises à 2,3. Les dépenses légales, contentieux, frais d'acte du Parlement 3,8 enfin les dépenses diverses 0,0; en tout 3 fr. 25. Le nom- bre des milles parcourus étant de 190 millions, ce chiffre répond à une dépense totale de 020 millions de francs équivalente à la moitié environ de ta recette brute. Les Ci L 2l) millions restants sont distribuées aux actionnaires créanciers hypothécaires et obligataires, dont le capital s'élève à 14,590 millions, ce qui donne un intérêt moyen de 44 0/0 en nombre rond. Le nombre des locomotives est d'environ 11,01)0 et ce- lui dos wagons à voyageurs ou à marchandises de 330,000, soit 50 par locomotive. ACADÉMIE DES SCIENCES Scancc du 23 décembre 1870.— Présidence de M. iie Quateîi:fagi:s. Trombes de mer. — Il paraît qu'on applique le même nom de trombes à des phénomènes qui, malgré des traits de ressemblance, diffèrent cependant profondément, quant à leurs allures et aux eftets qu'ils déterminent. A côté des trombes redoutables qui accompagnent les cyclones, et dont elles sont peut-être des effets, il en existe d'autres qui contrastent avec les premiers par leur innocuité complète et par leur tranquillité. Ce sont les trombes marines, qu'on observe fréquemment par le temps le plus calme, il, le commandant Mouchez en a fait une étude complète, ac- compagnée de nombreux dessins, qu'il soumet aujourd'hui à l'Académie. 11 résulte des faits notés par cet oflicier su- périeur que les circonstances dont s'entoure ce phénomène sont remarquablement constants. Comme- nous l'avons dit, le temps est au calme plat; le ciel, généralement dégagé en quelques points de l'horizon, présente en d'autres de gros nuages noirs, mamelonnés en dessus, mais nettement limi- tés à leur partie inférieure par un plan rigoureusement lio- ri/ontat. Cette limite inférieure se détache sur le bleu du ciel, llientoton voit se produire, sous ces nuages, unepre- ubérance d'abord peu marquée, qui s'allonge insensible- ment en restant verticale si l'air est absolument tranquille, et qui ondu'.e un peu s'il y a une brise légère. Quand cette protubérance a atteint en longueur les trois quarts environ de l'épaisseur apparente du nuigc, on voit l'eau de la mer bouillonner juste au-dessous du point où elle est située; puis uiijet d'eau s 1 élance verticalement de la mer pour aller la rejoindre. Ce jet d'eau ne dure pas longtemps ; et, dès qu'il a cessé, la trombe, qui semble avoir terminé son œuvre mvslèrieuse, se rompt à la partie inférieure et est progres- sivement résorbée par le nuage noir d'où elle est sortie. Jamais on n'observe ni éclairs ni tonnerre. Un coup de ca- non ou le moindre vent qui s'élève suffisent pour faire êva- nouii le météore, qui offre, parait-il, si peu de danger, que l'auteur sollicite l'autorisation d'aller se placer au-dessous avec un baromètre. Livres. — Plusicursvolumcs sont déposés sur le bureau. Nous remarquons une Étude sur la conformation du che- val, par M. Richard (du Cantal). La notoriété que Fauteur s'est acquise depuis longtemps déjà dans cette spécialité dispense, dit le Secrétaire, de rien ajouter quant au mérite de cet ouvrage. M. Dumas signale auisi une Météorologie usuelle, par M. Paul Lnurenr.'m. Les dessins qu'on y trouve à chaque page donnent une haute idée des progrès réalisés parles prnc.rdés de la gravure. Toutefois, le secret aire per- péluel déplore que les portraits ne soient pas à beaucoup près à la hauteur des autres images : le portrait d'Ar.igo est extrêmement faible, et, suivant II. Dumas, il y a oppor- tunité à signaler la négligence avec laquelle nos artistes traitent maintenant le dessin de figure, parce qu'elle est fort remarquée à l'étranger, où elle ne peut donner qu'une idée trés-fausse de l'état des beaux-arts chez nous. Passage de Vénus. — M. Puiseux lit un inémo : re sur les observations à faire, le. S décembre 18'4, au moment du passage de Vénus sur !e Soleil- 11 entre, à cet égard, dans les plus grands détails et couvre le tableau d'équations, qu'il prend la peine de corriger à diverses reprises. Pres- que personne dans la salle, pas même les astronomes, ne croient devoir suivre l'auteur dans ses démonstrations. Ce qui ressort de ce travail, c'est la connaissance de certaines équations qui permettront de déterminer avec précision la dislance des centres des deux astres, pourvu qu'on notetout simplement l'heure de l'observation et la position géogra- phique de l'observateur. Ces équations contenaient 1 9 coef- ficients, ne dépendant que de l'heure du lieu, et M. Pui- seux les a calculés numériquement de s en 5 minutes, pour tous les points du globe, à l'époque du passage. Double élection de correspondants. — L'ordre, du jour appelle l'élection à deux places de correspondants dans la section d'astronomie. M. Lockyer, de Londres, bien connu par ses belles recherches de physique solaire, est appelé a îeiupiir la première par 35 vois contre 2, données a 11. JNcwcomb et 1 à II. VVarrcn de la hue. La deuxième place, destinée à. un astronome français , est donnée à )l. Roche, dont les recherches Sur les atmosphères des corps célestes sont certainement connues de nos lecteurs. Le professeur de Montpellier réunit 39 suffrages. M. Tis- seiand en obtient a ; 1 voix se porte sur M. Warren de la Hue et 1 sur M. Piewcomb. Nouvelle lecture de M. Trécul. — C'est malgré force interruptions causées par les scrutins précédents et par les observations de M. Le Verrier, mécontent de leurs résul- tats, ainsi que par les réclamations de M. le général Morin, et de 11. Chasles, qui voulaient qu'on se formât bien vile en comité secret, que il. Trécul lit une nouvelle réponse à M. Pasteur. Disons tout de suite que jamais l'argumen- tation da savant micrographe n'a été plus serrée; jamais son adversaire n'a été plus complètement acculé et enfer- mé dans le cercle vicieux de ses propres raisonnements. Dans ce débat, a dit à peu près M. Trécul, deux grandes questions sont agitées, ceile de l'hélérogcnie et celle du transformisme- On s'attendait à trouver dans les mémoi- res de il. Pasteur, quelque éclaircissement à leur sujet; il n'en est rien. On y voit seulement la crainte exprimée que la doctrine du transformisme, en se généralisant, ne dispense des observations sérieuses seules profitables à la science. Or c'est justement tout le contraire qui est vrai, car il est bien plus facile de décrire comme distincts des états divers d'un même cire capable de transformation que de découvrir la filiation existant entre ces divers états. Comme nous l'avons déjà dit, M. Trécul prétend mon- trer que le pénicillium se transforme en peu de temps sous l'œil de l'observateur, eu levure de bière ; à cela M. Pasteur se borne à répondre que son contradicteur n'a pas 1 s habitudes qu'on acquiert dans un laboratoire de chimie, et entre dans de très-grands détails pour montrer comment on peut se mettre à l'abri des causes d'erreurs io- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 90 LA NATUïîR. truduites dans les expériences par 1rs chulcs, au milieu des liquides en observation, des pressions atmosphéri- ques. D'ailleurs, puisque M. Pasteur nie que, la levure sait le produit Je la transformation du pénicillium, on est en droit de lui demandera quoi ressemblent et comment il recon- naît les prétendues spores de la levure ; jusqu'ici il est resté complètement muet sur ci: sujet important. Enfin, M. Trécul a montré que M. Pasteur est en réalité un hëlérogénide malgré lui, puisqu'il reconnaît l'existence de vibrions et de bactéries dans d>i lait qui, après avilir bouilli, est abandonné à lui-même au contact de l'air préa- lablement calciné. On sait que l'auteur attribue ce fait à la résistance que les matières alcalines ranitnuuiqucî'nii.nt aux germes des infusoires. Mais cette interprétation n'est pas sérieuse, et l'on sait que l'expérience que nous venons du rappeler n'est pas autre rbose qu'une forme particulière de celte autre publiée par M. Bnslian et répétée depuis maintes fois par M. Trécul lui-même : ou met sur lo porte- objet du microscope une très-petiîc quantité d'eau conte- nant une matière putrescible. On recouvre d'une lamelle de. verre, et, à une température de 20 ou 30 degrés, on examine le liquide. Au bout d'un certain 1emps,lâ où rien de visible n'existait, apparaissent de très-petits points noirs qui grossissent progressivement, puis qui, ayant pris les dimensions et les formes de monades et des bactéries, se mettent tout à coup à nager avec vivacité. Séance du b janvier Ï&H. Élection de M. Frémy. — C'est avec un vrai plaisir que nous assistons à l'élection de 11. Frémy, comme vice- président de l'Académie. La respectueuse et reconnaissante alfection que nous professons pour le célèbre chimiste, n'est d'ailleurs pas la seule cause de notre satisfaction. Nous voyons dans le triomphe de M. Fi'éinv, et nous aimons à y voir, comme une protestation que l'Académie a voulu opposer aux attaques dirigées depuis quelque temps, avec tant d'aigreur, contre lui. Son compétiteur était II. Bâ- tard; or, qui dit H. Balard, dit M. Pasteur : ce dernier ne saurait dire un mot, faire un geste, avancer un fait, sans que M. Balard ne devienne l'écho du mot, le miroir du geste, le garant du fait. M. Balard a retrouvé dans M. Pasteur son M. Chasles d'autrefois, et il est prêt, pour démontrer la vérité des assertions de son protégé actuel, à faire appel aux mêmes considérations, qui prouvaient si victorieusement que l'encre employée la veille par Vrain- Lucas, avait réellement deux cents ans d'existence. Nom- mer M. Balard, c'était donc sanctionner officiellement le succès apparent de M. Pasteur, qui, provisoirement, est resté maître du terrain, puisque, son adversaire s'abstient de lui répondre. Nommer M. Frémy, c'était au contraire montrer qu'on fait plus de. cas de la valeur réelle des tra- vaux scientifiques que du tapage excilé autour d'eux. Fernand Papillon. — Fernand Papillon est mort subi- tement avant-hier, dans toute la force de l'âge et du talent. Il n'appartenait pas à l'Académie, mais elle lui eût très- certainement ouvert un jour ses portes. Aussi, passer sous silence la perte que la science fait en lui serait une lacune dans le compte rendu d'une séance, où la disparition su- bite de ce jeune savant, si plein de vie encore lundi der- nier, produit une émotion universelle. Papillon alliait à une grande sagacité d'observation, une aptitude trop rare aux vues générales ; chez lui, le physiologiste était doublé du philosophe. Les articles qu'il a donnés à la Revue det Deux Mondes en font preuve, ainsi que le dernier vo- lume que présentait fout récemment en son nom et avec tant d'éloges M. le secrétaire perpétuel. Embryogénie de l'étoile de mer. — Une des décou- vertes les plus remarquables de la zoologie moderne est celle de l'embryogénie des échinodermes. Les faits nou- veaux, exposés aujourd'hui par M. de Laraze-Dulhiers, le montreront. Dans ses explorations déjà si fructueuses des environs de, Iloscoff, le savant professeur de la faculté des sciences recueillit, sous certaines pierres submergées, des œufs qui fixèrent fortement son attention. Ce sont des globes assez gros, d'un jaune orangé, qu'il était impossi- ble de rapporter à aucune espèce connue. L'auteur en vit sortir, au bout de, quelque temps, des êtres tout à fait anormaux : de l'œiiT émergèrent peu à peu deux prolon- gements amyboïdes, qui finirent par donner à l'ensemble l'aspect d'un croissant (hé par son milieu à une sphérule Aucun animal analogue n'avait jamais été signalé. Les extrémités des cornes du croissant sont adhésives, de façon que les petits animaux peuvent se fixer sur les corps sous-marins, soit par un bras, soit par les deux, et pren- dre toutes sortes de positions que 11. de Lacaze compare à celles des gymnastes qui font le bras fort. Or ces êtres ne restent pas longtemps dans l'état que nous venons de décrire. Sur un coté de leur corps, sur le côté droit, il se produit cinq tentacules qui s'accroissent peu à peu, de- viennent les rayons de l'étoile de mer, si commune, dé- signée sous le nom A'astericus. Ouant à tout l'embryon primitif, il est successivement résorbé. Comme on voit, cette observation est digne du [ibis vif intérêt ; elle devient plus curieuse encore si on la rapproche de celles du même genre auxquelles les autres niyonnées ont donné lieu parce qu'il s'en dégage alors une notion générale. On a reconnu que de l'œuf de certaines astéries il sort un être, un proto-embryon, qui, pas plus ipie le croissant de tout à l'heure, n'affecte la svmélrie de l'échinodcrmc qui l'a produit. C'est un corps ovoïde avec deux grands bras, l'un antérieur, l'autre postérieur et tous deux ramifiés : il est presque tout bras et on l'ap- pelle brachyolaire. Puis sur le côté apparaissent les pro- tubérances qui deviennent les rayons de l'étoile. Chez les Oursins, le proto-embrvon a la forme d'une pyramide à quatre faces ; c'est encore sur le côté que l'animal rayonné se forme et par conséquent suivant des lignes et des plans de symétrie qui n'ont aucune liaison avec ceux du proto- embryon lui-même. Il y a là des aperçus de la plus haute portée, quant aux relations mutuelle» des divers modes de symétrie que présente le règne animal. Premières notions de cosmographie. — Terminons en annonçant les excellentes notions de cosmographie dues à la plume, à ta fois si savante et si aimable, de M. Félix Ilément, et que met en vente la librairie Delagrave. On ne peut mieux caractériser ce livre qu'en disant avec l'auteur lui-même que c'est un tpitome de ta science. Tout ce qu'il importe de savoir y est, mais réduit aux proportions qu'il faut pour qu'une jeune intelligence puisse, en s'en enrichissant, concevoir, non pas du dégoût pour lu science nouvelle qui lui est révélée, mais au contraire aspirera en apprendre davantage. Si tous les livres de classes étaient écrits, comme l'est celui-ci, au point de vue de l'enfant qui ne sait pas et avec le désir de lui plaire, l'âge du col- lège serait l'âge d'or. Stanislas Meuxilh. Le PropriélnircAlèrant ; II. Tissaxpiliî - llll'MAlGltJH DB CRLTf Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 53. — 17 JANVIER 1874. LA XATL'RE. 07 LE NOUVEAU PAL^OTHERIMl nu muséum d'histoiiie naturelle, Les collections de paléontologie du Muséum vien- nent de s'enrichir d'une nouvelle pièce d'un très- haut intérêt seientiiique ; c'est uu squelette entier de Palœotheriurn maynum, incrusté dans un grand bloc de gypse et de marne, et nui est maintenant exposé dans la salle d'entrée des galeries d'anatomie. LePaheotherium magnum, dont le nom veut dire animal ancien, a été décrit eu premier lieu parnotni grand naturaliste Cuvier dans ses célèbres Recherches sur les ossements fossiles. C'est un mammifère en Lié- •■■as-,::„#S,'!.;/;,f; l'altcotheriutn magnum des (arrières (le Yitrj-sur-Seine. (D'après une photographie faite à ia lumièra ëlectrh]u.c clans les galeries dû la carrière, par 1151. Molteni et Serrin.) rement éteint, sans aucun représentant actuel. Son espèce a élé jadis extrêmement abondante; les zoo- logistes modernes la rattachent à l'ordre des juntcii- tés, c'est-à-dire au groupe d'animaux qui comprend entre autres, dans la nature vivante, les rhinocéros, les tapirs et les chevaux. Elle fait partie de la faune des vertébrés, que l'on trouve communément enfouis dans les déuùts gynseux. Toutes les collec- tions paléoutologiques , même les plus humbles, étaient abondamment pourvues depuis longtemps de i° aaate. — l- r seaieàlrs. débris ou de parties plus ou moins complètes de ce fossjle, mais on n'avait pas eu encore la bonne fur- tune d'en découvrir un squelette entier. Le principal résultat de l'examen de la nouvelle pièce que nous signalons a eu pour effet de démontrer que l'on s'était fait jusqu'ici une idée très-inexacte de ce qu'était cet animal eu lui attribuant les pro- portions et la conformation du tapir , ainsi que. l'avait supposé Cuvier lui-même. Loin d'êlre lourd et presque massif, comme ou le ï Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 08 LA NATURE. pensait, lePslscothcrium magnum vient de se révé- ler comme un animal très-gracile, d'un port fort élégant, dont l'encolure est citera e. plus allongée rjuo celle du cheval, et qui semble assez exactemcut mo- delé extérieurement sur le même tvpe que le Lama. Sans vouloir aborder l'étude détaillée de sa struc- ture ostéologique, nous dirons seulement que le Palscotliériummagnum avait la taille un peu moindre que celle d'un cheval moyeu. On compte trois doigts à chaque pied; la tête, à peu près conforme à celle du tapir, avait probablement aussi un rudiment de trompe; le fémur porte un troisième trochanter; le système dentaire est. composé à chaque mâchoire de six incisives, quatre canines et quatorze molaires, ces dernières ayant de l'analogie avec les mêmes dents chez les rhinocéros. Le Palaeotherium magnum, comme tous ses con- génères, dont ou commit aujourd'hui une dizaine d'espèces environ, était herbivore et vivait sans doute par grands troupeaux. Son existence remonte à cet âge de noire monde qui; l'on a appelé la période éocène, et c'est dans la partie movenne de celte période, qui comprend les dépôts de gypse ou leurs équivalents géologiques, que l'on en décruvre les restes, ainsi que ceux de toutes les autres espèces du même genre. Cependant il avait fait son apparition même avant la formation gypseuse et l'on a observé sa présence jusque dans les lits du calcaire grossier qui sont in- férieurs à cette même formation et par conséquent plus anciens qu'elle. Ce sont les carrières à plâtre de Montmartre, Pantin, la Villette, près Paris, qui ont eu longtemps en premier lieu le privilège, de fournir aux paléontolo- gistes des débris nombreux de celte espèce fossile. Le Palaeotherium, qui fuit le sujet, de celte notice, provient d'une pluïrièrc située à Vitry-sur-Seine. Il était encore il y a peu de jours, comme on le voit. aujourd'hui, à découvert d'un côté, et de l'autre in- crusté dans sa sépulture de pierre, à environ quatre mètres de hauteur, au plafond d'une galerie sou- terraine. Quelques rares curieux avaient pu seuls le visiter, lorsque M. Fuchs, ingénieur civil, pro- priétaire de la carrière où se trouvait celte magnifi- que pièce, proposa de la donner au Muséum. Le don, offert généreusement, fut immédiatement accepté, et M. le professeur Gervais, avec un zèle scientifique dont on doit lui être reconnaissant, s'oc- cupa lui-même de diriger les travaux assez considé- rables et d'une grande difficulté qu'il a fallu exécuter pour l'amener intact à Paris. L'ÉDREDOX ARTIFICIEL ET LE DUAP DE rLUME. Nous souhaiterions que ce que nous allons écrire pût cire reproduit, répandu, affiché, répété de. tou- tes les manières possibles, afin, qu'arrivant aux oreilles de chaque femme de la campagne, cela pût la convaincre qu'une nouvelle industrie est créée qui peut, sinon l'enrichir, aumoius augmenter son bien- être sans lui imposer aucune dépense, et en lui per- mettant d'utiliser une matière perdue et dédaignée dans, toutes les cours de fermes, lin portant ce qui va suivre à la connaissance des cultivateurs, grands et petits, nous leur rendons un immense service. Qu'ils ne le dédaignent pas ! Tous les oiseaux de basse-cour, soit par suite de la mue naturelle, soit par suite de batailles, d'accidents, perdent continuellement des plumes petites et gran- des, blanches, noires, fauves, de toutes couleurs que le vent promène et balaye, inutiles et dédaignées, jusqu'à ce qu'il les accroche à quelque branche de fagot, à quelquepaille des fumiers ;... même enfouies au milieu des détritus et des déjections qui emplis- sent la fosse, ces plumes, eu raison de leur structure cornée, semblent presque indestructibles, tant elles résistent ù la destruction spontanée. On les retrouve longtemps, longtemps, dans les champs souillées de boue... Eh bien, ces plumes inutiles constituent une vé- ritable richesse ! Il ne s'agit que de savoir les utili- ser pour en vendre le produit à haut prix. Pour tout instrument de transformation, la fermière n'a besoin que d'une paire de ciseaux ! Or, ces plumes folles nu sont pas les seules dont, à la campagne, ou ne connaisse pas la valeur. Il est depuis longtemps admis dans nos mœurs que le du- vet de l'oie, celui même du canard, ainsi que leurs petites plumes servant à faire des oreillers et des lits, l'on sait dès lors le haut prix qu'atteignent ces matières. On fait encore, avec les petites plumes de lapouleet des poulets, des lits moins bous et moins beaux que l'on utilise pour les couchers communs; mais quelque volaille qu'on lue, on jette toujours un certain nombre de plumes que l'on regarde comme trop dures et trop longues pour servir; à peine en serre-t-ou les ailes pour en faire des plumeaux ou balais divers. Eh bien, toutes ces plumes, jusqu'à la dernière, grandes ou petites, les moins belles, toutes, toutes... ont mie haute valeur ! Il faut bien se pé- nétrer de cette valeur, et agir en conséquence D'après une statistique fort judicieusement faite, nous jetons au vent, nous gaspillons nu nous laissons perdre, chaque année, pour autant valant du plumes que nous achetons de colon! Un pareil chiffre est effrayant; mais rien n'est saisissant comme la réalité. Que faut-il donc faire? Rien de plus simple. Prendre toutes ces plumes ; avec des ciseaux, eu couper les barbes des deux côtés tout le long de la côte du milieu, placer ces barbes coupées dans un sac de grosse toile, semblable aux sacs à argent, puis frotter à sec entre les mains, le sac et la plume dedans avec le même mouvement que les femmes emploient pour laver le linge. Au bout de cinq minutes les barbes sont désagrégées, feu- trées et enchevêtrées, formant un duvet d'une très- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 09 grande légèreté et parfaitement homogène. C'est Vëdrcdon artificiel, beaucoup plus léger que l'édre- don naturel, qui renferme toujours la côte des petites plumes qui le composent, si petites qu'elles soient, Or celui-ci n'en contient pas, et c'est la côte qui pèse. Ce duvet, ainsi préparé trouvera acheteur partout. A Paris, qu'on ne l'oublie pas, ou l'achète au prix de vingt francs le kilogramme ; et ce prix n'ira qu'en augmentant '. Maintenant, qu'est-ce que représente un kilo- gramme de cette matière 1 ? Il est très-facile de s'en rendre compte; les expériences viennent d'être fui- tes, et prouvent que la dépouille d'un poulet ordi- naire, cette dépouille que l'on jette en partie les trois quarts du temps, surtout dans la campagne, vaut un peu plus d'un franc! F.u effet, elle pèse 52 à 55 grammes; elle pourrait facilement aller à 05 el 64, mais il y a toujours un peu de perte. Quoi qu'il en soit, il faut savoir que. la dépouille d'une poule ordinaire, pèse 105 grammes, y com- pris la queue, les ailes, etc, et se décompose ainsi ; Côtes du dos 10 grammes. Côtes du ventre 10 — Côtes des ailes 12 — Côtes de la queue. . . ■ . . 4 — Côtes. ... 56 — Duvet du dos 25 gramme*. Duvet du ventre 25 — Duvet des ailes 5 — Duvet de la queue 2 — Duvet. . . . 57 Récapitulation en matière préparée pour la vente : Côtes en général 56 grammes. Duvet complet 57 — là — Poids de la dépouille hnite. . 105 — Perte. ... 12 — Faisons remarquer, en même temps, aux ména- gères de la campagne, qu'il suffit d'envoyer les en- fants dans le poulailler, dans la basse-cour, le long des haies du verger, pour ramasser chaque jour une importante quantité de plumes, que le travail d'en couper les barbes se fait à temps perdu, le soir, à la veillée, et que les enfants eux-mêmes peuvent y être employés. L'oie est certainement l'animal auquel nous em pruntons une plus grande quantité de plumes utili- sables, mais quelle que soit la richesse de l'animal, nous n'en prélevons pas plus d'un cinquième 1 Tout 4 Comme on ne manquera pas ou nous demander au moins une adresse et un nom, nous indiquons M. Eardiii, 48, rue de Uundy, à Taris, l'inventeur nit!mc du nrocnlé que nous venons de ivu'ler, qui recevra Védredon artificiel à bureau ouvert, à condition (lue l'un j joindra les côtes retirées des plumes [ e- tiies et grandes. le reste est perdu. En employant lenouveau procédé, de l'édredon artificiel, ce n'est plus un cinquième qu'on récoltera, mais les deux tiers! Ce qui fait une recolle de trois à quatre fois plus considérable. Il est doue vrai de dite que l'on perd, même de l'oie, le mieux utilisé de nos oiseaux de basse cour, une beau- coup plus grande valeur de plumes qu'on n'en ra- masse; quatre fois plus au moins. Encore quelques questions que je sens venir: Pourquoi faire? A quoi peut servir l'édredon artifi- ciel ? Qui nous dit que l'usage s'en continuera ? A la dernière question il est facile de répondre que l'usage s'en continuera parce que, même dans les familles, c'est une magnifique découverte que tirer un excellent édredim d'un produit, absolument sans valeur. Mais, l'usage futur, industriel, de l'édredon artificiel n'est point à dis.-imuler; il va servir à faire du drap de plume! Pour faire un mètre carré de drap tic plume, beau- coup plus léger et plus chaud que la laine, il Huit 700 à 750 grammes de la matière que nos ménagè- res vont faire : or, en France, rien qu'en France, nous perdons par année, de 5 à 6 millions do kilo- grammes de ce duvet désagrégé. C'est avec cela qu'on fera 7 à 8 millions de mètres carrés de drap de plume ! Or, ce drap, que nous avons vu, est presque inusable parce qu'au lieu de se couper, il se feutre sur- les endroits qui souffrent le plus. 11 prend merveilleu- sement la teinture et ne se mouille jamais; quelle merveille ! . Qu'on ne s'y trompe pas; il y a là une des plus grandes découvertes de ce siècle ! II. DE LA BlANCHÈRE. VARIATION DE COULEUR DES FLEURS L'influence de la nature du sol sur la coloration des fleurs est bien connue pour l'Hortensia ; on sait, en effet, que les fleurs de cette charmante espèce sont normalement roses et que la culture dans cer- taines terres leur fait prendre une teinte bleuâtre ou même franchement bleue. Mais quelle est la substance qui, dans nos terres, détermine le bleuissement de l'Hortensia? Bien des idées ont été émises à ce sujet; un a même institué des expériences en vue de re- connaître la cause de ce fait; mais, au total, nous ne sommes pas plus fixés sur ce point après tout ce qu'il a inspiré d'écrits et de théories. La seule chose qui semble avoir pour elle quelque peu de probabilité, c'est que la présence du fer dans le sol détermine quelquefois ce changement de couleur; mais, d'un nuire côté, on a citédescas dans lesquels il semblait évident qu'on devait chercher ailleurs la cause du bleuissement. Dans cet élat de choses, il y a évidemment grand intérêt à relever les faits dans lesquels l'influence de la nature du sol sur la coloration des fleurs est mise en pleine évidence et dans lesquels surtout les cir- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 100 LA NATUI'.E. constances qui ont amené un changement sous ce rapport sont rigoureusement déterminées. Or M. Leichtlin, de Carlsruhe et Bade, vient de me four- nir un exemple dans lequel toutes ces conditions semblent être réunies, et que je crois dès lors devoir livrer à la publicité. Voici le passade de la lettre, en date du 15 juillet dernier, dans lequel ce fait remar- quable est exposé par lui. « Je viens de constater par l 'expérience, m'écrit cet amateur distingué et obligeant, correspondant, que les LiliumCoridion eXPartheneion (deux petites et cliariuanfes plantes japonaises qui ont été décrites et figurées par de Yricse comme- deux espèces dis- tinctes et séparées) sont une seule et même espèce. Le Lil-iufii Coridion a ileuri abondamment dans mon jardin eu 1870. Tous les pieds qui; j'en possédais étaient plantés dans un mélange de terre franche ar- gileuse et de sable, tltiis lequel il n'entrait ni terreau de feuilles ni terre de bru j ère. ■ « Là leurs fleurs se montrèrent colorées en ma- gnifique; jaune canari avec des points et macules rouges, filles firent l'admiration de toutes les per- sonnes qui visitèrent mou jardin à l'époque de. cette floraison. L'année suivante, ces plantes ne fleurirent pas. Cette année-ci, elles se trouvaient plantées eu terre de bruyère. Elles onL de nouveau donné des fleurs, mais toutes colorées eu rouge foncé avec des stries et des bandes carmin {par conséquent, sein blables à celles AuLilimn Varlkencion Sieb. et Vr.). Je me propose de continuer cette expérience et, pour cela, de faire venir do la terre argileuse exprès pour y planter mes Liiium Coridion à l'automne prochain. « Un exemple de l'influence que la nature de certaines terres peut exercer sur la végétation des [liantes m'a été fourni par Y Iris setota l'ail. , qui est plus connu des horticulteurs sous le nom d'/ , liœmpfcri Sieb. A iîade, le sol consiste en un por- phyre décomposé. J'avais préparé nue plate-ban- !o avec ce sol auquel j'avais ajouté du. sable, du terreau de feuilles et du fumier consommé. Je plantai dans ce compost quelques milliers de jeunes plantes do cet Irix que j'avais obtenus de semis. Ces jeunes plantes végétèrent bien pendant qualre semaines : après quoi elles s'arrêtèrent tout à coup en devenant jaunes cl languissantes. « Ceci avait lieu au mois de septembre, par con- séquent à une éj oque bien avancée de l'année : néanmoins je nie décidai à transplanter sans retard mes jeunes iris dans une autre plate-bande que j'avais formée en mêlant à un tiers de terre ordinaire deux tiers de terre do bruyère. L'effet de ce change- ment de terre fut presque incroyable ; mes plantes, se trouvant dans un sol qui leur convenait, firent encore des progrès surprenants. Finalement, la flo- raison en a été magnifique, à ce point qu'elles ont donné des fleurs qui mesuraient m 17 de largeur. J'avais, d'un autre coté, des plantes-mères eu gros pieds, dont j'espérais que la floraison serait très-belle ; mois, faute de terre de bruyère, elles n'ont pas ileuri du tout. » Ces deux observations nous montrent la terre de bruvère, c'est-à-dire du terreau végétal mêlé à du sable fin, dans un cas modifiant profondément la coloration des fleurs du Liiium Coridion Sieb. et Vr. ; dans un autre cas, influant puissamment et presque tout à coup sur la végétation et sur la florai- son d'un iris. Le premier de ces exemples semble indiquer l'une des causes, certainement aussi variées que nombreuses, des changements de couleur de la corolle dans les piaules, soit spontanées, soit culti- vées ; en d'autres termes, l'une des origines des va- riétés. Voici, dans le même ordre d'observations, un fait qui me semble assez remarquable pour que je croie pouvoir le signaler. La grande terrasse du château de Mention (Seine- ct-Oise), qui a été brùb'c par les Allemands, en février 1871, est soutenue par un mur construit en meulière, qui s'étend à peu près du nord au sud, dans une longueur de plusieurs centaines de mètres et sur une hauteur considérable. Quelques [liantes de rocailles se sont depuis longtemps établies sur ce mur, notamment la Valériane rouge (centrenthus ruber I) C.) et le Grand Muflier (mttirrhinum majus L.), celui-ci en bien [dus grande abondance que la première. Dans les jardins, des semis multipliés ont, dans le Grand Huilier ou Cueule-du-Lion, l'ait varier consi- dérablement la couleur des Heurs ; mais quand cette plante croît sur de vieux murs, dans des rocailles ou sur des rochers, à l'état spontané, comme dans nos départements du centre et du midi, ou subspontané, connue autour de Paris, sa corolle offre sa couleur rouge pourpre normale, ou très-rarement elle se montre blanche, constituant alors une variété tran- chée. Il n'est guère possible de savoir à quelle époque cette espèce s'est établie sur le grand mur de la I errasse de Mention; mais aujourd'hui elle y est re- présentée par de nombreux individus qui, se semant et se ressemant d'eux-mêmes, ont graduellement subi dans leurs fleurs des variations de couleur en nombre, presque indéfini. Cette, année, ou voyait là, côte à côte, toute une gamme de couleurs formée par des transitions insensibles, depuis le blaoc le plus pur, qui a dû être l'un des points de, départ, jusqu'au rouge pourpre le [dus intense, qui formait l'autre extrémité de cette série. Il est fort à présumer que l'hybridation est inter venue dans la production de ces nombreuses variétés de couleurs ; mais il est probable aussi qu'une cause qui nous est inconnue est venue joindre son action à celle de la fécondation croisée, et que c'est à ces deux influences combinées qu'il faut attribuer la formation de cette série continue de nuances dont il serait, je crois, peu facile de trouver un exemple aussi com- plet en dehors de la sphère d'action des horticul- teurs 1 , P. DUGHAIURË. 1 Journal de la Société cenlrnte d'huiticulturc de France, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 101 L'EXPÉDITION DU CHALLENGER Jusqu'à ce jour nous n'avons donné que des détails épisodiques sur cette grande et belle expédition. Maintenant que le beau navire qui porte M. Wywille Thompscn et sa fortune scientifique fait vapeur vers le terme austral de son voyage, il est temps de jeter un coup d'oeil rapide, mais général, sur l'ensemble de l'expédition. Parti d'Angleterre, lors des fêtes de Noël 1872, l'équipage du Challenger a célébré la Noël 1873 Sondages océaniques. — La drague ranietiee sur le ^ L )nt du navire. dans l'archipel désert, presque inconnu, où le pas- sade de Vénus se verra cette année dans des condi- tions exceptionnellement intéressantes. M. Wywille Tliompson visitera successivement les îles Mariou, Crozctte et Kerguelen, qui, situées par S0" de latitude australe, sont la dernière station ac- cessible. 11 déterminera si les savants d'Europe peu- vent raisonnablement espérer de trouver des jours sereins lors Je la grinde et solennelle échéance c'e décembre 1874. C'est son rapport qui, s'il est favo- rable, décidera le gouvernement anglais à envoyei une expédition dans ces parages, à peine fréquentés jusqu'à ce jour et, pour la première fois, explorés d'une façon scientifique. Comme on attend le Challenger à Sidney pour la (in de janvier 1871, le télégraphe pourra apporter les nouvelles à Londres, en temps utile pour que, le cas échéant, les préparatifs de l'expédition de Ker- guelen commencent dès les premiers jours de fé- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 102 LA NATURE. Si nous sommes bien renseignés, le Challenger ne quittera pas les hautes régions australes sans recon- naître la situation de la terrible banquise devant la- quelle Dumont d'Urville et. les plus intrépides marins ont dû battre en retraite. Quoiqu'une expédition polaire n'entre pas dans le programme de cette étonnante- expédition scienti- fique, le Challenger ne saurait laisser échapper cette occasion pour taire une pointe dans ces hautes lati- tudes, où les profondeurs de l'Océan récèlent certai- nement tant de myriades d'êtres différents. Cardes sondages dans les mers australes sont indispensables pour comparer les trésors de cette vin sous-marine, avec les merveilles, si connues maintenant, des pro- fondeurs de l'océan ISnréal. uel enseignement si ces animaux offrent de grandes analogies, comme on peut le croire? quelle leçon, s'ils sont aussi diffé- rents que quelques personnes l'ont imaginé? Aujourd'hui nous connaissons tout l'ensemble du voyage depuis le départ d'Angleterre jusqu'à l'arrivée au cap qui a eu lieu dans Jes derniers jours d'octo- bre, et, où !e Challenger est resté jusqu'au G décem- bre. Nous allons rapidement résumer les principaux incidents de cette partie importante de la campagne. Après avoir quitté l'Amérique, le Challenger tra- versa do nouveau l'Atlantique pour se rendre aux Açores. J.e 1" juillet, il jetait l'ancre dans la baie de Fayol, et, apprenant que la petite vérole avait éclaté à Madère, il se rendait aux îles du Cap-Vert précisé- ment dans les parages précédemment explorés. Cette pailie de l'Océan, explorée, de nouveau, donna des formes nouvelles, en même temps que des organis- mes connus. Le spectacle offert par les heureux coups de drague est des [dus curieux. L'émotion est au com- ble, lorsque le courrier des mers profondes approche. Quelquefois hélas ! le câble lâche prise. C'est alors surtout que l'on voudrait savoir ce que la drague portait avec elle. N'avait-on pas saisi peut-être quel- que remarquable pro.e ! Notre gravure reproduit fidèlement la fin do l'opération du sondage océani- que. La drague, que l'on aperçoit sur le pont du navire, a été traînée au fond de la mer, où elle est parvenue, attachée à une corde appesantie par des poids. Le navire la tire à sa remorque, et, grâce à son ouverture métallique et rigide, elle se remplit de la vase, des débris et des animaux marins qui se trou- vent sur son passage. Cette drague, véritable sac, est en outre munie d'une tige de fer, hérissée de houppes de chanvre, qui saisissent au passage les crustacés ou les oursins. C'est à Saint-Vincent, capitale des îles du Cap-Vert, que le Challenger reçut les livres, les provisons, les instruments d'Europe. On y séjourna pendant 1G jours, pendant lesquels on se livra à des observations magnétiques indispensables pour pouvoir étudier le magnétisme des régions australes. Puis le Challen- ger continuant sa promenade enzig-zag, traversa une troisième fois l'océan Atlantique. 11 passa près des célèbres rochers de Saint-Paul, étonnante excrois- sance de rocs poussés en plein océan, où l'équipage de la frégate cuirassée le Nit/er fut si heureux de trouver un abri, il y a quelques années 1 . L'exploration de cette terre inhabitée, inhabitable, donna lieu à plusieurs incidents bizarres que nous ne pouvons rapporter eu ce moment. Nous devons suivre rapidement le Challenger dans sa route vers Rahia, où il arriva le 10 septembre. Après une aussi longue croisière, un séjour de quelque durée dans une grande cité maritime était de toute nécessité. Les autorités brésiliennes mirent les bateaux à va- peur et les chemins de 1er à la disposition gratuite des officiers et de l'équipage. Malheureusement l'apparition d'un cas de fièvre jaune hâta l'appareil- lage, et le Challenger traversa une quatrième fois l'Atlantique, après avoir exploré les îles Tristan da Cimha. Lu autre épisode touchant se produisit dans cette dernière partie du voyage. Les habitants de Tristan da Cunlia racontèrent que deux Alle- mands s'étaient établis sur une île appelée, à lion droit, île inaccessible, afin de se livrer à la chasse des veaux marins. Connue on n'avait plus entendu parler de ces aventuriers, on les croyait morts. Le Challen- ger n'oublia pas que le nom de « chevalier errant n oblige*. II se rendit en vue de l'île inaeeessihle, que ses bateaux uo tardèrent point à aborder. Les deux Crusoës étaient encore vivants, et tout à fait fatigués de leur vio solitaire. Les phoques avaient été très- rares, et les deux malheureux seraient morts de faim s'ils n'avaient trouvé quelques porcs sauvages, réfugiés sur les sommets les plus escarpés. Le capi- taine Wywille Tbompson leur offrit de les prendre à son bord, et il les mena au Cap. Il ne manque plus qu'un nouveau Daniel de Foé pour les immor- taliser, mais les lîobiusons sont moins rares que leurs historiographes. Cette bonne action trouva sa récompense dans le fond de la mer, car le Challenger revint au Cap avec de très-précieux sondages, comme si les dieux incon- nus de l'abîme avaient tenu à récompenser celte humaine action. Nous ne chercherons point à résumer cette partie des opérations. Nous dirons cependant que les îles Tristan da Cunha sont reliées au continent améri- cain par une sorte de chaîne sous-marine , au- dessus île laquelle il n'y a jamais plus de 2000 brasses d'eau. Ajoutons que la température de l'eau sur ce récif est sensiblement supérieure à celle de la glace fondante. Nous reviendrons sur tous ces points avec les détails dont ils sont dignes à tous égards. Dès que nous aurons reçu les correspondan- ces du Cap, nous y puiserons largement, pour satis- faire la légitime curiosité de nos lecteurs. 1 ?ous avons déjà, à plusieurs reprises, parié de. la curieuse île, Saint-Paul [voy, lable do la première année), on l'on duit établir un^ des stations françaises destinées â l'ob-servalicn da prochain pn^ën^c de Yénus. s Telle esl à peu prés la traduction du mot Challenger, sans éijuiva'ent réel en français. — «^ — Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 103 - LES SOURCES DU NIL (Suite. — Vny. p. 88.) Avant de suivre sir S. Baker lancé à la découverte du lac Mwoutan-Nzighé, il est, bon de dire quelques mots des expéditions qui se sont avancées par la voie du Nil assez loin vers l'équateur. En 1856, c'était M. Brnu-Rollet ; en 1856 ei 1857, Bolognesi, en 1860 et 1861, le marquis Anlinori, avec Andréa Debouo, puis deux négociants français, les frères Poucet; mais pour la plupart de ces explorateurs, les recherches scientifiques n'étaient que l'accessoire, et il ne faut pas accorder une entière confiance à leurs récils. 11 n'en est pas de même pour deux expéditions entreprises par des hommes sérieux et instruits, expéditions qui promettaient les plus beaux résultats. M. G. Lojean fut arrêté, en 1861, par les difficultés matérielles aussi bien que par la maladie, et son exploration ne servit qu'à nous faire mieux connaître les mœurs, les coutumes et la géographie de pays bien souvent parcourus avant lui. La se- conde expédition fut décidée par l'annonce de lu découverte des lacs Tangnnyika et Yietoria-Nyanza. Le docteur Peney, établi depuis longues années en Nubie, remonta le Nil jusqu'à Gondo-Koro. Puis, en attendant que le niveau des eaux lui permît de s'élever plus au sud, il fit un certain nombre de courses par terre et réunit des informations inté- ressantes et curieuses sur les populations voisines. Il allait reprendre le cours de son voyage, lorsqu'il fut enlevé par les fièvres. ' Nous avons vu que sir S. Baker avait reçu de Spcke et de Grautdcs cartes et des instructions ; son plan fut bientôt arrêté : suivre le Nil jusqu'à sa sortie du Mwoutan-Nzighé, explorer ce nouveau lac, et s'assurer, si comme les naturels l'avaient affirmé à Speke, il communique bien avec le Victoria par un cours d'eau. Les circonstances ne lui permirent mal- heureusement de réaliser ce plan qu'en partie; il fut obligé pendant tout le cours du voyage de subir la protection d'une horde de Turcs, ramassis de bri- gands sans foi ni loi, qui, sous prétexte de récolter de l'ivoire, se livrent à la chasse à l'homme et se pro- curent des esclaves eu suscitant des guerres entre les indigènes. Baker, accompagné de sa femme, s'avança dans l'est au milieu du pays des Baris, pénétra chez les Latoukas, dont la capitale Tarrangollé n'a pas moins do trois mille maisons. Puis, trompant son escorte, qui ne voulait pas s'enfoncer dans le sud, il gagna le pays d'Obo par A degrés de latitude nord. Là, la maladie, la continuité des pluies, et la mort de ses bêtes de charge le forcèrent à s'arrêter long- temps, puis il traversa l'Assuu, affluent du Nil, et atteignit les cataractes de Karuma déjàvisilées précé- demment par Speke. Ni les fourberies, ni les exi- gences, ni les mensonges du chef Karamsi ne purent détourner de sa route Baker, qui parvint, le 14 mars 186-i, sur les bords d'un lac immense, qu'il appela l'Albcrt-Nyanza. Puis, il s'embarqua sur un canot, et longeant la rive vers le nord, pendant treize jours, il arriva par 2°16' à Magungo, où débouchait dans le lac un fort courant. Baker le remonta, s'assura que c'était bien celui qu'il avait vu aux cataractes deKamma, et regagna Mronli, lacapitalede Karamsi. Ici s'arrêtent les découvertes géographiques de Baker; aussi n'insisterons-nous pas sur les péripé- ties de son retour à travers un pays déjà parcouru ; il nous suffit dédire qu'il atteignit Gondo-Koro au mois de décembre 1 86i ; assurément il était regret- table de n'avoir pu recueillir sur l'étendue et la di- rection de l'Alhert-Nyair/a que des données indécises, il était fâcheux de n'avoir pu suivre le fleuve jusqu'à Gondo-Koro, mais Baker avait du moins reconnu la communication entre le Victoria et l'Albcrt-Nyanza, expliqué la différence de niveau entre ces deux lacs par l'existence des chutes de Karuma, des rapides et des cascades qu'il avait rencontrés. Enfin les mon- tagnes qu'il avait aperçues sur les bords de l'Al- bert et le niveau de l'eau (829 mètres), moins élevé que celui du Tanganyikn, lui donnaient à penser qu'ils ne faisaient pas partie du même régime hydrogra- phique. Ce sont là des résultats importants, de grands services rendus à la géographie de ces con- trées ; Baker ne voulut pas s'arrêter en si bonne voie. Profondément affecté des scènes de violence et do carnage auxquelles donnait lieu la traite des esclaves, sir S. Baker reçut du khédive, en 1869, le comman- dement d'une nouvelle expédition. Il s'agissait cette fois de supprimer la traite et de s'annexer pour cela tout le pays jusqu'à l'équateur. Enoutre, Baker devait explorer avec des steamers le lac Albert, établir le long dis Nil des stations de commerce et des forts qui mettraient ainsi la région des grands lacs en rap- ports constants avec Gondo-Koro et l'Egvple. Nommé pacha et gouverneur des provinces à conquérir, le voyageur anglais réunit 1 ,200 hommes d'infanterie, 201) cavaliers, 200 artilleurs, et 250 ouvriers et porteurs. Enfin, il rassembla sur le Nil 65 navires dont 10 à vapeur, surlesquelsil emportait démoulées les pièces de I rois steamers. Il partagea ses troupes en trois sections qui, par des routes différentes, de- vaient se réunir à Khartoum. Mais l'apathie et le mauvais vouloir des fonctionnaires égyptiens, qui ont intérêt à la traite, apportèrent à cette expédition un retard considérable, qui eut pour conséquence de l'empêcher d'arriver à l'époque des crues dans les hautes régions du Nil. Elle fut, eu effet, longtemps arrêtée par un banc impénétrable formé par les détritus qu'entraîne le fleuve, pont couvert d'une, végétation luxuriante sous lequel l'eau se fraye un passage. Baker s'établit donc sur la rive gauche du Nil à ïaoufikya, et pendant toute l'année 1870 il fit un certain nombre de courses contre les négriers. 11 se remit eu route en décembre et ne tarda pas à regagner Gondo-Koro, où les pluies l'arrêtèrent jus- qu'en avril 1871. Il prit immédiatement possession du pays au nom du khédive et dut soumettre par la force les indigènes. Depuis ce moment, [es nouvelles les plus contradictoires se sont succédé; le bruit Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 104 LA NATURE. s'était même dernièrement répandu de la mort des voyageurs, lorsqu'une dépèche d'Alexandrie est vo- mie, comme on le suit, nous apprendre leur retour. G. MARCEL. — La suite prochainement, — LES PHARES AMÉRICAINS ET LES FECX FJ-OTTASTS. L'administration des phares, auxÉluls-lms, a été chargée, l'année dernière, de l'éclairage de 179 pha- res entiers, maritimes et lacustres, de 394 phares de rivières et de ports, de 22 phares flottants et de 35 signaux de brume. Ces phares ont été construits gé néralement dans d'excellentes conditions de rapidité ou de solidité ; et ils sont dignes à tous égards d'être signalés parmi les travaux les plus utiles et les plus importants de ces derniers temps. La diversité des conditions dans lesquelles ils ont été construits a occasionné aussi une grande di- versité dans les plans de construction. Nous repro- duisons deux types qui nous ont paru offrir un intérêt réel. Le premier dessin représente le phare 'VA.,: WvJl® pF?*™ wït; I']i.?rc de Race IWk. de l\ace Rock, et le second celui de Thimble Shoal, à llampton Lloads, dans l'Etat de Virginie. Le phare de Ilace llock, à l'entrée orientale du dé troit de Long Island, appartient au troisième dist.rkt dont l'ingénieur est le colonel S.-C. Woodruff. No- tre gravure donne l'ensemble général de cette belle construction, dont les fondations ont nécessité l'a- moncellement de dix milles tonnes de blocs de pierre, chaque bloc pesant de trois à cinq toimis. Le phare de Thimble Shoal est dans le cinquième district, dont l'ingénieur est le major Peler (I. Hains. Ge phare a été érigé pour remplacer le phare flottant de Willoughhy, à l'entrée la moins profonde de Ilamploii [tonds. Il est bâti sur un fond très-dur formé de sable compacte. Sa lumière cst.de quatrième ordre, mais dans l'ensemble de sa structure, il n'en a pas moins une très-belle apparence. Il est remar- quable par la légèreté do son pilotis en fer, qui do- mine avec élégance la surface de la mer 1 . Le président de lu commission des ingénieurs de l'administration des phares aux Etats-Unis, le géné- ral Ikrnard, ainsi que l'ingénieur secrétaire, le ma- jor Georges II. Elliot, se préoccupent non-seulement de donner une importante extension à la construction des phares, mais ils songent aussi à les pourvoir des nombreux auxiliaires, qui en sont, pour ainsi dire, les compléments indispensables et que l'on nomme les feux flottants, les amers, les balises et les signaux. Les essais portent surtout actuellement sur la con- struction de bateaux-phares, ou feux bottants, que * EutjLûceî inrj. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA N'ATCRË. 105 l'on doit placer sur certaines parties des côtes, qui, par la nature de leur sol, se refusent absolument à l'édification de monuments en fer ou en maçonnerie. C'est en Angleterre que l'idée des bateaux lumineux a pris naissance. Eu 18 il, le Ught-vessel des îles Scilly a eu un grand retentissement ; il nous paraît curieux d'en donner la description au moment où cette question de l'éclairage maritime est à l'ordre du jour de l'autre côté de l'Atlantique. i A première vue, et de loin, dit M.Esquiros, qui nous donne la description assez pittoresque du ba- teau lumineux anglais, un light-vessel ressemble beaucoup pendant la journée à un vaisseau ordinaire; si l'on y regarde de plus près, on trouve entre eux une bien grande différence. Le vaisseau lumière flotte, mais il ne remue point: ses mâts épais et courts sont dénués de voiles et couronnés de grosses boules. Les autres navires représentent le mouve- ment ; celui-ci représente l'immobilité. Ce qu'on de- mande d'ordinaire à un bâtiment est d'être sensible au vent, à la mer ; ce qu'on exige du lighf.-ship est de résister aux éléments. Qu'arriverait-il en effet, si, chassé par lu tempête, il venait à dériver? Pareil à un météore, ee fanal errant tromperait les pilotes au ^%^ÉIp%^ M Tliare de Tliimble Siioal, lieu de les avertir. Un navire qui ne navigue point, un vaisseau-borne, tel est donc l'idéal que se propose le constructeur d'un light-vessel, et cet idéal a natu- rellement exercé dans plus d'un sens l'imagination des architectes nautiques. Les formes varient selon les localités ; la coque du navire est plus allongée en Irlande qu'en Angleterre; mais dans tous les cas on s'est proposé le même but, la résistance à la force des vents et des vagues. On a voulu que, par les plus violentes marées, au milieu des eaux les plus boule- versées, et dans les situations les plus exposées à la puissance des courants, il chassât sur son ancre en s'agitant le moins possible. Pour qu'il restât par tous les temps dans la même situation maritime, il a été nécessaire de rattacher. Galérien rivé à une chaîne et à des cables de fer, il ne peut s'éloigner ni à droite m' à gauche. L'étendue de cette chaîne varie selon les localités : aux Stoven-Stones, où le vaisseau repose sur 2i0 pieds d'eau, elle mesure un quart de mille de longueur. Ou y a depuis quelques années ajouté des entraves qui subjuguent les mouvements du na- vire, et encore a-t-on obtenu que tout esclave qu'il fût, il pesât le moins possible sur les amarres. Il y a très-peu d'exemples d'un liqht-vessel ayant rompu ses liens, et il n'y en a point jusqu'ici qui ait fait naufrage. On n'a jamais vu non plus les marins de l'équipage changer volontairement de position, quelle que lut la fureur de la tempête. Si pourtant le vaisseau se trouve déplacé par l'irrésistible force des éléments, au point que sa lumière puisse deve- nir une source d'erreurs pour la navigation, on ar- bore un signal de couleur rouge ; on tire le canon et Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 106 LA NATURE. généralement, il se trouve bientôt réintégré dans sa situation normale. Le danger de dériver et la pré- sence qu'exigent en pareil cas les différentes manœu- vres proclament néanmoins assez haut le courage des hommes qui vivent toute l'année sons une pareille menace. Gomme il faut d'ailleurs tout prévoir, un vaisseau de rechange, spare vessel, se tient prêt dans ks quartiers généraux du district à n'im- porte quelle éventualité. Grâce aux télégraphes éta- blis sur les cèles, la nouvelle est bientôt connue, et souvent avant le coucher du soleil, le bâtiment de réserve, remorqué à toute vapeur, occupe déjà la place du navire forcé et arraché par la tourmente. Les tights-vessel de \a.Trinity-Ilùîuse sont peints en rouge, ceux d'Irlande sont noirs. » Les côtes des Etats-Unis offrent parfois de grands dangers à la navigation ; aussi l'administration des phares songe-t-elle à multiplier les feux flottants déjà nombreux, des côtes américaines. La France, dont les côtes n'ont pas les mêmes exigences que celles de l'Angleterre et des Etats-Unis, ne compte qu'un très-petit nombre de bateaux-phares. Les feux flottants du Royaume-Uni sont au nombre de cin- quante environ. 11 en existe une quantité bien plus considérable ans Etats-Unis, et comme nous l'avons dit, on la verra s'accroître encore dans une propor- tion considérable. On doit féliciter le gouvernement américain des louables efforts qu'il fait pour éclai- rer la mer. S'il protège ainsi ses propres nation.iux, n'oublions pas qu'il rend service en même temps au inonde civilisé tout entier. Jean Bhuakeii. LE BUREAU MÉTÉOROLOGIQUE DE LOHDHES. (Suite et lia. — Voy. p. 73.) La Société royale de Londres avait concouru à la fondation du bureau météorologique par une remar- quable série d'instructions (février 1855), sur les points les plus importants de la science et sur la ïorme à donner aux observations. Dans la réorgani- sation qui suivit la mort de l'amiral Fitz Roy, cette société fut invitée par le gouvernement à constituer un comité de surveillance du bureau, et le général sir E. Sabine, alors président, se plaça à sa tète, en s'adjnignant ceux de ses membres dont les travaux se rapprochaient plus particulièrement de la météo- rologie, ainsi que l'amiral Richards, hydrographe de l'Amirauté. Ce groupe éminent, qui remplit encore aujourd'hui les mêmes fonctions, entièrement gra- tuites, dispose d'une subvention volée annuellement par le Parlement, auquel il rend compte des dépen- ses. Il désigna comme directeur du Bureau un sa- vant distingué, M. Robert 11. Scott, auquel furent adjoints le capitaine Henry Toynbee pour la section maritime, et le docteur Balfuur-Stcwart pour celle qui comprend l'observatoire de vérilicatiou deKewet la surveillance générale des instruments météorolo- giques. Le service scientifique est divisé en trois grandes branches! 1° La météorologie de l'Océan; 2° Les avis météorologiques du temps; 3° La météorologie des îles Britanniques. Nous allons passer en revue leur organisation et leurs principaux travaux. C'est, au fond, pour la première branche que ie Bureau a été créé ; son- domaine comprend l'exten- sion de la principale œuvre de Maury, si bien dési- gnée par Humboldt sous le nom de « Géographie physique de la mer. » On continue à y extraire les données actuellement fournies par les journaux de bord, en s'occupant également d'ulitiscr les docu- ments anciens possédés par le Bureau, tels que ceux par exemple, qui proviennent de l'expédition de sir James Ross en 1840, 1841 et 18V2, et qui peuvent servir à constituer la météorologie, si incomplète en- core, des régions polaires australes. Parmi ces tra- vaux, exécutés avec un grand soin, nous signalerons la collection de douze cartes relatives à la tempéra- turc de surface dans l'Atlantique sud ; — douze cartes sur lesquelles sont résumées de très-nombreu- ses observations recueillies dans les parages du cap Horn et des côtes ouest de l'Amérique méridionale-; — un groupe de cartes et un mémoire relatifs à la météorologie de la partie est de l'Atlantique situéeau nord du parallèle de 30 degrés, pour les onze jours précédant le 8 février 1870, période de tempêtes pendant laquelle disparut le navire ihe City of Bos- ton; — un groupe de cartes concernant une région signalée comme offrant un grand intérêt par Hum- boldt et par Maury, l'espace compris dans le carré n° 3 de la division de l'Atlantique proposée par Mars- den et situé au voisinage de l'équateur, à peu près à égale distance do l'Afrique et de l'Amérique du Sud. Ces derniers travaux contiennent des faits im- portants sur lesquels nous nous sommes appuyé dans noire étude sur l'Origine des cyclones 1 . Une récente publication intitulée : Notes sur la forme des cyclones dans le sud de l'océan Indien, par M. C. Meldrum, directeur do l'Observatoire de l'île Maurice, fournit sur la théorie de ces phénomènes de nouvelles indications, qui ne manqueront pas d'y jeter une vivo lumière. La rédaction des Notices trimestrielles sur le temps a été continuée en employant des observations dont le nombre et la précision s'accroissent incessamment. C'est aussi dans cette section qu'a été publiée une nouvelle édition du Manuel barométrique de l'ami- ral Fitz Roy, mis en rapport avec les progrès de la science par M. Robert Scott. Le directeur dit Bureau s'occupe spécialement du service des avis télégraphiques du, temps, auquel il a donné uneorgaiiisationnoiivelle. Les déductions em- piriques qu'on tirait auparavant des données signalées ont fait place à des déductions plus méthodiques, et on ne s'est avaujé que pas à pas, après avoir réduit tout 1 Yuy pii^es *2U iil 58. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 107 d'abord les signaux à l'annonce des tempêtes complè- tement déclarées. (lotte réforme a été appuyée sur les recherches «le M. Buys-Ballot, directeur de l'Ob- servatoire d'Utrecht et fondateur du système d'aver- tissement établi eu Hollande, système dérivé du principe qui lie la direction et la force des vents aux différences barométriques des stations entre lesquel- les ils soufflent. On a adopté la règle pratique, dite loi de Boys-Ballot, qui indique toujours l'existence du niveau barométrique lu plus bas à main gauche, quand on tourne le dos au vent, règle reconnue comme très-utile. L'expérience a montré en outre qu'on peut être assuré qu'il n'y a pas danger de tempête tant que la pente (gradient), ou différence entre les hauteurs barométriques, n'excède pas pour une distance donnée l m ' u par 50 milles. Toutefois la difficulté d'éliminer tes conditions locales a empê- ché jusqu'ici d'établir des relations précises entre le vent et la hauteur du baromètre, et il n'a pas été possible de déterminer exactement lo temps qui doit 23 SEPT 1 Z4 sept M. 3 6 & H. 3 6 9 M. 309M3B mwmn î& SLPT If 3 6 9 N 3 26 SEP*T ? ft 3 6 9 N 3 6 9 m 3 mmm^wmmmm s'écouler entre la variation barométrique et la modi- fication du veut. 11. Robert Scott poursuit depuis plusieurs années l'étude, des mouvements et quelquefois des influen- ces mutuelles des tourbillons que le courant équa- torial amène sur les îles Britanniques, et il en a lire des observations très-utiles pour les prévisions. Cel- les qui concernent les cyclones à dépres- sions centrales, et les anticyclones dans lesquels il y a une hausse du baromètre, par suite une sorte de culmiuation de l'air au centre, sont surtout intéressantes, comme nous l'avons fait voir dans l'ar- ticle cité plus haut. Kirfiti une méthode féconde, fondée sur la similitude des con- ditions du temps, a éLé introduite. Elle rend déjà de remarquables services et en rendra davantage à mesure que la collec- tion d'exemples des divers types du temps s'accroîtra. Le perfectionnement successif du système des aver- tissements peut se mesurer par la proportion crois- sante de ceux qui ont réussi. Les comptes rendus annuels du comité constatent que le nombre des pré- visions qui se sont vérifiées a été de 63,7 pour 100 en 1871 et de 80,5 pour 100 en 1872. Elles sont en- voyées en Angleterre à 129 stations, généralement pourvues d'un mât de signaux où le cylindre et le cône, bissés pendant quarante-huit heures, éveillent l'attention des marins, et par leur position relative donnent l'indication probable du côté où la tempête menace. Ces avertissements sont aussi envoyés à la France, à la Hollande, aux pays Scandinaves et à l'Allemagne. Eu Angleterre, ils sont publiés par plu- sieurs journaux de Londres. Jëpt.15. fa^n Les baromètres publics, dont l'observation est un élément si important pour la connaissance du temps, sont placés dans 120 ports ou villages de pêcheurs. Cinq cents exemplaires descart.es synoptiques journa- lières construites à l'aide, des éléments fournis par les 17 stations météorologiques des "des Britanniques sont distribués soit à des abonnés, soit gratuitement, Los cartes synoptiques figurent sur chaque feuille au nombre de quatre donnant : 1" les courbes isobarométriques ; 2" les indications relatives aux vents et à l'état de la mer; 4° les indications concernant les météores aqueux : nuages, pluies, brumes, etc. A ces cartes sont jointes des prévisions probables du lendemain pour les quatre districts du royaume : Nord de l'Angleterre jusqu'au comté du Nor- thumherlaud, — Irlande, — cotc.Est de Noçthumberland jusqu'à la Tamise, — Sud de l'Angleterre , de la Tamise jus- qu'au pays de Galles. Les observations des stations, auxquelles s'ajoutent celles des caries journalières et des bulletins envoyés par les centres d'études météorologiques du continent, constituent les don- nées qui servent à rédiger l'intéressante chronique générale du temps publiée par la revue trimes- trielle. Parmi les stations météorologiques de l'Angleterre, il faut en distinguer 40, qui ont des instruments ordinaires et sont desservies par des observateurs vo- lontaires, et 7 observatoires, qui possèdent d'excel- lents instruments enregistreurs, ont des directeurs appointés pur le gouvernement, et relèvent spéciale- ment, de la troisième branche du Bureau, celle de la météorologie statique, c'est-à-dire de la cliniatulogie Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 108 LA NAITRE. des îles Britanniques, tandis que la seconde brandie, plutôt occupée à suivre lu marche des phénomènes par l'interprétation îles observations simultanées, se rattache à la météorologie dynamique. Les sept ob- servatoires sont établis à Kevv, — Stonyhurst, — Fal- moulh, — Aberdeen, — Clasgow, — Armagh, ■ — Valencia. Leurs documents graphiques sont repro- duits sur des planches de cimre a f'aide d'un instru- ment nommé pautographe, et imprimées dans la revue trimestrielle, où ils sont l'objet d'une discus- sion approfondie. Nous donnons (fig. 1) comme exem- ple, les signes produits parles instruments à l'Ob- servatoire de Valencia pendant une période de cinq jours du mois de septembre île l'année dernière. On y reconnaît aisément la courbe barométrique. A la mémo hauteur se trouvent la courbe du thermomètre à bulbe sèche (dry) et celle du thermomètre à bulbe humide (wet). Au-dessous, ligure la courbe de la tension, de la vapeur d'eau. La pluie (rain) est indi- quée le long de la ligne droite, oii ce mot est écrit par de petits traits obliques. Les hachures partant d'en haut représentent par leur longueur la vitesse (velocity) du veut, dont la direction se déduit facile- ment de la courbe qui traverse le compartiment in- férieur, la ligne droite médiane correspondant au sud. Les hauteurs du baromètre sont données en pouces et dixièmes, l'échelle thermométrique est celle de Fahrenheit et l'échelle unémniiiétrique a été mar- quée en milles de à 100. Toutes les fois qu'une période présente un intérêt particulier, la carte syn- optique c rrespondante est reproduite en marge des tableaux. Ainsi la fig. Il donne la situation du 2o septembre à 8 heures du malin. M. Robert Scott a exposé à plusieurs reprises, dans des conférences qui ont eu beaucoup de succès, les principaux résultats des recherches du Bureau mé- téorologique. Il a été envové par le gouvernement au Congrès des météorologistes de Leipzig et de Vienne, dans lesquels son expérience et ses vues ju- dicieuses auront certainement été très-appréeiées. Les fonds alloués au personnel et au matériel du Bureau s'élèvent à 250,000 francs, et il est probable qu'en vue de plusieurs développements projetés, ils seront proehainementaugmcnlés. Le snrvicc météoro- logique, Irès-étendu aux Et.its-L'iiis, y reçoit une sub- vention beaucoup plus considérable (1, '200, 000 l'r). Nous sommes comparativement bien en retard au- PROGRÈS DU PHYLLOXÉRA jourd'huieu Franc; pour l'organisation de la météo- rologie pralique, qui a eu cependant un remarquable début, a enrichi la science do faits importants et d'ob- servations nombreuses. De douloureux événements- ont momentanément entravé ce progrès, qui sans doute reprendra bientôt son cours, par l'appui éclairé du gouvernement, et par le zèle des savants qui ont pris à cœur d'établir aussi dans notre pays une insti- tution féconde pour l'avancement de la science et fa- vorable au développement du bien-cire commun. Y. ZUKCHER. PANS LES QUATRE DÉPARTEMENTS : DE I A DRÔMK, DE VAUCLL'SE, BU GÀItl) ET DE l'hÉRAULT. Dans une tournée que j'ai faite à la fin de novem- bre dans ces quatre départements, j'ai constaté les faits suivants à l'égard du Phylloxéra : les insecti- cides si nombreux et si divers qu'on a employés sur plusieurs points n'ont, nulle part, donné des résul- tats satisfaisants. — Des vignes attaquées, même depuis plusieurs années, par le Phylloxéra, peuvent être, sinon guéries, du moins protégées contre les progrès du fléau, à l'aide d'engrais énergiques. Lorsqu'une vigne, phylloxérée est grassement fumée on la voit, quelques mois plus tard, prendre de la force et, quoique malade, elle donne encore des pro- duits. Nous croyons qu'avec des fumures souvent re- nouvelées, faites après la récolte, et avec une culture aussi améliorante que possible, on peut toujours, surtout dans les sols naturellement un peu fertiles obtenir encore des produits rémunérateurs. Nous avons observé partout, sans aucune excep- tion, le fait suivant : les Phylloxéras sont toujours en raison directe de la sécheresse du sol, du défaut d'humidité. Souvent, au pied de coteaux dominés par des vignes profondément phylloxérées, on ren- contre des vignobles en plaine, plantés dans un sol humide, qui sont complètement sains. Pour tous cent qui ont pu visiter les vignobles traités par la submersion d'automne ou d'hiver, il nu peut rester aucune espèce de doute sur l'efficacité de ce moyen essentiellement pratique et radical pour guérir les vignes phylloxérées. Il y a certainement lieu de s'étonner que la submersion ait, jusqu'ici, rencontré tant d'objections et tant d'hostilités, alors que le moyen est si simple et si pratique. Par l'utili- sation intelligente des cours d'eau, par la création du canal d'irrigation du Rhône, le procédé de la sub- mersion peut être étendu sur une surface très-con- sidérable, qui s'étend à près de 100,000 hectares de vignes dans les quatre départements de la Drôme, de Vaucluse, du Caïd et de l'Hérault. Si cette pra- tique de la submersion était adoptée, non-seulement elle aurait pour effet de guérir les vignes directement traitées, mais encore il en résulterait une modifica- tion dans le climat qui réagirait d'une manière très- heureuse sur les vignobles situés dans les endroits inaccessibles à la submersion. En résumé, on perd un temps précieux à décou- vrir des insecticides qui seront toujours impuissant; ; la destruction du Phylloxéra est moins un problème chimique qu'un problème mécanique. La submersion résout ce problème d'une manière complète pour près des 2/3 des vignes phylloxérées, et on ajourne son emploi sous le. prétexte qu'elle ne peut s'appli- quer partout. C'est ici le cas de répéter le proverbe que « souvent le mieux est l'ennemi du bien*, n Aristide Dumost. 1 Journal tic ragrtcitttuïc. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 109 LA CONCHYLIOLOGIE 1 Si l'étude des mammifères et des êtres supérieurs de I échelle de la création offre un immense intérêt, celles des coquillages, des mollusques, aux confor- mations singulières, aux organismes variés et bizar- res, n'est pas moins attachante et instructive Un sa- vant des plus distingués, ancien aide paléontologiste au British Muséum, a récemment publié un livre qui servira de guide à tous les amateurs de conchylio- logie, comme à tous ceux qui sans faire décollée- l'ig. 1. — Aryonauta art/o. Belemnolculhis. Fig. 5. — Dolium perdtx. lions veulent connaître les êtres inférieurs et étudier leurs mœurs et leur histoire. Pour donner le moyen de se faire une juste appréciation de ce bel ouvrage, nous en pu- blions quelques extraits, relalih à des coquilles fort curieuses. Voici ce que dit l'auteur au sujet de l'Argonaute, un des plus cu- rieux céphalopodes. La coquille de l'Argonaute est mince ettrans- parente; elle n'est pas moulée sur le corps de l'animal, et n'est pas attachée par des muscles; la cavité inoccupée de la sjiire sert de réceptacle pour les petits crufs déposés en paquets. Ou croit que la coquille est spéciale ii la femelle. Sa fonction est re- lative à la protection et à l'in- cubation des œufs. Elle n'est pas l'homologue des coquilles chambrées ou des coquilles m- dunentaires internes des autres céphalopodes , mais peut être comparée au cocon de la san u 1 Manuel de conchyliologie, ou histoire naturelle des mol- lusques vivants cl fossiles, pur Ici)' S, P. WuomvAiw; tra- duit de l'anglais [ur Aloïs lJuuùWl. Avec 2j planches conte- - --__r.> Fi£- 4. — Ettr.tjc.lus gonintus. sue ou au flotteur de la Janthine. L'Argonaute est pincée dans sa na- celle avec sou siphon tourné du côté de la carène, et ses bras véliforrncs (dorsaux) appliqués étroitement contre les côtés delà coquille, comme dans la figure I, où ils sont toute- fois représentés en partie ré- tractés, de manière à laisser voir le bord de l'ouverture. L'animal nage en chassant l'eau par son entonnoir , et rampe daii= une position renversée, en portant sa coquille sur son dos comme un escargot. Lue autre espèce, appelée Be- lemnoteutliis, n'offre pas moins d'intérêt. Sa coquille consiste en un phragmocone semblable à celui des Bélemnites ; une plume cornée dorsale, avec de vagues rubans latéraux et un mince rostre fibreux, ayant deux crêtes divergentes sur le côté dorsal. L'animal est pourvu d« bras et de tentacules de longueur presque égale, munis d'une double série alterne de crochets cornés, nanL 570 figures et 207 gravures dans le (esle. — Paris, Y. Stvy, éditeur. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 110 LA A AT U RE. formant de 20 à 40 paires sur chaque bras ; le manteau est libre dans le tour; les nageoires sont grandes et médio-dorsales. La classe des gastéropodes nVst pas moins riche, que celle des céphalopodes; elle est étudiée dans la troisième partie do l'œuvre de M, 'Woodwai'd, dont la première est consacrée à des généralités sur les mollusques en général, et sur la récolte des coquilles ha ligure T> icpésente l'aspect du doJ'mmperdix, coquille ventrue, qui porte dus côtes spirales, et qui so trouve en abondance dans la plupart des rivages : on la rencontre dans la Méditerranée, àCeylan,en Chine, en Australie, et dans l'océan l'acifique. La figure 4 reproduit l'aspect d'un Encychts, ainsi nommé du grec en-kukfas, en cercle, par allusion aux nombreux plis ou amicaux de la spire et de. la base. La surface de cet le coquille est ornée do nodosi- tés et de plis longitudinaux; l'ouverture est ovale et anguleuse dans la partie .supérieure. C'est ainsi que, dans l'ouvrage, si patient, si com- plet de M, Woodward, chaque espèce est décrite avec soin, avec exactitude, d'après des naturalistes consciencieux. Comme le dit l'auteur, « chaque créature vivante a son histoire particulière, chacune a ses caractères propres qui servent à la distinguer des Êtres voisins; chacunea sou territoire, sa nourri- ture spéciale et son rôle à jouer dans l'économie de la nature. » CHRONIQUE Observation suri urine ninmonlAftile. — 11 est un accident que les chirurgiens minutent beaucoup, car il apporte presque toujours aus opérations des ^implications dangcrcu-.es. C'est l'apparition, d'ailleurs très-fréquente, du carbonate d ammoniaque dans l'urine, qui est rendue ainsi fortf ment alcaline. M. le professeur Gosselin a soumis ce phénomène i une étude dont les résultats pratiques pa- raissent avoir une teês-haulc importance. Elle montre, m effet, que les complications dont il s'agit, sont causées par les altérations que le liquide alcalin communique aux tis- sus lésés en contact desquels il se trouve. On les fait dis- paraître en ramenant le liquide à la neutralité, ou même en le rendant acide, et cela s'obtient aisément eo adminis- trant, sous ferme de tisane, de l'acide beiiïoïquc en' sus- pension dans l'eau. Cet acide, transformé dans l'organisme en acide. hippurique, passe dans l'urine et (lie l'ammo- niaque qui s'j trouve en excès. Dès lors, les opérations chirurgicales, si dangereuses précédemment, peuvent être réalisées impunément. Bien plus, l'urine, qui, alcaline, était mortelle aux animaux dans les veines desquels on l'injectait, peut, une fois neutralisée, être supportée sans accident. Deux naufrages successirs. — Le steamer Per- sévérance ajanl sombré en mer à la fin de novembre, a perdu tout son équipage, sauf un matelot, qui est parvenu à se soutenir au milieu de l'épave, et onze marins recueil- lis par un navire norvégien. Ces malheureux ont clé nus à terre à Christiania. Le consul de France les a dirigés sur Hambourg, où ils se sont embarqués à bord de la Margue- rite, vapeur faisant le service du Havre. Malheureusement, ce navire a sombré pendant la grande tempête du 1 5 au 1 7, et l'on n'a plus de nouvelles des hommes embarqués à bord. Ils ont tous péri, avec les vingt-trois hommes d'équipage de ce steamer. Voici donc deux navires à vapeur français qui, en moins de quinze jours, ont. perdu tout leur équi- page, sauf le matelot sauvé par un vaisseau dont nous ignorons le nom, cl qui avait été recueilli sur l'épave. On a rarement eu d'exemples d'un pareil acharnement du mal- heur. Découverte de mines de Iinnîllc en Srnnie. — Le docteur Adolphe Erdinan publie dans VAfton Bla- det du 27 décembre une longue lettre pour établir qu'il existe dans le nord de la Seanie, dos couches de houille a scz abondantes non-seulement pour pourvoir à tous les besoins de l'industrie nationale suédoise, mais encore pour fournir à une large exportation étrangère. Ces con- clusions sont apjnivées par une déclaration formelle du professeur NorJcuskiold. C'est avec la plus vive satisfaction que nous enregistrons cet accroissement de richesses des notions Scandinaves. Itiillfiin quotidien du service, des signaux météorologiques en Amérique. — Le gouverne- ment des Etals-Unis vient d'accorder à la météorologie, une dotation annuelle de t,i!.ju\00(t francs, ce qui nous permet d'affirmer que le service dirigé par le général Myerva prendre, sous l'habile direction de cet officier, un développement bien plus grand que celuiqu'ilnreçu jusqu'à ce jour. Actuellement le réseau se compose de. 711 stations dans lesquelles les observations sont faites trois fois par jour. Elles sont immédiatement transmises au bureau central de Washington, où elles sont concentrées et mises en ordre. Séance tenante, on rédige des probabilités, qui sont télégraphiées aux stations intéressées, Ce résultat des fiits observés est également recueilli et publié en même temps, de manière que. la comparaison est faite par le lecteur sans aucune difficulté. C'est seulement ainsi que la science peut progresser ; sans cela les prédictions restant en l'air et ne se rattachant à rien n'excitent aucun inté- rêt scientifique. Les carpes jaunes du Jardin d'acclimata- tion. — lin certain nombre de carpes jaunes, si recher- chées par leur jolie rube et leur bonne chère, viennent d'être envoyées au Jardin d'acclimatation, par M. B. Rico, qui donne en même temps quelques détails à leur sujet. Celte jolie carpe, dit M. Rico, vit bien dans les eaux cou- rantes à basse température, mais elle se développe mieux dans les eaux troubles. Elle se nourrit de toutes les ma- tières animales et végétales ; h viande hachée, et délayée est un excellent aliment qu'elle préfère â tout autre. le nouvel Atlienneum autrichien. — Une créa- tion destinée à survivre à l'Exposition universelle du Vienne it à en consacrer, pour ainsi dire le souvenir, scral'Athe- meum, établissement nouveau fondé dans l'intérêt et pour l'instruction des ouvriers et des petits artisans. Cet éta- blissement, créé sur le modèle du Conservatoire, des arts et métiers de Paris et du Musée de l'industrie deBruxelles, sera installé au centre dis quartiers industriels doNcuhau, Schotï'-'iifeld, ilariahilf, etc. Les objets quebeaiicoup d'ex- posants ont abandonnés lui seront remis. On y trouvera des séries de dessins, de modèles, d'instruments, de ma- chines et d outils, des collections d'échantillons de matiè- res premières et de produits entièrement ou seulement à demi fabriqués. L'Alheiucum autrichien sera pourvu d'une Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATUHE. lit bibliothèque, à laquelle le directeur de l'Exposition, baron de Schwarzenborn, a déjà fait don d'une collection ras- semblée par lui depuis 18io el qui a pour objet les expo- sitions universelles. Cette bibliothèque naissante compte déjà 3,412 volumes ou 2,205 ouvrages. L'établissement dispose d'un capital de 115,618 florins. (Moniteur belge.) L« neige en Italie. — L'hiver, qui jusqu'ici est si dénient eu France, s'annonce tout différemment chez nos voisins transalpins, Le 29 décembre, vers 8 h. 1/2 du malin, une neige très-abondante a couvertes rues de Na- ples, sur le Corso Vittorio-Emuianuele, et dans d'autres parties de la ville haute. Tout le monde était émerveillé de ce spectacle si peu usilé dans ces parages. La Nazione de Florence constate qu'il a soufflé un vent formidable qui a produit de très-grands dégâts dans la ville et les fau- bourgs. Une quantité de lanternes ont été renversées. Beaucoup de cheminées se sont mises à voltiger dans Imi- tes les directions. Heureusement il n'v a pas eu de mort d'homme à déplorer. Falsifications du thé en Chine. — Le docteur Hassall a procédé récemment à des expériences qui dé- montrent que le thé est soumis à de grossiers.'mélanges ; sur vingt essais, lit on dans le Courrier des États-Unis, opé- rés avec le thé appelé caper tea, un seul a constaté une qualité pure. Dans tous les autres, on a trouvé ce que les Chinois désignent en leur candide langage sous le nom de NOIYEAU SYSTEME DE HAUT FOL'RLNMU Nous donnons le dessin d'un nouveau système de construction de haut fourneau, qui tend à s'étendre considérablement dans les industries métallurgiques et principalement eu Allemagne. L'auteur de ce sys- tème, M. F. Biittgenbach, directeur des ateliers mé- tallurgiques de Neuss, près DiLsseMorf, eu l'eusse llhén.inc, a lu un rapport sur son invention au dernier meeting de VlnsLàut du fer et de l'acier, dans la réu- nion qui a eu lieu récemment à Liège. La base du haut fourneau est formée de piles en Iniques, reliées par des arebes, comme on le voit sur notre gravure. Les gaz s'échappent en partie par un tube central, et en partie par des ouvertures latérales communi- quant a\ec des colonnes qui servent d'issues infé- rieures et de supports de la galerie. L'expérience, d'après les affirmations de l'inven- teur, aurait prouvé les avantages du nouveau sys- tème. L'économie de dépense première, l'épargne da temps pour la construction, seraient surtout les points saillants du nouvel appareil. La première construction de ce système, à Nouss, remonte déjà à 1 805 ; le fourneau a fonctionné depuis cette époque chaque jour, et jamais il n'aurait nécessité aucune réparation. Il;iut Uiiii'iiûau UulL^eîinaLii. La gravure ci-dessus est faite d'après un modèle de l'Exposition de Vienne, et qui a été acheté par l'É- cole impériale des mines de, Saint-Pétersbourg. Un modèle semblable a figuré à l'Exposition de Paris, en 1807; il a reçu le seul prix qui fit concédé à sa classe et a. été acheté pour le musée de l'Ecole cen- trale. Le Prvjirïétairc-Viéranl : G. Tiesamiiej,. Comble — Typ. cl it^c. rie rjnrm t.Li. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires V 3 4. 24 J A ^ V I !•; R 1874. I.A NATI'P.F. ta LES ASCIEKS OISEAUX DES ILES MASCAREIGiNES I la poci.E l'eau géasie db l'île VACRICr. Do toutes les Lranchns des connaissances humai- .les, la paléontologie est une de celles qui a pris de nos jours le plus vigoureux développement. Celte science, que quelques hommes de génie, comme Léonard de Vinci et Bernard de Palissv, avaient entre- vue, a été réellement fondée, il y a à peine cinquante ans, par Cuvier qui, le premier, restitua, d'après les principes de l'anatomie comparée, les animaux en- fouis dans les plàtrières de Montmartre. Depuis lors, chaque an née, chaque jour, pour ainsi dire, a été rnar- La poule d'eau de i'lle .Maurice, d'après Léguât. que par une découverte. Suivant la voie si brillamment tracée par notre grand naturaliste, des savants comme MM. d'Orbigny, Desbayes, Barande, Lartet, Alphonse Milne-Edwards, Gaudry, Gervais, fleer, de Saporta, I krmann de Meyer, et tant d'autres que nous poumons ciler, se sont adonnés, avec une véritable passion, à l'étude des espèces fossiles, les ont comparées aux animaux et aux plantes de la nature actuelle et ont déduit de cette comparaison des notions précieuses sur la disposition du sol, le climat et la répartition ï" amii'c — 1" stinesLrt. des êtres organisés aux époques antérieures à la notre. Ces naturalistes ont reconnu que la faune et la flore des diverses régions du globe se sont profondément modifiées depuis les temps anciens jusqu'à nos jours, mais que, en général, ces changements se sont opé- rés d'une manière plus ou moins graduée, certaines formes subsistant encore dans une contrée alors que, sur d'autres points elles avaient déjà complètement disparu ; enfin ils ont démontré d'une manière irré- futable que des espèces animales, aujourd'hui tota- 8 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires m LA NATURE. 1 liment éter.ites, ont i'té contemporaines des premiers hommes, que quelques-unes J'entre elles se sont perpétuées jusqu'à une date relativement récente et ont été les victimes non-seulement d'autres espèces plus carnassières, mais encore et surtout de l'espère humaine qui, dans tous les temps et dans tous les pays, s'est toujours signalée par sa rage de destruc- tion. Ces faits étant bien établis, les paléontolo- gistes ont été conduits naturellement à consulter les traditions des différents peuples et les récits des anciens voyageurs, et plusieurs lois, à leur grande satisfaction, ils y ont trouvé des renseignements précis concordant exactement avec les données four- nies par l'étude des oîsoineuLs qui gisent enfouis dans les couches les plus récentes de l'écoree terres- tre. Les recherches de ce genre, qui exigent à ta fois la sagacité du naturaliste et la patience du biblio- phile, ont conquis de nos jours mie large pince dans les études paléontologiques ; elles ont permis de com- pléter par des détails sur les mœurs, la coloration et le régime, la restauration des espèces dont on ne ' connaissait encore que le squelette, et de prédire en même temps la découverte dans les terrains meubles d'autres espèces dont on ne possède aucun débns ; enfin elles ont fait ressortir le mente trop longtemps méconnu de certains voyageurs et l'exactitude par- faite de leurs observations. Parmi ces voyageurs aux- j quels on a rendu, dans ces derniers temps, une jus '' tice tardive, nous citerons surtout Gilbert deLannoy, qui parcourut la Lithuanio en 1414, Flaccourt, qui visita la grande ile de Madagascar vers le milieu du du-septième siècle, et François Léguât, qui séjourna plusieurs années aux îles ilascareignes, et auquel nous nous pinpostuis d'emprunter aujourd'hui quel- ques détails sur la faune ancienne de l'île Maurice. François Léguât, gentilhomme du pays de. Bresse, . fui obligé de quitter la France après la révocation de l'édit de Nantes, et, comme beaucoup de ses coreligionnaires, chercha un refuge eu Hollande. A son arrivée dans ce pays, en 1689, il appnt que le marquis Duqucsne, d'accord avec la Compagnie des Indes orientales, armait un certain nombre de navires pour transporter à l'île llou.rbim.les émigrés proles- tants et y fonder une colonie. Léguât résolut aussitôt de se joindre à l'expédition. Malheureusement, au lieu de plusieurs vaisseaux, les Hollandais ne purent en envoyer qu'un seul, qui partit du Texel, le4 septem- bre 1690, emportant, outre les hommes d'équipage, onze colons d'origine française, parmi lesquels se trouvaient Léguât et sou frère. Le 3 avril 1(191, le na- vire arriva en vue de Bourbon, mais le capitaine n'y aborda point, on ne sait trop pour quels motifs ; il se dirigea vers l'île Hodriguez (appelée alors l'île de Diego-Ruyz) et y débarqua tousses passagers. Léguât et ses compagnons firent un séjour de deux années dans cette terrequi jusqu'alors était restée inhabitée; puis ils construisirent un canot et arrivèrent mou- rant de fatigue à l'île Maurice, où de nouveaux mal- heurs les attendaient. En effet, ils étaient débarqués depuis un mois à peine, sur la côte S.-E., lorsque le gouverneur hollandais les força de se ivndre à sa résidence, située précisément de l'autre càté de File, et de là les exila pendant trois ans sur un îlot rocail- leux, à deux lieues de la côte ; Léguât obtint seul, pourdes raisons de santé, de demeurer quelque temps à l'île Maurice. Enfin, au mois de septembre de l'an- née 169(1, on transporta ces malheureux à Batavia, et ce n'est que l'aimée suivante qu'on se décida à les mettre eu liberté. Léguât et quelques-uns de ses compagnons qui avaient survécu à tant d'infortunes se rendirent immédiatement en Angleterre, et c'est là que notre voyageur publia, en 1708, le récit de ses aventures, qu'il dédia à Henry de Grey, marquis de Kent. Cet ouvrage, en deux volumes in-12, dont on fit la même année une traduction en anglais, est aujourd'hui assez rare; il est rempli de détails cu- rieux qui prouvent que Léguât n'était pas seulement un observateur sagace, mais qu'il avait certaines no- tions d'histoire naturelle ; et nous devons regretter vivement de ne pas posséder les mémoriaux que, comme il nous l'apprend lui-même, il avait cachés dans un tronc d'arbre, à l'île Rodrigue/. Du reste, l'ouvrage qui est parvenu jusqu'à nous présente tous les caractères désirables d'authenticité, puisqu'il n'a pas été écrit de souvenir, mais composé au moyen de notes prises sur les lieux mêmes, au jour le jour, et de dessins exécutés d'après nature. D'ailleurs, plu- sieurs des observations de Léguât ont pu être vérifiées dans ces derniers temps, et, tout récemment, sa des- cription du Solitaire a été confirmée pur les décou- vertes de M. K. Newton à l'île Rodrigue/. Aussi pou- vons-nous accepter sans restrictions ce qu'il nous dit d'un oiseau gigantesque qui habitait les mêmes régions, quoique, jusqu'à présent, maigre les plus ac- tives recherches ou n'ait pu découvrir encore d'osse- ments de cette espèce, ni dans les tourbières, ni dans les terrains meubles. Dans l'île Maurice, dit Léguât, » on voit beaucoup de certains oiseaux qu'on appelle « Géants, parce que leur tète s'élève à la hauteur « d'environ G pieds. Ils sont extrêmement haut mon- « tez, et ont le cou fort long. Le corps n'est pas plus « gros que celui d'une oyc. Ils sont tout blancs, ex- il cepté un endroit sous l'aile qui est un peu rouge. « Ils ont un bec d'oye, mais un peu plus pointu, et « les doigts des pieds sont séparés et fort longs. Ils « paissent dans lieux marécageux, et les chiens les « surprennent souvent, à cause qu'il leur fautbeau- « coup do temps pour s'élever de terre. Nous en vî « mes un jour un à Rodriguez et nous le prîmes à « la main tant il était gros: c'est le seul que nous il y ayons remarqué , ce qui me fait croire qu'il y « avait été poussé par le vent, à la force duquel il « n'avait pu résister. Ce gibier est assez bon. » Cette description est accompagnée d'une figure que M. Schlegel a reproduite dans un mémoire excellent intitulé: Remarques sur quelques espèces éteinte* d'oiseaux yiyanlesques des îles Mascareignes '. Le \ 1 Verslagen e.n Mederfelingen der ktmaiglijke Akadenite ran W'ctcnschappen, deel VII, p. 110, 185ti. — /ftitfg^vril iStili. — Ann. se, liât., 1SC6, p. 28, t. VI, 5*E«rie. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATUP.K. 115 savant directeur du Muséum des Pays-Bas a essayé, en nit'ine temps dans un croquis au trait, de modifier ce que le dessin de Léguât lui semblait présenter de défectueux, tant au point dp, vue du dessin que de la vraisemblance. Néanmoins, dans !a planche que nous publions aujourd'hui, nous avons préféré con- server â la figure donnée par le vovageur toute sa naïveté. Qu'était-ce exactement que le Géant de l'île Mau- rice? Les ornithologistes modernes ont émis à son sujet des opinions bien différentes. Hamel veut le faire rentrer dans le groupe des Autruches, avec le solitaire de l'île Rodriguez. Striekl.md pense que c'est un Flamant, « malgré l'aspect de cigogne que présente la figure donnée par Léguât, d M. Schlegel croit, au contraire, que c'est une Poule d'eau, et il donne à l'appui de sa détermination des raisons qui nous paraissent très-convaincantes. Le Géant pré- sente, en effet, avec des dimensions beaucoup plus considérables, l'aspect de ces oiseaux échassiers qui vivent au bord des marécages ou des cours d'eau, qui nichent au milieu des joncs, et dont notre poule d'eau ordinaire (Gallimtla chloropus L.) peut être considérée comme le type 11 a, comme eux , les doigts extrêmement longs, les plumes de la queue dressées (et non pas tombantes comme chez ies Autruches) et la mandibule supérieure, autant qu'on peut eu juger par la figure, prolongée eu une plaque arron- die au-devant des yeux. Enlin Léguât nous apprend que le Géant était un qibier astez bon, et tout le monde suit que les chasseurs ne dédaignent pas la roule d'eau ordinaire, et regardent le Râle comme un gibier fort délicat. Mais le groupe des Poules d'eau, uu la famille des Rallides, comprend un certain nom- Lire de types qui, tout en ayant la même physionomie générale, diffèrent par des particularités aiiatnmi- ques assez importantes : tels sont, par exemple, les foulques OU Morclles, les Râles proprement dits, les Porphyrions ou Poules sultanes, et les Poules d'eau vulgaires ou Galliuules. En procédant par voie d'ex- clusion, M. Schlegel croit pouvoir affirmer que le Géant se rapprochait particulièrement de ce dernier type, car l'oiseau figuré par Léguât n'a pas les doigls bordés de membranes festonnées comme les Foulques ; il semble offrir sur le front une plaque nue qui n'existe pas chez les Râles, et il a les narines plus allongées et le bec plus aplati que les Porphyrions, qui ont d'ailleurs, comme le nom l'indique, un plu- mage bleu ou violacé, tandis que le Géant était d'un blanc pur, avec une tache ro;ée sous l'aile. Cette co- loration blanche est fort rare dans le groupe des Poules d'eau, qui sont en général d'une teinte brune plus ou moins foncée ; elle se retrouve cependant dans une espèce, sinon du même genre, au moins du même groupe, qui a été désignée par Latham sous fà nom de Gullinuia alla, et par d'autres auteurs sous le nom de Talève blanc, et qui est Jigurée dans les voyages de I'bilipp et de AVIiite à Botany-Bay. Cet oiseau, dont les musées de Vienne et de Liverpool possèdent chacun un exemplaire, et qui a sans doute complètement disparu, vivait jadis dans les îles de Lord-Howe et Norfolk, dépendant de la Nouvelle-Hollande. Mais ce qui distinguait essentiellement le Géant non-seulement de nos Râles et de nos Poules d'eau, mais île la plupart des oiseaux de marais de la faune actuelle, c'était sa taille exceptionnelle, plus élevée que celle d'uu homme. La hauteur de l'oiseau était due principalement à la longueur du col et au déve- loppement extraordinaire des pattes, le corps dont les dimensions ont sans doute été exagérées dans le dessin de Léguât, ayant eu à peu près, comme l'au- teur nous le dit expressément, le volume du corps d'une Oie. L'oiseau devait, par conséquent, courir avec une grande facilité, sans enfoncer, sur la terre vaseuse des tourbières, niais il volait assez mal et ne s'enlevait qu'avec une grande difficulté. C'était probablement, comme les Poules d'eau de nos pays, un animal sédentaire, qui trouvait en abondance au- tour de lui les insectes, les graines et les herbes aquatiques dont il faisait sa nourriture. Cependant Léguât rapporte, comme nous l'avons dit [dus haut, qu'il a tué un de ces oiseaux à. Rodriguez. Ou est donc conduit à se demander si la même espèce, ou quoique espèce Irès-voisine, n'a pas vécu également à Buurbon, cette île ayant dans sa forme beaucoup de tiaits commuas avec Rodriguez et Maurice et formant avec elles un groupe naturel. Cela est fort probable, car le marquis Duqucsne, ancien lieutenant général du royaume de France, celui-là mèmeauquel était dû ce projet de colonisation de Bourbon, par des émi- grés calvinistes, mentionne des Géants parmi les oi- seaux de cette île, dans un livre que Léguât cite fré- quemment, mais que malheureusement nous n'avons pas eu sous les yeux. « Les Géants, dit Duquesneduiis « un passage cité par Léguât, sont de grands oiseaux « montés sur des échasses, qui fréquentent les n- (i vières et les lacs, et dont la chair est à peu près a du goût de celle du Butor. « Peut-être même les Passe-flamants, dont parlent quelques autres auteurs, comme Herbert, llarry, Dellou, étaient-ils des restes de Géants; mais cela est beaucoup plus douteux, et il est très-possible que de véritables Flamants aient émigré de Madagascar aux îles Mascareignes. Quoiqu'il eu soit, il est parfaitement établi qu'il y a eu, sinon dans toutes les îles Mascareignes, au moins à 1 île Maurice, un oiseau de marais de grande faille, appartenant probablement au genre Gallinule ou Poule d'eau. Cet oiseau, que M. Schlegel propose de désigner sous le nom de Galiinula [Lerjuatid) gigantea, vivait probablement dans les régions maré- cageuses de l'intérieur de l'île que Léguât et ses compagnons furent obligés de traverser, et ne se trouvait point sur la côte S.-të. où le terrain était pierreux et stérile. C'est dans cette dermèrepai'tiede l'île qu'abordaient en général les navires, et cette circonstance nous explique pourquoi van Neek et ses successeurs, qui parlent du Dronfc, ne disent pas un mot du Géant. Cotte espèce du reste a probablement été détruite très rapidement, et les colons hollandais, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires ne LA NATURE. qui, du temps do Léguât, chassaient déjà les Géants avec des chiens, ont dû les anéantir quelques années après le départ du voyageur français. Moins d'un siècle auparavant, deux autres oiseaux des mêmes régions, le Dodo et la Fulica Rewtoni, dont il a été question très-fréquemment depuis peu , s'étaient éteints de la même manière, et. avaient été probablement comme lui, victimes de l'homme et des mammifères carnassiers. D'autres contrées ont perdu également des types remarquables de leur faune; Madagascar n'a plus d'Epioruis; les Dinornis de la Nouvelle-Zélande et le Solitaire rie l'île Rodrigucz ne sont plus connus que par leurs ossements; de nos jours même, le grand Pingouin, malgré la rapidité avec laquelle il nage, et malgré le goût désagréable de sa chair, aura bientôt passé à l'état de mythe, le Casoar et l'Autruche auraient depuis longtemps disparu s'ils ne vivaient, dans des plaines d'un accès difficile ; et, sans aller aussi loin, sans sortir de noire pays, nous voyons les grandes Outardes qui se. trouvaient autrefois par millier» aux environs de Chàlons-sur-Marne n'être plue représentées que par quelques couples nichant près de Suippes, de Jouehery et du camp d'Attila! Ainsi s'éteignent successivement les espèces aux for- mes bizarres, aux proportions gigantesques qui sem- blaient dater d'un autre âge, et qui, à ce titre, auraient mérité d'être conservées lors mêmequ'clle n'auraient pu rendre de services directs et matériels. Aussi est- il plus que temps que les gouvernements mettentfin à cette destruction aveugle et, par des règlements sévères, sauvegardent l'existence, non-seulement des espèces utiles, mais de celles qui présentent un inté- rêt réel au point de vue scientifique. E. 0. LA GRANDE PYRAMIDE D'EGYPTE 11 y a 2500 ans que Hérodote décrivit pour la pre- mière fois les Pyramides d'Egypte. Depuis vingt-trois siècles, on les a examinées, mesurées, fouillées dans tous les sens, et l'on ne sait guère mieux qu'au dé- but quel était l'usage ou la destination de ces prodi- gieux monuments. Lorsque le père des historiens grecs visita l'Egypte, le peuple avait perdu le souve- nir des traditions religieuses ou politiques auxquelles se rattachaient ces constructions. Bien plus, il paraît probable que toutes les petites pyramides, groupées autour de la plus grande ou dispersées en d'autres parties de la vallée du Nil, ne sont qu'une copie im- parfaite de celle-ci. Elles ne sont, ni construites avec tant d'art, ni percées d'autant d'ouvertures et de con- duits souterrahiB, comme si elles avaient été l'œuvre d'une époque relativement récente et d'architectes ignorants des vieilles doctrines. La grande Pyramide de Djîzeh est donc la seule que l'on étudie en détail et celle que l'on cherche à interpréter avec le plus de soin. Les savants modernes ont remaniéj comme on sait, toute la chronologie des anciennes dynasties égyp- tiennes. Us prétendent que la grande pyramide re- monte, pour le moins, à 4,500 ans avant Jésus-Christ. Quelle que soit l'antiquité de cette montagne factice, il est certain qu'elle a traversé les siècles sans pres- que subir d'altération. La masse en est si énorme, les pierres dont elle se compose sont si volumineuses, que les intempéries atmosphériques et la main des hommes en ont à peine excyrié la surface. Tout au plus constate-t-on, eu y regardant de très-près, que certains mouvements du sol ont dérangé quelques aplombs et fendillé le roc sur lequel elle repose. Yeut-on se faire une idée de la masse imposante de ce monument? Il a 140 mètres de haut, et chaque côté mesure à la base 239 mètres do long. Yoluev, l'un des premiers vovageurs français qui en ait parlé de visu., le compare à l'hôtel des Invalides vu du (]ours-la-Reiue, avec cette différence que, la longueur étant la même, la hauteur dépasse le dôme des deux tiers, et que le massif est plein, régulier sur chacune de ses quatre f;ices, n'offrant à l'extérieur qu'un im- mense talus disposé par gradins. On a mis en avant toute sorte d'hypothèses pour expliquer la grande Pyramide. Les uns voulaient que oc fût un tombeau, et faisaient valoir que les Égyp- tiens ont toujours enterré leurs morts avec une ma- gnificence extrême; mais, si somptueux qu'aient été leurs mausolées, celui-ci dépasserait vraiment tonte mesure; d'ailleurs il y a des détails de construction, des rapports de grandeur bien étudiés en diverses parties, qui prouvent que l'architecte a eu eu vue de faire autre chose qu'une sépulture. D'autres ont prétendu que c'était un observatoire pour étudier les astres; mais on leur a répondu que sur le ciel clair et sur le terrain presque plat de l'E- gypte, il était bien inutile d'élever un observatoire d'une si grosse masse et d'une si grande hauteur. Suis doute les Égyptiens, qui furent quelque peu astronomes, comme tous les peuples pasteurs, ont combiné les lignes magistrales de la pyramide de Djizeh suivant certaines données astronomiques ; cela ne suffit pas à expliquer le monument tout entier. Est-ce un temple consacré, selon des rites oubliés, à des dieux inconnus? Serait-ce peut-être le moyen de perpétuer les mesures de longueur dont ou se servait alors, et de traduire sous une forme immuable les problèmes scientifiques que les savants de cette anti- quiLé primitive avaient résolus? Un savant de nos jours s'est attaché avec obstination à cette dernière hypothèse. M. Tiazzi Smith, astronome royal d'Edim- bourg, a mesuré la grande Pyramide en tous sens avec les instruments de précision dont il a l'habitude de faire usage dans sou observatoire. La figure 1, qui donne uue coupe verticale du monument, est le ré- sultat de son travail. Quelques explications, outre la légende, feront comprendre d'abord quelle est la forme réelle de l'édifice et ce que l'on a trouvé dans l'intérieur jusqu'à ce jour. La base de la pyramide est un carré parfait, de 239 mètres de eôtéauraz du sol. Les faces sont également Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 117 inclinées et forment avec la base un angle assez dif- ficile à mesurer sur place, à cause des inégalités de la surface; M.Piuzzi Smith le ïixe, d'après ses propres évaluations, à51° 51'. Elle est bâtie en énormes pier- res d'un calcaire blanchâtre, sauf quelques revête- ments que l'architecte a faits en granit, probablement, d'après un plan préconçu. Sur la face septentrionale, à une faible hauteur au-dessus du sol, s'ouvre un pas- sage étroit A, incliné sur l'horizon de 26° 18', qui mène à une chambre souterraine 0, bien au-dessous -du sol naturel. Un autre passage 1), de la même in- clinaison en sens contraire, mène d'abord, par une galerie horizontale, dans la chambre de la Reine F; puis, plus haut encore, et au cœur même de la py- ramide, dans la chambre du Roi K, où il existe un coffre en pierre. Deux conduits latéraux M et N ser- vaient à ventiler cette chambre. Au-dessus, plusieurs voûtes plates en granité L paraissent n'avoir eu d'au- tre objet que de diminuer la pression sur le plafond de eelte chambre assez vaste. Enfin un puits oblique P conduit du passage D au passage A. La chambre du Roi — ainsi qu'on l'appelle aujour- d'hui sans que ce nom ait peut-être aucun rapport avec sa destination primitive — la chambre du Roi a .Yvrtf ' ft'ioetut tfr tri tner Fshplle- Pu /uclJrj y. g 1 — Coupe verticale de la grande Pyramide, i. Passade d'entrée. - - R Trou d'.M Mamoun. — G. Pierre d'angle. — D. Passade supérieur. — E. Passage horizontal. — F- ^J 1 ^ 11 ^ de lu Keine. — G, Cnmde galerie. — II. Antichambre — I. Coffre. — K. Chambre du Roi. — L. Chambre lie construction, nau* de ventilation. — 0. Chambre souterraine. — P. Puits oblique — 0. tissures darib k rocher. -H N. Ca- • X. Eicavaliou de Howard Vjse. mérite une attention particulière. Elle mesure i0 ,n , 41 de long, 5'", 08 de large et a m ,%i de hauteur. La fin-. 2 montre combien la construction en tst compli- quée. Les pierres de granit polies dont elle est gar- nie sur foutes ses faces ont des dimensions cyelo- péennes ; quelques-unes des piètres calcaires inter- posées entre les assises supérieures portent des iiié.rofilvphes se rapportant aux rois de la quatrième dynastie. On voit sur le dessin diverses excavations que ries explorateurs ont creusées, dans l'espoir de découvrir de nouveaux passages. La première des chambres supérieures conserve le nom de Davison, un consul anglais du dix-huitième siècle ; les autres chambres ont été découvertes par le colonel Howard. Le coffre qui repose sur le sol de la chambre du lloi serait, selon les uns, un sarcophage, et selon les au- tres une mesure decapacité. Il est malheureusement fort entamé sur l'une de ses faces, parce que les touristes ne manquent guère d'en détacher un frag- ment pour l'emporter en guise de souvenir. Aux quatre coins extérieurs de la pyramide, les explorateurs modernes ont déterré des pierres d'an- gle fort volumineuses qui déterminent probablement le niveau primitif du sol. Tout au pourtour, des dé- bris récents se sont amassés, en sorte que les pre- mières assises sont enterrées. L'extérieur de la pyra- mide se présente actuellement sous forme de gradins très-élcvés, oùl'on ne grimpe pas sans peine. M. Piazzi Smith se croit en mesure d'assurer qu'il y avait jadis un revêtement plat en petits matériaux dont il a re- présentées limites sur le dessinparun trait ponctué. Ou fut longtemps à ignorer qu'il y eût des galeries Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 118 LA NATUIiE. à l'ititt'rJeui'. L'un des souverains turcs de l'Egypte, le sultan Al Mamouu, fit creuser en 11 une excavation qui amenai;.! découverte delà galerie A et des autres caveaux. Plus tard, un Anglais, le colonel Howard Yyse, découvrit les canaux de ventil;it : on M et N F et les chambres L superposées à la chambre du Hoi K. 11 fit de plus creuser une excavation en X sur l.i face méridionale, mais sans résultat. Depuis quelques an- nées, le gouverne- ment, du khédive in- terdit aux touristes et aux archéologues de l'aire aucune dé- gradation dans cet anti(|iie éd fiée. 11 se réserve de diriger lui-même toutes les recherches que hi science pourrait ré- clamer, et ceux qui savent avec que! ta- lent M. Mariette, l'explorateur olficicl des antiquités égyp- tiennes, exécute les travaux de ce genre, no peuvent qu'ap- plaudir à celle ré- serve. La vallée du Ml est si rii lie en débris du pastéqinl se passera peut-être encore bien des an- nées avant que l'on entreprenne une nouvelle et défini- tive exploration des pyramides. Après avoir étu- dié, jaugé, mesuré la grande Pvramiile tant à l'inté- rieur qu'à l'extérieur, il. l'ium Smith en est venu à [ lire, prétendre que c'est un édifice unique dans le momie, construit par des ouvriers que Dieu inspirait , pour conserver à perpétuité, au centre du la terre habitable, au point de croi- sement de toutes les grandes routes commerciales du globe, les poids et les mesures révélés au genre hu- main dès les premiers temps que l'homme appui ut sur 1a terre. Cette curieuse hypo- thèse, ou le conçoit, s'appuie sur des preuves si lé- gères qu'on peut la tenir en suspicion ; mais M. l'iazzi Smith, outre cette théorie bizarre, signale des coïn- cidences extraordinaires entre les proportions ■ S -*■ H $%r>, ■ - - l'i;; t. — L:i tliamljic tlu roi. La hauteur est, avre la moitié de la diagonale de ba*c, dans le rapport de 9 à 10, ce qui semble une intention d'indiquer le système décimal ; La hauteur est, avec le double d'un côté de la base, dans le rapport de 1 à 5,1129, ce qui exprime le rapport du diamètre à la circoisf'éreueed'un cercle d'une façon presque exacte. L'antichambre H qui précède la cham- bre eu Hoi est pavée en partie en pierre calcaire et pour le reste en granit. Sui- vant il. P. Smith, la longueur du gra- nit est exprimée par ■ le nombre I Ori,ct la longueur totale de la chambre P' 11 ' le nombre lltj/Jtî. Quel est le rapport entre ces deux nom- bres? 111J,'2G est le diamètre d'un cercle dont la surface est 10,616, et 1(13,00 cstle côté d'u n carré dont la surface est aussi 10,016. Ainsi la pyramide con- tient sous [orme ma- térielle une expres- sion de la quadra- ture du cercle. Ce n'est pas [oui : ce même chiffre 116,26 multiplié par 3,l4lu, rapport de la circonférence au diamètre d'un cercle , donne j'J.j,2i, nombre exact des jours contenus dans l'au- n, pour ne pas trop nous étendre, citons une dernière coïncidence. Si l'on conçoit un triangle rectangle tel qu'en abaissant deux fois une per- pendiculaire du sommet sur l'hvpo- téuuse, il en résulte deux petits triangles égaux, le plus grand angle de ces triangles rectangles (fig. 5) i, est de 51° .19', ce qui se rapproche de très-ores de l'angle des pyramides. Ces coïncidences sont singulières sans contredit, surtout s'il est bien vrai que les observateurs ne se soient pas laissés aller à corriger des clufires eu vue ! I de d'obtenir un résultat voulu. Mais en faut-il conclure tout de suite que les architectes inconnus de la la pyramide et certaines données scientifiques. Eu ! grande Pyramide connaissaient la quadrature du cer- voici des exemples : ■ cle, le rapport de la cirennlércnce au diamètre, la Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 119 durée exacte de l'année à un centième près? Beau- coup de gens peut-être en douteront encore. II. Blerzï. UN MONSTRE Nons avons parlé récemment de ce monstre nou- veau que M. Dopaul à signalé à l'Académie de méde- cine, et qui consiste en une petite fille, à laquelle est soudée la partie inférieure du corps d'un autre ridant (voy. p. 94). Ce cas exceptionnel a été l'objet de discussions fort curieuses dans une des dernières séances de l'Académie du médecine. Nous croyons devoir reproduire ces débals intéressants, d'après la Gazette lie médecine. C'est M. Ilervieux qui donne lecture d'un rapport sur la monstruosité que M. De- panl a présentée à l'Académie. Il s'agit d'une petite fille de cinq à six ans qui porte accolée à la paroi abdominale la moitié postérieure d'un corps d'en- fant. M. Ilervieux avait été charge par l'Académie d'exa- miner le sujet, au point de vue scientifique ; il vient communiquer les particularités que présente cette singulière anomalie. Dans le cas actuel, il ne s'agit pas, comme on l'a dit, d'une monstruosité par inclusion, mais d'un monstre auquel Geoffroy Saint-Jlilaire a donné le nom de polyméliens, caractérisé par l'in- sertion sur un corps bien conformé d'un ou de plu- sieurs membres accessoires. La partie accessoire ne présente ici ni orifice anal ni organes génitaux; les membres sont inégaux, les articulations aukvlosées, et toutes ces parties n'ont que peu de vitalité et une sensibilité fort obscure. L'union entre ces deux corps se fait, par une soudure à bise large, qui permet pourtant des mouvements assez étendus. Le sque- lette du bassin et des jambes n'est arrivé qu'à un certain degré de développement. Quant aux parties molles, elles ne contiennent ni muscles, ni tendons, ni aponévroses ; elles sont uniquement constituées par une masse graisseuse. Il est aussi plus que pro- bable, que les viscères de l'abdomen font complète- ment défaut. Au point de vue du pronostic, ces monstruosités sont parfaitement compatibles avec la vie; pas de troubles dans les fonctions do 'a vie organique, et la reproduction s'effectue comme à l'ordinaire, sans que le produit de la conception présente aucune anomalie. Le seul inconvénient, c'est la gène que cause dans certains cas le développement exagéré de la partie accessoire. Aussi M. Ilervieux conclut-il pour une opération qui débarrasserait l'enfant d'une infirmité fort gênante. Quant à la cause originelle de cette monstruosité, M. Ilervieux, pour le cas actuel, se rattache à la théorie de l'arrêt de développement avec un double germe dont l'un s'est arrêté dans son évo- lution. M. Larrey cite un cas de ce genre qu'il a montré il y a dix ans à l'Académie des sciences. C'était un homme qui portait une troisième jambe entre les dejx autres; il avait été présenté à la même Acadé- mie quelques jours après sa naissance par Geoffroy Saint-Hilaire. A propos des monstruosités qu'on exhibe tous les jours, M. Larrey croit que l'Académie devrait le faire pour garantir le public des mystifications. M. Eepaul pense que l'Académie ne doit le faire que si elle est consultée officiellement. M. Blot re- grette que M. Ilervieux ait oublié d'examiner l'abdo- men du sujet principal, car, d'après un travail publié en 18(>5 par M. Depaul, on trouve souvent dans l'abdomen du corps principal quelque portion du su- jet, accessoire. 11 y aurait donc lieu d'examiner de nouveau l'enfant à ce point de vue, surtout si l'on veut faire une opération. LES SOURCES DU NIL (Su Ut etlin.— Voy. pares 88 et 103.) Passant sous silence un certain nombre d'expé- ditions, sur lesquels les renseignements ne sont pas encore complets, nous parlerons du plus grand des voyageurs en Afrique, de Livingstone, à qui sem- ble réservée la gloire d'expliquer le singulier régime hydrographique au milieu duquel se trouvent les sources du Nil. Sa longue pratique de l'Afrique, sa connaissance des languies de l'intérieur, son habitude des observations astronomiques en ont fait le plus habile et le plus ardent des explorateurs. D'abord mis- sionnaire dans les contrées qui s'étendent entre la colonie du Cap et le Zambèse, il entreprit de 18 !j3 à i85fi sa première expédition et traversa le premier l'Afrique, do la côte do Mozambique au Congo. Sa seconde course, pendant laquelle il reconnut le Zam- bèse inférieur et découvrit le Nyassa des Maravis, embrasse les années 1858 à 1801. Enfin depuis 18ûn il s'est enfoncé dans l'intérieur du continent. Il se proposait celte fois la reconnaissance du pavs entre le Nyassa des Maravis et le Tauganyika; il voulait achever l'exploration de ce dernier lac, vi- siter enfin les contrées qui le bordent à l'ouest, ainsi que toute la région du nord jusqu'à l'équuleur, et relier ainsi les explorations méridionales à celles qui ont été faites par la vallée du Nil. Après avoir essayé sans succès de remonter la Rovounia, Livingstone gagna les montagnes qui bordent, à l'est, le lac Jla- ravi, dont il contourna l'extrémité méridionale. Mais, sur la rive opposée, une partie de son escorte effrayée l'abandonna et fit courir à Zanzibar le bruit de sa mort. Le voyageur continua cependant sa route et donna de ses nouvelles le 5 février 1807. On n'en eut plus que l'année suivante; elles étaient datées de la ville de Cazembé ou plutôt de Loanda, le 14 dé- cembre 1807. Nous allons résumer rapidement les renseignements très-importants et tout nouveaux qu'elles contenaient. Au nord du lac Maravi, court une vallée formée, au nord, par les collines dX'sango, au sud, par les monts de lioné. Dans celte vallée, qui Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 120 T,A NATURE. s'ouvre de l'est à l'ouest, puis du sud au nord, coule le Tehambezé, longtemps confondu avec le Zambèse, dont il est cependant séparé par la chaîne du Koué. Ce cours d'eau se déverse dans un premier lac, le Bangouéln, en sort sous le nom de Lonapoula, se perd dans un second lue, moins grand que le premier, le Moéro. En sortant de ce lac, la rivière, sous le nom de Loualalru, l'ait un coude énorme dans l'ouest après avoir formé un dernier lac, l'Ouleughé, qui porte ses eaux au Loufira, grande rivière qui coule à l'ouest des lais et se dirige au nord. Qu'est ce que le Loufira? oùva-t-il après avoir reçu les eaux de la chaîne des lacs qui commencent au Baugouélo? Telle est la question qui divise les géographes ; les uns, et Livingstone le premier, veulent y voir la tète du Nil ; les autres, tomme M. Ilelun, de Gotha, veulent en faire la tète du Zaïre, enfui certains autres le rattachent au Zam- bèse. Le peu de place dont nous disposons nous em- pêche d'en Irer dans la discussion de ces différentes hypothèses, et nous nous bornons à expo-ei l'état de la question; mais nous pouvons dire cependant, que la découverte par le docteur Suluvoiufurth d'un La m:iison de Livjn^-tonc à Ûujiji. cours d'eau, coulant de l'est à l'ouest et barrant le chemin au Loufira, semble enlever toute vraisem- blance à la supposition de Livingstone. Nous avons reçu, depuis cette époque, d'autres nouvelles de Livingstone qui n'ont pas ajouté de nouveaux détails à ceux déjà connus ; puis, pendant quatre ans, le silence se fait sur le, voyageur. L'An- gleterre émue organisa à grands frais une expédition qui, par des causes qu'il nous est difficile d'appré- cier, échoua dès sou début, fort heureusement un reporter américain, M. Stanley, avait, dans le cou- rant de 1871, pénétré jusqu'à Udjidji, vu Livingstone et rapportait des nouvelles rassurantes et des lettres du grand voyageur. Le résultat le plus important du voyage de M. Stanley fut sou exploration, avec Livingstone, du lac Tauganyika, dans toute sa par- tie septentrionale. Il constata que le ftouzisi, loin de sortir du Lie, comme on le prétendait, s'y jetait au contraire, ce qui ne serait pas d'accord avec cette affirmation de Baker, que le Taugauyika est une ex- tension de l'Albert iN'yauza. On sait par quels mira- cles de ténacité, de patience M. Stanley a retrouvé le célèbre voyageur anglais. La librairie Hachette vient de publier les impressions de voyage de M. Stanley 1 ; nos gravures sont extraites de ce bel 1 Comment j'ai retrouvé Liuintjïtone. 1 vol. in-8°, iltuslré. h HnclietlectC", 1874. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 121 ouvrage; l'une d'elles représente l'habitutiou de I.i- viugstoiie à Oujiji; l'autre nous montre l'auteur, apercevant du haut d'un rocher le lac Tanganvika, tant désiré, et poussant avec enthousiasme le honrrak hi ironique. Depuis cette époque, l'Angleterre a envoyé en Afrique deux nouvelles expéditions : l'une, sous les ordres du lieutenant Ganievou, a échoué, à peine était- elle débarquée à Bagamovo, en face de Zanzibar; l'autre, sous les ordres des frères Grandy, a débarqué Voyage Je SI. Stanley à, la recherche (la Livingstoiie, — L'uipltirateur apercevant le Tauganyika ,'i Saiiit-Paui-de-Loanda et s'est avancée dans l'inté- rieur; elle compte remonter le Zaïre et arriver, par cette voie, jusqu'à Livingslone. Enfin, l'Allemagne avait également organisé une expédition qui a échoué avant d'avoir même touché les colonies por- tugaises de la cote occidentale d'Afrique. Nous ne pouvons donc point tarder, grâce aux expéditions déjà parties ou prêtes à s'engager dans l'Afrique centrale, à être fixés sur une des questions les plus importantes de la géographie physique. G^bru-xMakcel, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 122 LA NATURE. LES GISEMENTS DE HOUILLE DAHS L'EXTRÊME OUIEiST. La question de l'exploitation des mines de houille est à l'ordre du jour dans le monde industriel ; l'ali- mentation des foyers de machines à vapeur du monde entier consomme chaque jour des masses de char- bon, tellement considérables, que l'on entrevoit dé„à le moment où l'homme n'aura plus à sa disposition, cet élément précieux de force, motrice, ce pain quo- tidien de son industrie. Par quels moyens saura-t-it remplacer le com- bustible des houillères? C'est ce que nul ne saurait dire aujourd'hui ; mais il semble certain, d'après les investigations de quelques voyageurs, que le cri d'alarme jeté par les statisticiens est prématuré. Nous ne connaissons pas encore bien les richesses houillères de l'écurce terrestre; chaque jour des in- vestigations nouvelles, faites dans des régions loin- taines, ouvrent à l'industrie des horizons remplis de promesses pour l'avenir. Les pays inexplorés, les ré- gions inconnues renferment peut-être des gisements capables d'alimenter pendant des siècles les machi- nes humaines. La Chine vient d'être notamment ex- plorée sous ce rapport, et ce vaste empire se présente désormais comme un véritable grenier d'abondance de charbon; ce sont des trésors que des voyageurs anglais y ont rencontrés, trésors sinon inépuisables, du moiusj aptes à retarder singulièrement l'heure fatale M. Gay-Lussae, lieutenant de vaisseau, vient de publier d'après les documents récents, un fort curieux travail sur les ressources immenses que l'in- dustrie peut emprunter à la Chine, au point de vue du combustible houiller. Nous empruntons à cet officier distingué les documents d'un si haut intérêt qu'il a si bien su mettre en évidence. Les gisements du Céleste-Empire couvrent une surface de 400,000 milles carrés, environ 33 fois la surface de ceux d'Angleterre et qui ont sufli pour faire de celle-ci la maîtresse du monde par ses pro- ductions. La grande, province de Hunan a un gisement qui occupe une étendue de 21 ,700 milles carrés. La province de Hunan possède deux couches distinctes de houille, l'une, du houille bitumineuse, et l'autre d'anthracite.; cette dernière est favorablement située pour le transport par eau; elle couvre une surface égale à celle dus gisements de Pennsylvanie et donne de l'anthracite de la meilleure qualité. La province de Shausi possède un gisement de 30,000 milles carrés, et peut fournir le monde entier pendant des milliers d'années, même en tenant compte de l'aug- mentation rapide de la consommation actuelle. L'épaisseur des filons varie de 12 à 50 pieds; la profondeur du gisement est d'environ 500 pieds, et les terrains offrent de grandes facilités pour creuser des mines. Une grande quantité de minerai de 1er augmente encore la richesse de cette grande province. D'après le baron Richthofen, les Chinois n'emploient qu'une espèce de minerai de ter (un mélange de mi- nerai de fer argileux et de spath combinés avec du carbonate de chaux et de la sanguine), qui se trouve en blocs irréguhers au milieu de calcaires inférieurs à la formation de la houille. Tous ces matériaux sont d'une facile exploitation ; les quelques centaines de pieds de terrain houillers fournissent on premier lieu un minerai de fer d'une grande pureté, riche en métal et facilement fusible ; en second lieu, toutes sortes d'argiles et de sable, propres à la confection de creusets, moules, etc. ; en troisième lieu, un ex- cellent anthracite. 11 peut paraître étrange, que, possédant tous ces avantages au milieu dune population de 200 mil- lions d'habitants d'un caractère industrieux, ordonné et âpre au gain, les gisements de charbon de la Chine aient été si peu exploités. Ou en fait un com- merce sans importance dans la province deSzechuen, dans la province Nord de Chili et en Maudchouric. La province de Hunan produit, suffisamment de char- bon pour approvisionner tous les marchés situés à proximité de rivières ou canaux, mais, étant établi que la Chine possède plus de charbon qu'aucun pavs du monde, elle est eu ce moment un vaste entrepôt de charbon et de fer. Les raisons de ce curieux état de choses sont de deux sortes ; premièrement l'ex- ploitation est très-pénible, et en même temps peu productive; les puits ne sont pas perpendiculaires, mais bien inclinés à 45° et offrant 400 à 500 pied:! de long. M. Adkins, consul anglais à Newchang, golfe de Pécliili, raconte que les hommes portent le mi- nerai sur leurs épaules, dans des marines pendues aux deux extrémités d'une perche placée sur leur épaule gauche. Les galeries ont environ 7 pieds de haut et autant de large; elles sont soutenues par des planches que maintiennent des étais de chaque côté, et le passage est couvert en planches formant des degrés que le mineur saute les uns après les autres en s'aidant d'un bâton courbé qu'il porte dans sa main droite. Ces procédés primitifs d'extraction ne sont rien, comparés aux difficultés des transports. Les districts à charbon, d'après M. Adkins, ne sont pas à plus do 100 milles dans l'intérieur. Le prix du charbon, rendu à Newehaiig, augmente de ."il shil- lings et demi à 49 shillings et demi par tonne. La qualité est excellente, mais le prix effrayant, et les difficultés du transport entre les mines et Yang-Tze, le port de Newchaug, sont telles que ce port n'a aucune chance de devenir un entrepôt do charbon, pour les vapeurs, entrepôt bien nécessaire dans les mers du Nord. La dynastie tartare, les guerres civiles, et les rè- glements d'une bureaucratie immuable, sont de fai- bles obstacles aux progrès en Chine, si on les com- pare à l'absence complète de routes. Le célèbre sys- tème de canaux, dont on a tant parlé, est confiné dans le bassin inférieur du Yang-Tze. Dans cette partie de l'empire, la terre est coupée par les ranaux en bloes d'iles, et ces canaux fournissent les moyens du transport, lents, mais sûrs, et économiques. Seu- lement il n'y a qu'une faible partie de la Chine qui Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 123 en soit dotée. L'introduction des vapeurs sur les ri- vières, a quadruplé le commerce à cause de leur ra- pidité, et surtout à cause des sécurités qu'ils offreu contre les pirates, qui sont la plaie de la navigaîumt chinoise. Les routes sont eu simple état de nature. Les pro- fondes ornières des véhicules primitifs du pays en in- diquent la direction. Souvent ces ornières rendent le passage impraticable, mais la pluie les comble, le soleil, durcit la masse, et ce procédé de réparation suffit aux besoins de la population. Les voitures sont tout aussi primitives; dans certaines provinces, il y a des chariots à deux roues, mais généralement dans les provinces du centre, on emploie un véhicule à une seule roue, dans le genre d'une brouette, et dans les districts montagneux, ce grossier véhicule cède la place aux bêtes de somme. Les transports par terre, demandent vingt à qua- rante fois plus de temps que ceux par eau, et l'on conçoit que les transports des minerais de charbon ou de fer soient pratiquement impossibles. Dans la province de Shansi, le charbon qui coûte 1 shilling par tonne à la mine, s'élève à 24 shillings à 50 mil- les, et à 42 shillings à 60 milles, de sorte que ceux qui demeurent près des puits d'extraction sont les seuls qui puissent profiler du charbon produit par le Céleste-Empire. 11 en est de mémo pour tous les transports eu Chine, ce qui empêche le développe- ment de ses productions, et permet de constater d'elfrovables famines dans un pays où les récoltes sont splcndidos et d'une grande abondance 1 . LES SCAPHANDRES C'est à l'Exposition universelle de 1807 que la Compagnie sous-marine de New-York fit connaître au public parisien cet étrange système qui permet à l'homme de séjourner au sein de l'eau, grâce à un costume imperméable, qui forme enveloppe autour de son corps, et au sein auquel on insuffle l'air né- cessaire à la respiration. Depuis cette époque l'art du plongeur n'est pas resté stationnaire; le système Ca- birol, perfectionné par Mil. RouquayroLDenayrouze, est entré récemment dans une nouvelle voie de pro- grès, comme l'atteste le système exhibé à J'Exposi- lion de Vienne. Nous avons pu nous procurer des renseignements complets sur le nouveau scaphandre, dont nos lecteurs ont sous les yeux l'ensemble et les détails. 11 a été construit par une société prussienne le Kônigsberg Mashine.nbau Action-gesellschafl Yui- kan, et est très-usité sur la côte orientale de la Prusse pour récolter l'ambre. Cet appareil est fort bien con- struit; il a déjà reçu, avant la récnnpense qui lui a été décernée à Vienne, une médaille d'or à l'Exposi- tion de Moscou. Dans l'appareil prussien, l'air est transmis au plon- 1 Revue maritime et coloniale. geur à travers des longs tubes de caoutchouc, au moyen d'une pompe à air à deux cylindres, facile- ment transportable. Ces tubes, renfercés par des fils do fer en spirale, conduisent l'air dans un régulateur fixé au dos du plongeur. Le costume du plongeur, complètement imperméable à l'air et à l'eau, est réuni au moyeu d'un anneau en caoutchouc à un casque en cuivre ou à un masque à ouvertures de verre grillagé. Le casque s'emploie pour des travaux sous-marins où le plongeur peut tenir la tète droite (comme pour réparer des navires, parexemple), tandis que le masque est principalement adopté pour les recherches et les investigations au fond de la mer. Un des grands avantages de cette disposition est que le plongeur a toujours une certaine quantité d'air en réserve dans le régulateur, de façon qu'une interruption dans la manœuvre le met à l'abri d'un danger immédiat ou d'autres inconvénients. L'ap- provisionnement d'air fourni au plongeur est réglé par une soupape d'une construction particulière, au moven de laquelle la pression du gaz respirable est en rapport avec la profondeur do l'eau où le plon- geur travaille. Les produits de l'expiration ne se mélangent pus avec l'air frais envoyé au scaphandre ; ils s'échap- pent par une ouverture latérale fermée au moyen d'une soupape en caoutchouc. Le plongeur peut aug- menter ou diminuer à volonté sou poids spécifique, en changeant simplement le volume d'air qui se trouve entre son corps et l'enveloppe, de façon qu'il est en son pouvoir de monter ou de descendre à vo- lonté 1 . Le système nouveau a été fort remarqué à l'Expo- sition de Vienne, et plusieurs publieistes allemands ont rappelé à ce sujet, non sans une fierté bien légi- timedu reste, que l'invention du scaphandre est d'o- rigine allemande. Nous avons trop de respect pour la vérité pour nier ce fait. C'est un Français, l'abbé de Lacliapelle, qui, pour la première fois, en 1769, donna le nom de scaphandre (du grec o-xâ^c;, bateau ; à.vnp,àv3pii, homme) à un appareil tellement simple, qu'il ne consistait guère qu'en une ceinture de sau- vetage. C'est bien un habitant de Breslau, nommé Klingert, qui créa, en 1797, le premier appareil de plongeur, véritable point de départ des systèmes modernes. Il enfermait un homme dans un cylindre métallique hermétiquement clos, au milieu duquel on envoyait de l'air à l'aide d'une pompe. L'expérience publique exécutée en juin 1797 eut un grand reten- tissement; un certain Frédéric-Guillaume .loachim, revêtu de l'appareil, alla scier un tronc d'arbre au Tond de l'Oder. Quand il revint sur le rivage, il fut salué par les ovations enthousiastes d'une foule intel- ligente, qui applaudissait à une nouvelle et réelle conquête dans le domaine du progrès. Uien des aimées s'écoulèrent avant que le système quelque peu barbare et, pour ainsi dire, rudimentaire de l'Allemand Klingert, se perfectionnât. Il faut fran- 1 Engineering. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires iU LA NATURE. chif un quart de siècle, et atteindre 1 829, pour ren- contrei' un premier scaphandre vraiment pratique, imaginé à cette époque par Siebes, de Londres. Il était réservé à M. Cabirol de transformer com- plètement eus appareils et de construire un système de plongeur remplissant les conditions voulues de ] sécurité et de commodité. Ce système n'est pas sen. sibleinent resté eu arrière, malgré les perfectionne- ments qu'y ont introduits MM. Rouquayrol Denay- roiue, en 18G7, malgré les récentes modifications qu'y ont apportées les ingénieurs prussiens. Nous n'entrerons pus dans des détails de cousLruc- Huuvcau Scaphandre de la Vukan Cmnpamj muui du masqua à verres grillées. lion qui n'intéresseraient pas nos lecteurs, mais nous croyons qu'ils accueilleront avec quelque inté- rêt les renseignements que nous leur donnerons sui- tes impressions du plongeur. Un savant distingué, véritable ami de la nature, M. Esquiros, a eu la cu- riosité de l'aire une excursion dans les profondeurs sous-marines, et il a publié jadis, à ce sujet, un ré- cit fort curieux et fort pittoresque : . . . a Le moment terrible, dit M. Esquiror, est celui où l'on touche la surface des vagues ; quoique l'Océan fût calme ce jour-là comme un lac, je me trouvais battu et soulevé, malgré mes poids de plomb, par le mouvement naturel des eaux roulant les unes sur les autres. Ce fut bien pis lorsque j'eus la tète sous les vagues et que je les sentis danser au- dessus du casque. Avais-ju trop d'air dans l'appareil, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATIT.E. 125 ou n'eiuvais-je pas assez? lime serait bien difficile do le dire ; le fait est que je suffoquais. En même temps, je sentis comme une tempête dans mes oreilles, et mes deux tempes semblaient serrées dans les vis d'un êtau. J'avais en vérité la plus grande envie de remon- ter; mais la honte fut plus forte que la peur, et je des- cendis lentement , trop lente- ment à mon gré, cet escalier de l'abîme qui me semblait bien ne devoir finir jamais : il n'y avait pourtant que trente ou trente-deux pieds d'eau en cet endroit-là. A peine avais-je assez de présence d'esprit pour observer autour de moi les dégradations de la lumière : c'était une clarlé douteuse et livide qui me parut beaucoup ressembler à celle du ciel de Londres, par les brouillards de novembre. Je crus voir Ilot ter, eà et là, quelques formes vi- vantes sans pouvoir dire exacte- ment ce qu'elles étaient ; enlin après quelques minutes qui me parurent un siècle d'cl forts et de tourments, je sentis mes pieds reposer sur une surface k peu près solide. Si je m'ex- prime iuu>i, c'est que le fond de la mer lui-même n'est pus une base Irès-rassnraute; on se sent à chaque instant soulevé par la masse d'eau, et pour ne point être renversé, je fus obligé de saisir « l'échelle avec les mains 1 . » L'explorateur sous - marin veut essayer, quelques moments après, de se promener au fond de la mer, mais il avoue que le silence qui règne dans la morne solitude où il se trouve le paralyse et le fixe au pied du l'échelle qu'il n'ose quit- ter. Voulant rapporter un sou- venir de son voyage, il se baisse pour ramasser un caillou au fond de la mer et donne le signa] convenu, pour qu'on le fasse remonter à la surface. a Avec quel sentiment de bonheur, continue notre pïon- Diîtaîls rlo l'ëtjinppmcnt rfu plnngeur, tels qu'ils ont cttï cajïo^ij^ à Vifliiuô, geur improùsë, je rentrai dapa mon élément! Il I fois, nous n 1 L' Angleterre et la vie anglaise. Paris, 1865. I me fallut pourtant encore re- gagner et remonter le haut de l'échelle. Une fois dans le ba- teau, on m'enleva d'abord la visière , puis le casque tout entier, puis enfin mon équipe- ment de plongeur. Je m'aper- çus seulement qu'il était plus facile d'entrer dans cet habit que d'en sortir ; l'extrémité des manches était si étroite- ment collée qu'il fallut faire usage d'un instrument pour distendre l'étoffe... Les bons marins me félicitèrent de mou retour à la vie, tout en riant de mon équipée. Selon eux, j'avais été faire un plongeon de canard au fond de la mer; en vérité, ma courte descente n'a- vait guère été autre chose, et pourtant mon but ne se trou- vait-il pas atteint? Je connais- sais maintenant les méthodes essentielles de plongeurs , et surtout j'avais pu admirer de près le courage, la nature par- ticulière do ces hommes qui, non contents de séjourner quel- ques minutes sous l'eau, s'y montrent capables d'exécuter pendant des heures entières toutes sortes de travaux pé- nibles. » .\ous comprenons d'autant mieux la curiosité quia poussé M. Ksquiros au fond de la mer, ([lie nous l'avons partagée nous -même et que nous la partageons encore. Apres avoir souvent goûté le charme des explorations aériennes , nous aimerions à aller chercher des impressions nouvelles au fond de la mer. Il y a environ quatre ans, nous avons été à Douvres, pour descendre aussi dans l'O- céan, enveloppé dans le sca- phandre, mais par un malen- tendu fâcheux nous sommes arrivés au moment où la pre- mière campagne de voyages sous-marins destinés aux coil- sgj ] structions de la grande jetée Ësi | anglaise venait de se termi- ner. Si par bonheur , une semblable occasion se pré- sentait à nous une seconde aurions garde de la manquer. Gasîoh Tissahdieh, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 126 LA NATURE. LE TÉLESCOPE D'UN MILLION DE DOLLARS Le Scientific Amer ican Journal nous apporte des documents intéressants qui complètent notre récente élude tur les plus grands télescopes du monde. Il paraît que décidément le télescope d'un million de dollars n'est pas une utopie, et que ce gigantesque projet est en voie d'élaboration. A l'Acadi'mie des sciences de Californie (pays bien fait, du reste, pour réaliser un tel projet), le profes- seur Georges Davidson s'est exprimé dernièrement dans les tenues que voici : « Avec un télescope delà dimension et de la perfection que l'habileté améri- caine pourra apporter à cette construction, et qui sera installé à 10,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, sous les cieux transparents de la sierra Ne- vada, avec les divers appareils construits pour aller à sa taille, avec des observateurs savants et habiles, avec les méthodes perfectionnées qui lui seront ap- pliquées, nous espérons voir bientôt poindra le jour où les plus mystérieux problèmes de la création s'a- baisseront à la portée de nos mains. » Un riche ci- toyen de San Francisco, M. James Liclî, a compris '.'importance de ce projet et s'en est déjà l'ait faire les plans et les devis dans l'espérance de pouvoir contri- I huer personnellement à sa réussite. , ! Quelle sera la grandeur de l'instrument proposé? C'est ce qu'il est difficile de décider dès maintenant ; il on est de même de son prix. Le grand instrument de "Washington, pour lequel on avait voté une tomme . de cinquante mille livres sterling, a pu n'en coûter ' que Lrente mille. On fera des expériences sur la qua- lité du verre et ses propriétés, dans le but de déter- miner jusqu'à quelle dimension ou pourra porter la construction d'une lentille d'un diamètre extraordi- naire et de la longueur focale qui en résulte. Le pro- jet pris en meilleure considération seraitdc construire I un objectif de i'2 pieds de. diamètre, dont la lon- gueur focale serait de 120 pieds, lequel recevant un oculaire d'un vingtième de pouce de foyer, don- nerait un agrandissement de 128,800 fois en dia- mètre, c'est-à dire de 800,000,000 de fois en surface. Quoique le speetrosoope ait prouvé que la plupart des nébuleuses que le grand télescope de lord Uosse n'a pu résoudre, sont composées d'hydrogène incan- descent, il est possible qu'un tel pouvoir grossissant fasse découvrir des amas d'étoiles qui sont restées invisibles jusqu'à ce jour, et donne à 1a vision hu- maine la l'acuité de plonger dans les profondeurs des milliards de lieues au delà de tout ce qui a été vu jusqu'à notre époque. Le lecteur peut aisément cal- ,uler le rapprochement auquel les planètes seraient ramenées et aussi l'angle visuel sous lequel elles se présenteraient. Mars, par exemple, serait ramené pour ainsi dire a la dislance de 6400 kilomètres et paraî- trait cent fois plus grand que la lune, couvrant un an "le de tiO degrés. (Le Scienlific American s'abuse ici, attendu que plus le pouvoir grossissant aug- mente et plus la largeur du champ diminue.) La grandeur des découvertes qui pourraient être faites lorsque nous serons capables de scruter la surface de la planète Mars, ajoute-t-il, ne peut être même imaginée. Les problèmes de la constitution des an- neaux de Saturne, de Jupiter et de ses satellites, ha- bités sans doute, delà planète intra-mcrcurielle,r le., recevront une nouvelle lumière qui conduira sans doute à leur solution. Quant à notre lune, que le lecteur songe sérieusement que nous la verrous rap- procher à trois lieues de nous, si près en vérité qu'on pourrait distinguer ses habitants, s'il y en a ! Dans tous les cas, ou distinguerait facilement tous les phé- nomènes volcaniques ou géologiques qui peuvent s'accomplir à sa surface. Le Scieniific American ajoute, en terminant, la péroraison suivante: « Lors- qu'il y a un an, ou a proposé de. construire cet im- mense télescope, nous disions : « 11 est impossible i) de deviner ce qu'un tel appareil serait capable de « faire découvrir sur la natutc des autres planètes « et des vastes régions du firmament: espérons que « le jour viendra où le capital nécessaire à cette en- a treprisc sera formé généreusement pour le progrès « de la plus sublime de toutes les sciences, n Ce jour est arrivé; le capital va être formé, et, selon toute probabilité, la plus grande entreprise des temps mo- dernes sera achevée avant cinq ans, i) Ainsi parle le journal américain. Il publie même un projet de construction d'un télescope d'un pou- voir illimité. On propose pour cela un <( miroir fluide parabolique » qui serait lormé par un cylindre con- tenant du mercure et mis eu rotation autour de son axe. On peut démontrer, en effet, que la surface du mercure prendrait une forme paraholique concave parfaite, d'un pouvoir réfléchissant excellent, et l'on peut calculer les distances focales correspondantes aux différentes vitesses de rotation. Théoriquement, le projet est acceptable. Mais il n'en est pas de même dans la pratique. Il faudrait mouvoir cet immense cylindre de mercure d'un mouvement rapide abso- lument uniforme, changer sa situation de l'horizon- tale à la verticale, ou tout au moins jusqu'à une forte inclinaison, etc., etc. La mécanique industrielle n'est pas encore arrivée à une pareille perfection, et un immense télescope de verre argenté sera plus fa- cile à construire, lors même qu'il coûterait un mil- lion de dollars. CHRONIQUE Un mouton ù. huit pattes. — Ou vient du pcirler à Rioin, et nous avons été invités à visiter, dit le rédacteur du journal de la localité, un mouton né il y a quelques jours, dans une ferme des environs du Comlironde, et qui présente un des plus curieux phénomènes connus jusqu'à ce jour, (le mou'.on. n'a qu'une tète, mais elle contient di'ux langues et deux mâchoires. Le cou est unique, mais à partir de la naissance des épaules, il y a lieux individus bien distincts, d'égale force ei parfaitement constitués. Il Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 127 y ii, par conséquent, huit pattes. Ce ne sont pas, comme on l'a vu souvent, des membres atrophiés, à peîri'î distincts ; les deux corps se bifurquent aux épaules, cl, à partir de là, ils sont, nous le répétons, d'égale forme, d'égale force, et dans les conditions normales d'individus liien constitués. Ce ou ces moutons sont parfaitement noirs, une étoile blanche au milieu du front; les extrémités des deux queues sont également blanches. Cet animal est né vialile et a vécu une heure; mais les efforts qu'on a dû faire pour délivrer la mère ont été tels, qu'il y a succombé. C'est réellement fâcheux, car, vivant, il aurait eu du succès. Une nouvelle application du pétrole. — La graisse et l'huile ordinaires, que l'on emploie habituelle- ment pour préserver les métaux de l'envahissement de ia rouille, ne remplissent pas complètement le but que Ton désire obtenir ; les huiles siccatives deviennent goinmeu- ses et résineuses, et celles qui ne sèchent pas ne tardent guère à se rancir. Par suite de leur exposition à l'action de l'atmosphère, il se forme des acides qui attaquent le fer. On a trouvé qu'il était préférable de se servir du pétiole pour la préservation des métaux et notamment des armes à feu. he pétrole est un aussi grand ennemi de l'eau que toutes les huiles grasses ; c'est pourquoi, lorsque l'on re- couvre un canon de fusil avec une. légère pellicule de pé- trole, l'eau est séparée du métal par toute l'épaisseur de la pellicule, et, par suite, elle n'exerce aucune action désor- ganïsatrice sur la surface, ainsi protégée, Les gouttes d'eau qui restent sur la couche mince du pétrole s 'évaporent, mais celle-ci demeure à l'état de vernis protecteur. Il est e.sscnlit 1 île ne se servir que de pétrole parfaitement pur, attendu que l'huile impure, telle qu'elle est souvent livrée parle commerce, attaque le métal. 11 faut aussi, ajoute la Revue maritime, à laquelle nous empruntons ces renseigne- ments, éviter de mettre ce pétrole rectifié en contact avec les parties vernies de. l'arme, à cause de son action sur ces vernis. Avis aux chasseurs. .\miisnic. — La Société géographique italienne a reçu d'Alexandrie, avec la nouvelle de la mort de Jliiini, divers objets ethnologiques et deux individus vivants de la tribu des Akka ou Tikku-Tikki, achetés par le savant voyageur au roi Miinza Ces individus, dont l'un est âgé de dix- neuf ans et haut de 0"\S8 > et dont l'autre, âgé de dix- huit ans, mesure O"^, appartiendraient à un peuple nain dont l'existence était déjà affirmée par Hérodote, et que l'Allemand Schweinfurth prétend avoir retrouvé Voici le portrait qu'en fait ce dernier: s Ce qui frappe dans les Akka, c'est, en même temps que le ventre proéminent et pendant, l'extrême ténuité des membres comparativement à Ja longueur de la partie supé- rieure du corps, ténuité j'ointe à une étroitesse et à une petitesse remarquables des articulations de la main et du pied. Le thorax, trop ouvert en bas, est, entre, les épaules, extrêmement plat et comprimé ; le dos creux, les jambes arquées et les tibias ployés en dedans. Le crâne présente le type le plus complet du prognathisme et affirme h forme sphérique. Les lèvres sont très-longues et l'obliquité du menton les fait paraître d'autant plus proéminentes. La peau est d'un rouge de cuivre, ainsi que les cheveux, très- crépus, courts et peu abondants, assez semblables à del'é- tnnpe goudronnée. (Gaielle de médecine.) Le premier artonaulc du sli-ge de Paris. — Nous apprenons que M. Duruof, aéronaule du Neptune, vient d'être acquitté par un conseil de guerre devant lequel il avait été traduit à l'occasion des fonctions d'aéroslier mi- litaire, qu'il avait acceptées de la Commune. Les juges"mili- taires ont cru devoir rendre la liberté au hardi aéronaute qui est sorti le ]>remier de Paris pendant le siège et qui, en quelque sorte, a tracé la route que ses confrères n'ont point tardé à suivre. M. Duruof a été immédiatement mis en liberté, au milieu des plus vives marques de sympa- thie. Il a été démontré que le courageux aéronaute, a été contraint par la Commune, et qu'il s'est borné seulement à rassembler le matériel aérostatique du siège de Paris. M. Duruof est connu pour un homme de cœur et d'au- dace, et nous applaudissons à l'heureux dénouement de son procès. JLe Lneh-Earn et la Ville-du-llnvre. — Le juge- ment de l'amirauté française, dans l'alfaire de l'abordage de la Ville-du-Havre, prouve que le Loch-Earn a exécuté des manceuvres contrairement aux instructions nautiques, en vertu desquelles les navires à voile doivent laisser aux bâ- timents à vapeur le soin de les éviter. On ne saurait trop insister sur la nécessité do tenir la main à la stricte exéou- t'on de cette clause. Le directeur des postes des États-Unis vient, en effet, de décider qu'on afficherait tous les mois la liste des vapeurs d'Europe en indiquant la durée de la tra- versée, et que les malks seront confiées à la compagnie qui aura les steamers les plus rapides. Si les précautions ne se multiplient, celte prime constante, accordée avec raison à la vitesse, augmentera successivement les chances d'accidents. En outre, des mesures vont être prises pour organiser le service quotidien entre New- York et les diffé- rents ports européens, de sorte que le nombre absolu des steamers va recevoir un rapide accroissement. Académie des Ncienccsdc Suint-P^tershoiirg. — Cette académie vient de tenir sa séance publique an- nuelle. Voici les résultats des dernières élections, qui ont été proclamées à celte séance par M. le secrétaire perpé- tuel : Membres honoraires : MM, l'aide camp général Kaufmann, gouverneur général du Turkeslaii; le vice- amiral Zélenoï, directeur du département hvdrographique du ministère de. la marine ; le conseiller privé P. Scmé- now, "vice-président de la Société impériale russe de géo- graphie et directeur du comité central de statistique, hlembre* correspondants: Classe des sciences physiques et mathématiques, M. Anvers, membre de l'Académie des sciences de Berlin, et dans la section des sciences physi- ques, M. le major général Gadolino, de la suite de S. M. l'empereur; M. Schmidt, professeur à l'université de tlorpat, et MM.Cahnurset Wiïrtz, membres de l'Académie des sciences de Paris. (Journal de Saint-Pétersbourtj.) ACADÉMIE DES SCIENCES Séance du tu janvier 1874. — Présidence de M. Beutiund. L'électricité contre le phylloxéra. — Un viticulteur du Midi signale l'étincelle électrique comme élant de nature 3 détruire le phylloxéra. On se transporterait dans les cépages infestés avec une machine électrique et on déter- minerait une décharge sur chaque pied de vigne: l'opé- ration serait facile et peu coûteuse. L'auteur pense qu'elle serait efficace ; mais M. Dumas déclare qu'elle serait abso- lument sans succès. La commission du phylloxéra s'est en Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 128 LA NATURE. effet occupée, d'une manière t [h:l i Lilt: : du ce procède, dont. les dehors sont en effet fi sédu nuits. On il fait usage tan- tôt de la machine île Hul imkorfj^ tarilôt de la machine de II0I2, et les résiliais, qui ont été les mêmes dans les deux cas, consistent simplement en ceci Si la décharge tombe directement sur le phylloxéra, celui-ci, est non-seidcaient tué mais pour ainsi dire volatilisé, il ne reste à sa pince qu'une petite pellicule de nature chilineuae, seul vestige de ses téguments les plus résistants, .liais si l'ins-cle n'est pas sur le trajet direct de l'étincelle, en fù'.-il d'ailleurs très-près, la décharge n'a d'antre effet eue de plonger l'a- : nirnal dans une sorte de léthargie temporaire: il a lair complètement tué, niais au bout de pou de temps il sort de son engourdissement et parait bientôt 11e plus se res- sentir du tout de rareiihn! qu'il a éprouvé lui résumé, si l'on arrive à appliquer l'électricité su traitement des vignes atteintes de pliylloxéia ce sera avec des appareils sin- gulièrement diîioTeids de ceux dont ou a fait usage ■u<- ■ qu'ici. I Température souterraine — liepuis de très-longues ! années, et grâce à un thermomètre spécial à enregistre- ! mrnt électrique, 1WM. Becquerel et Edmond fiecquei cl étu- dient la distribution de la elialeur à diverses profondeurs sous la turface du sol. Ils signalent aujourd'hui l'iiilluence sur celle distribution de l'état g'a/onné ou dénudé du ter- rain sous lequel en opère, et celte influence est susceptible d'applications intéressantes. Ou peut l'indiquer en disant que le gazon empêche lesol, à une très-faible profondeur, cinq centimètres par exemple, de participer aux fluctua- tions thermométriques de la surface de L'atmosphère. Pendant de très-rudes froids éprouvés lors de ces derniers hivers, la terre surmontée de gazon n'a presque jamais atteint le degré de congélation de l'eau. Il ! n résulte que si l'on veut conserver des racines ou des graines en silos, il ne suffit pas de les recouvrir de terre ; il faut encore avoir soin (pie celte terre so.t ginounée. On peut faire la mémo remarque quant à la cultine si intéressante des figuiers aux environs de Taris, à Argcntcuil p; ■" exemple. On sail que dès l'abord de l'hiver 0:1 recourbe lesbranches de ces arbres et on les recouvre de terre; malgré cette ] l'éciiu- tion ils gèlent quelquefois. D'après MM. Becquerel il n'en serait jamais ainsi si la terre qui recouvre les figmers était gazonnéc. Double élection de correspondants. — Kncore uu'oiir- d'hui le président annonce que la séance sera 1rès-couiie : uncomilé secret Iris-important devra commencer à quatre heures et demie au plus lard, el il faut auparavant élire deux correspondants dans la section d'astronomie. Nos lue— leurs penseront peut-être que, le temps étant si précieux, on procède à la double élection d'un seul coup, chaque bulle- tin portant deux noms. Mais il n'en esl rien ; il parait que ce procédé expéditif serait incompatible avec la majesté de l'opération; deux interminables scrutins se succèdent ; on se croirait à Versailles un jour d'élection des bureaux ! Tendant qu'on recueille les bulletins, nous remarquons l'absence de M. Le Verrier, cependant bien intéressé à la question qui s'agite; mais on dit autour de nous que cette absence est ure protestation contre les listes dressées par la section malgré les efforts du directeur de l'Observatoire, et se rattache à cet accès de mauvaise humeur que nous avons signalé l'autre jour. Quoi qu'il en soit, les membres présents, d'ailleurs très-nombreux, paraissent ne pas être émus outre mesure de cette protestation silencieuse et il n'y a rien eu de changé à l'opération ; il n'y a eu qu'un bulletin de moins. M. Huggins est élu, par 38 voix sur Ât votants, à la place laissée vacante par le décès de M. Petit (de Tou- louse). La succession de M. Yalz est donnée àll. >"ewcomb, 1 ar 4G suffrages sur 51 votants. On remarquera que le. nombre des étrangers, admis aux honneurs de la Corres- pondance académique, va toujours en augmentant, aux dépens de. celui des réfjnicoles (comme, on dit au bureau, par vieille habitude). N'y aurait-il donc plus d'astronomes en l'rance? Si ou en juge par ce qui a heu dans d'autres branches de la science, c'est ma foi bien possible; et ces messieurs de l'Académie s'y connaissent mieux que nous. Ttiermochimie. — Pendant le dépouillement du scru- tin, M. IJerthelot expose les résultais capitaux qu'il vient d'obtenir dans l'élude des quantités de chaleur de forma- lion des composés oxygénés de l'azote. On va voir que ce sujet rie liante chimie esl susceptible d'applications prati- ques très-importantes. Le bioxvde d'azote s'unissant à f oxvgène donne l'acide azoteux, et la chaleur de formation est égale à 11O00 ca- lories. En s'unissant il roxvgêml, l'acide azoteux donne lui-même l'acide hypoazotique, avec développement de. chaleur égal il 800(1 calories. Enfin, l'acide hypoazotique, en passant à l'état d'aci.le azotique, exige une quantité de chaleur exprimée par 2001) calories. D'un outre côté, si on étudie, la elialeur do formation des composés oxviïénés de l'azote, en pariant des élé- ments, on trouve les nombres indiqués ci-dessous: Az -)- = A/O + (- -3000C) Az -+- m = AzO 2 [ (- -43400 C) Az 4- 30 - - AzO* + (- -5'2400C) Az + 40- AzO*-H(- - 24300 C) An + f.O =-. A/O s + (— 22(i()0 C). Or, on remarque qu'ici toutes les quantités de chaleur sont négatives, et qu'à partir du bioxvde d'azote eilei vont en diminuant. 31. Bortlielol explique ces deux faits de la manière la plus élégante, en admettant que In bioxvde d'azote joue le rôle d'un radical composé, comme le cya- nogène ou l'acélhvlène, avec lesquels il a d'ailleurs beau- coup de ressemblance. Pour se produire, il donne lieu j une grande absorplion de chaleur, puis dans les combi- naisons qu'il contracte, il dépense, successivement l'éner- gie qu'il a, pour ainsi dire, emmagasinée, et dégage de la chaleur comme font de leur côté le fer et tous les radi- caux simples. Celle manière do voir permet d'apprécier la valeur pratique des matières expilosibles, car leur énergie est évidemment en rapport avec la quantité de chaleur qu'exige leur fonction et qu'elles peuvent rendre en se décomposant. En partant des nombres donnés plus haut, on arrive par exemple à trouver la chaleur que donne en se brûlant la poudre et les autres matières azotées, el l'on trouve que les résultats sont conformes à ceux que don- nent les études expérimentales directes. Ainsi, MM. Roux et Sarrnud ont trouvé que la poudre de eliasse développe en biùhmt de 8071)00 à S'JIUOO calories; on trouve par le calcul 8(10000, nombre très-voisin et qui montre com- bien le résultat publié par M. Bunsen :619000) était faux. Ces recherches justifient aussi la substitution à la poudre de mine de la nitro- glycérine et de la dynamite, si em- ployées maintenant, et permettent de prévoir le jour où la poudre de guerre sera elle-même remplacée par des' com- posés plus énergiques. Stakislas Meunier. Le h-o]>riétaire-Gërant : G. Tissatidieh. tue DiiiL. — iwriimiiiuK us cwtTB fils. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires N* 35 — 51 JANVIER 1874. LA NATURE. 123 EXPLÛSEUR MAGNÉTO-ÉLECTRIQUE DE BRÉGUET. Supposez un aimant en fer à cheval, sur les bran- ches duquel sont enroulés des iils conducteurs iso- lés; supposez une armature de for doux appliquée sur les pôles de l'aimant. Si on vient à éloigner rapi ■ dément l'armature, il se produit dans le fil conduc- teur un courant électrique d'une durée presque instantanée. Si on rapproche l'armature et qu'on l'applique de nouveau sur les pôles de l'aimant, il se produit dans le fil un second courait présentant les mômes caractères que le premier, mais en sens con- traire. Cette expérience, due à Faraday, est le principe de l'exploseur représenté par la figure ci-jointe. Pour obtenir un courant au moyen de cet appareil, il suffit de donner un coup de poing sur le manche, d'où ré- sulte le brusque arrachement de l'armature. La sim- plicité de cette manœuvre fait souvent donner à celte machine le nom de coup depoiny. Quand ou ramène l'armature au contact, on ob- tient un second courant de sens contraire. Pour la principale dos applications de cet instru- ment, l'inflammation de la poudre, il y a intérêt à avoir un courant de grande tension; aussi convient- il d'employer le premier courant, celui d'arrache- ment, par cette seule raison que le mouvement peut être accompli plus rapidement que le mouvement contraire. Pour augmenter encore la tension du cou- rant, ou a recours à un artifice, singulier qui mérite de nous arrêter un instant. Le levier de l'armature porte un petit ressort que Explo^eur iiiaynéto-élcclrniue. la figure montre en avant et à gauche, et qui touche par son extrémité aune vis. Quand on écarte l'arma- ture et l'aimant, le ressort cesse de toucher la vis. Mais, comme au point do départ, il est bandé, le contact entre la vis et le ressort ne cesse qu'après que l'armature a fait environ les deux tiers de son mou- vement. L'un des bouts du fil conducteur enroulé sur les branches de l'aimant est mis en communication avec le levier de l'armature, l'autre bout commu- nique avec la vis; par conséquent, le courant produit par le coup de poing est enfermé dans l'appareil, du moins pendant les deux tiers du temps de sa produc- tion. Cette disposition qui, à première vue, paraît destinée à faire perdre la plus grande partie du cou- rant, a, au contraire, pour effet d'augmenter la ten- sion, parce que le courant qui est fourni par l'appa- reil est, non plus le courant d'induction magnéto- électrique , mais l'extra -courant de ce courant d'induction, c'est-à-dire le courant d'induction qui se produit au moment de la rupture du circuit local du courant magnéto-électrique. En fait, la simple addition du ressort et de la vis dont nous venons de parler, augmente dans le rap- S' junte. — 1" scinulre. port de 1 à 5 la tension du courant. On l'apprécie d'une manière grossière en comparant les chocs que l'appareil donne quand on met deux doigts sur les bornes terminales, et on le constate d'une manière plus nette par le nombre des amorces qu'on peut en- flammer dans l'un et l'autre cas. Grâce à ce perfectionnement et 1 une heureuse proportion entre les parties de la machine, on peut arriver à enflammer de la poudre île chasse extra- fine placée entre deux pointes de métal très-voi- sines. En réalité, dans la pratique, on emploie dans la confection des amorces, des poudres spéciales, notam- ment celle indiquée par M. Àbel, chimiste de l'arse- nal anglais de Woolwich. La poudre d'Abel est plus sensible que la poudre de chasse ordinaire; aussi peut-on enflammer simultanément dans un seul cir- cuit un nombre assez grand d'amorces, et, par suite, mettre le feu à plusieurs mines ou à plusieurs canons à la fois. Le seul défaut de cette poudre est qu'elle s'altère avec le temps, et qu'au bout de dix-huit mois ou deux ans elle n'est plus inflammable. Ce début est écarté dans de nouvelles amorces Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 150 LA NATURE. dues à un officier du génie, et qui ne contiennent aucune substance susceptible de s'altérer avec le temps. Eii attendant que ces amorces françaises se répandent, on est réduit aux amorces anglaises qui ont servi pendant la guerre à quantité de travaux de destruction et qui rendent dans la paix de grands services aux ingénieurs pour la perçue des tunnels et l'abatage des roches. On a construit des cxploseurs qui, d'un seul coup de poing, peuvent enflammer vingt amorces d'Abel ; mais cette grande puissance n'est obtenue qu'en sa- crifiant la légèreté de l'appareil (ces instruments puissants pèsent 12 à 15 kilogrammes}. Dans la plupart des cas, on se contente d'appareils plus pe- tits qui pèsent 8 kilogrammes et qui sont capables d'enflammer dix à douze amorces dans le laboratoire, et d'en faire partir six à huit sur le terrain. Enfin le génie fait étudier dus appareils de très- pcliti: dimension et d'un poids très-réduit, desquels on n'attend que trois ou quatre explosions simulta- nées, c'est-à-dire une force suffisante pour être abso- lument sur d'une explosion sur le champ de ba- taille. L'exploseur est l'appareil magnéto-électrique le plus simple qui ait jamais été réalisé, et on peut ajouter qu'il n est pus possible d'eu concevoir un plus simple, puisqu'il n'y entre que les trois parties in- dispensables à répéter l'expérience de faraday, lin effet, on n'y voit qu'un aimant, une armature de fer doux et du fil de cuivre recouvert de soie. Malgré celte extrême simplicité, il y a tout lieu de croire que l'instrument se perfectionnera encore no- tablement et acquerra, à égal poids ou à égal volume, une énergie plus grande. Ainsi l'emploi des aimants Jamin, qui n'a encore été pratiqué qu'à titre d'essai, ne peut manquer de donner de bous résultats. 11 faut bien se garder de croire que l'exploseur soit comparable eu énergie à la bobine de Rubmkorff. Le seul avantage qu'il présente sur ce puissant appareil est qu'il se suffit à lui-même et qu'il est toujours prêt à fonctionner, taudis que la bobine d'induction a besoin d'être excitée par une pile. Sur le terrain, et notamment à la guerre, cet avantage est tout à fait capital ; cela est trop évident pour qu'il y ait lieu d'y insister. Applications diverses de l'appareil L'appareil qui nous occupe est susceptible d'autres applications que l'inflammation delà poudre, et dès lors il ne doit plus être appelé cxploseur. Tout d'abord il est facile de l'employer dans la té- légraphie. On a pu voir parmi les objets exposés à Vienne, parla maison Dreguet, un télégraphe Morse sans pile, dont le manipulateur n'était autre chose qu'un exploseur de petite dimension. On connaît la clef Morse, dont la manipulation consiste en une sé- rie de battements longs et courts diversement espa- cés. Il suffit de répéter ces battements avec le manche de l'exploseur pour produire une série de courants positifs à l'arrachement, négatifs au retour, qui font fonctionner uii récepteur Morse à armature polarisée. Cet instrument parait être le télégraphe militaire par excellence, parce qu'il réduit au minimum le poids et le volume des appareils, et parce qu'il dis- pense de la pile, qui est l'embarras capital de la té- légraphie ambulante. On a objecté que les télégraphes Morse employés en France n'étant pas à armature polarisée, les sta- tions ordinaires de la télégraphie ne pourraient pas être mis en communication avec les télégraphes de l'armée. Cette objection est plus spécieuse que sé- rieuse. On a vu en effet, pendant la dernière cam- pagne, que l'armée d'invasion, c'est-à-dire l'armée allemande, n'a presque jamais pu faire usage des postes français qui ont toujours été désorganisés au bon moment ; l'armée française, au contraire, con- stamment en retraite, employait, presque toujours les stations ordinaires de la télégraphie comme stations militaires. D'ailleurs, il y a tout lieu de croire que les appareils à armature polarisée se répandront en France comme en Angleterre et en Allemagne, et dès lors l'inconvénient signalé se réduira de jour en jour. liieu ne serait plus aisé que de concevoir un télé- graphe à cadran magnéto-électrique fondé sur le même principe, et les officiers du l'école régimentaire du génie de Montpellier ont fait des estais dans cette voie. Nous avons eu l'occasion de voir récemment en Angleterre une autre application du même appareil réalisée par Sir Charles Whuatstone et déjà assez ré- pandue; il s'agit d'un compteur de tours de roue. Un excentrique placé sur l'axe dont on veut compter les tours vient à chaque révolution arracher l'arma- ture d'un appareil analogue à celui que présente la figure et produit des courants qui sont envoyés dans un récepteur ou compteur facile à imaginer. Au lieu de compter des tours de roue, on peut compter les allées et venues du piston d'un corps de pompe, soit clans un moteur à vapeur, soit dans toute autre machine. D'autres problèmes pourraient encore être résolus au moyen de cet artifice, et nous serions trop heu- reux si nous avions pu mettre quelque lecteur sur la voie d'une invention nouvelle. A. Niacdet. UNE EXCURSION GÉOLOGIQUE DAMS LES ARDEKKES. Tous les ans, les auditeurs du Cours de géologie du Muséum vont faire, sous la direction de M. le professeur Daubrée, une excursion géologique dans une partie de la Franco, intéressante au point de vue des fossiles ou des actions dont son sol a con- servé la trace. La petite caravane scientifique s'est dirigée, en 1873, vers les Ardenues, région instruc- tive entre toutes et qui, chose curieuse, est cepen- dant très-peu fréquentée par les étudiants géologues Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA MATURE. 151 français : les Belges, mieux inspirés, visitent presque tous les ans notre massif oriental de terrains an- ciens. Considéré dans son ensemble, le département des Ardenncs offre à l'observation des terrains extrê- mement variés, stratigraphiquement parlant. Vers l'ouest, on y voit la craie, roche qui sert de support au terrain parisien et qui apparaît au jour à nos por- tes mêmes, dans les carrières du Bas-Meudou et de Bougival ; plus à l'est, on recoupe successivement presque toutes les assises du terrain jurassique, puis, à peu près sans transition, on arrive sur les couches les plus anciennes appartenant aux époques dévn- nienue et silurienne, peut-être même pour certaines à l'époque cambrienne. Aussi, le professeur commenca-t-il son explora- tion à Retbcl, dont le sol est constitué par la partie inférieure du terrain de craie, appelée craie glauco- nieuse à cause de la présence du minéral vert dit glaucome. A notre arrivée, nous fûmes reçus par l'ingénieur des mines du département , M. Nivoit, qui pendant nos quatre jours de courses a mis au service de l'expédition sa profonde connaissance du pays et son inépuisable complaisance. C'est grâce à lui, que l'intérêt purement géologique du voyage s'est pour ainsi dire complété par une foule de no- tions d'ordre différent, qui ont rendu notre explo- ration beaucoup plus fructueuse et tout à la fois plus attrayante. Du chemin de fer, on embrasse l'ensemble de la ville de Rethel , dominée par un monticule très-ré- gulièrement conique , évidemment artificiel , qui a fourni aux antiquaires des vestiges de l'époque gallo- romaine et sur la destination duquel on n'est pas bien fixé. Le nom de Rethel a la même racine que le mot râteau, et les armes de h ville consistent en trois peignes sur un écussoti : armes non de guerriers, mais d'industriels. De toutes parts s'élèvent des clic- minnss d'usines : la grande occupation de Rethel est le peiguage de la laine. Pour voir la craie glauconieuse, il fallut traverser toute la ville, et cela nous donna occasion d'observer en place le limon qui forme le solde la plaine. Ce limon , appelé hesbayen par le géologue Dumont, ap- partient à l'époque quaternaire et ressemble, à beau- coup d'égards, à celui qui recouvre le diluvium aux environs de Paris. Il couLient un grand nombre de fossiles d'eau douce et spécialement de petites palu- destrines dont il nous fut facile de recueillir une nom- breuse collection. Formé, comme le limon de Paris, d'un mélange d'argile et de calcaire, il se prête comme lui à la fabrication des briques et fournit, à ce titre, du travail à un très-grand nombre d'ouvriers. La brique se fait très-simplement parle moulage de la terre, mais la cuisson a lieu autrement qu'aux environs de Paris : ou empile les briques crues en laissant, entre elles de petites intervalles que l'on remplit de menu de bouille, qui, allumé par eu bas, se consume lentement ; le four, vu de dessus, semble la miniaLure d'une contrée volcanique couverte de fumerolles. Ou ne défburne qu'au bout de cinq ou six semaines, et presque toujours, lorsque les bri- ques d'en haut sont cuites à point, celles d'en bas sont brûlées, c'est-à-dire en partie fondues, et col- lées les unes contre les autres ; elles ne sont plus bonnes à rien. En retournant au chemin de fer, nous rencontrons sur la voie un las de coquins, dignes d'estime malgré leur nom et qui sont devenus une source importante de richesse pour le département des Àrdeunes. Ces coquins sont des rognons irréguliers formés surtout de phosphate de chaux, et qui, broyés puis mêlés aux terres, en augmentent beaucoup la fertilité. Ils jouent le rôle du guano, qui tend, comme on sait, à disparaître par l'épuisement des dépôts séculaires explojtés dans ces dernières années sur les côtes oc- cidentales de l'Amérique du Sud. Ceux dont il s'agit ici et que nous alloua voir en place, forment une cou- che très-mince, mais continue, dans cette partie du terrain crétacé inférieur que l'on désigne sous le nom anglais, devenu cosmopolite, de gaul.t. Us sont très- intéressants pour les géologues parle nombre con- sidérable des fossiles qu'ils renferment, soient des coquilles ayant souvent conservé l'éclat de leurs couleurs comme, les ammonites mamillatus (fig. 1), des solarium, des pleur otoma, des cardium, des arca, etc.; soient des restes de végétaux comme des troncs d'arbre présentant souvent des trous percés par le teredo arduenensis , très-analogue au taret actuel, et des pommes de pin très-bien conservées (fig. 2). L'exploitation des coquins, qui ne date que d'un très-petit nombre d'années, est due en partie à l'initiative de M. de Molou et de M. Meugy. Le chemin de fer nous conduit à Sau!ce-Moutchin ( où des ouvriers sont en train d'exploiter les coquins. Le procédé est des plus simples; il consiste à jeter la terre des champs sur une claie et à la laver à grande eau ; la terre est emportée et les rognons restent. On les vend tlU francs le mètre cube. Sur la route, les tas de pierres destinées au maca- dam fournissent en abondance les principaux fossi- les du Coral-Rag, des polypiers de tous genres, des oursins, des nérinées, et cette belle coquille bivalve appelée diceras arietina (fig. 3}, parce qu'elle res- semble assez bien à une tète de bélier avec ses deux cornes enroulées. Avant d'arriver à Launois, on traverse des couches oxfordiennes exploitées comme minorai de fer. Ce minerai y est en tout petits grains sphéroïduux ana* logues aux œufs de certains insectes, et désigné pour cela sous le nom d'oolithique. Les couches qui la fournissent contiennent en abondance des fossiles admirablement conservés et dont nous récoltons une ample moisson. Yiel-Saiiit-Remy, près duquel nous passons, est une localité fameuse pour les fossiles dont il s'agit. A la porte même de Launois, M. Nivoit nous con- duit à une magnifique carrière dont les épaisses assises de couleur grise sont sensiblement horizonta- les. Nous sommes encore dans le terrain oxfordien. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 132 LA NATURE. A première vue, on se croirait en présence do bancs de calcaire; mais il n'en est rien : la roche qui se présente ol'fro un double intérêt scientifique et in- dustriel. File porte le nom do gaine et consiste pres- que exclusivement en silice libre et soluble dans les lessives alcalines. Cette roche siliceuse, très-poreuse et par conséquent très-légère a été utilisée, à la suite des recherches de MM. Sauvage et Henri Sainte-Claire Reville, pour la fabrication de briques extrêmement réfraetaires ; mais plus récemment, M. Nivoit lui a trouvé un emploi beaucoup plus important. Cet in- génieur distingué a reconnu, en effet, que la oxi'ordiennc est tout à fait propre à la dynamite, c'est-à-dire qu'elle s'imprègne do ni- tro-glyoériue pour devenir cette poudre à la fois si puissante et d'un manie- meut si commode dont ' - l'usage se répand chaque jour davantage. La belle carrière de Launois nous donne beau- coup de fossiles tels que des modiûles, et c'est à grand' peine que nous nous cil arrachons pour prendre le train qui nous conduit à Charleville. Le lendemain , dès le matin, nous gravissons le mont Olympe, qui domine Charleville. 11 est entière- ment formé de schiste si- lurien d'une couleur rou- geàtre en feuillets presque verticaux et supportant çà et là de petits lambeaux de, terrain liasique. Le schiste est ici dépourvu de fossiles; la roche liasi- fabncalion de ■ '.' que consiste surtout en poudingue, ce qui, par com- paraison avec ce qui se passe de nos jours, conduit, à penser qu'elle indique le littoral de la mer antique où elle s'est formée. Après avoir admiré le magnifi- que panorama dont on jouit sur la hauteur, nous redescendons le long de la Meuse, pour visiter une grande carrière ouverte dans, le lias. On y exploite ce calcaire caractéristique d'une nuance bleuâtre passant par place au jaune et tout pétri de gryphées arquées, qui d'abord a reçu seul des carriers an- glais le nom de lias. La grypliée arquée se retrouve en abondance, libre et par conséquent plus précieuse pour le paléontologiste,, dans les couches de mar- nes qui alternent avec les assises de pierre. Le cal- caire de cette carrière est surtout utilisé pour la fa- brication d'une chaux hydraulique d'excellente qua- lité. Par places, la marne contient des cristaux de gypse ou pierre à plâtre. En nous dirigeant vers Saint-Laurent et Romcry, nous nous élevons un peu dans l'échelle slratigra- pbique. Dans ces localités se montre en effet le calcaire à gryphœa cymbium. Il est en couches minces alternant de la manière la plus remarquable- ment régulière avec des couches de sable d'épaisseur analogue et n'offrant aucune trace de ciment. Cette alternance si souvent répétée sur une même verticale de deux formations si différentes est très-difficile à expliquer et se présente très-fréquemment dans des étages variés. Quoi qu'il en soit, la carrière de Ro- mery fournit un très-grand nombre de beaux fossiles, de gigantesques ammonites et de belles turritelles longues comme la main. On y voit aussi des veinules de calcaire cristallisé sous cette forme assez rare que les cristal lographes et les géomètres appellent le scalcnoèdre. Pour revenir à Mézières, il faut traverser le village du Theux, offrant cette singularité d'être à che- val sur les deux com- munes de Mézières et de Saint-Laurent. Le bureau d'oclroi est au milieu de la rue et. il faut payer un droit pourportor une bou- teille de vin de telle mai- son à celle qui la touche. Les enfants de chaumières mitoyennes vont à deux écoles distantes de plu- sieurs kilomètres. C'est, peut-être à cause de l'éloi- gnement des mairies que les publications de ma- riage se font sur le volet des cabarets. A Mézières, M. Nivoit nous fait visiter, à la pré- .ciW^ '■.jt&w Fi};. 1 vA 2. — Ammonite et pommo de pin fossile, fecture, la belle collection qu'il a réunie des ter- rain-, des fossiles et des roches du département. Nous y voyons au moins, ceux des fossiles que nous n'avons pas été assez heureux pour trouver nous-mêmes. Beaucoup d'échantillons offrent cet intérêt parti- culier d'avoir servi à MM. Sauvage et Buviguier pour rédiger leur description géologique des Ardennes. Au moment de notre visite, on venait d'apporter à cet intéressant musée, une magnifique molaire d'élé- phant trouvée dans le diluvium de la Meuse. A côté de la salle des collections, se trouvent les labora- toires où M. Nivoit exécute «es travaux minéralogi- ques et chimiques. Des fenêtres, on a sur la Meuse et les montagnes voisines une des plus belles vues qu'on puisse imaginer. Rentrés à Charleville, nous prenons le train qui, bientôt après nous dépose à Montliermé. Immédiate- ment avant la station, un tunnel traverse la quadru- ple croupe de montagne désignée sous le nom des Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 133 Qualre-Fils-Aymon et à laquelle se rattache plus d'un incident de la célèbre légende. En mettant pied à terre sur le pont de la Meuse, notre attention est attirée par des plaques circulai- res en foute, incrustées dans les trottoirs et portant ces initiales : C. M. Lisez génie militaire : ces pla- ques ferment des chambres de mines destinées à faire sauter le pont en cas de besoin. Voilà de la pré- voyance, et cette association des chambres de mines avec la voie ferrée et le télégraphe (peut-être à cause des préoccupations purement pacifiques où nous étions tous) m'ouvrit tout un monde de réflexions dont il ne fallut pour me tirer, rien moins que la rencontre des phylladus siluriens. Ces phyllades , chargés de cristaux alignés de fer oxydulé, sont caracté- ristiques du terrain que Duinout appelle devillien, parce que c'est a. Devillc qu'il est spécialement déve- loppé. Ici , il renferme par place, des sottes de noyaux, comme des ébauches de cristaux , qui se rappro- chent peut-être des mâcles, et souvent des veinules de quartz, ayant une structure fibreuse rappelant un peu celle du bois. De l'oxyde noir et brun de manganèse forme, (le petits nids entre les lîbrts de quartz. Le phyllade alterne à maintes reprises avec des couches de quarzite. Pour arriver au village même de Monlhermé, il faut d'abord longer la Meuse sur la rive gauche et passer en face de l'embouchure de la Scmois, petite rivière qui vient de Belgique et qui y retourne avec la Meuse. Juste au confluent est une grande usine à fer toute mugissante au milieu du calme. Après avoir assuré notre gîte et notre souper à l'hôtel de la Paix, nous traversons le pont suspendu pour monter la vallée de la Semois. Comme simple promenade , cette course est délicieuse : la. rivière s'infléchit doucement au fond de la vallée; des breufs boivent dans l'eau où ils haignent jusqu'au ventre ; un attelage passe à gué; des femmes font sécher du lin au soleil. Et pendant que tout est dans le bas, d'aspect si paisible , des deu\ côtes se dresseid des masses imposantes de roches nues et démantelées, dominant les profonds bois de chênes qui couvrent leur base. Pour des géologues, le charme de cette vue est en- core augmenté par la perspective des récoltes que nous allons faire. Il s'agit en effet de visiter la Roche aux Corpiats (en français : la Roche des Corbeaux), et cette roche offre un intérêt tout spécial. Elle marque Fig. 3. — Diceras arietina, dans la série des temps, la limite entre le terrain silurien et le terrain dévonien. Immédiatement su- perposée au schiste devillien dont nous parlions fout à l'heure et on stratification discordante avec lui, elle représente les premiers dépôts de la mer devonienne. De plus, cette roche est, formée d'un poudingue et constitue par conséquent un dépôt littoral. La Roche aux Corpiats s'avance en promontoire sur le flanc de la montagne et présente l'aspect im- posant d'une forteresse cyclopéenne. Nous y recueil- lons de vrais galets tout pareils à ceux que la mer roule aujourd'hui et qui datent d'une époque si éloignée qu'il n'est aucune mesure à laquelle on puisse rapporter le temps qui la sépare de nous. Souvent, ces galets, par suite des énormes pressions qu'ils ont subies , sont k écrasés , aplatis , laminés et, par place, la roche passe . V '• k une sorte de schiste. C'est dans ces points qu'il faut ! redoubler d'attention, car les vagues empreintes qu'on y voit, pourraient bien se rapporter à des eucruies ou i '- ;', à quelque autre genre d'ani- mal inférieur. Y L'heure nous oblige à retourner à Munthcrmé. En passant nous entrons dans la petite église de la Val- Dieu, illustrée par les dé- buts de Méhul , puis dans cette usine à fer que nous avions aperçue en arrivant et où les ouvriers, traînant sur do petits chariots des loupes de fer rouge éblouis- santes, les pétrissant sous le marteau-pilon , les étirant entre les rouleaux du laminoir, éveillent l'idée de démons accomplissant quelque œuvre infernale. Stanislas Meunier. — La suiln prorJiiiiiiemeut, ■ — NOUVELLES DU MONDE ASTRONOMIQUE EH ANGLETERRE. Quelque opinion que l'on puisse professer sur la meilleurs manière d'observer les deux prochains pas- sages de Vénus, on doit tomber d'accord qu'il est nécessaire de pratiquer les grandes méthodes adoptées par les astronomes du dix-huitième siècle et qui se réduisent à deux, celle d'IIallry et celle de Delille, D'après Delille il faut déterminer la parallaxe de longitude, et d'après Ilalley la parallaxe d-3 latitude. Cette dernière méthode nécessite le choix d'obser- vations australes très-voisines du pôle tant pour la passage de 1874 que pour celui de 1882. C'est sur Droits réservés au Cnam et à ses partenaires m LA NATURE. ce point qu'un grave conflit s'est élevé au sein de la Société, astronomique de Londres ; Sir George Airy a démontré que les observations polaires australes seraient inutiles en 1874 et très-fructueuses au con- traire en 1882. Loin de partager ces idées M. Trac- ter a essayé d'éfablir que ces observations australes étaient urgentes pour 1874 et tout à fait insigni- fiantes pour 1882. M. Proctor, écrivain jeune, ardent, doué d'un style vif et d'une grande imagination, parvint à mo- difier graduellement l'opinion du gouvernement et. de l'amirauté, en ce suis qu'il a diminué l'opposition aux observations australes pour 1874. Sir George Airy, le savant directeur de Grecnwieh, admit la possibilité théorique de l'expédition pour 1874 à condition qu'elle lut possible pratiquement. Or le climat est détestable comme on le sait dans les liantes latitudes australes et il est à craindre qu'une expédition astronomique dans ces régions inhospita- lières n'aboutisse à un échec complet. Pour mettre un terme honorable à ces hésitations il a été décidé que le Challenger irait faire une cam- pagne d'explorations dont les résultats seraient déci- sifs. On ne tardera point à recevoir au moins un sommaire télégraphique de cette partie essentielle du grand voyage, puisqu'on attend le Challenger à Sidney d'un moment à l'autre. Mais ce succès relatif ne paraît pas avoir satisfait M. Proctor qui est actuellement aux Etats-Unis, où il donne une série de conférences. Le savant astronome a publié avant son départ dans les Monthly notices de la Société astronomique une attaque très-virulente contre ses adversaires scienti- fiques, et il a englobé dans ses critiques, l'honorable M. Warren de la Rue. Non content d'avoir lancé celle flèche de Parthe, il revient à la charge dans une lettre datée de New- York et insérée dans le Times du 50 décembre 1873. Dans ce factum, M. Proctor met en cause M, War- ren de la Rue, d'une façon tout à fait imprévue. Il lui lait un crime d'avoir demandé au gouvernement des fonds, afin d'établir un observatoire physique des- tiné à l'étude des taches du soleil et de leur rapport avec les températures terrestres. Sur ce terrain nouveau if est probable que M. Proc- tor ne trouvera aucun appui, car l'influence de l'état de la surface solaire sur les vicissitudes de nos saisons ne saurait être niée par aucun physicien ni aucun astronome. L'opinion de M. de la Rue n'a pour ainsi dire pas besoin d'être défendue après les derniers travaux de Donati et nous ne signalerions point à nos lecteurs ces regrettables excès de polémique s'ils ne nous fournissaient une occasion de les tenir au courant de ce qui s'exécute de l'autre côté du détroit. Un savant des plus estimables et des plus zélés pour lo progrès des sciences, le lieutenant-colonel Strange, directeur de l'Observatoire du gouverne- ment anglo-indien, à Londres, publia il y a quelque temps un magnifique pamphlet sur l'insuffisance des observatoires britanniques, et émit les propositions pour lesquelles M. Proctor fait une guerre si injuste et si violente à M. Warren de la Rue. Grâce à l'in- telligent et sympathique appui de cet honorable astronome, les projets de M. le colonel Strange ont été adoptés par le hureau de l'observatoire de Greenwich, et par le Sénat de l'université d'Ox- ford. De grands travaux s'exécutent actuellement pour donner à l'astronomie moderne les moyens d'in- vestigations dont elle ne saurait dorénavant se pas- ser dans le vénérable établissement que Sir George dirige avec tant de talent. En même temps, un ma- gnifique observatoire d'astronomie physique se con- struit à Oxford dans le parc de l'université. Les tra- vaux sont poussés si activement que M. Proctor les trouvera terminés pour peu qu'il prolonge son séjour de l'autre côté de l'Atlantique. Ce n'est pas la première fois que l'astronomie physique rencontre en Angleterre une opposition aussi dangereuse que peu justifiée, mais cette fois le triomphe est complet : nous voudrions pouvoir dire qu'il en est de même en France. Mais hélas ! en matière scientilique du moins, nous ne sommes pas près de voir enliu supprimer la Manche. Ajoutons que les savants yankees ne resteront pas en retard sur leurs confrères d'Angleterre dans la question de l'élude clés taches solaires au point de vue de la météorologie. Car lo but des travaux aux- quels donne lieu cette science si populaire [lux Etats- Unis est évidemment de trouver quelque principe qui permettra enfin, de réunir tant d'observations éparses, n'ayant encore aucun lien commun. AGASS1Z EN AMÉRIQUE 1 Un certain nombre de journaux américains préten- dent qu'Agassiz avait une mission du gouvernement prussien, lorsqu'il traversa l'Atlantique. Cette ver- sion flatterait naturellement les savants de Berlin. Mais il n'est pas vrai de dire qu'Agassiz travaillait à cette époque pour Sa Majesté le roi de Prusse quoi- qu'il n'eût point encore dunné sa démission de pro- fesseur de l'Académie de Neuchàtel, et que de son côté le roi de Prusse n'eût point donné sa démission de prince. 11 tenait tellement à son titre que, sept à fiuit ans plus tard, il devait menacer de guerre la Confédération, pour contraindre ses sujets, qui ne comprenaient point tous les avantages qu'il y avait à appartenir à un aussi grand monarque. Quand Agassiz arriva à Bnslon, en 1846, c'était pour donner une série de conférences à rinst'tutiou Lowell, fondée en 1835 par le citoyen américain de ce nom, mort à lïombay quelques années aupara- vant. Fidèle à une habitude que les opulents améri- cains pratiquent avec une générosité tout à fait in- connue aux princes d'Europe, M. Lowell avait des- s Yoy AgassU en Europe, p. 91, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE, 135 tiiuî à la création de cette école libre une somme de 750,000 francs. Sans ce bienfaiteur de la science Agassiz fût sans doute resté à végéfer en Europe ! Les lectures de Vémigrant scientifique portèrent sur l'histoire naturelle générale et sur les glaciers. Agassiz avait tout ce qui peut séduire un peuple ayant conservé quelque chose des vertus des pèlerins de la Fleur de May, l'éloquence, le désintéressement et la vraie chaleur de cœur, l'enthousiasme inépuisable. M. Lauwrenco, diplomate américain, bien connu en Europe, fit encore mieux que M. Lowell; sans atten- dre la fin du ses jours, il consacra une somme de 500,000 francs à la fondation d'une société scientifi- que à Cambridge ; Agassiz y fut nommé professeur de géologie et d'histoire naturelle. Son cours eut lien en 184-8 , lors rie l'inauguration de cette société si intéressante. Pendant les vacances il se rendit avec quelques élèves, sur les bords du lac supérieur qu'il expiera avec soin, et où il rencontra des traces évidentes de l'existence d'une période de glacière. Les glaciers avaient également eu leur époque do gloire dans les plaines fertiles du Nouveau-Monde. De retour à Boston, Agassiz trouve une invitation de la Caroline du Sud, qui le nommait professeur d'histoire naturelle et de géologie à l'école de Char- leston. Il s'empresse d'accepter une offre aussi avan- tageuse dans un pays dont la nature est luxuriante et où un esprit investigateur devait cueillir à pleines mains tant de vérités nouvelles. Pendant qu'il fait son tour à Charles ton, il a l'heu- reuse fortune de rencontrer le célèbre physicien Hache, qui, chargé, de parcourir l'Europe pour ren- dre compte de l'état des sciences une dizaine d'an- nées auparavant, l'avait signalé à son gouvernement et, par suite, indirectement aux administrateurs de l'Institut Lowell. Hache avait été nommé, depuis son reionr aux États-Unis, chef du service hydrographi- que. C'était un esprit large, entreprenant, très-fier d'avoir conquis à son pays un savant hors ligne. Il offrit de mettre à la disposition de son hôte du glacier de l'Aar un navire de la grande République pour explorer les côtes de la Floride; aucune propo- sition ne pouvait être plus agréable au hardi grim- peur. Il accepta avec enthousiasme et passa un hiver entier à exécuter des sondages. Les résultats fu- rent brillants. Les explorations sous-marines étaient créés. Agassiz était devenu l'ancêtre scientifique de Michel Sars, de MM. Carpenter, Fischer, Folin, Pe- rier et Wyville Thomson. Ou pouvait deviner dans un avenir prochain, moins d'un quart de siècle, la grande expédition du Challenger. Sur ces entrefaites Louis Napoléon offrit à son an- cien élève de le nommer directeur du Muséum d his- toire naturelle et par-dessus le marché sénateur, mais Agassiz avait l'âme trop républicaine pour ac- courir à la curée du 2 décembre. Le roi de Prusse l'avait du reste dégoûté des prin- ces. Il resta ?v milieu d'un peuple qui, depuis un siècle qu'il esL libre, a eu le bon esprit de rester réel- lement maître de ses destinées, et qui n'a eu besoin que d'inscrire une seule révolution au frontispice de son histoire. Agassiz avait alors recueilli 00,000 souscriptions pour la publication de son grand ouvrage Contribu- tions à l'histoire naturelle des Etats-Unis. Ce mo- nument do littérature scientifique no comprendra pas moins de 10 volumes in-folio. Quatre seulement ont paru jusqu'à ce jour, mais Agassiz n'est point descendu tout entier dans la tomhe. Son fils Alexan- dre terminera l'édifiée dont le génie paternel a creusé les bases d'une façon si puissante. Nous ne pouvons prétendre à donner la nomencla- ture des ouvrages d' Agassiz qui, à eux seuls, consti- tueraient une bibliothèque. Cependant nous ne pou- vons nous empêcher de citer, parmi ceux qui ont été publiés à cette époque, les douze leçons sur Tem- bryoloqie, professées devant l'Institut de Lowell, et le Tour du Lac supérieur. Surtout à partir de 1861 les puissances européen- nes sentirent le besoin de se rappeler successivement qu'Agassiz était un fils du vieux monde et d'imiter notre Académie des sciences qui depuis 1 859 s'était attaché ce grand homme, en qualité de membre correspondant. Il reçut la médaille Copley de la Société royale de Londres et les titres de docteur des Universités de Dublin et d'Edimbourg. En 1862, il donna à Brooklyn (États de New-York) aux frais de l'Association mercantile do cette partie de New-York, une série de, conférences sur la struc- ture des animaux. Ces discours publiés sous le titre de lectures Grakam d'après le nom du personnage qui en avait fait, les frais, sont entre les mains de tous les étudiants américains ; elles ont force de loi de l'autre côté de l'Atlantique dans renseignement élémentaire. Au milieu de fous ces travaux, Agassiz était de- venu professeur d'analomie et de géologie au collège fondé par Harvard, en 1858, au moyen d'un legs s'élevant alors à une terre d'une valeur de 800 livres sterling; grâce à son irrésistible influence, les ad- ministrateurs décidèrent que l'on créerait un musée d'histoire naturelle ; Agassiz, il n'y a pas besoin de le dire, fut le directeur. C'est en 1805 que l'on com- mença les travaux et, en moins de huit années de labeurs, Agassiz est parvenu à créer un établissement unique dans le monde. Sa méthode constante de comparaison y est mer- veilleusement appliquée sur une immense échelle. Les organes analogues des animaux dissemblables sont rapproches, de manière à ce que les différences et les analogies soient mises en lumière. C'est ce grand musée de Cambridge qui absorba tous les moments qu'Agassiz pouvait soustraire à la multitude d'occupations scientifiques, sous lesquelles eût plus tôt succombé une moins robuste intelligence, et qui n'altéraient en rien sa gaieté ordinaire. Pour juger de l'énormitc da la tâche qui contri- bua à épuiser sa santé, malgré la vigueur da sa constitution, il suffira sans doute de savoir qu'il n'a- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 136 LA NATURE. vaitpasà sa disposition moins de trente préparateurs et un grand nombre d'assistants. Les préparations anatoniiqucs qu'il avait rapportées de son dernier voyage et qu'il s'occupait de classer lorsque la mort est venue le surprendre, n'avaient point absorbé moins de 15,000 litres d'alcool! Les fonds furent fournis en partie par un vote de l'Etat de Massachussets, en partie par la dotation Sliaw, en partie par sou fds Alexandre Agassiz, le continuateur de ses travaux. La dotation Shaw pro- vient d'un legs de 1 00,000 dollars qu'un philanthrope a laissé à l'Université de Cambridge il y a une tren- / ^»- cd^r Yh^^^r -G~C*-pJ* -S y£~X'^&- "* V. V^ /^, W < ^£L^y^ *^<. ll^Jk : CL /- s/> c^i A^ Tti-f *^f y ^-^-, j^- ■#^■4 ^.^^A ~^: C/à^~-^C— <<~~~yis-^-- Fac simile d'une lettre inédite d'Aeassiz, adressée à M. Edouard CoUomI), en 1816, au moment où la grand naturaliste allait quitter l'Eurouo. taine d'années, sous la condition de l'employer en créations utiles, quand par le jeu naturel des intérêts accumulés, elle aura quadruplé et atteint le chiffre de deux millions de notre monnaie. Dès les premières années de son arrivée en Amé- rique, Agassiz, qui avait perdu sa première femme, épousa miss Lizie Cary qui lui donna successivement deux filles, L'ainée est aujourd'hui mariée avec M. Higgins, et la seconde avec un M. Shaw. Madame Agassiz s'est elle-même intéressée aux travaux de son mari qu'elle a accompagné dans ses dernières explorations. On lui doit un récit fort attachant d'une campagne sur l'Amazone, dont il nous reste à parler. Ce livre a été traduit en fran- çais ; il a paru dans le Tour du monde. C'est en 1865 qu'Agassiz entreprit cette grande expédition, dont les résultats furent excessivement heureux. Plusieurs centaines d'espèces nouvelles de poissons, tout à fait inconnus, furent découvertes dans les profondeurs de cet océan d'eau douce jusqu'alors Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 133 LA NATURE. inexploré. Les Trais de cette grande campagne fu- rent faits par M. Nathanicl Thorpe, riche habitant do Bostnn. L'empereur du Brésil favorisa de tout son pouvoir l'expédition d'Agassiz et fit au savant naturaliste, ainsi qu'aux personnes, qui l'accompagnaient, l'ac- cueil le plus bienveillant. L'associalion mercantile de Boston qui désirait continuer ses relations avec un homme aussi distin- gué, fit de nouveau à Agassi/ les offres les plus sé- duisantes afin d'obtenir doux conférences sur les ré- sultats de son voyage. Elles eurent lieu en effet; la première sous le titre des Poissons de l'Amazotie, et la seconde sous celui des Animaux du Brésil. Elles furent l'une et l'autre publiées. C'est en 1807, après avoir accompli cette, partie importante de son œuvre, qn'Agassiz se rendit en Europe pour revoir ses anciens amis, et sa terre na- tale vers laquelle il est mort en tournant les yeux. En effet, il avait formé le projet de revenir en Eu- rope, pour rétablir sa santé ébranlée. A peine était-il de retour eu Amérique, qu'il son- geait à organiser «ne expédition nouvelle. Il ne s'agissait rien moins que de parcourir toutes les côtes de l'Amérique depuis Boston jusqu'à San Francisco. Dans ce nouveau voyage, accompli de la façon la plus heureuse, Àgassiz fut encore accompagné par sa femme, devenue l'associée inséparable de ses tra- vaux, et qui avait acquis sur les opinions philoso- phiques de son mari une influence fort caracté- risée. Au retour de cette grande croisière scientifique une nouvelle surprise attendait Agassi/. Dans une de ses conférences de. Mercantile institution il avait émis l'idée de créer une cnjle marine d'ichlhyologie; un riche marchand da tabac de Boston, qu'il n'avait jamais vu, lui avait envoyé une lettre pour lui an- noncer qu'il mettait à sa disposition une somme de 400,000 dollars, avec toute la propriété de la plus jolie, des îles Eli/abelh, cet archipel fortuné que la nature a semé dans la baie du Massac.hussetts, pour donner aux vovageurs un avant-goût des splendeurs du nouveau continent 1 . La création de l'école d'ichthyologic Anderson vint augmenter le nombre des travaux d'Agassiz, qui par- vint à l'inaugurer au commencement de l'aunée 1873. Cet événement, qui fit peu de bruit en Europe, produisit en Amérique une profonde sensation. Agas- siz y attachait une importance extraordinaire. 11 met- tait l'École pratique marine bien au-dessus du muséj de Cambridge puisque l'Ecole pratique lui permet- tait d'espionner la nature, et ds la prendre en quel- que sorle sur lu fait dans ses élucubralions. C'est le 13 décembre 1873 qu'Agassiz s'est éteint succombant sans douleur à une attaque de para- lysie. L'autopsie n'a révélé aucun trouble considérable * Voy. Table des maliùnw de la première année, licule Andersen. dans les organes cérébraux. On pense que le siège de la maladie était à la base de l'encéphale Un rap- port détaillé paraîtra à cet effet. Les funérailles ont été très-simples ; aucun dis- cours n'y a été prononcé. Elles ont eu lieu trois jours après le décès, à la chapelle du collège Harvard, en présence d'un grand concours de citoyens et de la plupart des bienfaiteurs scientifiques d'Agassiz. JIM. Nathanïel Thorpc et Andersen y figuraient avec quelques amis personnels : le vice-président des Ktals-L'nis, legouverneur de l'Etat de Massachussets, les professeurs d'Uarvard-ColIege, etc., etc., mais les corps savants et le Collège lui-même n'y avaient point été représentés par des députations. En apprenant la mort d'Agassiz, les membres d'IIarvard-CoIlege ont adopté des résolutions en l'honneur du défunt, et les édifices publics ont ar- boré lu pavillon national à mi-mât en signe de deuil général. C'est la seule manifestation extérieure que l'on ait cru devoir faire pour ne point sortir des sen- timents de simplicité et de modestie dans lesquels Agassiz avait passé toute sa vie. Il y a un an à peine que le grand savant fut élevé, par l'Académie des sciences, à la dignité d'associé étranger. Jamais cette haute distinction n'a été justi- fiée d'une façon plus brillante. W. DE FO-WIEI.LE. FRANCIS GATIMER M. Francis Garnier est né à Saint-Etienne, le 25 juillet 1859. Il se deslina a la marine, passa ses examens à l'école navale et fit ses deux ans à bord du vaisseau le Borda, passa successivement aspirant de première classe et enseigne. En 18G0, il faisait partie de l'expédition qui, sous les ordres de l'ami- ral Charner, fit. les campagnes de Chine et de Cochin- clmie. 11 prit une part distinguée dans les travaux de la flotte, et de retour en Franco il publia, en 1864, une brochure intitulée la Cochinchine française. L'auteur proposait d'ouvrir des communications commerciales directes entre la Cochinchine et la Chine méridionale. Les raisons qu'il exposait avec beaucoup de force do style étaient convaincantes. Le gouvernement et la Société de géographie s'ému- rent. Ou se décida à organiser une mission dont la direction fut confiée à M. Dondard de Lagrée, capi- taine de frégate. Trop jeune encore pour recevoir le commandement, M. Francis fut nommé second do M. Lagrée. Le 5 juin 18(30, MM. de Lagrée, Garnier, Louis de Laporte, M. de Carné, attaché d'ambassade, deux médecins et une quinzaine de soldats quittaient Sai- gon et remontaient le Mékong, lkuvc alors ignoré des voyageurs. L'expédition dura plus de deux ans; mais elle réussit complètement. Eu effet, elle ne revint à Sai- gon qu'après avoir descendu le Yang-Tze-Kiang jus- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 139 qu'à Shanga'i qui se trouve à l'une de ses innombra- bles embouchures. Le problème géographique était résolu, malheureusement M. de Lagrée avait suc- combé aux fatigues du vovage. De retour en France M. Francis Garnier commença la rédaction du récit de sa grande expédition. M. Francis Garnier était occupé tout entier à oetlo œuvre éminente lorsque la guerre franco-allemande éclata. Son rôle était tracé ; il reprit l'épée et contri- bua à la défense de la capitale. Lorsque vint la capi- tulation, il signa avec quelques-uns de ses camarades de la marine une protestation généreuse, mais hélas ! inopportune et même imprudente. Lorsque la paix fut signée, M. Francis Garnier se remit à son grand travail. Il n'était pas encore ter- miné lorsque le ministère de la marine lui confiait une nouvelle mission qui n'était que la continuation de la mission précédente. Il accepta avec empressement , employant au travail les loisirs de sa traversée. Les dernières lignes de sa préface sont écrites à bord du steamer l'Huu- qly, elles portent la date du 9 octobre 1872. Lu télégramme récent nous apprend que l'infortuné voyageur a été assassiné, le 7 décembre 1873, par les indigènes du Tonkin, province limitrophe de nos possessions d'Indo-Ghine, avec un autre officier de marine qui l'accompagnait dans sa mission scienti- fique. Lorsque M. Francis Garnier revint de son grand voyage, la Société de géographie lit frapper en son honneur une médaille d'or. Son intervention n'aura pas été inutile, car nous apprenons avec plaisir qu'une expédition d'uufre-mer se prépare déjà pour aller châtier les forbans du Tonkin, et une compa- gnie du 4 a régiment d'infanterie de marine vient de recevoir son ordre de départ. Nous sommes certains qu'elle ne tardera pas à prendre les mesures nécessaires , non-seulcruent pour venger ce martyr de la science française, mais encore pour consacrer sa mémoire , et que nous apprendrons bientôt qu'une souscription a été ou- verte pour élever un monument en sou honneur. L'ORIGLNE DE LA POULE D'où viennent nos animaux domestiques?... 11 est, pour la plupart, bien difficile de répondre à cette question si naturelle ! Tout fait penser que presque tous ont suivi les premiers Arvas dans leur migration vers l'Ouest, venant do l'Inde, ou du moins du grand plateau central asiatique. D'autre part, les restes des animaux domestiques et avec eux ceux du chien se rencontrent, pour la première fois, dans les sépultures des dolmens. Nous sommes donc amenés à attribuer au\ premiers Aryas la construction de ces curieuses sépultures, et cela sans nous appuyer sur tant d'autres preuves, dont l'une des plus imprévues fut la découverte, sur le plateau central, d'une peu- plade ayant conservé le même genre de constructions. Mais passons.,.. Le bœuf, la poule, le chien, telle fut la triade qui dut accompagner le premier Arya pendant ses lon- gues courses, et animer les alentours de sa tente ou de son chariot au milieu des déserts dans lesquels il s'arrêtait temporairement. L'histoire nous a conservé elle-même le souvenir de la poule au milieu des anciens campements des hordes barbares, s'abattant plus tard sur l'Europe. Rien ne nous empêche donc d'y voir la continuation des mœurs qui régissaient les premiers émigrateurs, à une époque où l'histoire n'en a pas pu conserver le souvenir. Les peuples qui l'écrivirent plus tard n'existaient pas encore. !,.. 11 a fallu l'époque du bronze et celle du fer pour que les premiers chroniqueurs pensassent à tracer des récits pour leurs descendants. C'est le fait d'une civilisation comparativement très-avancée. Nous ne dirons rien de la brebis; faisait-elle par- tie des premières émigrations? Tout le fait supposer. Ce furent donc quatre animaux que nos ancêtres pre- miers auraient asservis, en Asie, à leurs besoins de nourriture et de. vêtement. N'est-il pas curieux que, des quatre, nous ne puis- sions retrouver la filiation indiscutable que d'un seul? Le coq et la poule. 11 n'y a plus à en douter aujourd'hui : les quatre races connues du Coq dea Jungles ont fourni, par leurs croisements successifs, et par une domestica- tion se perdant dans la nuit des temps, les innom- brables races de poules que nous connaissons. Ce qui s'est passé pour le coq, en Asie, s'est passé pour le canard en Kurope. Nous ne pouvons douter que le canard sauvage soit la souche de nos canards domes- tiques; l'oie sauvage, la souche de notre oie de basse- cour. Mais ce ne sont-là que des domestications toutes récentes auprès de la première. Très-moderne aussi est. la constatation de la filia- tion du coq et. de la poule : elle date à peine de ces dernières années! Car, au commencement de ce siè- cle, on doutait encore. Sonnerat avait bien trouvé la poule ; mais les communications étaient encore si difficiles, les spécimens si rares, que l'on hésitait, d'autant mieux que cette race estime de celles qui a peut-être le moins marqué dans le résultat final. Il a fallu la continuité de l'occupation indienne par l'Angleterre pour amener la capture dos nombreux spécimens qui ont tranché la question. Curieux effet, bien petit, d'une fort grande cause! On connaît aujourd bui quatre espèces très-dis- tinctes du coq des jungles. La plus commune est celle qui nous vient de l'Inde centrale, et dont le mâle ressemble absolu- ment au petit coq de combat anglais de la variété noire et rouge, mais porte la queue plus rabattue. On donne à cette espèce le nom de Gallus Dankiva ou Galbis femitjineus. On la regarde généralement comme plus particulièrement la souche de toutes nos poules domestiques avec lesquelles le coq repro- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 140 LA NATURE. duit librement. On l'a redomestiquée avec la plus grande facilite. Quoi qu'il en soit, cette, race n'est pas la seule dont les produits sont entrés dans la civilisation; elle se croise aussi Lien avec les suivantes qu'elle se repro- duit sur elle-même. C'est à en point de vue que toutes sont intéressantes, parce qu'elles ont produit toutes les espèces et les variétés connues. La seconde race des Jungles est le coq de Sonne- rat (Gallus Sormeratii) , qui vient de l'Inde, méridio- nale. On le reconnaît surtout aux tuyaux aplatis des plumes de sa collerette, qui le font paraître comme couvert de taches de cire à cacheter jaune. De même que la précédente, fréquemment introduite mainte- nant en Europe, cette espèce s'est reproduite et, croi- sée à volonté; mais, en plusieurs endroits, faute de premier saut; pour remonter la race, les hybrides se sont bientôt perdus dans la masse des volailles do- mestiques. En Angleterre, cet oiseau est très-reeher- ehé, non-seulement par les marchands, mais surtout par les fabricants de mouches artificielles pour la pè- che des truites et saumons. Une troisième espèce est \&cotj fourchu [Gallus furcatus) ou (Galtus varius), qui se distingue spé- cialement par les plumes de sa collerette, larges et arrondies à leur extrémité, et qui sont revêtues d'une splendide couleur vert métallique. Les plumes du dos sout colorées en orange vif avec le milieu noir. Les deux plumes du milieu de la queue sont recour- bées extérieurement et fourchues, ce qui lui a valu son nom. Sa crête est arrondie dans son contour gé- néral, et il n'a qu'un barbillon médian au lieu des deux que portent toutes les autres espèces. On le tire de Java et des autres îles de l'archipel malais. Il re- produit bien en Europe et donne dû beaux métis. La quatrième race de coqs des Jungles est ren- fermée dans l'ile de Ceylan, et malheureusement on l'apporte trop rarement vivante en Europe. Celui-ci est non-seulement remarquable, parce qu'il est propre à cette île, mais parce, qu'il est commun dans toutes les parties qui ne sont pas cultivées et où le jungle n'est pas trop haut. Quoique spécialement habitant des plaines basses, on le rencontre souvent en très-grand nombre sur de hautes collines, où il est attiré par l'abondance du nilloo; c'est le nom d'une espèce de cornière qui croît à 2,000 mètres environ d'altitude. Les botanistes savent mieux que nous si les graines des acanthaeées contiennent un poison narcotique ou énervant quel- conque; mais, ce qui est certain, c'est qu'après que, notre coq a mangé le nilloo pendant un certain temps, il devient comme à moitié aveugle et stu- péfié, si bien qu'on le tue alors à coups de bâton. Sont-ce bien les graines du nilloo qui produisent cet ahurissement, cette espèce d'ivresse profonde? On est disposé à en douter quand on sait, d'ail- leurs, que ces liants sont absolument inoffensifs pour les autres animaux et l'homme. Il semblerait plus probable que ce serait quoique plante autre, quelque champignon ou lichen, poussant au moment de la fructification du nilloo, qui enivrerait ainsi le coq des Jungles. C'est au point du jour qu'on l'entend pousser ses plus grands cris, et pendant une heure ou deux après le lever du soleil. Si ces oiseaux sont un peu nom- breux, on les entend alors se répondre de toutes parts. A ce moment, si l'on se tient parfaitement immobile entre deux coqs qui se défient réciproquement et s'ap- prochent peu à peu l'un de l'autre, on peut les tuer en même temps d'un coup de fusil. Quelques chasseurs parmi les naturels sont d'une adresse incroyable pour appeler tes coqs des Jungles, en frappant un pli flottant de leur vêtement, de ma- nière à produire exactement le bruit d'ailes de l'oi- seau qui s'abat. 11 ne faut pas perdre de temps pour tirer en ce moment, parce que les coqs découvrent la supercherie, en jetant un coup d'œil autour d'eux, et à l'instant ils fuient en courant, la queue basse, comme les faisans. 11 n'est, au reste, pas difficile, dans un jungle con- venable, d'approcher le coq qui chante jusqu'à bonne portée de fusil. On le trouve, généralement se pava- nant de côté et d'autre sur les branches horizontales de quelque arbre, élevant et baissant la tète, et pous- sant de temps à autre son cri, que l'on a rendu, en anglais, par les svllabes suivantes : george, joijce ! george, joijce ! précédées de ek ! ek ! Ce nom populaire lui est resté. Lorsque l'animal est bien rassuré et dans son can- ton, on voit quelquefois le coq paître avec ses poules, mais c'est rare. Ordinairement, les poules sont ex- trêmement farouches, et l'on parvient à en tuer très- peu. Dans les villages du pays, ces coqs reproduisent avec les poules domestiques, et l'on y voit souvent des petits coqs de jungles, nés sous des poules ordi- naires, courant avec les petits poulets. Us se mon- trent cependant toujours plus sauvages et, invariable- ment, perchent au dehors des portes du poulailler. Tôt ou tard, à moins qu'ils no soient tués avant leur départ, ils regagnent les jungles. Cependant on en a élevé avec, un peu plus de soins qui sont devenus complètement apprivoisés. Le mâle a la crête jaunâtre bordée de rouge vif, les barbillons et les joues plus ou moins jaunes, mais tirant toujours sur le rouge.; la dimension de ces parties varie avec l'âge de l'animal. Bec brun; devant sale; mandibule inférieure jaune pâle; iris chamois; pattes jaune pâle; plumes du dos d'un bleu brillant et légèrement bordées d'orange. Cet animal ne vit pas longtemps en captivité; poul- ie faire arriver sûrement eu Europe, il faudrait com- mencer par le bien domestiquer sur place, dans sa patrie; ce qui ne semble nullement ddlicïle. Les jeunes coqs, par leur premier plumage, res- semblent aux poules, les plumes secondaires de leurs ailes étant barrées transversalement de bandes de brun vif et foncé; les plumes du cou sont panachées; ce n'est que plus tard que pousse la livrée masculine. Les poules ressemblent, plus que toute autre lace, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 'HhlPHi :■]'■ . i,i.i : . Droits réservés au Cnam et à ses partenaires ii-2 LA NATURE. au coq de combat anglais, rouge, et vert; seulement les plumes secondaires de leurs ailes sont marquées distinctement de bandes claires cl foncées alternati- vement, et les plumes de la poitrine ont le bord et le centre plus clair. Chez les jeunes poulets, dès qu'ils onl la grosseur d'une grive, on distingue très-aisément trois bandes foncées : une sur le centre do la fête et les autres descendant de cIuhjuû cûlé, à travers les yeux. II. DE LA. IÎLASXHKRB CIÏIIOMQIJE Eclipse d'un satellite de Jupiter. — Aujour- d'hui même où parait noire numéro à 1 h. moins 20 du ma- tin on pourra apercevoir une éclipse du quatrième satellite de Jupiter. Ce phénomène fera d'autant plus intéressant qu'a- près avoir vu disparaître le corps céleste à l'occident on le verra surgir à l'orient après une éclipse d'à peu [n'es trois beures, temps égal à celui qu'il aura mis à traverser l'om- bra. Tout se passera à l'occident de l'astre, puisque l'op- position de Jupiter n'a lieu que le 17 mars. On pourra, à 2 li. 40 observer l'immersion et l'émersion du troisième satellite qui aura lieu dans les mêmes circonstances et qui durera à peu près le même temps, quelques minutes tle p\us. La durée de ces temps différents dépend de la vitesse du corps céleste et du diamètre de la section de 1" ombre qu'il traverse. Malheureusement le voisinage de h lune nuira à ces observations. Curieuse empreinte de pieds humains sur an Irioc erratique. — ■ Dcus chasseurs, écrit-on à la Nouvelle Gazette de Zurich, ont trouvé à une lieue d'Es- chenbach, dans la montagne, un bloc erratique sous le- quel sont empreintes plusieurs marques de pas humains parfaitement nettes. Ce bloc mesura près de deux mètres de longueur sur plus d'un mètre de largeur. Les emprein- tes sont assez profondes et paraissent provenir de pieds masculins et féminins, chaussés rie mocassins semblables à ceux que portent encore les indiens de l'Amérique du Nord. » Le correspondant de la Nouvelle Gazette de Zu- rich ajoute que cette pierre a dû être évidemment primi- tivement plus tendre. Cela est certain. Mais peut-être en v regardant de plus près, trouvera-t-ou que ces prétendus mocassins sont des empreintes laissées par des palmipèdes antédiluviens. » Nous ferons observer à notre tour que bien souvent de légères cavités naturelles, imitant tant bien que mal des empreintes de pieds humains, sont dans les campagnes considérées comme telles, sans que mille preuve appuie semblable hypothèse. Pans les Pyrénées notamment il n'y a guère de localité où l'on ne vous montre sur quel- que pierre des traces tout à fait légendaires de pas hu- mains. nouvelle aacensiun dn Jules-Fa*re. — M.Eu- gène Bunelle, depuis les ascensions dont nous avons rendu compte, a exécuté plusieurs voyages aériens à Yarsovio. 11 devait exécuter également une ascensionà Odessa, mais la compagnie du gaz n'ayant point été à même de lui fournir une quantité suffisante, il l'a exécutée à Khorkoff, ville im- portante de la Russie méridionale, située à peu près a égale distance entre Moscou el Odessa, et station du che- min de fer qui relie les deux villes. L'ascension a eu lieu le 2 novembre à 5 h. 1/2 du soir; elle s'est prolongée jus- qu'à minuit. M. bunelle avait quatre passagers à son bord, dont une dame venue exprès de Saint-Pélersliourg. Quoi- que l'aérostat ait toujours dérivé dans la direction du N.-N'.-E. , le vent était si faible qu'il n'a fait que 1 ûO kilo- mètres en S h. 1/2, environ 22 kilomètres par heure. La vitesse de la couche aérienne allait en s' accélérant à mesure que l'on s'approchait de terre ; à 300 mètres, l'air faisait 3i kilomètres à l'heure; à terre, le vent soufflait en tem- pête. M. Bunelle a été obligé de déchirer son ballon pour effectuer la descente. Il se trouvait alors d:ms un steppe désert, commune de tïrosnaia, district de Tyne, province de Kourik, à 1)0 kilomètres de la station de /ucholsky, sur le chemin de fer de. Kborknff à Voronèse. Dans la nuit du 3 au i, h Jules- Favre arrivait à la station de IVicholsky, et quelques heures après, il faisait sou entrée triomphale à Khorkoff. L'aérostat n'a dépensé que 7 sacs de lest de 16 kilos à l'aire sa route ; sacs ont été jetés pour franchir une pluie qui est survenue au coucher du soleil. Les nuages étaient à 1,100 mètres. L'aérostat s'est élevé jusqu'à 2,700 mètres. La lune était dans son plein et très-haute. L'ombre du bal- lon se voyait frès-nettetnent à la surface de la terre et a servi à déterminer la vitesse. 11 faisait plus chaud en l'air qu'à ferre. ACADÉMIE DES SCIENCES Séance du 20" janvier 18~4. - Présidence de M. Bhiiieund. Élection de M. Paul Gervais. — L'Académie avait au- jourd'hui à pourvoir à la place Lissée vacante dans la sec- tion tle zoologie par le décès de M. Cosle. Quatre candidats étaient sur les rangs : en première, ligne, M. Paul Gervais; en seconde ligne M. Alphonse Milne Edwards; en troisième, M. Camille Daresle, et enfin en quatrième, M. Bejudelot.Le nombre des votants étant de 58 ; 55 voixsii sont portées stir II. Gervais, 24 sur M. A. Edwards et 1 sur M. Dareste. 11 y a longtemps déjà que le savant professeur d'unutomie comp.uée du Muséum, l'ancien doyen de la Faculté des sciences de Montpellier, le savant qui, après avoir pro- duit d'innombrables travaux sur toutes les branches de la zoologie, a donné celte preuve de son amour pour la science de troquer la Sorbonne contre le Jardin des Plantes malgré la différence des traitements, mais à cause de la différence des moyens d'étude; il y a longtemps qu'un tel homme aurait du appartenir à l'Institut, Élection manques de correspondant. — Nous n'en avons pas fini encore avec les correspondants de la section d'astronomie, 11 paraît que le programme de la séance d'aujourd'hui portait l'élection d'un nouveau correspon- dant. Mais, au moment d'ouvrir le scrutin, M. le président a annoncé que M. Serret ayant déclaré les opérations du dernier comité secret entachées d'irrégularité, demandait que les conditions fussent de nouveau discutées, et l'élec- tion par conséquent renvoyée à huitaine. M. Le Verrier, présent aujourd'hui, appuie de la manière la plus véhé- mente cette proposition inattendue, et M. Liouville se joint à lui. Toutefois, la chose n'est pas du goût de tout le monde ; M. Fuzeau surtout fait remarquer que cette remise est très-défavorable à la candidature préférée en ce mo- ulent et voudrait que l'Académie se prononçât tout entière sur la question. Sans entrer dans le fond du débat, Joui les détails nous Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 143 sont d'ailleurs inconnus, faisons seulement remarquer qu'il est à regretler que quelques membres, à cause de leurs relations à l'étranger, enlèvent aux astronomes français qui peuvent exister en province l'espoir d'être nommés correspondants de l'Académie. Car il parait que cette espérance est de nature à exciter le zèle scientifique de beaucoup de personnes, et l'on sait que depuis quelque temps le nombre des travaux d'astronomie signés de noms français est désespérément restreint. A l'heure qu'il est, sur quinze correspondants de lu section, il y en a quatorze qui sont étrangers : us seul, M. Roche, est Fiançais; à qui scia donnée la dernière'place vacante? Ajoutons d'ailleurs, sans aucun esprit de récrimination, que, d'après les bruits courants chez les astronomes, les étrangers nous rendent un signalé service en meublant les quatorze fauteuils en question, car dans toute la France un ne cite, comme éligibles, que deux astronomes, et outre qu'il est incontestable que leur notoriété est inoins grande que celle de M. Lockyer ou de il, Kewcomb, il va de soi qu'on n'aurait pu sans inconvénient leur donner à chacun sept fauteuils et demi. Fondation de prix. — Tour en finir avec les sujets qui intéressent moins la science que son académie, notons deux fondations de prix destinés à la fuis à encourager cerbins travaux scientifiques et à augmenter l'influence des académiciens chargés de leur distribution. Le premier a pour fondateur Claude Gay, dont nous annoncions la mort il y a quelques mois : • Ayant trouvé, dit le testateur, un bonheur pur et profond dans les occu- pations scientifiques, n'ayant jamais connu ni l'oisiveté ni l'ennui, et voulant encourager les personnes qui auraient les mêmes goùls, je lègue à l'Académie une rente de 2,ii00 fr. applicable à un prix annuel de géographie phy- sique, conformément au programme qui sera rédigé. » Le second prix est un prix d'astronomie, Ce n'est pas un savant qui le fonde, mais sa veuve, madame Yalz, de Mar- seille. Nos lecteurs savent que Val/,, qui a été remplacé lundi dernier comme correspondant par M. Newcomb, était directeur de l'observatoire de Marseille. La somme mise à la disposition de l'Académie est de '10,000 fr., et les con- ditions du concours doivent être analogues à celles qui concernent le prix Lalaude. Levure de bière el penicilium. — En entrant dans la salle, tout le monde remarque sur lutab'e des lectures un énorme ballon de verre tubulé, à moitié plein d'un liquide jaunâtre : le mode de tubulure fait reconnaître un appa- reil de M. Pasteur, cl l'on s'attend naturellement à une discussion animée. 11 s'agit de la production de la levure dans les milieux minéraux sucrés. L'expérience que re- présente le ballon est très-simple et certainement très-in- téressante. Elle consiste à placer une quantité iinpercep* lihle de levure dans un liquide formé d'eau distillée dans laquelle on a fait dissoudre du sucre candi pur et des sels d'ammoniaque cristallisés. Au bout de très-peu de temps la levure se multiplie d'une manière exubérante et il est manifeste qu'elle emprunte son carbone au sucre, et son azote aux sels ammoniacaux. M. Pasteur assure qu'on peut ainsi déterminer la fermentation de kilogrammes de sucre. Tout ceci aurait passé tout simplement, mais l'auteur a cru devoir ajouter que son expérience est une preuve ma- nifeste de l'inexactitude des assertions de M. Trécul, d'a- près qui la levure est susceptible de se transformer en pe- nicilium glacum. En effet, M. Pasteur déclare qu'on peut décanter tout le liquide du ballon en laissant la levure, qui. est eu contact avec de l'air dépouillé de ses poussières, et que jamais, dans ces circonstances, la transformation annoncée n'a lieu. M. Trécul a pris la parole à la suite de cette atlaque, pour demander que son contradicteur se plaçât dans les conditions où il s'est placé lui-même; mais nous avouons n'avoir pas bien compris les arguments dont il s'est servi et auxquels M. Pasteur nous paraissait avoir répondu d'a- vance. Aussi espérons-nous que le savant micrographe fera de sa réponse le sujet d'une communication spéciale. Où la séance a failli perdre le caractère grave qui lui convient si bien, c'est quand M. Pasteur, ayant ainsi ter- miné avec M. Trécul, s'est tourné vers M. Frémy et lui a dit textuellement : « Eh bien, et vous na répondez-vous pas? — Oh! pas encore; la lecture du mémoire auquel jo travaille sera ma réponse. — 11 y a bien longtemps queju l'attends, votre mémoire ! » Le métal à canon. — Le secrétaire perpétuel présente, de la part de M. Frémy, une brochure intitulée le Métal à canon. Nous reviendrons sur ce travail avec tout le soin que réclament l'importance du sujet et le nom de l'au- teur. Disons seulement que celui-ci conclut de ses études, que le véritable métal à canon est une substance inter- médiaire entre le fer et l'acier trempé. Les poussière) cosmiques. — On se rappelle la singu- lière découverte, faite par M. Nordenskiold, de poussière accompagnant la neige des régions arctiques et contenant, comme les matières météoritiques , du fer métallique et du charbon. L'auteur adresse aujourd'hui, par l'intermé- diaire de M. Daubréo, une suite à son premier travail. 11 a reconnu que lu poussière noire renferme du nickel, du cobalt et du phosphore, trois des éléments les plus carac térisliques, comme on voit, des matières extra-terrestres. La conclusion, de plus en plus nécessaire, est que celte poussière est réellement d'origine cosmique, et il faut es- pérer que d'autres recherches feront faire de nouveaux progrès à son étude. S'il en est ainsi, on acquerra des notions très-importantes, à la fuis pour la physique ter- restre el pour l'agriculture, puisque l'on aura découvert une source, certainement bien imprévue, du phosphore et du fer que s'assimilent les végétaux. Géologie arctique,. — Le même savant fait parvenir, par la même occasion, la description des nombreux gla- ciers, élevés de T>Û0 à 1,000 mètres au-dessus du niveau de la mer, qu'il a eu l'occasion d'étudier dans son dernier voyage au pôle. En même temps, il fait connaître une nouvelle couche de lorrain, remplie d'empreintes végé- tales avec une telle profusion, qu'il la compare à un her- eif.r fossile. Il résulte de cette découverte que le Spitï J herg offre au moins cinq niveaux, parfaitement distincts, de végétaux fossiles : deux dans le terrain hnuillor, un dans le jurassique, un dans le crélacé et un dans le mio- cène, La nature des plantes recueillies montre que, jus- qu'à la fin de l'époque crétacée, la température de ces ré- giuns circumpolaires était comparable à celle de notre zone tropicale. Slatisliijiie parisienne. — Un très-intéressant travail de statistique est soumis par il. Mortier, qui a eu l'heureuse idée de représenter les différences de population des di j vers points de Paris, par des lignes d'égale densité tracées Droits réservés au Cnam et à ses partenaires m LA NATURE. sur le nlan. Cdui-ti prend des Iurs un aspect tout à fait comparable à celui des caries lopographiques, et devient riche en enseignements, snit en ce qui concerne les épidé- mies, soit en ce oui touelie aux travaux d'édib'té, tels que la distiibulicn (l'eau et les cgouls. Stanislas Meunier. LE PORTRAIT D'AUGUSTE DE LA RIVE Ciccron a dit de l'orateur vir bonus dicendi pe- riius. Cette admirable définition peuts'appliquer aux hommes de science avec autant de vérité. 11 n'y a pas de physicien complet qui n'ait été un homme honnête dans toute l'acception du mot. Sous ce point de vue, Auguste de la Itive peut être considéré comme un modèle. Les détails que nous avons donnés sur sa vie. 1 , n'auraient-ils point été incomplets si nous avions omis de représenter l'homme lui-même? Dans les relations privées et dans sa vie publique, de la Rive était la droiture et la fidélité incarnées. Jamais dans ses mémoires ou dans ses livres il ne hasardait un mot sans en avoir scrupuleusement pesé la valeur. De la Hivo. C'est une qualité qu'il tenait de sa famille, et qui avait frappé l'esprit d'Àrago : « Ces de laRive » disait- il, « font de la physique en partie double comme l'on tient des livres ; » cette phrase était certainement le plus hel éloge que pût faire des physiciens de Ge- nève, le fougueux enfant d'Estagel. Hus concentré, moins bouillant que son compa- triote Agassiz, Auguste de la l'.ive n'aurait pas ren- contra en Amérique un accueil enthousiaste. Les Américains n'auraient pas facilement compris cette rature d'élite failu pour séduire les membres de la plus haute aristocratie anglaise. On peut com- parer le grand physicien à ces fleurs des Alpes qui ne peuvent vivre sous d'autres climats. Il avait cer- tainement autour de lui, dans la laborieuse et rigide cité de Calvin, le milieu qui convenait à ses habi- tudes intellectuelles et à ses facultés natives. La plupart de ceux qui ont connu cet homme âa bien s'accordent à rendre hommage à l'étonnante égalité de son caractère, à sa rare bienveillance, à la finesse de sou esprit, comme à l'étendue de son in- telligence. Tout le monde admirait ses vertus, et personne n'enviait son génie. • Voy. p. 49. !,c pTupriêtairc-Gèrant : G. Tissajuiej.. i.m licil. — ImprimeriL" de Ciîetk fils. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires N°3G. 7 FÉVRIER 1874. LA NATURE. U5 LE PYROPHONB Un jeune savant, M. Frtltlt'riu Kastner, à la fois physicien et musicien, vient d'imaginer un nouvel appareil musical destiné à produire les effets les plus remarquables, les plus inattendus, au milieu dos orchestres de nos grands théâtres lyriques, ainsi que dans les concerts ou les cathédrales : cet instrument a été nommé par son constructeur, le pyrophone. Expliquons tout d'abord par quelle série de consi- dérations théoriques M. F. Kastner a été conduit à la découverte de ce système ingénieux. C'est, en effet, à la science pure, à la physique mathématique, aux ..: ÏÏ--I = 1 M Le pyroplione. lois de l'acoustique,, que nous devons nous adresser pour rechercher l'origine de ce mécanisme. M. F, Kastner, après de nombreuses expériences sur les flammes chantantes, poussant ses recherches, pour les compléter, du côté des lois de l'interférence, a découvert un des plus intéressants théorèmes d'a- coustique, qui était resté ignoré jusqu'à ce jour. Des savants allemands, anglais et français s'étaient déjà beaucoup préoccupés des flammes chantantes. Mais aucun n'avait encore songé à étudier les effets produits par deux ou plusieurs flammes conjuguées, comme l'a fait l'auteur du travail dont nous expo- sons les résultats. Un mémoire présenté à l'Acadé- mie des sciences, par ce jeune savant, à la date du 17 mars 187ô, et auquel nous renvoyons le lecteur, contient les expériences et les calculs à l'aide des- quels M. F. Kastner a pu formuler ainsi sa nouvelle loi: Si dans un tube de verre ou d'autre matière on introduit deux ou plusieurs flammes isolées de grandeur convenable , et qu'on les place au tiers de la longueur du tube, comptée à partir de la base 10 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 146 LA NATURE. inférieure, ces flammes vibrent à l'unisson. Le phé- nomène continue de se produire tant que les flam- mes restent écartées ; mais le son cesse aussitôt que les flammes sont mises en contact. L'application de cette loi, à l'aide de combinaisons délicates et de mécanismes ingénieux, a fait sortir le pyrophone des mains do l'inventeur. Aujourd'hui l'instrument, tel que le représente la gravure, est terminé, et prêta fonctionner. M. Fré- déric Kaslner a organisé un atelier, dans lequel on a déjà monté plusieurs des nouveaux instruments que le monde savant et musical a pu entendre dans des concerts à Paris , et surtout à l'Exposition de Vienne. Le pyrophone, à première vue, ressemble à un orgue : mais il en diffère par un point essentiel, ca- pital. Lorsque l'appareil fonctionne, les sons se pro- duisent, non plus par l'air insufflé, mais au moyeu de l'air mis en mouvement par la combustion des flammes placées à l'intérieur dus tubes en cristal. Que le lecteur veuille bien se rappeler l'expérience de l'harmonica chimique , et. il comprendra facile- ment le fonctionnement ifu pYt'ophone. Kn effet, d'après le théorème du M. Kaslner, si à l'intérieur d'un tube on place à la même hauteur deux flammes, dès qu'elles sont écartées, elles vibrent ; dès qu'elles sont rapprochées, le son cesse de se produire. Le timbre du son, sa hauteur et son intensité, dépen- dent des dimensions du tube. Supposons donc que deux petits tuyaux amenant un gaz combustible, l'hydrogène, par exemple, soient placés dans l'inté- rieur d'un tube eu cristal, et qu'on ait allumé le gaz qui s'échappe de ces deux tuyaux. Admettons en outre que ces deux petits tuyaux , placés dans le même tube en cristal, puissent s'éloigner on se rap- procher à volonté , au moyeu d'un mécanisme dont le mouvement est imprimé par la pression exercée sur les louches du clavier ; — si, comme dans le piano, nous appuyons sur une des touches, les deux petits tuyaux placés dans le tube en cristal s'éloignent, Ses deux flammes conjuguées s'écartent , l'interférence n'agit plus et le son se produit. Iles que l'action de pression cesse sur la touche, les deux petits tuyaux se rapprochent, les deux flammes sont en contact, l'interférence se produit et le son s'arrête immédia- tement. Chaque touche du clavier est mise en communica- tion avec un tube de cristal : les dimensions de ce tube ont été calculées, de manière à. produire un son dont la valeur correspond à la position occupée par la touche. Des curseurs placés à la partie supé- rieure, mobiles sur la surface extérieure du cylindre de cristal, permettent de régler le son de chacun de ces tubes, que l'on accorde comme un piano, avec cette différence qu'il n'y a pas à tendre plus ou moins des fils métalliques, niais à baisser ou à hausser con- venablement des curseurs en carton. Lorsque l'in- strument a été réglé, que les curseurs ont été parfaitement mis en pince, et que les petites flam- mes dbjdiogène brûlent dans les tubes de cristal, l'exécutant n'a plus qu'à se placer devant le clavier, à frapper les touches, et les sous successifs se pro- duisent, de même que dans le piano, de même que dans l'orgue. Mais ce qu'il y a de particulièrement remarquable, c'est le timbre exceptionnel des sons qui sortent du pyrophone. — Quand l'instrument fonctionne entre des mains habiles, on entend en ef- fet une musique suave et vraiment délicieuse, les sons obtenus sont d'une pureté et d'une délicatesse extraordinaires, rappelant à s'y méprendre les voix humaines. L'ALFA ET T,A FABRICATION DU VArlEIt, On désigne sous le nom générique A' al fa deux gra- minées : le machrochloa, ou stipa tenacissima, et le lygeum spartum, qui croissent toutes deux dans les diliérentes contrées que baigne, la Méditerranée, mais plus particulièrement en Espagne et en Algé- rie. Les diverses variétés du stipa : ïaristella, le juncea, le. permuta, croissent en effet sur les collines les plus arides et les plus élevées des districts occi- dentaux de l'Algérie et dans toute la province d'Oran. Ce n'est pas de nos jours seulement qu'on a cherché à tirer parti de ces plantes, et les auteuis anciens Pline et Strabon, pour ne nommer que les plus con- nus, nous apprennent qu'on en faisait de leur temps des paniers, des corbeilles, des cordages, des nattes, des tapis et même des chaussures élégantes, dont ou peut voir des spécimens dans la collection égyptienne cédée par Drovetti au musée do l'université de Turin. Mais c'est seul ornent à notre époque qu'on est par- venu à eu tirer un profit véritablement rémunéra- teur. La consommation chaque jour [dus considéra- ble du papier, le prix toujours croissant des chiffons ainsi que leur rareté, avaient depuis longtemps poussé quelques esprits pratiques à tenter la fabrication du papier au moyen de certaines plantes textiles telles que les orties, l'aloès, le bananier, et plus tard au moyen de la paille et du bois ; toutes ces matières sont aujourd'hui connues sous le nom générique de succédanés du chiffon. La fabrication du papier au moyen du sparte, qui donnait une pâte faiblement colorée, fut tentée en Angleterre, par MM. Routlcdge et Lloyd. Ce dernier, propriétaire du Lloyds Wcekiy Newspaper, après une série d'essais qui finirent par réussir, fabrique aujourd'hui la plus grande quantité du papier sur lequel sont imprimés les journaux écossais. Récolté en Espagne, dans les provinces de Murcie et d'Almeria, le sparte importé en Angleterre revenait en 1864 à 150 francs la tonne, ce qui, pour les 00,000 tonnes importées dans le courant de l'aimée, faisait un total de 1,500,000 francs. Après avoir été trié, nettoyé, haché et broyé, le sparte est traité avec une dissolution concentrée de soude caustique, 8 kilog. de soude pour 50 kilog. de sparte, qu'on laisse bouillir de six à huit heu- res. Tous les principes visqueux que renferme la Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 147 plante sont alors dissous et entraînés, il ne reste plus que la partie ligneuse, réduite à l'état de bouillie d'une couleur foncée. On ia lave, on la blanchit et on la truite comme la pâte de chiffons. Mais seule, la pâte de sparte serait trop cassante, on est donc obligé le plus souvent de la mêler avec de la pâte de chiffons. Le développement rapide que prit en peu de temps cette nouvelle fabrication força bientôt les commer- çants anglais à s'adressera notre colonie algérienne. L'exportation, qui n'était cm 1862 pour l'Algérie quede 450 tonnes, montait cinq ans plus tard à 4,120 ton- nes, pour atteindre en 1870 43,218, en 1S71 60,943, en 1872 44,007 tonnes. Le prix de vente à cette époque était en moyenne de 14 francs les 100 kilog., tandis que le chiffon atteint aujourd'hui 85 fr. les 100 kilog. Si, relativement à la quantité colossale de. papier qui se fabrique en Europe seulement, cha- que année, ces chiffres semblent faibles, on peut toute- fois se rendre facilement compte îles progrès acco ra- idis eu dix ans et prévoir quelle source inépuisable de richesse l'alfa doit être pour notre colonie. Jus- qu'en 180C, l'Angleterre a été seule à se servir de l'alfa, et te n'est qu'à partir de cette époque que la France et la Belgique ont commencé, à s'en servir pour la fabrication du papier, car l'essai tenté, en 1802, par M. Carboimcl, qui a\ait pris un brevet pour le blanchiment et la préparation de la pâte à papier provenant du sparte, n'avait pas produit de résultats sérieux . Tout d'abord les Arabes et les quelques colons adonnés à cette culture ont exploite les points les plus rapprochés du littoral et desservis par des routes carrossables ; niais grâce au développement et à l'extension qu'elles ont pris, les cultures se sont éloignées des côtes et se trouvent reléguées dans des cantons difficiles, à une grande distance des ports d'embarquement. Pour obvier à cet inconvénient, MM. Debi'onsse eL C'° étaient depuis plusieurs an- nées eu instance auprès du gouvernement français pour obtenir la concession d'un chemin de 1er de Saïda àAizeu, c'est-à-dire de la frontière méridio- nale du Tell oranais à la mer. Celle convention vient, paraît-il, d'être signée entre le gouverneur générai de l'Algérie et MM. Debrousse et C'\ qui ont dû re- cevoir, au lieu d'une subvention eu argent, une con- cession de 300,000 hectares de. terres propres à la culture de l'alfa, qui seront mis Cil communication avec la Méditerranée par une ligne ferrée de 250 ki- lomètres, l'indu, te Moniteur de l'Algérie annonce au même moment que, dans la province d'Alger, une puissante compagnie va commencer des études pour la construction d'un chemin de fer qui mettrait en communication avec la préfecture les terres à alfa du sud de la province, et qui se relierait à Aflreville, au chemin du 1er d'Alger à Oran. Malheureusement, si l'alfa est de plus en plus recherché parles Anglais, appréciateurs éclairés des qualités qu'il possède pour la fabrication du papier, s'il a été particulièrement remarqué au milieu des productions de toute sorte envoyées à l'Exposition de Vienne par notre fertile colonie algérienne, il n'a pas eu jusqu'ici le même succès chez nous, qui ne voulons rien changera nos habitudes routinières et qui nous traînerons bientôt, grâce à cette apathie, à la remorque de nations plus actives, plus ingénieuses, qui marchent à grands pas dans la voie du progrès et de la prospérité, Gabriel Mahcel. LES RADEAUX IMPROVISÉS L'année 1873 a été, comme on le sait, exception- nellement féconde en naufrages. D'après le Journal du Havre et le Shipping Gazette, le nombre des sinistres enregistrés à la fin de décemhre dépassait 2,200, tandis que la moyenne ordinaire n'est que de 1,200. Cette triste période fut ouverte par le grand naufrage du Narth-Fleet, rencontré près du Dunge- nesspar le Murillo. Nous n'avons point à revenir sur cette horrible tragédie, dans laquelle le capitaine espagnol lit preuve d'une barbarie digue des temps sauvages, abandonnant lâchement ceux qu'il venait de couler bas, afin d'ensevelir dans l'Océan toutes les conséquences de sa fausse manœuvre. Ces scènes révoltantes excitèrent de l'autre côté du détroit un sentiment de réprobation universelle, en même temps qu'un vif désir de protéger la vie. des marins à la nier. Le lord-maire se mit à la tète d'une souscription en faveur des victimes du North-Fleet. Mais ce n'était point assez de soulager tant d'infor- tunes, il fallait encore diminuer les chances du re- tour de ces grandes catastrophes ; il fut donc décide qu'on organiserait à Jlansion-Ifouse une exposition payante de tous les moyens de sauvetage. Des ex- périences pour signaux furent instituées sur la Ser- pentine River. Parmi les idées nouvelles qui excitèrent quelque intérêt, nous signalerons la fabrication des radeaux instantanés, à l'aide des débris de la passerelle ser- vant aux commandements du capitaine, et qui vien- nent d'être le nouvel objet de l'attention publique en. Angleterre. Nous n'avons pas besoin d'entrer dans de longues explications à ce sujet, car les vignetLes que nous mettons sous les yeux de nos lecteurs nous dispenseront de tout commentaire. On voit d'un côté les parties du navire qui sont destinées à constituer ce radeau, et, de l'autre, le radeau flot- tant à la surface de l'eau, On peut même, comme l'indique notre gravure inférieure, le garnir de voiles de fortune permettant de tenir une certaine direc- tion à la mer. La vitesse avec laquelle les navires disparaissent dans les abîmes océaniques, dans le cas de collision notable, oblige à se préoccuper de procédés de ce genre. 11 faut augmenter systématiquement, et saris nuire à la solidité des manoeuvres, te nombre des pièces de bois susceptibles de flotter et de maintenir des hommes uajcaul à la mer. Le poids d'un homme Droits réservés au Cnam et à ses partenaires U8 LA NATURE. ne dépasse pas un petit nombre de kilos, si l'on en bouées dont nous avons parlé, est des plus simples déduit son déplacement d'eau, même lorsqu'il lient la tète dehors : ou voit donc que le problème des Mais avec la bouée, l'homme périt par le lroid, tandis qu'avec le radeau il a une existence qui peut Mïï/mw, wïïii w/illil iii m ' ,l! "'n Naim-au système de radeau instantané. — 1" Le ratknu formant la passerelle. — S fl Le radeau b la mflf. durer quelques jours, quoiqu'il ne faille pas se faire trop d'illusions à cet égard. Un dixième seulement des passagers de la Méduse a surrécu à neuf ou dix jours de mer. Sur le radeau de YArctic, sauf un seul, échappé par miracle, tous les naufragés ont trouvé successivement la mort en peu de jours. Lu radeau lui-même n'est qu'un ex- pédient tout à fait insuffisant si le naufrage a lieu en Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 140 plein Océan et loin des routes fréquentées par les navires. Cependant, prolonger l'agonie, c'est, qu'on ne l'oublie pas, augmenter les chances de sauvetage. VOYAGE D'UN NATURALISTE EN OCÉANIE Amateur passionné des explorations, M. Julins Brenchley avait passé la plus grande pmtie de sa vie à récolter ùes collections d'histoire naturelle, d'abord en Amérique et ensuite en Océanie. Mais sa santé fut bientôt épuisée par les fatigues et il est venu récemment augmenter le martyrologe de la science, léguant à un ami, M. J. Remy, qui avait été souvent son compagnon de voyage, le soin de conti- nuer ses travaux inachevés. M. J. Brenchley étant à Sydney, en Australie, pro- fita de l'occasion d'un navire de guerre anglais, le Nouvûlles especus de coquillages en Ûcéanie. Curaçao, envoyé en mission dans les Ues del'Océanie, pour rappeler le souvenir des couleurs britanniques aux indigènes et aux quelques établissements euro- péens perdus dans les îles éloignées. Etant embarqué comme naturaliste de l'expédition, il eut toute faci- lité de se livrer à ses études favorites, pendant les fréquentes relâches, il rapporta beaucoup de docu- ments nouveaux, qu'il publia dans son ouvrage : Crmse <>f Ihe Curaçao l . Ce volume est une re- lation de son voyage, où figurent ses observations d'histoire naturelle sur l'ethnographie, la botani- que, l'ornithologie, l'ichtliyologie et la conchyliolo- gie. Le texte est accompagne de chromo-liUiogra- 1 Jotlings ituriiiy Cite Cmise of II. M. S. Curaçao among tke zoutli sca hlands m 1855, Ijy Julius L. Brenchley II. A. ( F. 11. G. S. Loiidon, Lon^mans, Greeii and C% 1S7j. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires dîif) LA NATURE. phies représentant des sujets indéterminés jusqu'ici. Nous avons choisi dans ces dernières les espèces nouvelles de coquillages, qui ont été groupées dans In figure ci-contre. La gravure, impuissante à repro- duire la vigueur des tons et la richesse du coloris, les offre néanmoins tels qu'ils sont, dans toute la ri- gueur de leurs (ormes. Il est à remarquer que plusieurs de ces espèces de coquillages trouvés aux antipodes ont un caractère identique avec celles qui peuplent les mers d'iùirope. Ce qui permettrait de supposer ou que les espèces animales ont fait leur apparition par groupes, dans des centres de création, ou que les types se transfor- ment et dégénèrent ; mais aussi plusieurs ne sont que des formes embryonnaires de (vpes plus par- faits. C'est ainsi que les Àslrées ressemblent en naissant à des Actinies, puis à des Turbinolies et aussi à des Fongies, jusqu'à ce qu'elles arrivent à leur état définitif' et permanent. Les coquillages ne sont donc pas un objet de sim- ple curiosité pour l'amateur d'histoire naturelle ; ils servent à reconstituer l'histoire de la terre; ils sont, pour le géologue, ce que les médailles sont pour l'antiquaire, par les sujets de comparaison qu'ils of- frent des différentes époques de la formation de la croûte terrestre. Ces repèresde la géologie nous per- mettent de lire au grand livre de pierre qui s'oflre partout à nos regards. J. Girald. LES FRÈRES SIAMOIS Chang et Eng Bunker, les deux Frères siamois, dont la réputation était universelle, viennent de mourir aux États-Unis à l'âge de 65 ans. Ils étaient nés à Siam, leur père était originaire de leur pavs natal, leur mère était Chinoise. Contrairement à Millie et Christine, qui sont soudées l'une à l'autre, ils étaient réunis par un véritable pont do chair allant de l'épigast.re de l'un à l'épigastre de l'autre. Ce lien avait à peu près 20 centimètres de circonférence, et il était assez long pour que les deux jumeaux pas- sent se placer de trois quarts, l'un par rapport à l'autre. Il nous paraît intéressant de résumer la des- cription d'un des monstres les plus curieux qui ait jamais existé. Nous le ferons en empruntant à M. de Parville l'excellent tableau qu'il en a donné il y a quelques années. L'ombilic était unique pour les deux Siamois, il se trouvait au-dessous et au milieu du pont. Après la naissance, les deux frères se plaçaient à peu près face à face ; c'est en grandissant, et pour plus de commodité, qu'ils ont peu à peu obligé leur lien à s'allonger de façon à pouvoir prendre l'un par rapport à l'autre une position moins gênante. L'un d'eux avait le bras gauche disposé pendant la marche derrière son frère, et l'autre croisait son bras droit derrière celui-ci. Les deux autres bras qui n'étaient pas gênés par le pont occupaient la position normale. Bans leur jeunesse., Eng et Chang laissaient les deux bras qui touchaient au pont de chair à peu près inactifs; aussi étaient-ils presque atrophiés faute d'exercice. Depuis ils s'étaient habitués à se servir de leurs quatre mains, et les quatre membres avaient repris peu à peu le même volume. De même, les deux yeux qui so regardaient étaient affaiblis. Les doux jambes de derrière étaient plus grêles. Pendant la marche, elles ne faisaient guère que de seconder les efforts des jambes antérieures et de maintenir l'équilibre. Onpeutdono conclure de l'examen des deux Sia- mois que le côté droit de l'un était entout assimilable au côté gauche de l'autre, si bien que, s'ils avaient été séparés, ou était en droit de se demander com- ment l'un d'eux isolément aurait pu marcher sans béquilles, bien voir, ou enfin convenablement équi- librer tous ses ai^tes. Lorsque l'on touchait les deux frères au-dessous du pont de chair, vers le milieu, ils ressentaient en même temps l'impression tactile. La sensation se divisait. Il est certain que les filets nerveux sensitifs émanés du cerveau des deux fi ères devaient se croi- ser en ce point. Leur sang se mêlait aussi là, mais seulement par l'intermédiaire de vaisseaux extrême- ment déliés. Chang et Eng ont été consulter à Londres sir William Fergusson. Ce savant chirurgien a reconnu qu'il n'existe dans ce pont de chair aucun vaisseau un peu notable. Cependant, les deux Siamois ont eu en même temps plusieurs maladies qui ne dépendaient que de causes extérieures. Ils ont eu la petite vérole, la rougeole, et une fièvre intermittente, dont chaque accès les prenait tous les deux aux mêmes instanls. Malgré ces maladies communes et cette sensibilité mixte en un même point de la peau, Clmng et Eng n'en constituaient pas moins deux personnalités par- faitement distinctes au physique et au mural. 11 pou- vait y avoir transmission des germes de maladie par le pont, du sang de l'un dans le sang de l'autre, mais absolument comme le fait pourrait se produire pour deux individus quelconques. Au point de vue anatomique comme au point de vue physiologique, les deux Siamois présentaient des différences parfaitement tranchées. Ainsi Eng était sensiblement plus grand, mais de plus, sou pouls était un peu plus lent que celui de Chang. De même, Chang, qui était plus petit, avait le cœur un peu plus faible; il offrait quelques traces de sénilité or- ganique; aiiatomiquemcnt, il était enfin plus vieux que son frère. Il y avait d'ailleurs indépendance absolue entre les deux jumeaux pour les fonctions du corps et celles de l'esprit. C'étaient bien deux individus complets. Par tempérament et par habitude et sans doute par suite d'une action physiologique qui avait ses analogies, les deux frères avaient en même temps les mêmes idées. Ils étaient absolument comme deux instru- ments accordés à l'unisson. La pensée qui venait à l'un aurait pu être cultivée par l'autre. Ils pensaient Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 151 en eux-mêmes, pour ainsi dire, et leurs idées s'é- changeaient à l'inlérieur. Us ne s'adressaient que rarement la parole; il leur était, en effet, bien inutile de se parler, puisqu'ils pouvaient, causer mentalement. Et d'ailleurs, liés l'un à l'autre dans toutes les cireonstanr.es de la vie, ils ont vu les mêmes objets, ils ont réfléchi sur les mêmes sujets, ils ont pensé de mémo. Que se dire ? Cette harmonie continuelle pouvait passer chez eux pour un état absolument normal ; c'était la conséquence d'une seule et même vie vécue par deux intelligences, et de l'influence d'un milieu identique sur deux cerveaux façonnés de ia même manière dès le ventre de la mère. Cette similitude d'humeur et d'aptitudes est générale chez les jumeaux. Mais, comme deux instruments à l'unisson, on pouvait, faire penser l'un et faire parler l'autre séparé- ment. Les deux Siamois suivaient très-bien deux con- versations avec deux interlocuteurs différents. L'un discutait politique, pendant que l'autre causait beaux- arts, et il est assez probable que l'opinion de l'un aurait été celle de l'autre, s'il avait été pressé par les mêmes questions. ' Chang et Eng étaient du reste instruits; très- versés dans la littérature anglaise , leur commerce était agréable et ils parlaient très-volontiers de leur singulière existence à deux. Après avoir parcouru à peu près toute l'Europe, les deux Siamois se retirè- rent eu Amérique, dans la Caroline du Nord, loin des curiosités indiscrètes. Ils se mirent à la tète d'une grande exploitation de tabacs et s'attirèrent bien vite toute l'estime de leurs voisins. Peu de temps après leur arrivée dans la Caroline, ils se marièrent. Ils épousèrent les deux sœurs. Eng Bunker a eu en neuf ans : six fils et trois filles. Chang Bunker a eu neuf enfants aussi : trois fils et six filles. Le même nombre retourné pour chaque sexe. Les deux frères s'aimaient tendrement. Mais comme il arrive bien souvent, la discorde était venue par les deux femmes. L'union qui avait si bien régné pen- dant les premières années de mariage a fini par s'al- térer : les deux sœurs se sont demandé s'il ne serait pas possible de vivre autrement, elles deux jumeaux, pour satisfaire à leurs désirs, ont quitté leurs pro- priétés et sont venus consulter en Europe tes savants qui ont le plus d'autorité. Ne pouvait-on pas les séparer? A leur premier voyage en Angleterre en 1830, l'avis fut unanime sur les dangers de l'opération. Mil. Kergusson et Symes se prononcèrent contre l'opération. Les Sia- mois durent alors consulter les médecins fiançais, ■ 11 est bien clair que l'opération en elle-même n'é- tait pas de celles qui offrait quelque difficulté ou quelque danger immédiat ; mais une plaie semblable, à pratiquer sur des hommes faits, est tou- jours grave. Nous avons vu que l'équilibre n'é- tait réellement bien établi chez les deux frères que par cela seul qu'ils étaient unis : que pouvait devenir chacun d'eux isolé de sou appui naturel? Et puis la secousse morale n'aurait-elle pas encore été plus dangereuse que la secousse physique ! Lorsque les deux Siamois furent bien convaincus que leur séparation pouvait être funeste, ils ne pour- suivirent pas leur premier dessein. Ils moururent attachés l'un à l'autre, et le lien qui les unissait à leur naissance les unit encore dans la tombe ! UNE EXCURSION GÉOLOGIQUE DAMS LES ARI1EHNES, ( Suite et (in. — Voj. p. 130.) Après une bonne nuit de repos, nous quittons Monthermé. La route se fait d'abord sur des schistes un peu plus anciens que ceux de Devillc, et qui, étant fort développés à Revin, s'appellent reviniens. Ils se montrent le long de la Meuse en couches in- clinées en moyenne à 4.0 degrés et présentant sou- vent des joints si lisses qu'on les dirait polis à des- sein. On quitte ces schistes à Leschina, où nous voyons la première ardoisière. Notre but estDeville, et nous l'atteindrions en lon- geant la Meuse, mais par suite des inflexions de la rivière, ce serait un chemin considérable pour reve- nir en réalité très-près de Monthermé, Nous escala- dons la montagne en suivant un de ces sentiers des- sinés surtout par les eaux qui y ruissellent à chaque pluie et que les habitants désignent sous les noms caractéristiques de coulées et de coulières. La mon- tagne est cuiiverLe d'un bois de chênes appartenant à l'État, mais dont ]ns écarces , par un droit féodal transformé en coutume, reste la propriété des com- munes. Parvenus en haut, il nous faut descendre; une nouvelle coulée nous conduit au Tiilaux. On y voit une très-ancienne ardoisière, dédiée à saint Louis, dont, une galerie traverse, parait-il , toute la mon- lagne pour aller s'ouvrir en face de Monthermé. Cette ardoisière joue un grand rôle dans les docu- ments du moyen âge, où elle est désignée sous la dénomination d'escaillére; les ardoises s'appellent des escaiUes et les ouvriers des escaiUons. Une barque s'offre pour nous faire traverser la Meuse, et le batelier, ramant avec une pelle de bois (les avirons paraissent inconnus dans ce pays), nous débarque près de la station de Deville. Entre cette localité et Mairupt, le long même de la tranchée du chemin de fer, s'observent, intercalées dans les assises de schiste et de quartzite, des couches d'un véritable porphyre. C'est une roche présentant une pâte grisâtre où sont disséminés des grains de quartz souvent bleus comme des saphirs et de gros cristaux de feldspath orthose. Toutefois ces curieuses masses ne sauraient être considérées comme éruptives, et l'on est contraint à les rapporter au grand groupe métamorphique. La traversée de la Meuse nous ramène à la source Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 152 LA NATURE. ferrugineuse de Laifour. L'aspect on est extrème- ment pittoresque. Le rocher déchire, de couleur sombre, se teint tout à coup des nuances les plus vives de l'ocre rouge. Partout où passe l'eau ferrugi- neuse, la sanguine se dépose et, grâce à la collabo- ration des siècles, le dépôt est si abondant qu'on a pu très-longtemps exploiter le fer ainsi apporté des pro- fondeurs du globe. La source ne fournit qu'un filet d'eau extrêmement limpide et fraîche, mais d'une saveur d'encre très-prononcée. L'homme ne vît pas seulement de géologie ; aussi est-ce avec plaisir qu'à Devant-Lai four, nous entrons chez la mère Rousseau, où nous devons à la pré- voyance de M. Nivoit d'être attendus par une excel- lente matelote. Maïs nous n'accordons que peu de temps au repas, et bientôt nous allons visiter les Dames de Meuse. Ce sont de spiendides croupes de montagnes tontes couvertes do bois et dont la base baigne dans la ri- vière. Quelle ample moisson aurait à faire ici un peintre ou même un photographe ! Le géologue y trouve aussi sou compte chemin faisant, car le schiste est traversé par des filons de vrai porphvre et de diorite. A Laifour, nous attendons le train qui doit nous conduire à Fuma}'. Laifour n'est pas une station, mais une halte; la chef de balte diffère du chef de station en ce qu'il est tout seul. Celui de Laifour, qui est dans un véritable désert, nous peint en mots bien sentis la monotonie de son existence. En hiver, quand la neige couvre ia montagne, la solitude est inexpri- mable. Nous saluons au passage Revin, qui a donné son nom au terrain sur lequel nous sommes, et le som- met de Malgré-Tout, où George Sand a placé la scène d'un de ses derniers romans. A Fumay, tout est subordonné à l'ardoise. Dès la gare, nous en voyons le long de la Meuse des couches qui affleurent avec des plissements en S parfait. Le schiste, de couleur lie de vin avec des marbrures ver- tes, est recouvert dans la ville même par une cou- che très-épaisse de diluvium. C'est l'ardoisière du Moulin de Sainte-Anne, que nous visitons spécialement. Sur le chantier se trou- vent actuellement 1 6 millions d'ardoises représentant de 400 à 500 mille francs. Les débris auxquels donne lieu l'exploitation sont si abondants que le sol, sur une très-large surface, en est exhaussé de 10 mè- tres. La galerie de Sainte-Anne descend, suivant l'in- clinaison des couches , jusqu'à 500 mètres de pro- fondeur. C'est en 1840 qu'elle a été ouverte. A cette époque, les ouvriers montaient la pierre sur leur dos; maintenant des wagons, roulant sur un chemin de 1er et tirés par une machine à vapeur au moyen d'un cable plat en aloès , accomplissent le travail. C'est un grand perfectionnement, mais il en est d'au- tres qu'on estinexcusable de ne point réaliser et tout d'abord celui qui affranchirait de leur tâche les jeu- nes enfants qui, fléchissant sous le faix , transpor- tent h dos- les débris de la fabrication. Un petit che- min de fer ferait le même service, à meilleur compte sans doute. Un autre desideratum du même genre et bien plus important encore : au sortir de la galerie, le schiste est en dalles épaisses et irrégulières; des ou- vriers habiles, si habiles, parait-il, qu'ils n'ont de ri- vaux dans aucune autre partie, du monde, prennent ces pierres informes et, à l'aide d'un ciseau, les ré- duisent en ces délicates ardoises qui couvrent nos toits. Ces ouvriers sont des fendeurs; ils ne pren- nent cette profession qu'après avoir travaillé dans la mine jusqu'à 40 ans. La poussière dans laquelle ils vivent alors , pénétrant par les voies respiratoires jusque dans les poumons, y produisent des concré- tions qui amènent en cinq années la mort des mal- heureux ouvriers. Un système convenable de ventila- tion les sauverait à coup sûr, mais les chefs d'in- dustrie reculent devant la dépense et se résignent à voir successivement tons leurs mineurs entrer dans cet atelier de fendage, qui m'a fait, après ces révéla- tions, l'effet d'une forme particulière de la peine de mort. A la porte de Fumay, le long de la Meuse, on voit un exemple de plissement de couches tellement net qu'aucune figure schématique ne saurait être plus- claire. Une demi douzaine de couches vertes alter- nant avec autant de couches rouges sont frippées de la manière la plus serrée sur un escarpement à pie, parfaitement propre et ayant une vingtaine de mè- tres de hauteur. Pour un géologue, ce seul point vaut le voyage. Fumay est exactement sur la frontière. Dix pas de plus nous mènent dans une petite maison, un caba- ret portant écrit eu grosses lettres le mot Belyien, destinée pendant la guerre à faire respecter le terri- toire belge par les Prussiens occupant Fumay. Pen- dant que nous prenons un verre do bière on nous donne quelques détails sur les ouvriers de Fu- may. Pour se dédommager d'une semaine passée tout entière au fond des ardoisières, ils emploient leur dimanche à boire. Us boivent une bière acide à la- quelle on a grand besoin d'être habitué pour lui trou- ver un charme quelconque ; et connue s'ils voulaient compenser la qualité par la quantité, on en cite qui boivent en ce jour de repos 9(1 chopes ou. trente-cinq litres ! Ceux qui ne boivent que 40 chopes sont très- nombreux. Ce n'est cependant pas leur seule distrac- tion. Avec non moins d'entrain ils se livrent à la pêche. Le travail d'un ruisseau à détourner en une nuit pour en prendre le poisson ne les fait pas recu- ler. Mais la pêche qu'ils préfèrent, c'est la pêche à la dynamite; chose bien simple : premier temps, faire éclater une cartouche de dynamite déposée dans l'eau ; deuxième temps, ramasser le poisson, tué dans .un très-grand rayon. En rentrant dans Fumay, nous passons devant la chapelle Saiut-Roeh, où l'on nous fait remarquer la prévenance des habitants pour leurs voisins d'Haybcs, j village qui fait, lui aussi, le commerce des ardoises ■ Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 1Ù3 Siiiut-Roch, patron des pestiférés, est tourné du côté d'Haybes — du côté de la concurrence. Voici le dernier jour de la course. Dès le matin nous quittons l'umay, et un double passage de la Meuse nous amène àHaybes. M. Nivoit nous y mon- tre de loin une intéressante fabrique d'acide pyroli- gueux qui, grâce à une ingénieuse disposition, retire du Lois Kt p. i 00 de produit au lieu de 33 p, 100 qu'on obtient d'ordinaire. Le bois est mis eu meule comme dans lu carbonisation des forêts, puis la moule est recouverted'ime série de pièces de tôle, avec tubes do dégagement à la partie supérieure, et qui consti- tuent de véritables cornues dans lesquelles a lieu la distillation. A r'épin, nous retraversons la rivière pour escala- der la montagne et voir eu place le célèbre poudin- gue dévonien do cette localité. Je dis célèbre et c'est le mot : le poudingue de Fépin est connu dans le monde entier. Le savant et aimable directeur de l'Observatoire de Colombie, M. Goiizalès, qui est des nôtres, connaît le poudingue de Fépin, et cela à cause des publications et des discussions dont il a été l'ob- jet. Ou comprendra sans peine que des géologues ne reculent pas devant une asceiwon très-roide au nii- 1 " Les Dames de Meuse. (D'jprës nature.) lieu des épines pour aller voir en place cette roche illustre. Pour l'aspect , au moins dans les variétés que nous avons recueillies, c'est quelque chose de très-analogue aux arkoses de la Bourgogne , mais comme âge, c'est le contemporain du poudingue de la Roche aux Corpiats ; c'est-à dire qu'ici encore nous sommes à la base du terrain dévonien, à son contact avec le terrain silurien. 11 n'y a rien de plus intéres- sant en géologie que l'étude dos contacts des terrains successifs. C'est là qu'on peut espérer de trouver la solution du grand problème du renouvellement ries faunes. A Haybes, nous prenons le train, qui peu après nous dépose à Yireux, en plein terrain dévonien. La car- rière qui attire d'abord notre attention est ouverte dans un magnifique grès rouge, un peu micacé, pas- sant par places au vert. Les couches sont très-forte- ment redressées et leur surface présente ces curieux vestiges auxquels on a donné le nom pittoresque de vent fossile. Ce sont des ondulations parallèles entre elles et si semblables à celles qui se produisent à la surface du limon sous une mince couche d'eau agitée par le vent, qu'il n'y a pas à douter que leur origine ne soit la même. Ici encore, nous sommes donc sur une plage de la mer dévonienne. Dans ce grès, les fossiles proprement dits ne se montrent pas , mais un peu plus loin, des couches calcaires exactement de même âge nous donnent en abondance des produtcus, des spirifer, des orthis et des polypiers variés. Une mince couche déminerai de fer est intercalée dans le calcaire. Les coquilles y sont si abondantes et tellement serrées les unescontie Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 151 LA NATURE. les autres que le tout constitue un véritable luma- chelle. A Han-les-Mahidos, se présentent, toujours dans le terrain dévonieu, les épaisses assises du schiste à cnlcéoles. Les calcéoles [calceola nandalina) sont des coquilles dont la forme ressemble assez, comme le dit leur noio, et. moine aveu redondance, à celle d'une chaussure. Elles appartiennent comme les produc- tus, les spinfer, etc., à la grande division des mol- lusques braebiopodes , mais elles caractérisent un étage tout particulier. Apres des recherches assi- dues, nous sommes assez heureux pour trouver plu- sieurs spécimens parfaitement conservés. En mémo temps, nous recueillons un très-grand nombre de polypiers (cyatophyllum, etc.), el diverses coquilles. Sur un coteau du voisinage se dressent les ruines du château d'Hierges, incendié en 1793 par les ha- bitants de Givet, le maire en tête. Après une marche assez longue nous arrivons à Givet. La première chose qui frappe la vue est l'im- mense escarpement des carrières de marbre du mont d'Or. La roebe qu'on y e\ploite, connue sous le nom de calcaire de Givet, appartient à la partie supérieure du terrain dévouieri et ressemble tout à lait aux marbres un peu plus récents du terrain carbonilère. C'est une pierre noire avec des veines blanches, sus- ceptible d'un très-beau poli, mais plus propre à la construction des monuments funèbres qu'à celle de l'habitation dos vivants : aussi les maisons de Givet, qui eu sont faites, ressemblent -elles assez bien à des concessions à perpétuité et la ville à un cime- tière. Mais tout est relatif et cette ville est le paradis aux yeux des habitants de Charlemont. Cbarlemont, qui domine immédiatement Givet, est entièrement entouré de fortifications. Un escarpe- ment à pic l'en sépare, et l'on se demande comment . l'autorité a pu juger nécessaire d'ajouter à l'impossi- bilité de l'ascension une défense d'escalade : c'est, peut-être pour être sûre d'être une fois obéie. Vauban a fait construire les fortifications de Cbar- lemont et en même temps la caserne qui est eu bas de la montagne, et qui ayant trois cents mètres de long, est sans doute la plus grande de France. A cette épo- que, la ville était peuplée et florissante ; mais de- puis, soit ennui de se voir enfermés , soit désir de prendre part à l'activité croissante de Givet, les habi- tants se sont peu à peu déplacés et Charlemont a été abandonné au profit de Givet. Aujourd'hui, c'est à peine si la population s'élève à 1 50 personnes qui errent dans les longues rues désertes, dont le pavé disparaît sous les herbes. Les maisons bâties en mar- bre défient les injures du temps et leur conservation fait d'autant mieux ressortir leur vide ; il semble qu'une effroyable épidémie ait subitement enlevé toute la population' ou que celle-ci, sous l'influence d'un charme magique, se soit endormie comme les personnages du conte de fées. Du haut de Charlemont, la vue s'étend fort loin du côté de la Belgique; elle est très-belle. En redescendant, on trouve les schistes de la Fa- monne, ainsi nommés delà province belge toute voi- sine, et qui contieunentheaucoup de fossiles dévoniens dont quelques-uns, des céphalopodes, appartenant aux genres orthocf'raliten et gnniatites, sont pyritisés et d'une conservation admirable. ' C est par ces trouvailles que se termine digne- ment une excursion dont l'intérêt a été de plus d'un genre et qui a fait naître, dans l'esprit de ceux qui y ont pris part, le désir de recommencer, dans quel- que autre direction et sous la même conduite savante, une expédition analogue. Staxisus Meunieb. LE GULF-STREAM Quoiqu'on ait déjà beaucoup écrit sur le Gulf- Stream, il ne manque pas de renseignements nou- veaux et peu connus à donner sur ce fleuve océa- nique. C'est ce que nous entreprenons aujourd'hui, croyant devoir cependant rappeler succinctement les particularités les plus remarquables du plus puis- sant des grands courants de la mer. Le Gulf-Stream, comme on le sait, a son origine dans le golfe du Mexique, d'où il sort par le canal de la Floride. A partir de la Floride, il se dirige d'abord au N.-K., puis se sépare en deux branches, dont l'une court vers le S.-E., taudis que l'autre dépasse Terre-Neuve, traverse l'Atlantique, et va réchauf- fer les côtes de l'Europe occidentale. Le change- ment de température des eaux de l'Océan dans les différentes saisons imprime au Gulf-Stream un mou- vement d'oscillation, tantôt vers le nord, et tantôt vers le sud. Ainsi, en hiver, sur le méridien du cap Raze, la limite nord du courant se trouve vers le parallèle de 40° à 41°, et en septembre, quand la mer atteint sou maximum de chaleur, vers 45° ou 46". Lorsque les températures de l'hiver ou de l'été sont exceptionnelles, le lit du Gulf-Stream doit re- monter ou descendre plus que d'ordinaire, et, comme ou l'ajustement observé, la prévision de ces chan- gements pourrait donner quelques règles applicables à la pèche de la morue, qui, comme la plupart des poissons , cherche de préférence les eaux fraîches, dans lesquelles sont élahlies les meilleures pêche- ries. On sait d'ailleurs que l'existence du Gulf-Stream fut d'abord révélée par la constance avec laquelle la baleine franche évitait la chaleur de ses eaux. L'action de ce grand courant sur le climat de l'Eu- rope est due plutôt à l'énorme masse d'eau tiède qu'il entraîne qu'à sa température élevée. Dans son rapport sur les recherches scientifiques faites à bord du Shearwater, en août, septembre et octobre 1871, un émineut naturaliste, M. W.-E. Carpenter a re- produit des coupes -obtenues en différents points du Gulf-Stream, en donnant les lignes isothermes à di- verses profondeurs. Ou voit ces lignes suivre lus courbes du fond de la mer, au lieu d'être paral- lèles à sa surface, indiquant ainsi l'existence du con- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATUP.E. 155 tre-coun,nt ftoid, venant il u pôle, dont Maury avait signalé l 'existence,, et qui s'interpose entre le Gulf- Stream et la croûte terrestre. Cotte disposition natu- relle contribue à couserTer la chaleur que ce courant transporte à travers l'Atlantique, du canal do la Flo- ride jusqu'à la Nouvelle-Zemble. Les eaux les plus chaudes du Gulf-Stream, dont la température maximum est d'environ 30", sont à la surface. Ces eaux débordent du courant après avoir franchi le 40 a degré de latitude, et s'étendent sur un espace de plusieurs milliers de lieues carrées, couvrant l'Atlantique nord d'un manteau de chaleur qui adoucit les rigueurs de l'hiver. On sait que les marins jettent de temps à autre à la mer des houteilles cachetées renfermant l'indica- tion de la dale et de la position du navire. Eu mar- quant sur les cartes le point de départ et le point d'arrivée d'un grand nombre de ces bouteilles, on a reconnu que de tous les points de l'Atlantique les eaux ont une tendance à converger vers le golfe du Mexique et son courant. Une bouteille jetée sur la râle de l'Afrique méridionale a été recueillie à Guer- nesey, dans la Manche, et il est très-probable qu'elle a dû faire le tour du golfe du Mexique et suivre en- suite le Gulf Stream. Les plantes marines, les bois de dérive que transporte ce courant, et qui provienj lient des Indes occidentales, se rencontrent souvent aussi sur les côtes qu'il baigne, et servent, comme les bouteilles, à tracer son cours. Sur le rivage des Açores, il porle de nombreuses graines, dont quelques- unes germent et produisent dos espèces américaines. Les exemples d'importations de plantes s'opérant ainsi par l'intermédiaire des courants marins ne sont pas rares, et les apports effectués par le Gulf-Stream ont été souvent constatés par les naturalistes. * Les innombrables organismes dont fourmillent les mers intertropicales sont entraînés par le Gulf- Stream, et de l'Amérique en Irlande accumulent sur le fond leurs coquilles microscopiques, qui forment les couches successives dont se compose le lit de l'Océan. A la hauteur des bancs de Terre-Neuve, il y a, en hiver, entre les eaux tièdes du courant et les eaux qui descendent du nord une différence de tem- pérature variant de 11' à 16° cent. Lies myriades d'animalcules transportés par le. Gulf-Stream péris- sent au contact du courant froid qui, par le détroit de Davis, charrie les glaces du pôle, et leurs débris imperceptibles vont s'entasser au fond de la mer. Eu même temps, les glaçons rencontrent les eaux chaudes venues du sud fondent, et déposent les blocs de pierre, les rochers, les graviers arrachés aux ter- rains de l'archipel polaire. Le courant polaire, après sa rencontre avec le Gulf-Stream , se divise en deux parties : l'une des- cend dans les profondeurs, où le thermomètre la dé- couvre, et sert de lit aux tièdes eaux sorties du golfe du Mexique, jusqu'au détroit deBaliama; l'autre se maintient à la surface et suit les rives américaines jusqu'à la Floride- v L'exploration scientifique du steamer des Etats- Unis le lïibb, dans le Gulf-Stream, en 1809 \ a montré la grande valeur des dragages opérés sur le lit du courant. Ce bâtiment , commandé par le capi- taine Robert Plaat, chargé de la partie hydrographi- que, avait à bord Agassiz, et un naturaliste dis- tingué, M. de Pourtalès, qui venait continuer ses remarquables travaux des expéditions précédentes, entreprises depuis trois ans par la marine de l'U- nion. Sur certains points, les instruments de son- dage débordaient de coraux, de mollusques, de zoo- phytes, de crustacés, dont plusieurs espèces, com- munes à l'endroit où on les rencontrait, n'avaient jamais été décrites, et se rapprochaient plus des fos- siles de la période tertiaire et de l'époque crétacée que. des types contemporains, formant ainsi un des anneaux qui relient les espèces vivantes aux espèces disparues. A la profondeur de 400 et 500 brasses*, la sonde, pénétrant dans la cuvette du Gulf-Stream, ramenait une vase épaisse, peuplée d'innombrables feraminiferes, et ressemblant, après dessiccation, à la craie marneuse des dernières formations cré- tacées. Les naturalistes anglais et Scandinaves, qui ont déjà réuni un grand nombre d'observations sur les faunes sous-marines des îles Britanniques et de la Norwége, ont constaté que le développement de la vie organique dans les mers est plus en rapport avec la température qu'avec la profondeur. Les sondages faits dans les mers situées au nord de l'Ecosse, par le Lightening, sous la direction de M. Carpenler, accompagné du prolesseur Thomson , ont ramené d'une profondeur de près de 1000 mètres, maïs dans un fond chaud, une abondance d'espèces animales très-remarquables, quelques-unes inconnues, d'au- tres fort rares et ayant leurs représentants dans la faune du terrain tertiaire le plus récent du bassin de la Méditerranée. Mais les courants chauds da l'Océan, qui ont leur origine dans les mers cqua- toriales, sont croisés par des courants froids venus des mers boréales, dans lesquels on ne trouve que des espèces do la zone polaire. Iles dépôts très-diffé- rents peuvent donc se faire en même à peu de dis- tance l'un de l'autre, et comme il y a eu à toutes les époques une circulation océanique, des courants po- laires et équatoriaux, on comprend que l'étude ac- tuelle de ces courants et des climats sous-marins peut donner à la paléontologie géographique les plus précieuses indications. Ajoutons que des débris vol- caniques, des scories, des cendres, des fragments de pierre ponce et d'obsidienne ont été recueillis dans la série des spécimens obtenus parles sondages laits dans la partie du Gulf-Stream qui traverse l'Atlan- tique, de l'Islande à Terre-Neuve. Le professeur Bai- lev, après avoir examiné ces marques plutoniques , a fait observer qu'elles ne proviennent pas nécessaire- 1 Yoy. les Fonrïs de la îîil/ - , étude internationale sur les pailicilarilés nouvelles des régions sous-marines, dirigée par MM. Fischer, de Folin, Pùïier, — Tunie I, 1KG7-1S71 ; Savy, édïicui - . * Lu brasse malaise vaul \ a , 60. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 1GG LA NATURE. nient de volcans en activité. Si elles ont été dépo- sées par des volcans éteints, la recherche île leur point d'origine peut conduire les géologues à d'in- téressantes découvertes. Eue Margollé. — Lu suite prodjuiiiemcut. — LES CAMÉLÉONS Dans une des dernières séances de la Société di biologie, M. l'aul flcrt a présenté un travail fort ori- ginal au sujet de quelques détails physiologiques relatifs aux caméléons. Voici, d'après te l'rotjrès médical, le résumé des observations du savant pro- fesseur. Ilicn n'est plus célèbre que les changements de coloration que présente le caméléon; niais rien n'est plus mal connu. Aussi, par réaction contre une exa- gération toute populaire, est-on allé jusqu'à traiter de fable tout fie qui s'était dit à ce sujet, ot ce- pendant il est bien exact que le caméléon change de couleur. 11 m'est arrivé eu très-peu de temps de le voir passer successivement du noir profond au jaune pâle, au violet, au gris, au bleu, au rose, et cela dans un court espace de temps. Ces changements de coloration sont provoqués par les passions et la colère ; la peur les l'ait rapidement apparaître. Nous pouvons donc et nous devons, pour les expliquer, invoquer le système nerveux, liais 10 système agit-il directement ou par l'intermédiaire des vaisseaux ? en un mot, les nerfs influencent ils la circulation, Je façon à produire les colorations diverses par un plus ou moins grand afflux de sang? Une expérience des plus simples démontre que le système nerveux agit directement, car si sur un membre on lie les vais- seaux en laissant le nerf intact, les changements de coloration paraissent se succéder, tout comme si les artères amenaient le sang dans les tissus. — Mais si, d'autre part, on coupe le nerf, les tissus deviennent d'un noir profond et persistent dans cette coloration ; les autres parties peuvent devenir blanches que celle- ci reste noire. C'est donc, à n'en pas douter, le système nerveux qui, directement, influence les changements de co- loration. 11 est ] robable que les nerfs alfectés à cette fonction sont de même ordre que les vaso-moteurs, uar lorsque ranimai est empoisonné par le curare, que les aulrcsnerfssonlpar conséquent paralysés dans, leurs ibnetions ; le caméléon prend une couleur noire; si l'onélectrise le sciatique, dans l'épaisseur duquel doivent exister les nerls de coloration, les muscles no se contraclent point, mais la teinte du membre change, preuve que l'éiectrisation agit encore sur ces nerfs. Leur action persiste malgré le curare, comme le font les vaso-moteurs. Un point très-curieux à noter est l'indépendance des deux yeux du caméléon. Chaque œil donne à cet animal une perception différente, et la chose est si vraie, que lorsqu'on le réveille en mettant une lu- mière devant un œil, la moitié du corps correspon- dant à l'œil réveillé se colore d'une nuance différente de celle que revêt l'autre moitié lorsqu'on le réveille à son tour. Les deux perceptions lumineuses ont été différentes, les deux effets sur la coloration s'en sont ressentis. Aussi les caméléons ne regardent-ils ja- mais leur proie que par un seul œil à la fois. M. Pouchet doit, dans la prochaine séance, nous exposer le résultat de ses recherches microscopiques sur la cause de ces changements de coloration; je vous dirai cependant ce qucj'ai observé. Ils sont pro- voqués par des tubercules situés sur la peau et qui se colorent diversement grâce à des corps très-singu- liers et doués de mouvements amiboïdes ; ils s'éten- dent, s'enchevêtrent, se contractent, et, par ces mé- tamorphoses successives, amènent les variétés de teintes que nous avons signalées. Un fait tics-important encore et dont je me suis occupé, c'est la façon dont les caméléons appréhen- dent leur proie. Lorsqu'on les met eu présence d'une proie vivante, une grosse sauterelle par exemple, on les voit s'approcher, la regarder d'un œil, bâiller for- tement pour dégager leur langue renfermée dans une poche spéciale, puis lorsqu'ils se trouvent à une dis- tance de 10 à 15 cenlhnètres, ils dardent une longue langue tuhulil'orme, saisissent l'animal et l'attirent avec une telle rapidité, qu'on ne peut se rendre compte de ces derniers mouvements. J'ai pu m'as- surer que la langue était propulsée par un méca- nisme analogue à celui par lequel s'échappe un noyau de cerise pressé entre les doigts. Des bandelettes musculaires qui entraînent la langue jouent ici le même office que les doigts qui pressent le noyau. MOTEUR ÉLECTRO-CAPILLAIRE La machine représentée dans le dessin ci-joint est un petit moteur, capable de, mettre d'autres appa- reils en mouvement. L'intérêt de cette machine ré- side, dans son principe, dans la nature des forces qui la font marcher, et qui sont ici pour la première fois employées à produire un travail. Le lecteur connaît bien ces forces, il en voit tous les jours les effets. L'eau contenue dans un verre présente une surface plane et horizontale; mais tout près des bords, elle se relève en remontant le long de la paroi, en dépit de la pesanteur; l'huile monte dans une mèche dont F extrémité plonge dans le liquide ; une goutte de mercure jetée sur une ta- ble, au lieu de s'étaler en vertu de son poids, se rassemble en forme de sphère plus ou moins aplatie. Les physiciens ont soumis ces phénomènes à une étude approfondie; ils sont partis d'un cas simple pour expliquer tous les autres, au ras où l'on plonge dans l'eau l'extrémité d'un tube de verre capillaire. On sait que l'eau s'élève dans ce tube a une hauteur qui est en raison inverse du diamètre du tube. C'est à cause de ce point de départ qu'on appelle les phé- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 157 nomcnes de cotte catégorie, phénomènes capillaires. La Place a appliqué à la question toutes les ressources de son puissant génie, il en a donné la formule ma- thématique. Cette formule permet de résoudre les problèmes qui se rapportent au cas d'équilibre d'un liquide. Mais pour sortir de l'équilibre, pour faire exécu- ter aux forces capillaires un travail, un mouvement durant indéfiniment, il fallait f.iire un pas de plus : découvrir un moyen de changer à volonté la gran- deur de ces forces. Ce moyen, c'est l'électricité qui le fournit. Voici une expérience que chacun de nos lecteurs pourra répéter sans peine et sans frais : Nonveni moteur éleetro-cipillairç» On place un globule de mercure au fond d'un verre et on y verse ensuite de l'eau acidulée avec de l'acide sulfurique, et à laquelle on ajoute quelques gouttes de bichromate de potasse; quand on touche maintenant le globule du mercure avec une pointe de fer, on le voit se contracter vivement; il conserve cette nouvelle furme jusqu'à ce qu'on retire la pointe de fer, alors il revient a sa prendre position ; on peut rendre ce mouvement continu en touchant le globule latéralement ; il se contracte, mais on même temps sa communication avec le fer est rompue, il reprend sa première l'orme, touche le fer, se contracte de nouveau, et ainsi de suite, do sorte qu'il est agite d'un mouvement particulier tant que le liquide n'est Droits réservés au Cnam et à ses partenaires lo8 LA NATUUE. pas épuisé. Lorsque le globulo est un peu gros, il exécute dus mouvements, des contorsions bizarres qui font de ce simple appareil un véritable objet d'amusement. C'est le courant, électrique qui se produit qui change la grandeur de la lbrce capil- laire, et par conséquent la forme du globule de mer- cure. On voit sur le dessin une auge carrée en verre, remplie d'acide sulfurique étendu KK, dans laquelle se trouvent deux vases plus petits fl(ï, qui contien- nent du mercure ; dans chacun de ces vases plonge un faisceau de tubes de verre capillaires, verticaux, ouverts aux deux bouts. Chaque faisceau flotte sur le mercure, il est retenu par un arc métallique U qui le relie à nu fléau horizontal auquel il va com- muniquer le mouvement. Pour que ce mouvement commence, il suffit de mettre la machine en com- munication avec un élément de pile Dauiell f). Le courant électrique traverse les deux masses de mer- cure; par suite du changement de la constante ca- pillaire qu'il produit à leur surface, l'un des fais- ceaux IÎH est soulevé, taudis que l'autre s'enfonce, le fléau bascule autour de son axe A. Par l'intermé- diaire des pièces V, s, et de la manivelle z, ce mou- vement se communique au volant H, met en mou- vement le commutateur W, qui renverse en temps utile le sens du courant, distribuant 1 électricité comme le tiroir d'une machine à vapeur distribue la vapeur. Le volant fait une centaine de tours à la minute, et ne s'arrête que quand la pile est épuisée. Si on met à la place de la pile un galvanomètre, et qu'on fasse marcher le volant à la main, on voit qu'il se produit un courant électrique. L'inventeur de cette machine, M, Gabriel I.ipp- niann, ancien élève de l'École normale supérieure, a construit sur le même principe un électromètie qui est le plus sensible et le plus précis que l'on connaisse actuellement. On pense en Angleterre pou- voir employer cet électromètre comme appareil télé- graphique pour la réception des dépêches transat- lantiques. CHRONIQUE Modification du climat en Ecosse. — M. iMac Fini), conservateur du jardin botanique d'Edimbourg, a présenté récemment à la Société botanique de cette ville, une note sur le changement de climat au nord delà Tweed. 11 paraît que, depuis un demi-siècle, l'âpre et sauvage Calédonie a vu ses étés se refroidir sensiblement. 11 en résulte que les asperges, les tomates, les champignons dis- paraissent peu à peu ; le ciste et le myrthe commun de- viennent rares ; l'amandier ne fleurit plus comme autre- fois à ciel ouvert ; le prunier, le cerisier ne mûrissent plus qu'imparfaitement Le raisin, la figue, la mûre, qui, à l'exposition du midi, vivaient en pleine terre, il y a quarante ans, à Edimbourg comme à Londres, ont besoin aujourd'hui delà serre et de la chaleur artificielle,. Enfin, le mélèze est moins vigoureux, et fou parle de le rempla- cer, dans les pépinières, par le Wcllingtonia. On a con- staté é^alemeuL des modifications dans Le carat Lère des maladies, Toutefois, il est désirahle qu'on puisse réunir un plus grand nombre de données précises, et M. Mac Knb demande qu'un comité soit nommé pour étudier à fond la question du changement de climat de l'Ecosse. ïllïlîie du »cl dans l'iiIlmcnlHtlon. — LdZeits- c.hrift fur Biologie publie des recherches intéressantes de M. Kunge sur la proportion de sel nécessaire dans l'alimen- tation. Est-il possible, aux animaux de se contenter de la quantité de sel commun (chlorure de sodium) qnr con- tiennent naturellement leurs aliments, ou bien l'addition d'une certaine quantité de sel leur est-elle nécessaire? — 11 est constant que les animaux herbivores consomment volontiers du sel, tandis que les animaux carnivores mon- trent une assez grande répugnance à prendre une nourri- ture salée. Cependant, si l'on analyse les matières servant à l'alimentation de ces deux groupes d'animaux, on trouve que la nourriLure des herbivores contient par elle-même autant de chlore et de sodium que celle des carnivores; mais elle renferme, en outre, [dus de petasse. M. Eunge en conclut que les sels de potasse réagissent sur Je chlo- rure de sodium du sang, et dorment des composés qui s'éliminent. L'organisme manque alors do chlorure de so- dium, et l'animal est obligé, pour y suppléer, de consom- mer directement du sol. C'est ce que font, d'instinct, les animaux herbivores; c'est ce que l'homme doit également faire, surtout lorsque les légumes (qui contiennent beau- coup de potasse) entrent pour une large part dans sa nour- riture. Les sinistres en mer. — Voici la liste mortuaire des vapeurs transatlantiques disparus depuis l'inauguration do la ligne Cunard ; Dispar.is sans nouvelles : le Président, mars 1841 ; City i>[ Cluscmv, printemps de, 1854: Pacifique, 23j;m- vier 1850 ; lu Tempête, février 1857 ; United Kinqdom, avril 1860; City of Boston, 25 janvier 1870; Ismaïtia, 2!) septembre 1875. Coulé bas par un choc contre une glaue submergée : Ca- nadien, dans lu détroit de Belle-Ile, 4 juin 1801. Coulés bas à la suite d'un abordage: Arctique, en 1854 par lcnavire français Vesta, delà compagnie L'ollins; 1 homme a échappé sur un radeau ; Lyonnais, par le navire Adriatique, 2 novembre 1836, 170 victimes; Scotland, abordage par le vaisseau Kale-Dyer, tout le monde est sauvé; 13 hommes de l'équipage du Kate-Dyer périssent, 1" décembre 1866 ; la Ville-du- Havre, abordé par le Loch-Earn, 22 novem- bre 1875. Brûlés eu mer : Saînl-Ceuroti, 24 décembre 1851 , 51 victimes; Austria, 15 décembre 1858, à la suite de fumigations faites stupidement avec du goudron pour dés- infecter l'entre-pont, navire allemand, 470 victimes ; Hi- br.rnia, 25 novembre 1858, combustion spontanée de chiffons gras ; Cimnautjhl, 7 octobre 1800, en vue des cotes de Massachusetts; Ghuow, en rade de file de Nau- tuchet, 51 juillet 1805. Echoués sur les cotes d'Europe : Greai-Britain, côte d'Irlande, 22 décembre 1840 ; City of New-York, cèle d'Irlande, 211 mars 1864 ; Jura, en rade de Livcrponl, 5 novembre 1801; lowa, en rade de Cherbourg, 10 dé- cembre 1864; Cambria, côte d'Irlande, tout le monde périt, sauf un homme, 150 victimes ; Tripoli, côte d'ir-, jande, 17 mai 1872 ; Britanma, cote d'Ecosse, 27 jan- vier 1875. Côtes d'Amérique * Colornbia, .Nouvelle-Ecosse, 1" jan- vier 1845 ; Humbvldt, près d'Haï Lx, 5 décembre 1855 ; Franklin, Long-hl md, 17 juillet 1854; Aryo, cote do Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 159 Terre-Neuve, 28 juin 1859; Indien, Nouvelle-Ecosse, 21 novembre 1859 ; Hongrois, 29 février 18(10, Nouvelle- Ecosse, 205 victimes; North-Briton, rade de Naiiluckel, 5 novembre 18(11 ; Norvégien, 14 juin 1803 en rade de Terre-Neuve ; Anglo-Saxon, au large de Cap-Race Terre- Neuve, 237 victimes; Géorgie, Sablt-lsland, Nouvelle- Ecosse ; Bohémien, cap Elisabeth, 22 février 1804 ; Ger- mania, côtede Terre-Neuve, août 1869 ; Cléopâire, 7 août 1809, mêmes parages; Darien, côtede h Nouvelle-Ecosse, avril 1872 ; Atlantic, Maris-llock, récif dépendant dubanc de Terre-Neuve, 502 victimes, l Ef avril 1873; City of Washington, Nouvelle-Ecosse, 7 juillet 1 875 ; Missouri, sur le lîahama, 1" octobre 1875. Perdus en mer : Helena-Sluman, l" r juillet 1813 ; New- l'orè,juin 1856. ACADEMIE DES SCIENCES Séance du 2 février 187-1. — Présidence de M. Bijtm.ïM), Le métal à canon. — Nos lecteurs savent déjà que le métal proposé par M. Frémy comme particulièrement propre à la fabrication clés fanons est un intermédiaire entre le fer et l'acier trempant. Les propartions le» plus convenables sont 1 partie d'acier pour 5 de fer, mais, comme le remarque l'auteur, on arrivera en les faisant varier, à produire tous les degrés de dureté que le service de l'artillerie pourrait demander ultérieurement aux mé- taux qui sont employés dans la confection des bouches à feu. Tour parvenir à cette conclusion, M. Frémy a dû faire parallèlement, en petit dans son laboratoire, et en grand dans plusieurs usines, un nombre incahulable d'ex- périences. Trouver les bonnes proportions était difficile; mais bien plus difficile encore était d'assurer les moyens de reproduire à volonté un alliage déterminé. Rien en «Ift t n'est muins défini que le fer commercial et racler ; c'est au point que souvent tes mêmes ouvriers opérant dans les mêmes conditions générales et employant les mêmes mine- rais, obtiennent des résultats différents. Il a donc fallu au célèbre chimiste soumettre à un nouvel examen tout ce qui se rapporte à la fabrication et à la purification du fer et de l'acier. Grâce à la persévérance nécessaire dans de pareilles recherches, grâce surtout à cette méthode si sûre dont on retrouve la forte empreinte dans tous les travaux de M. Frémy, toutes les difficultés furent successivement vaincues, et qui voudra pourra maintenant fabriquer en quantité quelconque le véritable métal à canon. Toutefois le résultat que se proposait l'auteur n'est pas pour cela complètement atteint. Ce. n'est pas de la chimie abstraite que fait aujourd'hui H. Frémy : la science à avancer ne le préoccupe pas seule; la patrie meurtrie à venger est le but suprême de ses efforts. Le chimiste se souvient du membre du comité de défense. Il faut donc passer de lu science pure à la pratiqua et pour cela, a; rès avoir arra- ché à la nature son secret, il faut arracher au comité d'ar- tillerie, sun appui... il faut plus encore que celte quasi- impossihilité : il faul obtenir que le comité consente à faire appel aux lumières de l'industrie privée, « Si l'on veut suivre une autre méthode, dit M. Frémy, se priver de la haute expérience de nos principaux fabricants d'acier et entrer dans toutes les lenteurs des commission s qui discu- tent sur la forme des pièces, avant d'avoir assuré la fabri- cation d'un bon métal à canon, on compromettra cette transformation de l'artillerie qui est attendue depuis si longtemps. » VA pendant que, trois années après la cruelle leçon dont la France saigne toujours, nous en sommes encore à hésiter quant à la reforme de notre matériel, nos ennemis accumulent chaque jour les perfectionnements nouveaux, a Dans l'usine Krupp, dit encore M. Frémy, rien n'est livré au hasard ; des chimistes analysent con- stamment les matières premières et les produits fabriqués; l'élément scientifique et industriel est intimement lié à l'élément militaire; des officiers d'artillerie sont attachés à la fabrication et en suivent tous les détails; des sommes considérables sont consacrées a des expériences nouvelles faîtes sur les différents alliages qui peuvent convenir à la fabrication des bouches à feu; chaque métal essayé con- serve en quelque sorte son dossier qui indique sa compo- sition chimique, ses avantages et ses inconvénients. Tous ces faits sont connus en France depuis longtemps ; en a- t-on tiré quelque profit 7 a.t-on cherché à imiter ce qui se fait chez nos ennemis? Hélas! non ! Selon toute probabi- lité, c'est le contraire qui va avoir lieu; c'est-à-dire que nous verrons les Prussiens proh'lerdes découvertes de notre compatriote, et les mettre en œuvre peut-être {qui sait ï) contre nous-mêmes ! Élection de correspondants. — Ce qui est différé n'est pas perdu. L'élection mauquée lundi dernier, réu.-sit complète- ment anjourd' h ui à j ustifier ce proverbe. Il s'agit de nommer un correspondant, dans ta section d'astronomie, pour rem- placer 11. Airy, passé associé étranger. Les votants étantau nombre de 48, M. Tisseiaut, le jeune directeur de l'ob- 6 rvatoire de Toulouse, est élu par 25 voix , contre 23 données à M. Stéphan. Cela s'appelle une partie chaude, et le résultat ne peut pas être du goût de tout le monde. Au surplus, si vous voulez savoir l'opinion de M. Le Ver- rier, éeoutez-le présenter un mémoire de M. Stéphan, re- latif aux nébuleuses découvertes à l'observato.re de Mar- seille: « M. Sléplian, dit-il à peu près, est l'éminent directeur de l'observatoire de l'arseille qui a conduit de la manière la plus brillante l'expédition de Malacca; c'est à son retour qu'il a organisé l'observatoire qu'il dirige, où des découvertes très-considérables ont déjà été faites, et qui, le second de la France est. un des principaux de l'Europe, n C'est une manière, comme on. voit, de faire pénétrer le public dans le dernier comité secret. Nous en savons gré, pour notre part, à l'illustre astronome. Annuaire du Bureau des longitudes. — Deuxième pro- verbe: Mieux vaut lard que jamais. C'est le 2 février que parait YAnnnaire du Bureau des longitudes pour 1874. Cela vaut-il mieux que jamais 1 — Nous nous plaisons d'ailleurs à rendre justice au vénérable M. Mathieu qui, en présentant le petit volume, convient de la meilleure grâce du monde a qu'il y a eu un peu de retard dans la publica- tion. » Greffe animale. — M. Legros, qui vient de mourir vic- time, à la fleur de l'âge, de son dévouement à la science, et M. Magilot, sont auteurs d'un travail que M. Robin dé- pose sur le bureau de l'Académie. Il s'agit de suivre scp:r réineut le développement des diverses parties qui compo- sent la dent. Pour cela les auteurs enlèvent sur un jeune animal, un chien par exemple, le follicule dentaire, et le gi'clfentsurun autre animal deiuêine espèce, mais dans uno position plus commode pour l'étude ; sur le dos par exemple. Le développement continue comme si l'organe était resté en place ettoutes ses phases peuvent être suivies. Bien plus, avant de le greffer on peut séparer ses diverses parties pour les transplanter séparément et étudier leurs produits spéciaux. Par exemple, le bulbe dentaire donna Droits réservés au Cnam et à ses partenaires ICO LA NATURE. ainsi do l'ivoiro absolument dépourvu d'émail. Au con- traire l'organe ilr, l'émail isolé n'a pas donné lieu à sa sécrétion accoutumée. Les expériences, au nombre de soixante-dix-huit, représentent un travail considérable. Balance de précision. — 11 sera agréable à certains de nos lecteurs d'apprendre que M. Doleuil fibrique mainte- nant une baiimte disposée rie fiiçon à recevoir les princi- paux appareils qu'on peut avoir il peser dans un laboratoire et dont les indications sont scrupuleusement exactes de- puis 5 iiiilligriimmes jusqu'à 3 kilogrammes dans chaque plateau. M. Dumas accueille la présentation, faite par M. Dessins, de cet instrument nouveau, connue un progrès considérable, et ne doute pas que l'habile fabricant ne soit récompense par un grand succès. Canal insecticide, — 11 a déjà été parlé plusieurs fois ici du canal dérivé du Rhône, grâce auquel ics cépages des cinq départements de l'Isère, du Rhône, de Vaucluse, du Vnr cl de 1 Hérault peuvent être inondés. )], Dumont I fait à cul égard une lecture d'où nous extravous quelques ! renseignements. L'un dernier le canal ne donnait que ih \ mètres cubes d'eau par seconde; il en donne maintenant 00. Le canal, qui s'arrêtait à Montpellier, se prolonge jus- qu'à liézie.rs. Actuellement 20(1. MJI) hectares sont irri- gués et inondés, et l'auteur pense avnir assuré ainsi contre la ruine, des vignes représentant un revenu an- i nuel du 500 millions de francs. La dépense totale ne s'élève qu'au tiers de ce revenu imnuel. M. Dunioul insiste | Sur ce. fait que jusqu'ici la siibmui siou hivernale a été le seul remède elticaee contre le plivlloxéra. Sans doute son emploi n'est pas possible partout, mais ce n'est pas une raison pour s'en priver là où ou peutl'appliipier, Ile plus il faut remarquer que l'inondation artificielle et la présence du canal sont peut être de. nature à modifier le climat des localités ainsi traitées, et il est furl. possible qu'il en résulte des conditions défavorables aux phylloxéras, même des vi- gnobles qui ne peu* cul être atteints directement par l'eau Stamslas Hi-cmli;. MADAME MARY S0MERV1LLE Nous devons réparer une omission de nos journaux" et revues scientifiques qui ont négligé; do publier une notice nécrologique sur une femme si justement célèbre et à laquelle la science française doit en par- tie sa popularité de l'autre coté du détroit. Nous eus- sions tenu à réparer cet oubli dès notre première année, s'il nous avait été possible do nous procurer plus lui l'excellent portrait qui reproduit fidèlement, les traits de madame Sonierville. Madame Mary Somcrville, Anglaise de, naissance, est morte à Naples, en novembre -1 872, à l'âge de 91 ans, et dans la pleine jouissance de ses facultés intellectuelles. Kilo vouait de donner une preuve étonnante de son assiduité au travail et de la variété de ses connaissances, en publiant sur les proto- organismes un ouvrage, magistral en deux gros volumes, illustrés d'une multitude de planches d'une exécution parfaite. Ce beau monument scientifique, rédigé à l'âge de 89 el de 00 ans, suffirait pour immortaliser celte dame. Mais ce n'est point son seul titre de gloire; elle a laissé plusieurs autres, ouvrages qui lui ont valu du gouvernement britan- nique une pension de 300 livres sterling. Le premier, intitulé Mécanisme des cieux, fut ré- digé en 1824 à la sollicitation de lord fSrougham pour populariser en Angleterre V Exposition du système du monde de La Place. L'auteur était déjà connue dans le monde savant par des expériences sur -les propriétés magnétiques des rayons violets du spectre solaire, Les travaux de madame Sonierville ont, suis aucun doute, exercé une giande influence sur Faraday, qui découvrit, bien des années plus tard, l'action exercée par le magnétisme sur le rayon lu- ÊKÈt mm Miiry Sonierville. milieux qui traverse les milieux cristallins, c*c.-l-à- dire l'effet inverse. Cette femme illustre était fille de l'amiral l'airfax. Elle épousa dans sa jeunesse un officier de la ma- rine russe, qu'elle perdit après une union assez courte. Elle se maria de nouveau vers 181 G avec le docteur Sonierville, descendant d'une des familles françaises établies en Angleterre lors de la révocation de l'édit de Nantes. Le docteur Sonierville mourut en 1 8 G0, après 4 i ans de mariage; madame Snmcrville eut de son second mari plusieurs enfants qu'elle éleva de manière à prouver qu'une femme peut allier ses devoirs d'épouse et de mère aveu les soins de sa pro- fession scientifique ou littéraire, La Société astrono- mique de Londres a décidé qu'un buste en marbre de madame Sonierville serait érigé dans le lieu do ses séances. Le l'ropriétaire-Gèrant : G. Tiss.iïDtr.ii CopuEiL. — Typ. et aEiir. deCusTH fiL* Droits réservés au Cnam et à ses partenaires W 37. 14 FEVRIER 1874. LA NATURE. 101 LES ÉTOILES DOUBLES L'un des plus grandioses spectacles du l'astrono- mie sidérale nous est offert par les systèmes d'étoi- les doubles, soleils jumeaux reliés l'un à l'antre p.ir les liens de ta gravitation universelle. Parmi ces étoi- les simples scintillantes, que nous admirons à l'œil nu dans les nuits constellées, un grand nombre de- viennent doubles lorsqu'on les observe dans une limette. On distingue alors deux étoiles au lieu d'une seule. Si la lunette n'a qu'un faible grossissement. h 1 'Ç d'iïeicule. 2 E Grande Ourse. S a Poissons. A Cl" Cy;.ne. 5 fi'2' FnJaii. G e Péga-e. 7 49 Hôïûliu 8 v lion. lJl.oi iey mulLiplcs cnUmies. 9 Z Scorpion. 10 70 ûpiiiuolms. 11 tl Persée 12 k Gémeau* (triple). 13 y d'Andromède (triple). ii e Lyre [quadruple'. 15 Quintuple de la Giraïe. les deux étoiles paraissent se toucher ; niais elles s'écartent l'une de l'autre à mesure que le grossisse- ment devient plus fort. !*iiit[. — '1" seatslrt. Ces étoiles dnublcs sont en nombre considérable, et l'on en c munît déjà maintenant plus de sept mille. Il y en a de toutes les grandeurs, et de tous 11 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 162 LA NATURE. les écartements. Tandis que plusieurs, comme r a du Lion ne peuvent être dédoublées que pav les plus puissants télescopes, il en est d'autres, au contraire, comme Castor, qui se révèlent dans le champ de la plus petite lunette astronomique. Lorsqu'on dirige un instrument vers une étoile, et qu'aii lieu de cette seule étoile on en distinguo une autre tout près d'elle, il n'est pus toujours cer- tain que ce soit là véritablement une étoile double. Eu effet, l'espace infini est peuplé d'astres sans nom- bre, disséminés à toutes les profondeurs de l'immen- sité. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'en diri- geant une lunette vers une étoile quelconque, on en découvre une ou plusieurs antres plus petites, situées derrière elle, plus loin, et à une distance aussi grande et plus grande même au delà d'elle, que la distance qui la sépare de nous. De même que, dans une vaste plaine, deux arbres peuvent nous paraître se toucher, parce qu'ils 'se trouvent l'un devant l'autre dans notre perspective, quoiqu'ils soient en réalité extraonlinairemeiif éloignés ; de même dans l'espace céleste, deux étoiles peuvent se trouver sur le même ravon visuel et paraître se toucher, quoiqu'elles soient séparées l'une de l'autre par des abîmes. Ce sont là des couples d'étoiles qui sont purement optiques, et dus à la position de deux astres sur le même rayon visuel. Pour reconnaître si nette réunion n'est pas seulement apparente, mais réelle, il faut l'étudier avec attention. La probabilité que le couple d'étoiles ainsi réu- nies sera réel, est d'autant plus grande, qu'elles se- ront plus rapprochées. Mais ce ne serait pas encore là une raison suffisante pour admettre la réalité du lait. Il Faut l'observer attentivement, et pendant plu- sieurs années; si les deux étoiles sont véritablement associées, si elles forment un système, ou reconnaît que la plus petite tourne autour de la plus grande, ou bien qu'elles tournent toutes les deux, si elles sont égales, autour d'un point mathématique cen- tral placé entre elles deux. Elles sont étroitement unies par l'attraction universelle. Elles ont la même destinée. Si la réunion n'était qu'apparente, on re- connaîtrait avec le temps que les deux astres ainsi fortuitement réunis par la perspective n'ont rien de commun l'un avec l'autre, et leurs mouvements propres, étant différents, finiraient avec les siècles par les séparer tout à fait. Nos lecteurs savent que toute étoile est un soleil, brillant de sa propre lumière. Plusieurs sont plus volumineuses et plus éclatantes que notre propre soleil, quoiqu'il snit lui-même 1,300,000 fois plus gros que la terre. Ainsi, la lumière intrinsèque de l'étoile Alpha du Centaure est trois fois plus intense que celle do notre propre soleil; autrement dit, si notre soleil était transporté à la distance qui nous sépare de cette étoile, il paraîtrait trois fois moins brillant qu'elle. Sirius est un soleil 192 fois plus lu- mineux que le nôtre, et 2,688 fois plus gros. H y a des étoiles dont le volume ne dépasse pas celui de notre soleil. Il On est d'autres qui sont plus petites que lui. Ainsi l'immensité est peuplée de soleils de " dimensions et d'éclats variés, disséminés dans toutes les provinces delà création. Les étoiles doubles sont donc en réalité des grou- pes de deux soleils. Ces soleils gravitent l'un autour de l'autre, et il est bien probable, pour ne pas dire certain, qu'autour de chacun de ces foyers une fa- mille île planètes est suspendue, comme la terre et ses sœurs du système solaire sont suspendues sur le réseau de l'attraction, de la lumière et de la chaleur de notre astre central, de notre père céleste. Les êtres inconnus qui habitent ces mondes lointains sont donc éclairés et ehauliés par deux soleils au lieu d'un. Quelle imagination serait assez féconde pour deviner l'étonnante variété de phénomènes qui doit être produite dans les saisons, les jours et les nuits, par un pareil système de deux soleils alternatifs? Les étoiles doubles, ou plus généralement encore les étoiles multiples sont ries systèmes composés d'un très-petit nombre d'astres lumineux par eux- mêmes, véritables soleils que réunit le lieu d'une gra- vitation réciproque, et qui exécutent leurs mouve- ments dans des courbes fermées. Avant que l'obser- vation n'eût révélé leur existence, ou ne connaissait de pareils mouvements que dans notre système so- laire, où les planètes accomplissent aussi leurs révolutions dans des trajectoires limitées. On sut alors que la force d'attraction qui gouverne notre système, qui s'étend du Soleil à Neptune et même 28 fois plus loin, puisque l'attraction solaire agit encore, à 151,000 millions de kilomètres, sur la grande comète de 1680, la retient dans sou orbite et la force à revenir ; on apprit, dis-je, que cette force reine au-si dans les autres mondes et gouverne les systèmes stcllaires les plus éloignés. Si, dans un couple stellaire, ou considère l'une des deux étoiles, la plus brillante par exemple, comme étant en repos, et qu'on la prenne pour cen- tre du mouvement de la seconde étoile, on peut con- clure des observations et des calculs actuels que la courbe décrite par le compagnon autour de l'étoile centrale est une ellipse, dans laquelle le rayon vec- teur décrit des aires égales en temps égaux. C'est ainsi, qu'en multipliant les mesures d'angle de posi- tion et de distance, on a pu s'assurer que les soleils de ces divers systèmes obéissent aux mêmes lois de gravitation que les planètes de notre propre monde. Il a fallu un demi-siècle d'efforts pour asseoir enfin ce grand résultat' sur des bases solides; mais aussi ce demi-siècle comptera comme une grande époque dans 1 histoire des sciences qui s'élèvent jusqu'au point de vue cosmique. Des astres auxquels une vieille habitude a cpnseivé le nom de fixes, quoi- qu'ils ne soient ni fixés, ni même immobiles sur la voûte céleste, se sont mutuellement occultés sous nos yeux. La connaissance de ces systèmes partiels, ' où des mouvements s'accomplissent ainsi en dehors de toute influence extérieure, ouvre à la pensée un champ d'autant plus large, que déjà ces systèmes ap- paraissent à leur tour, comme dû simples détails, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 163 dans le vaste ensemble des mouvements qui animent les espaces célestes. Pour mesurer le mouvement du système d'une étoile double, on observe, avec la plus grande préci- sion possible, la variation de la position d'une étoile par rapport à l'autre. Quand les deux étoiles diffè- rent d'éclat (ce qui est le cas général) l'observation n'est pas très-difficile; on rap] orte la situation de ia plus petite à celle de la plus grande, comme si celle- ci restait immobile. Supposons, par exemple, qu'en une certaine année, on ait remarqué que la petite étoile était juste verticalement au-dessus do la grande. Quelques années plus tard, on constate qu'elle a changé de place, et se trouve un peu sur la droite. Plus tard encore, on remarque un déplacement con- sidérable. Il arrive une époque où elle se trouve juste horizontalement à la droite de l'étoile principale. Puis, continuant de tourner dans le même sens, elle descend, et, marchant vers la gauche, anive à se placer au-dessous. Après avoir accompli sa courbe inférieure, elle remonte, passe à gauche de sa bril- lante voisine et peu à peu revient vers la place où nous l'avons signalée en commençant. Lorsqu'on a pu suivre ainsi la marche de l'étoile S: conduire autour de l'étoile primaire, ou au moins une paitie notable de cetle marche, on connaît l'or- bite apparente qu'elle décrit autour de ce loyer. L'ob- servation est plus difficile si les deux composantes sont du même éclat, parce qu'on peut prendre l'une pour l'autre : l'appréciation est plus lente et plus délicate. Sur le nombre immense d'étoiles doubles, il n'y en a encore que quinze qui aient fourni des mesures suffisantes pour permettre de déterminer l'ellipse parcourue et la période de révolution. Pour nous rendre compte de la nature de ces sys- tèmes d'étoiles doubles, et apprécier comme elle le mérite cetle branche de l'astronomie sidérale, ii est nécessaire de prendre un exemple et île construire nous-mêmes l'une de ces orbites. L'une des étoiles doubles qui se trouvent dans des circonstances favorables pour être exactement et défi- nitivement déterminées, est l'étoile ï (zêta) de la con- stellation d'Hercule. C'est une étoile de 5 e grandeur, visible à l'œil nu. Au télescope, elle est double, forméed'ime étoile jaunâtre de 5 e grandeuret d'une étoile rouge de 6 e . Les observations de cette étoile double sont nom- breuses, et on en a qui datent du siècle dernier. Lu les réunissant, les discutant et les comparant avec la position actuelle de ce couple dans le champ du té- lescope, je suis arrivé à pouvoir construire l'orbite appareille décrite par la seconde étoile autour de la première et déterminer avec exactitude le temps qu'elle cm] loie à faire sa révolution. La position de l'étoile secondaire se détermine par l'angle qu'elle f;iit avec une ligne arbitraire prise comme origine pour compter. Ainsi supposons qu'on fasse traverser l'étoile principale par une ligne verti- cale et par une ligne horizontale. Supposons, d'au- tre part, que l'étoile soit au méiidien et que la ligue verticale soit dirigée du nord au sud et la ligne hori- zontale de l'est à l'ouest, c'est par la position de l'étoile secondaire à gauche ou à droite de la ligne verticale, et au-dessus ou au-dessous de la ligne ho- rizontale que l'on constate sa situation relativement à l'étoile principale. La ligne menée de l'étoile principale vers le nord marque l'origine, c'est-à-dire degré. Par consé- quent, la ligne perpendiculaire menée à droite vers l'est marque le premier angle droit, ou 90 degrés ; la ligne menée au sud, et qui n'est que le prolongement de la première, marque le 2 e angle droit ou 180 de- grés ; enfin la ligne menée à l'ouest, et qui est le prolongement de la seconde, marque le 3 e angle droit ou 270 degrés. On voit que si l'étoile secondaire est juste au nord de la principale, sa position est de- gré. Si elle est juste à l'est, sa position est 90 degrés. Si elle est entre ces deux directions, sa position est de 45 degrés, etc. Ym appareil spécial, auquel on a donné le nom de micromètre, sert à prendre cet angle de position ainsi que la distance qui sépare les deux étoiles l'une de l'autre. Appliquons cette méthode de mesure à l'étoile double que nous avons choisie pour exemple. Dirigeons la lunette sur elle, et mesurons l'angle de position et la distance des deux étoiles. Nous trouvons que l'étoile secondaire est actuellement, en 1871, au sud de l'étoile principale et à droite de la ligne nord-sud ou 0°-180° (voy. la figure eu pla- çant verticalement cette ligne 0'-180* et le zéro en bas). L'étoile secondaire est en haut pendant ces années-ci, parcourant les positions ,où elle se trou- vait déjà vers 1840. Comme nous comptons les an- gles en allant vers la droite et en faisant le tour, en passant par 00, 180 et 270, nous voyons que l'angle de position cherché est. actuellement, en 1874, égal à 1 00 degrés environ. Tour connaître le mouvement de cette étoile, cher- chons quelle place on a constatée il y a dix ans, vingt ans et davantage, nous trouvons que : En 1838, l'angle élait de 220 degrés; en 1802, — — en 1857, — 60 — en 1832, — 84 — en 1847, — 111 — en 1842, — 145 — en 1837, — 173 — en 1832, — 220 — en 1 826, — 23 — Nous avons par là une première idée de sa révo- lution, puisque nous voyous que de 1832 à 18Q8 elle était revenue à peu près au même point. Pour déter- miner aussi rigoureusement que possible la durée de celte révolution et la forme de son mouvement, il faut continuer ces recherches sans s'arrêter à ce petit nombre, relever toutes les mesures de positions et de distances qui ont été faites par les astronomes des différents pays, les discuter, afin de sentir quel- les sont les plus sûres et les plus exactes, choisir da Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 164 LA NATURE. préférence celles qui représentent les moyennes d'un plus grand nombre d'observations, et lorsqu'on pos- sède un ensemble d'observations suffisant pour con- struire l'orbite, essayer celle qui répond le mieux à à cet ensemble. L'étoile double ç d'Hercule offre les meilleures conditions pour la solution du problème. En relevant toutes les observations et en plaçant l'étoile secon- daire aux positions constatées, on ne Larde pas à re- connaître qu'elle se meut le long d'une elSipse. La ligure qui se rapproche le plus du la réalité est na- turellement cellequi pa^se par le plus grand nombre possible de positions observées. C'est celle que j'ai construite et que je reproduis ci-contre. Elle est tracée à l'échelle de 50 millimètres pour une seconde d'arc, proportion exagérée afin d'assu- rer l'exactitude de la figure. En raison des erreurs inévitables d'observations, quoique celles-ci soient ducs aux astronomes les plus habiles, les positions observées ne se rangent pas exactement le long de la courbe, mais oscillent de part et d'autre. La con- formation des jeux, l'appréciation personnelle de chaque observateur, la construction des instruments apportent autant de causes d'erreur dans les mesu- res des différents astronomes, surtout quand ces me- sures sont aussi délicates que celles-ci, car en réalité la distance entre les deux étoiles est comparable à l'épaisseur d'un cheveu, et il nous a fallu grossir cet intervalle comme par un microscope, ce qui exa- gère les erreurs d'observation. Il résulte de cette étude que l'étoile secondaire tourne autour de l'étoile principale suivant une el- lipse, qu'elle emploie 5i ans et 7 mois à parcourir. J'ai fart les mêmes calculs pour d'autres étoiles doubles, et voici les périodes de révolutions conclues. Parmi les milliers d'étoiles doubles découvertes, il n'y en a qu'un petit nombre qui aient fourni les élé- ments suffisants pour êlre définitivement et exacte- ment déterminées. Les voici, dans l'ordre progressif de la durée des révolutions. l'ÉïiioiiE HE iiKvoi.unrw 42' de lu Chevelure de Bérénice. . 2h ans (î muis. Ç (zêta) d'Hercule 34 — 7 — rt (hèta) de ia Courumic. ... 41 — - 5 — Ç (zûla) de l'Ëcrevissi! 5S — 1 — £ (si) de lu Grande (luise 00 — 7 — a (alpha) du Centaure. ..... 77 — 11 — k ^ômé^a) du Lion 82 — 6 — 70 Ophiudms 88 — % (si] du lîouvier 117 — y Ijrumma] de la \ierge. . . . ' . 1S2 — Castor. 252 — s (sigma) de la Couronne 287 — 61" du Cygne tàl — fi (mu) du Bouvier 050 — 1 (gamma) du Lion 12110 — On voit qu'il y a une grande variété dans les orbites de ces lointains systèmes, la plus courte des pério- des déterminées étant de 25 ans et demie, et la plus longue atteignant 1,'J00 ans. 11 y en a certainement de plus considérables encore. Mais ce n'est pas tant la variété de ces durées, que celle de l'aspect de ces lointains soleils qui doit nous frappe*'. Ils sont ordi- nairement, nous l'avons dit, colorés de différentes nuances : quelle étrange singularité ne doivent-ils pas apporter dans l'illumination des mondes habités qui gravitent autour d'eus! Tour nous former une idée du bizarre système d'illumination de ces uni vers loinlains, supposons un instant, par exemple, qu'au lieu de la blanche source de toute lumière qui nous inonde, nous ayons un soleil bleu foncé : quel changement à vue aussitôt s'opère dans la nature ! Les nuages perdent leur blancheur argentée et l'or de leurs flocons, pour étendre sous le ciel une voûte plus sombre; la nature entière se couvre d'une pénombre colorée; les plus belles étoiles reslentdans lecieldu jour ; les (leurs assombrissent l'éclat de leur brillante, parure; les campagnes se succèdent dans la brume jusqu'à l'horizon invisible ; un jour nouveau luit sous les cieux ; l'incarnat des joues fraîches efface son duvet naissant, les visages semblent vieillir, et l'humanité se demande, étonnée, l'explication d'une transformation si étrange. Nous connaissons si peu lo fond des choses, nous tenons tant aux apparences, que l'Univers entier nous semble renouvelé par cette légère modification de ta lumière solaire. Que serait-ce si, au lieu d'un seul soleil indigo, suivant avec régularité son cours apparent, s'assu- rant les années et les jours par son unique domina- tion, un second soleil venait soudain s'unir à lui, un soleil d'un rouge écarhite disputant sans cesse à son parlenairel'empiredumomledes couleurs ? Imagintz- vousqu'à midi, au moment où notre soleil bleu étend sur la nature cette lumière péuomhrale que nous venons de décrue, l'incendie d'un foyer resplen- dissant allume à l'orient ses llamrncs. Des silhouet- tes verdàtres se drossent soudain à travers la lumière diffuse ; et à l'opposite do chaque objet une traînée sombre vient couper la clarté bleue étendue sur le monde. Plus tard le soleil rouge monte, taudis que l'autre descend, et les objets sont colorés, à l'orient des rayons du rouge, à l'occident des rayons du bleu. Plus tard encore, un nouveau midi luit sur la terre, tandis qu'au couchant s'évanouit le premier soleil, et dès lors la nature s'embrase d'un feu rouge écar- late. Si nous passons à la nuit, à peine l'occident voit-il pâlir, comme de lointains feux de Bengale les derniers rayonnements de lu pourpre solaire, qu'une aurore nouvelle fait apparaître à l'opposite les lueurs azurées du cyclope à l'œil bleu. L'imagination des poêles, le caprice des peintres, créeront-ils sur la palette de la fantaisie un monde de lumière plus hardi que celui-ci 7 La main folle de la chimère, je- tant sur sa toile docile les éclats bizarres de sa vo- lonté, édifiera-t-elle au hasard un édifice plus éton- nant? — Hegel a dit que « tout ce qui est réel est rationnel ; » et que « tout ce qui est rationnel est réel. » Cette pensée hardie n'exprime pas encore toute la vérité. 11 y a bien des choses qui ne nous paraissent point rationnelles, et qui néanmoins existent eu réalité dans l'une des créations sans nom- bre de l'infini qui nous entoure. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 165 Ce que nous venons de dire à propos d'une tare éclairée par deux soleils de diverses couleurs, dont l'un serait bleu foncé et l'autre rouge écarlatc, n'a nen d'imaginaire. Par une belle nuit calme et pure, prenez votre lunette et regardez dans Perséc, ce hé- ros sensible marchant en pleine voie lactée et tenant enraainlatête de Méduse; regardez, dis-je,l étoile»; : voilà notre monde de tout à l'heure. La grande étoile est d'un beau rouge, l'autre est d'un bleu sombre. A quelle distance ce monde étrange est- il situé? C'est ce que nul ne peut dire. On peut seu- lement affirmer qu'à raison de 77,000 lieues par se- conde, la lumière met plus de cent ans à nous venir delà. Mais ce monde n'est pas le seul de son genre. Ce- lui de v d'Ophiuchus lui ressemble à un tel point, qu'on pourrait facilement s'y tromper et les prendre l'un pour l'autre (à cette distance-là, ce serait, il est vrai, pardonnable). Seulement, dans le système d'O- phiuchus, le soleil bleu n'est pas aussi foftcé que dans l'autre. Une étoile du Dragon ressemble beaucoup aux précédentes ; mais chez elle le grand soleil est d'un rouge plus foncé ; une autre du Taureau a son grand soleil rouge, son petit bleuâtre; une autre encore, 13 d'Àrgo, a son grand soleil bleu et son petit rouge sombre. Ainsi, voilà notre monde imaginaire réalisé en plu- sieurs endroits de l'espace. Et il y a, à n'en pas douter, des yeux humains quilà-bas contemplent ebaquejour ces merveilles. Qui sait? et la chose est très-proba- r tSùU , „ "* °-'. t , i-A'" iStl ' -a»; Qct^- £ Liï ££ta J < O QQ . O/o™ ' ■ titjQ Ui/W _, ""=0. /° •'?,.;. ^•Qasaf /q.,9 ' é" Jsï-T^O'^ !l fin s j£. v # s ' ,ts> • or v s' XX' JS * 7 / 'ÏT S ^ '' y- ai$ " iîs^k P O '«<■ * \ ' "" U5J»0 Y f 'fin S S ..*- ' J.O""« ." f* 1 -^ 0'"" jUO'«" '""A o 11 " 1 \ ■ - y ^-^ '*«* wTkC) j " ?î V~ ^ë-'-"* 1 ittt itO '«»■ t f X O '/SI I / \ Aiwi s ^V - * \ \ yO 'M* f \ \ \ \ nu s O , /"jS^ O MM 1 m- ■ ^-^rr- ImTO "6> *■ - •_ rtT ■■> - : À \ fttç * \v O MGt ? Positions observées et orLite apparente de l'étoile double zêta d'Hiircule, ble, ils n'y font peul-ètre guère attention, et dès leur berceau habitués comme nous à la même vue, ils n'apprécient pas la valeur pittoresque de leur sé- jour. Ainsi sont faits les hommes : le nouveau, l'inat- tendu seul les touche; quant au naturel, il semble que ce soit là un état éternel, nécessaire, fortuit, de l'aveugle nature, qui ne mérite pas la peine d'être observé. Si les humains de là-bas venaient chez nous, tout eil reconnaissant la simplicité de notre petit univers, ils ne manqueraient pas do l'observer avec surprise, et de s'étonner de notre indifférence. Les systèmes binaires colorés ne se composent pas unanimement des soleils rouges et bleus que nous venons de dépeindre; les moyens ne leur font pas défaut ; il en est ici comme dans l'universalité des productions de la nature : c'est à une source inta- rissable qu'elle a puisé pour la richesse et le luxe dont elle a décoré ses œuvres. Voici par exemple le beau système de y d'Andro- mède. Le grand soleil central est orangé, le petit qui gravite alentour est vert ëmeraude, et de plus il est double lui-même. Que résulte-t-il du mariage de ces deux couleurs, l'orange et l'émeraude? N'est- ce pas là un assortiment plein de jeunesse — si cette métaphore est permise, — un grand et magni- fique soleil orange au milieu du ciel ; puis deux émeraudes brillantes qui gracieusement viennent marier à l'or leurs reflets verts? Voici encore dans Hercule deux soleils rouge et vert; dans la chevelure de Bérénice, l'un pâle, l'autre d'un vert limpide ; dans Cassiopée, le soleil rouge et le soleil vert : nouvelle série de nuances tendres et ravissantes. Déjà nous avons décrit cet étonnant kaléidoscope dans nos Merveilles célestes. Pour changer la vue, il suffit de diriger notre lunette vers d'autres points Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 166 LA NATURE. du cic], et nous y trouverons plus ne variété que dans tous les changements à vue que l'opticien peut produire sur l'écran d'une lanterne magi- que. Tels univers planétaires éclairés par deux so- leils ont toute la série des couleurs renfermées au- dessous du Lieu et ne connaissent point les nuances éclatantes de l'or et de la pourpre qui jettent tant de vivacité sur le monde. C'est dans cette catégorie (pie se trouvent placés certains systèmes situés d;ms les constellations d'Andromède, du Serpent, d'Ophiu- clius, de la Chevelure de Bérénice, etc. Tels ne con- naissent que des soleils rouges, comme une étoile double du Lion, par exemple. Tels autres systèmes sont voués au Lieu et au jaune ou du moins saut éclairés pur un soleil Lieu cl. un soleil jaune qui ne leur donnent qu'une série limitée île nuances com- prises dans les combinaisons de ces couleurs primi- tives; comme une étoile double de l'Eridan, dont l'une est couleur de paille et l'autre bleue ; une du Bouvier, où la grande est jaune et la petite bleue ver- dûtre ; une du Cygne, dont la petite est d'un bleu in- tense. Nous avons, d'un autre coté, les assortiments du rouge et du vert, comme on en voit dans Cassio- pée, la Chevelure et Hercule. Quelle variété de clarté deux soleils, l'un ronge et l'autre vert, l'un jaune et l'autre bleu, doivent ré- pandre sur une planète qui circule autour de l'un ou de l'autre ! à quels charmants contrastes, à quel- les mngnifiques alternatives doivent donner lieu un jour rouge et un jour vert, succédant tour à tour à un jour blanc et aux ténèbres! Quelle nature est-ce là ! Quelle inimaginable beauté revêt d'une splen- deur inconnue ces terres lointaines disséminées au fond des espaces sans fin ? Si comme notre lune, qui gravite autour du globe, comme celles de Jupiter, de Saturne, qui réunissent leurs miroirs sur l'hémisphère obscur de ces inondes, les planètes invisibles qui se balancent là-bas sont entourées de satellites qui sans cesse les accompa- gnent, quel doit être l'aspect de ces lunes éclairées par plusieurs soleils? Cette lune qui se lève des montagnes lointaines est divisée en quartiers diver- sement colorés, l'un rouge, l'autre bleu ; — cette autre n'offre qu'un croissant jaune ; celle-là est dans son plein; elle est verte et paraît suspendue dans les cieux comme un immense fruit. Lune rubis, lune émeraude, lune opale ; quels singuliers lus- tres! nuits delà terre, qu'urgente modestement notre lune solitaire, vous êtes bien belles, quand l'es- prit calme et pensif voua contemple ! mais qu'êtes vous à côté des nuits illuminées par ces lunes mer- veilleuses? Et que sont les éclipses de soleil sur ces mondes? Soleils multiples, lunes rnul t pies, à quels jeux in- finis vos lumières mutuellement éclipsées ne doivent- elles pas donner naissance ! Le soleil bleu et le soleil jaune se rapprochent; leur clarté comb née produit. le vert sur les surfaces éclairées partons deux, le jaune ou le bleu sur celles qui ne reçoivent qu'une lu- mière. Bientôt le jaune s'approche sous le bleu ; déjà il entame son disque et le vert répandu sur le monde pâlit, pâlit, jusqu'au moment où il meurt, fondu dans l'or qui verse dans l'espace ses rayonne- ments cristallins. Une éclipse totale colore le monde en jaune ! Une éclipse annulaire montre une bague bleue autour d'une pièce d'or! Peu à peu, insensible- ment le vert renaît et reprend son empire... Ajoutons à ce phénomène celui qui se produirai! si quelque lune venait au beau milieu de cette éclipse dorée couvrir le soleil jaune lui-même et plonger le monde dans l'obscurité, puis suivant la relation existant entre son mouvement et celui du soleil, con- tinuer de le cacher après sa sortie du disque bleu et laisser alors la nature retomber sous le rideau d'une nouvelle couche azurée! Ajoutons encore mais non, c'est le trésor inépuisable de la nature; y plon- ger à pleines mains, c'est n'y rien prendre 1 . Tels sont ces lointains systèmes solaires, ces uni- vers mystérieux, tjue l'œil perçant du télescope commence à saisir, et que le. calcul astronomique commence à analyser. Camille Flammarion. RELIEFS A PIÈCES MOBILES DE5T15ÉS A l'lNST.IGKEYIEST DE LA GÉOMÉTIUE DESCKIPTIVE. La géométrie descriptive est une des sciences les plus fécondes eu applications. Elle sert à la construc- tion des cartes géographiques, à l'art militaire pour le tracé des fortifications, en gnomonique, en méca- nique usuelle, en topographie. Elle peut suppléer l'analvse mathématique et. permet de trouver, par l'emploi de la règle et du compas, la solution des problèmes du l'espace. Elle apprend à l'artiste la distribution des ordres et des lois de la perspective. Enfin, des sciences appliquées de la plus haute im- portance, la charpente et la coupe des pierres, sont à la descriptive ce que l'arpentage est à la géométrie ordinaire. Toutefois, toute personne avant étudié la géomé- trie descriptive sait combien les premiers éléments , île cette science présentent de difficultés. Il s'agit en I effet de voir, d'après une épure tracée sur une feuillu 1 Pour donnera nos lecteurs une iiîoe des colorations singu- lières et variées du ces lointains soleils, noua avons reproduit sur la planche ci-di^sus un choix des. principaux systèmes, d'après nos propres ubserv;Uiuns et tulles de nuire ;uui II. Harnout, astronome lima tear, qui s'eat adonné l'aimée d t- nière à ti révision conipièlo du catalogue de So LES INFUSOIRES On sait que la classe des infusoires est immense dans sa variété, autant que dans les moyens de sa reproduction. Cette dénomination à' infusoires est due aux circonstances dans lesquelles nous les voyons se reproduire. En effet, ils semblent être une émanation directe des décompositions végétales soumises à l'infusion. On sait peu de chose sur leur origine; les recherches entreprises par de pa- tients investigateurs sur leur génération, ont cepen- dant abouti à plusieurs observations importantes. On voit dans leur corps, des petits granules ronds gros ou petits, très-multipliés, qui occupent toute l'étendue de leur corps. On regarde ces corpuscules comme des œufs, appelés à jouer un rôle reproduc- teur (fig. 1). Les infusoires ont aussi un mode de propagation fréquemment observé, qu'on nomme Yenkystement. Il se produit à l'intérieur du corps, par une sorte de sécrétion, uu noyau qui n'est autre chose que l'ani- mal futur; par l'induration de ce kyste, il finit par s'intégrer dans son propre cercueil. Dès que cette métamorphose commence, il perd graduellement sa vivacité, et finit par- tomber dans un état léthargique. Ensuite, le corps se rompt en petites pelotes, d'où sortent des cellules, qui laissent échapper des infu- soires rudimentaires, destines à devenir semblables à leur procréateur. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 175 Les infusoires occupent le damier degré de l'é- chelle zoologique, et cependant on reconnaît, à pre- mière inspection, que dans cette classe si étendue, il existe une graduation très-uaraeteristique. Sans les considérer sous le rapport de la taille, nous en trou- Fi£. 1. — Infusoires divers, vous qui sont doués d'une organisation ayant certains rapports avec celles des poissons. Ainsi le Cnrethra plumicornis (fig. 2) possède une tèle nettement dé- tachée, un œsophage, des intestins et un système de circulation élémentaire. faculté de la motililë très-développée ; elle ne c on- siste pas en une reptation comme les infusoires compliqués, mais elle n'en est pas moins vive. Nous avons représenté dans la figure 3 certains mouvements qu'accomplissent les infusoires que l'on rencontre dans la plupart des infusions végétales naturelles. Les uns tourbillonnent avec une vitesse vertigineuse sous le champ du microscope ; les autres rampent méthodiquement, tantôt en ligne droile, tantôt sui- vait imecourbe déterminés:. Mais tous accomplissent leur évolution avec une régularité frappante. 11 y a même chez ceux qui ne paraissent qu'un point sous un très-fort grossissement, une force d'a- nimalité moléculaire qui leur permet de tourbil- lonner avec une incroyable rapidité. On rencontre fréquemment dans les infusions végétales certains in'usoires, offrant un curieux spectacle. Si le hasard amène sous l'œil de l'observateur des Yorticelles, on voit (fîg. 4), autour d'un corps inerte, plusieurs fig. L 2. — ^nfufaniics (rùigsni^ation supérieure : Gore.Lhra vlumicuruis. , Ces représentants supérieurs du monde microsco- pique des eaux vivent pour leur propre compte; ils n'ont pas la solidarité qui lie leurs congénères infé- Fig. 3. — Iufiisoires j'uilimentaii es doués de motililé. rieurs. Si ceux-ci ne sont pas doués d'une organisa- tion complexe, ils possèdent néanmoins une faculté de reproduction inverse de l'exiguité de leur taille. Ils ont a issi, autant que les infusoires organisés, la Fi£. 4. — Vtirtkelte.s adhérentes à un noyau central pur une queue rétract Lie, masses pelotonnées, qui sont adhérentes par une queue rétractile; à la moindre appréhension, au moindre trouble produit dans l'eau, elles se pelo- tonnent avec cette sorte d'appendice caudal. On est frappé, dans les études microscopiques, de l'affinité qui existe cuire le règne végétal et le règne animal. Si la molilité est un signe caractéristique de l'animalité, on pourrait supposer que certains sujets Fiji. S. — DiaUiim'ws et .Navicules des eau* stagnantes. participent de l'un et de l'autre. Les Navicules^f les Diatomées possèdent à mie certaine période de leui existence une animation qui les a fait classer pen- dant longtemps parmi les infusoires. Suivant M. de Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 174 LA NATURE. Brébisson, celte animation serait due à un effet d'os- mose et d'endosmose, à une effervescence de la croissance (fig. 5 et 6). Fig. 6. — Diatomââ. ArachnQÏdi&uus Ehrenbergii X 300 La plus petite expansion d'eau stagnante est un herbier perpétuel où les infusoires se confondent avec les oonferves. Si l'on prend un mince fragment de ces mucosités vertes qui flottent à la surface, on verra au microscope un végétal aquatique parfaite- ment organisé. Ce sont lie longs filaments membra- neux, composés de tubulures sondées les unes aux Fig. 7. — ' Spirogyra avec reiidochroine. autres ; autour, des ponctuations vertes sont disposées en hélice ou quelquefois agglomérées en paquets. Cette particularité leur a valu le nom de Spirotjljra (iig. 7). La matière verte est ['endochronw, ou graine reproductrice. Souvent ces filaments soûl "■ ■ - \ Fig. 8. — Hpirogyra conjugués à différentes périodes de croissance. reliés deux à deux au moyeu d'un appendice cellu- laire (f)g. 8), enté à angle droit sur le milieu d'une cellule, ce qui leur donne un parallélisme scalui'i- forme- Ainsi constitués, ces étranges représentants de la famille des algues atteignent de grandes lon- gueurs, car on voit rarement les extrémités. Certains mierographes ont avancé qu'ils avaient vu des fila- ments d'une longueur de plus de deux mètres. I. ClIIAItD. CHRONIQUE DécmlssnncR de la mortalité A Londres. — La douceur exceptionnelle de la température su traduit par une diminution liès-notable dans la mortalité de la métro- pole britannique. Jamais peut-être l'étroite liaison qui existe entre les incompréhensibles oscillations du thermomètre et les mille accidents qui compliquent les maladies mortelles ou les produisent, n'a été mis plus complètement en évi- dence que cette année. La température moyenne de la troisième semaine de janvier ayant été de G' centigrades, la mortalité est descendue à 512 iiu-dessuus de lamovciine, c'est-à-dire de près de 20 p. 100. \ouicnn câble transatlantique. — On nous an- nonce que bientôt on va commencer la pose d'un câ- ble transatlantique de l'invention de )1. Ilightou, lau- réat de la Société des arts à Londres. Nous donnons, sous bénéfice d'inventaire, ce que t'oit nous rapporte de mer- veilleux à ce propos. Un mille marin ne pèserait que 00 kilogrammes, cependant sa ténacité serait si grande, qu'il ne romprait dans l'eau que sous le poids d'une longueur de 20 milles ; son enveloppe ne serait formée que de chan- vre de Manille, sur lequel on prétend que l'eau de mer n'exerce aucune action. Les signaux employés seraient si sensibles, qu'on n'aurait besoin que delà dixième partie de la force électrique actuellement employée. Ils seraient de plus si rapides, que leur nombre pourrait être incalcu- lable. Toujours d'après le Graphie, on pourrait réduire à un shelling le prix du message simple. DAVID L'RINGS'IUNE Où sont-elles, ces brillantes années du dix-huitième siècle, si glorieuses au point de vue de l'exploration terrestre, où nos grands capitaines, jaloux de voir le pavillon britannique flotter sur tous les océans du monde, savaient aussi porter dans les régions nou- velles, le drapeau national? Où sont les Bougain- ville et les Laperons:." 1 , qui rivalisaient d'audace avec les Auson, les Wallis et les Cook? Qui opposerons- nous aujourd'hui aux navigateurs de la Norwége, des États-Unis, et même de l'Allemagne, que l'on voit s'élancer à l'assaut des glaciers polaires? Qui placerons-nous surtout à côté des grands explora- tours anglais du vaste continent africain? Ne sont-ce pas là des questions qui doivent natu- rellement se présenter à notre esprit, au moment où vient de mourir un des plus illustres voyageurs modernes 1 Nous n'avons pas la prétention de les ré- soudre, mais nous croyons qu'il n'est pas inutile de mettre en relief, en les signalant, notre trop réelle infériorité géographique, l'uisse l'exemple de la car- rière du grand explorateur africain contribuer à ré- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 175 veiller en France le goût superbe de l'aventure scientifique 1 David Livingstone est le type le plus caractéris- tique du caractère britannique, amoureux du péril, ayant la soif de l'obstacle à vaincre, la ténacité à toute épreuve, la volonté inébranlable, la persévé- rance que rien ne relâche, la fierté nationale, l'amour de la patrie, élevé à la hauteur d'une religion. Cette grande foi n'est pas étrangère aux miracles de l'ex- ploration britannique; relisez les récits de Spceke et de Livingstone, vous ne trouvez pas de pages où, dans les moments difficiles, ces âmes bien trempées ne se ravivent en quelque sorte au foyer de la patrie. Au-dessus de tout il y a, chez ces natures mâles et fortes, le bel orgueil du drapeau, qui, placé. dans de telles mains, ne recule jamais, et avance toujours! Sentiments rares et élevés, qui peuvent faire sou- rire les sceptiques, mais d'où naissent cependant les grandes choses ! Livingstone est né vers 1816, à East-Kilbride, dans le comté de Lancastre. Son père tenait une petite école dans le voisinage d'ÎIamilton ; jamais homme ne fut plus estimé, et plus estimable, jamais père de famille ne se montra plus capable d'élever un enfant et d'en faire un homme. De mœurs rigides, tics- religieux, Neill Livingstone réussit à transmettre à sou fils le respect des traditions de la famille, dont la devise était : « Sois honnête! »La famille des Living- stone, quoique pau^e, était, en effet une des meil- leures et des plus anciennes desllighlanrîs. Quelques-uns de ses ancêtres avaient été fervents catholiques, et l'un de ses aïeux mourut à Culloden en défendant la cause des Stuart. C'est au milieu du dix-huitième siècle que la famille Livingstone devint protestante. Le jeune David Livingstone fut de lionne heure accoutumé au travail ; il avait à peine dix ans qu'il fut placé comme ouvrier dans une grande manufac- ture de coton de3 environs de Giascow. Ses rares lui- sirs, il les employait à l'étude, et plus tard nous le voyons suivre à Giascow les cours de langues an- ciennes, de médecine et de théologie. Il se sentait la vocation du voyage : son seul but était de devenir missionnaire dans les pays étrangers. A l'âge de seize ans, notre studieux ouvrier est déjà devenu un étudiant distingué; son goût pour la littérature classique le lait remarquer par ses maîtres, qu'il remplit d'étonnement en leur prouvant qu'en dehors du temps des cours, il a pu apprendre par cœur les œuvres entières de Virgile et d'Horace. David Livingstone ne tarde pas à recevoir du collège de médecins de Giascow le grade de licencié ; tra- vailleur infatigable, il s'adonne avec passion à la lecture des ouvrages de théologie et de sciences na- turelles. Il se fait bientôt recevoir de la Société des missions de Londres, et songe d'abord à aller prêcher 1 évangile en Chine. Mais la guerre qui vient d'éclater avec le Céleste Empire dirige ses regards vers d'an- tres régions. C'est du côté de l'Afrique méridionale qu'il va tenter la fortune, c'est vers le euiitincnt où il trouvera plus tard la gloire et la mort, qu'il se sent attiré comme vers le pôle mystérieux de sa destinée. En 1840, il quitte le pays natal, le foyer paternel et s'embarque pour le Cap, où nous le voyons résider pendant plusieurs années, qu'il consacre à l'étude des idiomes africains. En 1843, il se retire dans la gracieuse vallée de Mabotsa, devenue le centre de l'in- fluence religieuse qu'il exerce autour de lui. Il se prend d'amitié pour le révérend Moffat, dont il ne tarde pas à épouser la fille. Jamais un tel homme ne pouvait rencontrer une si digne compagne, pleine d'amour, de dévouement, comme d'intrépidité et de courage. Dès cette époque, le missionnaire vit avec sa femme au milieu des Béclwanas ; il étudie leurs mœurs, s'y accommode bientôt, et prend part à plu- sieurs expéditions guerrières que ces populations belliqueuses entreprennent contre des nations voi- sines. C'est seulement en 1849 que>Lrvingstone résolut de s'avancer vers le nord de l'Afrique ; dans son pre- mier voyage, exécuté en compagnie de deux hom- mes intrépides, MM. Murray et Osvrell, il suivit le Zouga et atteignit lelacNgami, après avoir parcouru un espace de 300 milles. En 1851, Livingstone s'enfonce dans les régions inexplorées du Mekalolo, il traverse Sebitoane, lu capitale de ce vaste pays, il pénètre peu à peu dans les terres, et ne tarde pas à s'extasier en présence des beautés que lui offrent les nouvelles contrées qu'il foule aux pieds ! Des cam- pagnes luxuriantes, arrosées de fleuves et de cours d'eau, un sol coupé défilons métalliques, des vallées riches et fécondes, de lacs innombrables, une popu- lation paisible, industrieuse, apparaissent aux yeux stupéfaits de l'explorateur, premier Européen qui ait contemplé ces merveilles nouvelles. Désormais Li- vingstone va marcher de découvertes en découvertes. En 1852, après des dangers effroyables, des fatigues inouïes, des efforts sans cesse renouvelés, l'explora- teur atteint la côte occidentale de l'Afrique, etarrive à Saint-Paul-de-Loanda, station portugaise. Arrivé là, malgré son courage et son ardeur, il est contraint de s'arrêter ; épuisé par les fatigues, il tombe grave- ment malade et pendant des mois entiers il lutte sans cesse contre une mort imminente. La vie triomphe cependant, et peu à peu la santé renaît. Après de semblables tentatives, de si cruelles épreuves, Livingstone, sans songer un instant au repos, reprend de suite les grands projets ; il a l'am- bition de traverser le continent dans toute sa lar- geur au sud; il se met en marche, il part, il affronte tous les dangers, et finit enfin par réussir en arrivant en mai 1856, jusqu'à Quilimane, située sur la côte orientale! Après cette magnifique pérégrination, Livingstone revient à Londres, chargé de découvertes et de do- cuments nouveaux; il est acclamé partout, et il re- çoit deux médailles d'or des Sociétés de géographie de Londres et de Paris. Cette première période de sa vie d'explorateur est bientôt résumée dans un ma- gnifique ouvrage qui obtint un succès unitersel, et Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 176 LA NATURE. qui fut traduit dans la plupart des langues euro- péennes 1 . Livingstone, après avois mis la dernière main à ce ■véritable monument géographique, reprend le cours de ses -voyages, et pendant plusieurs années succes- sives il entreprend de nouvelles et magnifiques ex- plorations dont celle du Zambèse restera comme une des plus remarquables ; des surprises inattendues attendent encore le voyageur, au milieu des nom- breux affluents du grand fleuve, qui baigne une des plus riclies et des plus curieuses contrées du globe'. Cette terre, si fertile, fut funeste au docteur Living- stone ; c'est là que, le 27 août 1S02, il vit mourir entre ses bras; sa femme infortunée, sa compagne si audacieuse et si forte, qui avait voulu partager la vie si terrible mais en même temps si belle de son mari. Après un nouveau retour eu Angleterre, Living- stone en 1864 fait de grands préparatifs pour une nouvelle expédition, où il a l'ambition de résoudre David Livin^slone. (T/après une phtjtajrjplne.l encore quelques-uns des grands problèmes géogra- phiques du continent africain. Il quitte cette fois le sol natal pour n'y plus revenir! On se rappelle trop bien les émotions que suscita, dans l'Europe entière, la fausse nouvelle de la mort de Livingstone en 1867, ona trop j.arlé, dans ces der- niers temps, des récits authentiques que M. Stanley a publiés sur l'illustre explorateur, pour que nous insistions sur ces derniers épisodes d'une existence si étonnante et si glorieusement remplie. La mort du grand explorateur est une perte im- mense pour la science. On ne rencontre pas en effet tous les jours de ces hommes d'élite qui, doués de 1 Missimmry traveh and reseui chin South Afriea. — Ton- don, 1857, toutes les vertus, ont en même temps tous les cou- rages, qui possèdent une étonnante érudition, une .science profonde , indispensable pour visiter avec fruit des pays nouveaux, et qui, ayant reçu en partaga ces dons si rares, sont en outre animés de ce dévoue- ment sublime qui les pousse vers les privations, les fatigues, les luttes, les périls et la mort, dans le seul but d'être utiles à la science et à l'humanité! Gaston Tissasmeh. 1 Narrative a/ an Expédition (o tfie Zambcsi and iis trtbittariett. — London, 18li5. \£ Prupriétaire-Gcvant : G. Tijsasdieb. Couseil. — TJ'p. et stêr. (la Tirbib tlls. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires K* 38. 21 FEVRIER 1874. LA NATURE. 177 LA HECONSTHCCTIOM D'UN SQUELETTE FOSSILE On s'imaginerait difficilement, en voyant aujour- d'hui tel qu'il apparaît, reconstitué dans son ensemble et se dressant dans son attitude naturelle, le masni- fiijiie et gigantesque squelette du mégathérium dont s'est enrichi le Muséum d'histoire naturelle 1 , et dont nous donnons la figure entière , tout ce que la re- construction ostéologique de cet animal a pu exiger de travail persévérant et de talent; nous avons pensé que quelques détails à ce sujet ne seraient pas sans intérêt pour nos lecteurs. 11 importo d'abord que nous fassions connaître dans quel état se trouvent le plus souvent les sque- lettes fossiles quand on les retire de leurs gisements, et que l'on sache bien que les os qui ont dû. séjour- ner pendant des siècles dans des matières terreuses ont à peu près perdu constamment jusqu'à la der- nière trace de la matière organique qui constitue le moyen de cohésion de leurs molécules. Dans cette condition, c'est-à-dire, réduits à leurs éléments cal- caires, ces os sont ordinairement recueillis en frag- Vua d'ensemble (lu nouveau àltïgalhci'iurn ilau* les galeries du Muséum raents désagrégés et friables ; après leur exhumation, la dessiccation et l'exposition y déterminent encore inévitablement do nouvelles brisures. En sorte que lorsqu'on se propose de monter un squelette fossile, on a d'abord à se livrer à une be- sogne incroyablement laborieuse, qui consiste à trier les innombrables fragments plus ou moins mélangés, à les débarrasser de la gangue qui les recouvre, à chercher leurs places, et, enfin, à réunir, ressouder ceux qui vont ensemble, c'est-à-dire qui font partie d'un même os. Il ne reste plus après cela, pour leur donner un peu de solidité , qu'à imprégner d'une faible solution gélatineuse les différentes pièces os- seuses reconstituées. 1 Yoy. la table de la première année r le Mégathérium du Muscum. 2° iDQëe. — 1 tT stmestrt I) y a, comme on voit, dans les diverses manipu- lations que nous venons d'indiquer et qui ont poui objet la reconstruction des os, quelque chose qui rappelle exactement l'exercice du jeu de patience, mais ici le jeu exige non-seulement la persévérance la plus opiniâtre, mais encore des connaissances étendues en ostéologie comparée. La restauration des os terminée, on passe à l'opé- ration du montage, qui, pour les grands animaux tels que le mégathérium que nous avons ici particu- lièrement en vue, ne peut être bien réussi qu'à l'aide du concours d'un mécanicien habile. Les différentes régions du squelette, bien dispo- sées successivement dans leurs rapports naturels, se- lon l'attitude que l'on veut donner à l'animal, sont provisoirement soutenues par des échafaudages de 12 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 178 LA NATURE. bois ; le mécanicien, en prenant les plus grands soins de ne rien déranger, construit, pour maintenir chacun des os, des bracelets à charnières ou des col- liers plus ou moins complets qui sont tous raccordas et ajustés sur six tiges principales, dont quatre sup- portent les membres et deux la colonne vertébrale. La grande difficulté, dans ce travail extrêmement compliqué, consister dissimuler autant que possible les nombreux embranchements de fer et à réserver le moyen de pouvoir démonter aisément, au besoin, le squelette dans son ensemble ou dausquelques-unes de ses parties. Ce sont là des dispositions qui sont rendues néces- saires, et pour les besoins possibles de l'étude, et pour obvier au défaut de consistance des os fossiles, qui ne peuvent être ni percés ni soutenus intérieurement par des tiges métalliques, et enfin, pour assurer la possibilité du déplacement d'un squelette colossal. C'est vraiment quelque chose de curieux que de voir, lorsque l'animal est démonté, ce que l'on peut appeler le squelette de fer du mégathérium, avec toutes ses pièces si compliquées, si nombreuses et si bien exécutées pour se dérober à la vue lorsque les os sont remis en place. Après avoir eu connaissance- de ces détails, on ne sera pas surpris d'apprendre que le mégathérium, qui est aujourd'hui une des pièces les plus intéres- santes et les plus remarquables de notre grand mu- sée national, a été l'objet d'une dépense d'au moins 55,000 francs, dont quinze seulement pour le mon- tage; mais l'argent employé au profit de la science n'est jamais à regretter et l'on ne peut qu'applaudir à un pareil emploi des fonds publies. <►<«. LES ILES S0UL0U Un différent analogue à l'affaire du Yirginîus s'est dernièrement élevé entre l'Espagne et l'Allemagne. Des croiseurs espagnols ont saisi des bâtiments char- gés de contrebande de guerre pour les îles Soulou et lrclés par des Allemands établis aux Philippines. Si nous connaissons fort peu la géographie do notre propre paysf nous ignorons complètement celle de l'extrême Orient, il ne sera donc pas sans intérêt de donner quelques détails sur un archipel peu fréquenté des navigateurs et dont les Allemands en quête de colonies semblent avoir le dessein de s'emparer. L'archipel des Soulou s'étend de l'extrémité S.-O. de Mindanao, la plus méridionale des Philippines, à l'extrémité IV. -E. de Bornéo, entre 4 et 7" de latitude nord et 116 et 120° de longitude est. Ces îles, au nombre dû cent vingt, d'après M. Domeny de Rienzi, qui les visita au commencement du siècle, forment une chaîne de 100 lieues de long sur 20 lieues de large. La plus grande est Bassilan qui a donné son nom au détroit, puis viennent Tawi-Tawi, Siboutou, Siassi, Tapoul, Pata , Pangoutarau , Ca- gajan, Dassaan , Gouham, les îles Ariston, du Tribun, etc. Cet archipel de formation madrépori- que et volcanique est très-boisé ; parmi les essences qui garnissent les flancs des montagnes, va rencon- tre le tek, lesagoutier, le camphrier, le cocotier, le sandal, tandis que les plaines très-fertiles produi- sent le riz, le cacao, la canne à sucre, le coton ainsi que le raisin, les mangues, le lancoun, excellent fruit de la grosseur d'une noix, le bolona, qui a quelque rapport avec la prune et qui a l'apparence du coing, l'orange, l'ananas et la plupart des fruits tropicaux. Sur la terre, les chevaux, les boeufs, les chèvres, les daims, les singes, les porcs sauvages; dans la mer les cauris, les perles, la nacre, les tortues, et sur les rochers battus par les vagues ces nids de salanganes si recherchés par les Chinois, telles sont les principa- les productions de ces îles, dont la population est évaluée par les uns à 00,000 et par les autres à 200,000 habitants. Lu trop petit nombre_d'obscrvations a été fait sur les Suulouaus pour qu'on soit bien fixé sur leur ethnographie. Cependant Dumontd'Urville, qui visita cet archipel en 1839, voit dans cette race un mé- lange de fiouguis, de lîissayas, de Malais et d'insu- laires de Mindanao, réfugiés pour échapper au joug espagnol. Le caractère de ces peuples est mieux connu ; do tout temps adonnés à la piraterie , ils montrent la plus insigne main aise foi dans les rares relations commerciales qu'ils entretiennent surtout avec les Espagnols et les Portugais ; chez eux le vol, la perfidie, les guets- apens sont choses habituelles et les bâtiments qui relâchent à Soulou sont forcés de prendre les précautions les plus sévères contre les tentatives que les Soulouans ne manqueraient pas do faire, s'ils supposaient pouvoir réussir sans danger. Aussi le gouvernement espagnol est-il obligé d'entretenir un certain nombre de chaloupes canon- nières qui font la police de l'archipel et courent sus à ces praos rapides, armés do petits canons do bronze qui se réunissent quatre ou cinq pour attaquer les bâtiments de commerce. A Soulou surnommée la Mecque orientale, règne sous le nom d'islamisme un matérialisme sensuel et grossier ou pour mieux dire une absence générale de religion; on y voit, en effet, les mosquées en ruines, le vin, les liqueurs et la viande de porc en honneur; quoique la polygamie soit hors d'usage, l'unique épouse est plus maltrai- tée que dans les pays étrangers à toute civilisation. Chose étrange et contraire aux habitudes de l'O- rient, pays d'absolutisme, le sultan n'a sur ses sujets qu'une puissance purement nominale, et son auto- rité n'est même pas suffisante pour faire respecter les traités qu'il a pu conclure avec les puissances étrangères. Le véritable pouvoir est entre les mains d'une sorte de conseil composé de quinze Datous ou nobles, tous parents plus ou moins proches du sultan, qui perçoivent les impôts et ne marchent qu'entourés de gardes. Leur méfiance réciproque, leurs titres à peu près égaux au pouvoir suprême, en les maintenant divisés, empêchent le renverse- ment du sultan actuel. Quant à la capitule de ces Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE, 179 peuples qui porte le nom de Banoua, et que Dumont d'Urville surnomme l'Alger de la Malaisie, elle est située à l'embouchure d'une rivière qui se jette dans la mer au fond de la baie de Bewan. Toutes les mai- sons, bâties sur pilotis, sont reliées entre elles ou à la terre ferme par des ponts de planches que l'on retire à volonté afin de les isoler séparément ou par quar- tiers. La ville est entourée d'une mauvaise muraille, formée de palissades de 10 à 12 pieds de haut, garnie de canons hors d'usage et qui s'appuie sur deux petits forts en assez piètre état. Les habitants, qui craignent toujours les représailles des nations eu- ropéennes, ont, assigné aux Chinois qui se sont établis eu grand nombre dans la ville le quartier qui borde la mer et qui, en cas d'attaque, serait le plus exposé; ses maisons sont en outre séparées du reste de la ville par un canal. Si l'histoire de l'archipel des Soulou est fort ob- scure, on sait seulement qu'il fit autrefois partie du royaume de Baujermassing à Bornéo , sous le nom de petit Bauger ; ses relations avec les peuples eu- ropéens sont un peu mieux connues. Au commence- ment du dix-septième siècle, les Espagnols tentè- rent de s'en emparer et réunirent même à leur colo- nie des Philippines quelques-unes de ces îles; vers le milieu du siècle suivant, la conversion du sultan au catholicisme amena une révolte générale pendant la- quelle il fut chassé. Les Espagnols, qui avaient pris fait et cause pour lui, entreprirent une série d'expé- ditions qui se terminèrent presque toutes d'une fa- çon désastreuse. Les Anglais, qui avaient fondé à la même époque un établissement dans l'île de Bi- larabangem, furent presque tous massacrés par les naturels. Durant cette période, les Soulouans avaient par leurs pirjteries incessantes soulevé contre eux tous les peuples qui font le commerce dans cette partie des Indes : Hollandais, Anglais, Espagnols, Portugais ; aussi lorsque le sultan vit arriver sur un bâtiment de la Compagnie des Indes le voyageur français Sonnerai, il lui fit des ouvertures pour ob- tenir le protectorat de la France et adopta le pavil- lon blanc qu'il entoura d'une bande noire et au mi- lieu de ce champ d'argent il plaça de gueules la porte de la Mecque. Depuis cette époque, Dumont d'Urville en 1839, le commodore américain Wilkes en 1842, le contre-amiral Cecill en 184-4, visi- tèrent cet archipel et en firent l'hydrographie ; enfin, en 1848 et en 1851, le gouvernement espa- gnol châtia sévèrement ces pirates incorrigibles, s'empara de Soulou et proclama sa souveraineté sur l'archipel tout entier. En 1806, une ambassade du sultan vint demander au consul de Prusse, à Can- ton, la protection de sou gouvernement contre la tyrannie espagnole, en échange de laquelle les Sou- louans reconnaîtraient la suzeraineté de la Prusse et lui céderaient, pour y établir une colonie, une partie de leur territoire. Bien que n'ayant pas été ratifiée, croyons-nous, par le gouvernement de Berlin, cette convention n'en sert pas moins aujourd'hui de base aux réclamations du gouvernement prussien, qui vient d'envoyer de nouvelles forces navales dans les eaux des Philippines. Cabiuel Marcel. LES RÉSERVOIRS DE M0NTS0ÏRB Quelles que soient encore, eu égard aux besoins actuels do la population, les lacunes du système de la distribution des eaux dans Paris, il faut reconnaître qu'il est peu de villes en Europe plus largement do- tées que la nôtre. Les chiffres qui suivent peuvent donner une idée, pour le présent, de nos ressources quotidiennes en eaux de diverses origines : Eaudel'Ourcq 160 à 180,000 r». c. Eau de la Marne 43,000 — Eau de Seine 86,400 — Eau des sources de Belleville et des Prés-Saint-Gervais 200 — Eau d'Arcueil 1,500 — Eau de la Dhuis 20,000 — Eau du puits artes .deGrenelle. 400 — Id. id. de Passy. . 7,000 — Total. . . . 538,500 m. c. Les chiffres portés ci-dessus étant, pour la plupart, des maxima, l'on doit, si l'on veut rester dans la réalité des faits, n'évaluer les quantités d'eau dispo- nibles chaque jour qu'à 300,000 mètres cubes ; en- core la consommation effective ne s'élève-t-elle qu'à 260 ou 280,000 mètres cubes, soit 280 millions de litres. Mais un prochain avenir verra les ressources hydrauliques de la ville de Paris très-notablement augmentées. La Dhuis ne donne aujourd'hui que la nioitié du volume sur lequel on a compté, soit 20,000 mètres cubes. Lorsqu'on aura réuni à son débit actuel les sources que la ville possède dans des vallées très-voisines, le volume obtenu sera de 40 mil- lions de litres par vingt-quatre heures. D'un autre côté, la Vanne, dont les eaux vont être bientôt ame- nées dans la capitale, n'ajoutera pas moins de 100 millions de litres à ces ressources. La quantité totale des eaux de distribution sera alors portée à 420 mil- lions de litres par jour, élevant ainsi à 210 litres par tête une consommation calculée aujourd'hui sur le pied de 140 litres. Mais ce n'est guère qu'à la fin de l'année prochaine que ces chiffres seront atteints, car les grands réservoirs de Montsouris, actuelle- ment eu construction, ne seront pas achevés avant celte époque. Les travaux, cependant, sont assez avancés aujourd'hui pour que l'on puisse avoir une idée d<î cette oeuvre grandiose, qui sera une des mer- veilles du Paris moderne. Les grands travaux hydrauliques auxquels servira pour ainsi dire de couronnement la dérivation de h Vanne, ont eu pour but de donner aux Parisiens de l'eau de source, eau très-pure, choisie avec discer- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 180 LA NATURE. nenient, captée à l'endroit même où elle sort de terre, et tenue par conséquent à l'abri de toute in- fluence pernicieuse. La source de la Dhuis a été prise à Fargny, dans le département de l'Aisne ; les sources de la Vanne, rivière qui sort du département de l'Aube pour aller tomber dans l'Yonne près de Sens, étaient plus nombreuses ; on en compte jusqu'à onze : la Bouillante, Armenlières, Bime-de-Cerilly, Flacy, Cbigy, le Maroy, Saint-Philibert, Malbortic, Gaprais- Iîoy, Tbeil et Noé. Située à i 73 kilomètres 83 mètres de Paris, à une altitude qui permettrait a ses eaux d'arriver, par une pente naturelle, sur un des points culminants de Pari?, la Yanne a emprunté, sur une partie de son parcours, l'aqueduc d'Arcueil pour par- venir jusqu'à nous; l'on a tres-liabilcment profité du monument de Jacques de Brosse pour appuyer ; l'immense édifice qui nous amène les sources de la Champagne. Le canal qui les guide franchit les forti- fications sur un petit pont construit pour le suppor- ter, et l'eau aboutit enfin, par une conduite en foute de l m ,10 de diamètre, débitant 1 mètre cube par seconde, dans une bâche d'où elle se déversera dans les réservoirs. Ceux-ci seront au nombre de quatre, deux à l'étage inférieur, deux à l'étage supérieur ; ils constituent les compartiments d'un vaste édifice dont la moitié à peine est élevée, et des dispositions particulières per- mettront de les faire communiquer soit deux à deux, soit tous ensemble, suivant les besoins du service, les nécessités des réparations, des nettoyages, etc. Grâce à l'obligeance de M. Belgrand, directeur du service des eaux de la ville de Paris, nous avons pu visiter l'étage inférieur du réservoir, ou plutôt la moitié de cet étage, car il y aura un autre compar- timent semblable, dont la construction n'est pas encore commencée. Aucune comparaison ne pourrait servir à rendre compte de l'impression étrange que l'on éprouve en pénétrant dans ces immenses souterrains. L'oeil est quelque temps avant de se faire à l'obscurité relative qui règne en ces lieux où les pas mal assurés ne s'a- vancent qu'avec précaution. Au loin brillent avec un éclat presque blessant d'abord, et qui ajoute même à l'incertitude de la vision, de grands soupiraux semi-circulaires, placés à une hauteur encore difficile à apprécier. Peu à peu, cependant, les ombres s'é- clairent, le pied s'assure, et, au détour d'un pilier, se révèle presque suintement le spectacle fantastique dont la planche ci-contre donne l'aspect saisissant. Ceslonguesrangées de piliers en rocailles, se profilant de tous côtés sous les rayons blafards d'une lumière étrange, ces ombres qui s'entrecroisent en tous sens sur un sol sablonneux et semé de débris, ces voûtes hautes et étroites, sous lesquelles retentissent au loin, dans les profondeurs de la nuit, des voix et des bruits indistincts, les coups et les elforts de mysté- rieux travailleurs, tout concourt à former un ensem- ble empreint d'une sorte de poésie bizarre, à l'in- fluence de laquelle il est difficile de se soustraire entièrement. Mais ces impressions singulières ne nous empê- chent pas d'examiner au point de vue pratique l'inté- rieur de celte vaste enceinte. L'extérieur du monu- ment, il n'en faut point parler: il offrira l'aspect d'une masse énorme, aux murs nus, percés de quel- ques rares ouvertures, et ne constituera, pour le quartier peu favorisé où il s'élève, rien moins qu'un embellissement. Le sol sur lequel nous marchons est celui que re- couvriront les eaux, lorsqu'elles viendront noyer ces longues avenues et baigner, jusqu'à une hauteur de 5 m ,50 les élégants piliers qui se dressent de toutes parts. Ce sol, comme les piliers, comme les murs, comme les voûtes de ce réservoir inférieur, est eu pierres meulières et ciment hydraulique dit de Yassy, dont les éléments essentiels sont la chaux, la silice et l'alumine, avec mie petite quantité de feret de magnésie. L'aspect rocailleux des piliers et des murs, qui donne, grâce aux jeux de la lumière, quelque chose de si pittoresque à cet étrange séjour, ne tardera pas à disparaître sous une couche de ci- ment d'une épaisseur variable: 90 à 100,000 mètres carrés d'enduit de 3 cent, pour tenir l'eau, sur les parois et sur le sol; 60,000 mètres carrés d'enduits intérieurs, plus minces, de 55 millirn. à i cent,, destinés à conserver les piliers et autres parties sur lesquels ne s'exercera pas aussi cnergiquement la poussée de l'eau. Nous avons dit qu'il n'y avait encore qu'un seul compartiment d'édifié, celui où nous avons pénétré. Il estd'une surface de près de 2 hectares ; l'onycornpte 900 piliers, disposés en 30 rangées égales, à une distance de A mètres d'axe en axe. Ces robustes sup- ports, destinés à résister au poids du compartiment supérieur, où seront emmagasinés jusqu'à 50,000 mètres cubes d'eau, ont à la base l m ,07 de côté; puis ils vont s'eflilant jusqu'à la hauteur de o" , ,80, où commencent les voûtes d'arête qui les unissent tous en un système élégant, d'une solidité à toute épreuve. Chacune de ces colonnes a 30 cent, de fon- dation et se dresse à 30 mètres au-dessus des cata- combes, où l'on a fait, bien entendu, tous les travaux de consolidation nécessaires. A l'étage supérieur se trouvera un égal nombre de piliers, qui seront pour ainsi dire les prolonge- ments des piliers inférieurs ; seulement, cet étage sera moins élevé que l'autre ; ses colonnes, qui n'au- ront pas besoin d'être aussi fortes, supporteront des voûtes également plus légères que celles des subs- trnetions, et bâties simplement en briquettes. Le tout sera recouvert d'une maçonnerie plus ou moins épaisse pour servir de toit. Ces quelques détails permettent déjuger de l'im- portance de l'œuvre. La construction a dû être pour- suivie avec des soins tout exceptionnels et dotée d'une puissance de résistance énorme; les murs de contrefort ont 2™, 80 à la base, et l'on calcule qu'il entrera dans l'édifice entier environ 75,000 mètres cubes de maçonnerie en meulière. La dépense totale s'élèvera, y compris l'achat des terrains, entre 5 et G Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 181 millions ; quand on songe que l'étage supérieur con- tiendra 100,000 mètres cubes d'eau, et l'étage infé- rieur 200,000, ce qui porterait à 20 fr. seulement le mètre cube d'eau emmagasinée, on voit combien est éuonomique cette grande entreprise, au premier abord si coûteuse ; dans des réservoirs plus petits, l'eau revient parfois à 50 fr. le mètre. Commencés en 1869, les travaux ont étéiiilcrrom- puspendant la guerre et repris verslafinde 1872 ; on pense qu'ils seront achevés dans les derniers mois de 1875. Voilà, pour le contenant; disons un mot du con- tenu. L'eau do la Vanne est dépourvue de sulljte de chaux; elle est pure, limpide et fraîche en toute saison, et renferme seulemont en suspension de très- faibles quantités de substances inorganiques exces- sivement ténues. Son titre hydrotimélrique varie de ■...'/;■■ Kl *i ■iliïiff" I ( ■;■■ wâ m-WÊÊêêêmi I I " * I : Le grand reserroir de Slonïsouns. 17",40 à 20°, ce qui la rend piopre à tous les usages, particulièrement à la consommation alimentaire. Elle sera reçue, comme nous l'avons dit, dans une grande bâche installée dans un petit bâtiment ap- puyé à la face méridionale des réservoirs, où seront également installés les services municipaux. De la bâche, elle passera, grâce à diverses dispositions de fontaineries dans le détail desquelles nous n'avons pas à entrer ici, dans tel ou tel compartiment do l'é- difice. A l'étage supérieur, où elle aura une hauteur de 3 m ,55, elle atteindra à une altitude de 80 mètres au-dessus du niveau de la mer ; à l'étage inférieur, où il y aura 5 m ,50 d'eau, cette altitude sera encore de 74 m 50 ce qui lui permettra de monter aisément à tous les étages des maisons qui ne se trouveront pas dans le voisinage immédiat; le pavé de la place du Panthéon a une cote de 54™. A sa sortie, des conduites posées sous le sol de la rue la recevront pour aller la distribuer sur toute l'étendue des quartiers de la rive gauche, et même dans les régions de la rive droite alimentées exclusi- vement aujourd'hui par l'eau de l'Ourcq. Ainsi sera complété, au moins dans ses parties les plus importantes, le système hydraulique de la ville de Paris ; l'on ne saurait assez s'en féliciter, quand ou réfléchit que l'eau est un précieux élément de sa- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 182 LA NATURE, lubrité et de bien-être, qui ne peut être prodigué trop abondamment dans les grandes cités et les vastes agglomérations humaines des sociétés modernes. Charles Letout. LE GDLF-STREAM (Suite et fin. — Voy. pages ISi et 171 ■) Maury, dans son Mémoire sur le Gulf-Stream et les divers courants de la mer, lu devant l'Institut national en 1844, avait émis des conclusions qui ont été depuis en partie confirmées par l'expérience. Jus- qu'alors l'opinion généralement admise parmi les marins, opinion reproduite par Franklin, était que les vents alizés, poussant les eaux dans la mer des Antilles, causaient une élévation du niveau du golfe du Mexique au-dessus du niveau de l'Océan, et que les Gulf-Stream n'était que l'écoulement des eaux ainsi surélevées. Suivant Maury, l'opinion la plus l'ondée est celle qui donne pour cause principale au Gulf-Stream , ainsi qu'à tous les autres courants constants de la mer, la différence, également con- stante, produite par la température et la salure dans l. -'■/■i.'i-'i'-**'* WW : ■■• I'-:.7 M, M \- Le Gulf-Stream. la pesanteur spécifique des eaux de certaines parties de l'Océan. Cette différence est incompatible avec l'équilibre des eaux, et, pour maintenir cet équilibre, les grands courants sont mis en mouvement. Les jgents qui altèrent la pesanteur spécifique des eaux de la mer s'étendent de l'équateur aux pôles, et ne cessent pas plus d'opérer que la chaleur et le froid; ils rendent donc nécessaire un système de courants perpétuels qui puisse rétablir l'équilibre. Ces agents, toutefois, ne sont pas la seule cause des courants. Maury ajoute que les vents aident à leur formation en donnant aux vagues l'impulsion qui détermine un mouvement des eaux dans le sens du vent régnant. Les grandes pluies qui produisent à la surface de l'O- céan des différences de niveau ; les inégalités de la pression atmosphérique, à un même moment, dans des régions diverses de la mer, déplacent aussi, dans un sens ou dans l'autre, les eaux superficielles. Mais les courants ainsi produits sont éphémères , tandis que les grands courants déterminés dans les trois Océans par les changements de température et de salure, par les agents qui affectent la pesjnteur spé- cifique de l'eau de mer et dérangent son équilibre, par la rotation terrestre, sont des courants constants. M. W. Carpenter, en communiquant à la Société royale de Londres le résultat de ses observations sur la température et les courants de l'Atlantique, a ré- sumé les recherches spéciales dont le Gulf-Stream a été l'objet durant ses explorations. Il admet avec Maury que la circulation océanique provient princi- palement des différences de température, du mou- vement opposé des eaux équatoriates échauffées, di- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. ISS latées par le soleil, et des eaux polaires condensées par le froid. Il croit que la circulation profonde, la circulation verticale, suivant sa propre expression, ainsi déterminée, maintient, par une force constante, la circulation de surface causée par les vents régu- liers. M. Carpenter appuie surtout sa théorie sur le continuel échange des eaux outre l'équateur et le pôle. Nous avons déjà dit comment il a tracé dans des sections perpendiculaires à l'axe du Gulf- Stream des lignes d'égale température qui prouvent l'existence d'un contre-courant froid inférieur. Ces eaux inférieures s'échauffent en absorbant la cha- leur de la croûte terrestre et remontent lentement, tandis que les eaux chaudes superficielles, qui se refroidissent graduellement au contact de l'air, en s'éluignant de l'équateur, descendent vers le fond. La forme du littoral dans chacun des bassins océa- niques et l'action do la rotation terrestre impriment leur direction aux courants ainsi créés. Nous ne pou- vons qu'indiquer sommairement dans ce résumé les points essentiels de la théorie de M. Carpenter- sur la circulation des eaux de l'Océan, qui se rapproche, comme on le voit, do celles de Humbnldt et de Maury. Une théorie différente, soutenue par Franklin, Sir John Ilurschel!, le professeur Wyville Thomson et d'autres savants naturalistes, explique la production duGulf-Stream par les alizés, c'est-à-dire par le re- foulement des eaux dans la mer des Antilles. Malgré l'autorité des noms qui la défendent, nous croyons cette théorie moins fondée que celles qui précèdent et il nous parait difficile de l'appliquer à une expli- cation satisfaisante de l'ensemble des courants océani- ques. Maury admet que la pression des alizés aide à donner au Gulf-Stream sa vitesse initiale, mais il ne croit pas que cette pression puisse suffire pour dé- terminer la formation du puissant courant qui trans- porte, des rives de l'Amérique à celles de. l'Europe, ••m volume d'eau mille fois plus considérable que ce- lui des plus grands fleuves. Un. des officiers les plus distingués de la marine royale hollandaise, le commandant Jansen, a récem- ment résumé, dans une remarquable étude 1 , les ob- servations qui paraissent confirmer les vues de Maury. Mais il fait remarquer que ces vues u'ont été préseii- técsjusqu'ici que comme unehypotlièse, et il dit très- bien : — u Le soleil, la chaleur et le froid sont les principales sources du mouvement. La chose essen- tielle est donc d'observer les mouvements de la mer et de l'atmosphère, leurs températures et leurs den- sités, comme l'ont fait avec tant do soins intelligents JesnaturalistesduLiij/tteirejf et du Porcupine, comme le font aujourd'hui ceux du Challenger 1 , et des mil- liers d'autres observateurs, la plupart moins exacts, stimulés par les publications de Maury. Les faits ainsi recueillis, quand ils sont groupés en nombre suffisant et interrogés attentivement par un esprit dégagé de théories et de spéculations, révèlent eux-mêmes leurs ' Océan higlttnaijs, juin 1873. * Voy. la lable de la première atimie. causes, ou mettent eu nos mains le fil conducteur pour arriver à des explications rationnelles. Telle a toujours été la manière devoir du commandant Maury, et c'est, je pense, la seule qui puisse nous permettre d'espérer la découverte des vérités encore cachées. « Si une hypothèse nouvelle avait expliqué un plus grand nombre de faits, Maury aurait été le pre- mier à l'adopter, en abandonnant sa propre hypo- thèse. 11 n'a jamais dévié de cette règle de conduite, et c'est à ses recherches pratiques, à la lucidité d'un esprit droit, plus attaché .\ l'expérience qu'aux théo- ries, qu'on doit surtout attribuer le succès de ses travaux. » Êlie Marcollé, — »<~— L'EXPLOITATION DES MOUTONS EN AUSTRALIE. Il n'est pas rare de rencontrer en Australie des propriétaires anglais qui possèdent cent mille hec- tares de prairies, où ne paissent pas moins du cent mille moutons. Quelques-uns de ces bergers comme on n'en voit pasdans la vieille Europe, ont commencé à s'établir tant bien que mal dans une des vastes prai- ries inhabitées du jeune continent. Avec les quelques centaines de livres sterling qu'ils avaient emportées avec eux, ils se sont construit une cabane, ont acheté dans le voisinage des brebis et des béliers ; les années et le travail aidant, leur famille de bêtes à laine s'est multipliée, jusqu'au point de couvrir un espace si grand que l'œil ne peut l'embrasser tout entier ! Cette immense agglomération de moutons dans certaines régions de l'Australie a fait naître des éta- blissements singuliers, comme on n'en trouverait nulle part dans nos contrées, des usines à vapeur, où des milliers de moutons sont nettoyés, douchés et tondus mécaniquement. Les célèbres machines de Cincinnati, qui engloutissent des cochons pour les métamorphoser eu saucissons, ne le cèdent en rien à ces exploitations australiennes, au sujet desquelles nous sommes heureux de pouvoir publier des docu- ments précis et originaux. L'établissement que nous décrivons est celui de MM. Clive, Hamilton et Trail, situé à Collaroy, dans le New-South-Wales. L'usine du lavage, que repré- sente une de nos gravures, ne compte pas moins de deux machines à vapeur; la première est destinée à élever l'eau de la rivière de la localité, et à la déver- ser en douche sur les moutons qu'il s'agit de laver; l'autre sert à couper le bois destiné au chauffage des dissolutions de savon, et fournit en même temps la vapeur nécessaire à élever la température des bains où les victimes sont plongées. Les moutons arrivent d'abord dans de grandes cours de réception, où ils sont parqués méthodiquement ; ils constituent la matière première de ce nouveau mode d'industrie. Quand l'eau a rempli les réservoirs, quand la vapeur a échauffé le liquide à la température cuiiveuable, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 184 LA NATURE. quand la dissolution de savon a été préparée, on abat une herse W (voy. la gravure), et huit ou dix moulons descendent par le chemin X, alignés comme des soldats conduits au champ de ba- taille ; ils pénètrent d'abord dans le réservoir à savon, où des ouvriers les frottent et les net- loyent avec un soin scrupuleux. De là ils passent dans l'égouttoir Y, puis sont dirigés, par un plan incliné, dans un compartiment Z, d'où ils arrivent enfin entre les mains des doucheurs. Ceux-ci les tour- nent et les roulent pendant quelques minute;; sous un mince jet d'eau, d'où ils s'échappent aussi blancs que la neige des Alpes. Après cette opération on les dirige dans la cour de séchage, puis on les conduit dans un vaste hangar, où ils sont tondus. Dans la bonne saison l'usine ne chaume pas, et le va et vient n'est jamais interrompu ; des armées de bêtes à laine sont continuellement soumises à ce nettoyage préli- minaire, et plus de deux mille moutons passent en 12 heures dans les bains que nous venons de décrire. 11 va sans dire que quand l'eau de savon est sale, on la remplace par de nouvelles dissolutions, et grâce au système de déversement bien organisé, il ne faut guère plus de 10 minutes pour renouveler complc- Eiploitaticm des moulons à New-South-Wales, en Australie. — La tonlo. tement le liquide de tous les réservoirs savonneux, tièdes ou lroids. L'opération de la tonte n'est pas moins surpre- nante que celle du lavage ; de véritables brigades de tondeurs saisissent les moutons, et les hommes, armés de grands ciseaux, rasent la laine avec une rapidité prodigieuse. Dans un atelier semblable à celui que nous représentons, cent bons ouvriers enlèvent la laine à vingt-cinq moutons chacun, par jour, ce qui fait en vingt-quatre heures un total de deux mille cinq cents moutons ! Dans le mois, soixante mille hètes à laine sont dépouillées, et leur toison re- cueillie avec soin est rangée sur de vastes étagères que l'on voit figurées au dernier plan de notre gravure Le moment du lavage et de la tonte est fort solen- nel dans certaines régions de l'Australie ; les « squat- ters, » ou propriétaires de moutons, ont alors une angoisse analogue à celle que ressentent nos agricul- teurs à l'époque de la récolte. M, le comte de Beau- voir nous donne à cet égard des appréciations inté- ressantes, que nous ajouterons à notre tableau, a Une fois la laine à point, dit le jeune et spirituel voyageur, il faut agir en toute hâte, l'envoyer à Mel- bourne , et l'expédier sur le marché de Londres, pour profiter des premières demandes. L'embarras de nourrir tant de bêtes accumulées en un même point presse encore plus les o squatters » de ne pas marchander le nombre des bras ; et si le beau temps paraît fixe, qu'ils ne perdent pas une si belle occa- sion. Les orages ont en eliet causé bien des ruines après la tonte, et ceux qui ont agi trop lentement Droits réservés au Cnam et à ses partenaires ■: T !i :, !i "'■' Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 186 LA NATURE. dans la bulle saison, ont vu à l'approche de l'automne des milliers d'agneaux tués par les grêles terri- bles de l'Australie, et les brebis, saisies parle froid sous des pluies de deux ou trois mois, mourir par centaines en quelques jours ! « Autant il faut avoir un corps de fer pour vivre exilé dans les prairies, toujours à cheval, sous les rayons brûlants du soleil, ou sous des pluies de deux . mois; autant il faut, au « squatter » une âme forte, pour ne pas perdre courage devant d'affreux désas- tres. 11 y a sept ans, à 'Ibule, Irois mille agneaux furent un jour tués par une trombe de grêle; en 1861, quinze mille brebis périrent de soif; en 1865, quatre mille cinq cents furent submergées par l'inon- dation. L'inconstance est la loi du temps en Austra- lie. » Malgré ces difficultés, malgréles obstacles que ces industriels rencontrent au inijieu des prairies brû- lantes, ils n'en jettent pas moins sur les marchés eu- ropéens d'innombrables balles de laines, qui, passant d'abord par les docks de Londres se répandent dans toutes les nations du monde civilisé; ils contribuent en même temps à assurer à l'Australie sa prospé- rité dans le présent et sa prépondérance dans l'ave- nir. Tandis que notre colonie algérienne végète à nos portes , la grande colonie australienne pro- spère, quoiqu'elle soit située aux anlipodes de la Grande-Bretagne ! Gaston Tissasdieii. LA FAUNE DES COUCHES PliOFOKUES DU LAC MICIIIUAN. Les Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres du Wisconsin, fondée en 1870, con- tiennent une notice intéressante du docteur Hoy, vice-président de cette académie, sur la faune des profondeurs du lac Michigan. À la distance de 25 à 30 kilomètres de la ville de Racine, le lac Michigan est profond de 100 à 140 mètres. Le fond est l'orme d'une boue impalpable qui, dans les dépressions, est mêlée à des détritus de feuilles. C'est sur ces bas-fonds boueux que les pêcheurs prennent les plus beaux lavarets et les plus grosses truites. Désireux de constater quelle était la nourriture du lavaret, M. Hoy se procura un grand nombre d'es- tomacs de poissons [iris à différentes profondeurs, et il on dilua le contenu avec soin. Il prit bientôt un grand intérêt à ces recherches, dans lesquelles il rencontra des formes nouvelles d'animaux qui ne visitent jamais les rivages, et ne vivent que dans les eaux profondes. Trois espèces de poissons, quatre de petits crustacés, une de mollusque, toutes nou- velles pour la science, furent le résultat de ses dé- couvertes. Les poissons ont été envoyés à l'Institut Smithsonien, de Washington, et décrits par le pro- fesseur Gill ; les crustacés ont été nommés par le docteur Stimpson, de l'Académie des sciences de Chicago. Deux des poissons appartiennent au genre Argy- rosomus, proposé par Agassiz pour la section des poissons blancs pourvus d'une mâchoire inférieure saillante. L'Argyrosomus Boyi, Gill, est le plus petit des poissons blancs qu'on ait rencontrés jusqu'ici dans les grands lacs : il a environ 20 centimètres de long, il pèse un peu plus de 100 grammes. 11 ne se trouve qu'à la profondeur d'au moins 80 mètres. Les truites en dévorent une quantité considérable. C'est un ex- cellent poisson à frire, et, n'était sa petite taille, il figurerait avantageusement sur les marchés. ]i'Argyrosomus nigripinnis, Gill, est un grand et beau poisson, ayant les nageoires noires. 11 n'a ja- mais été pris qu'à plus do 120 mètres; et co n'est que vers 140 mètres qu'on le rencontre en abon- dance. La troisième espèce de poisson a été retirée de l'estomac d'une truite, prise tout au fond du lac. Il appartient à la tribu des Cottus, et il est très-voisin du Triglopsis Thompsonii, Girard. Cette dernière espèce a été recueillie par le professeur l'aïrd, dans l'esto- mac d'une Lota mandosa prise dans le lac Ontario, en 1850; depuis lors, paraît-il, on n'en aurait pas trouvé un second spécimen, l'eut-être l'espèce que M. lloy vient de rencontrer dans l'estomac d'une truite est-elle «identique à celle du lac Ontario. Le professeur Gill, toutefois, pense que c'est seulement une espèce voisine, pour laquelle il propose le nom de Triglopsis Stimp&onii. Ce petit poisson doit être assez abondant, si l'on en juge par le grand nombre de fragments qu'on en a trouvés dans l'estomac des truites prises à une grande profondeur. 11 présente cette particularité intéressante que c'est plutôt une forme d'eau salée que d'eau douce. Parmi les petits crustacés, le docteur Stimpson dé- couvrit trois espèces de crevettes d'eau douce, du genre Gammarius, et un Mysis, genre marin qui se rencontre abondamment dans les océans du Nord, Une petite coquille, recueillie avec les crustacés dans l'estomac des poissons blancs, se trouva être une espèce nouvelle de Pisidium. Une expédition de dragage, organisée à la suite de ces découvertes, obtint des spécimens vivants des mêmes crustacés; mais ces animaux, organisés pour subir la pression considérable de plus de 100 mè- tres d'eau, mouraient en quelques heures lorsqu'ils y étaient soustraits. La faune des profondeurs du lac Michigan se ré- sume ainsi jusqu'à présent : Satmo amethystus, Mitchel. Coregonus sapidissimus , Agassiz. Coregonus lattor, Agassiz. Argyrosornus limji, Gill. Argyrosomus nigripinnis, Gill. Triglopsis Tfiompsonii, Girard. Gammarius Hoyi, Stimpson. Gammarius brevistihts, Stimpson. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. iS7 Gammarius fûicornis, Stimpson. Mysis diluvianus, Stimpson. Pisidium abysomus, Stimpson. On y a trouvé également une espèce de sangsue parasite sur le poisson blanc, et un petit Ptanaria de couleur blanche. La découverte de formes marines (Mysis et Tri- glopsîs) prouve, que le lac Michigan était autrefois salé, et qu'il communiquait avec l'Océan. Eu s'élc- vani graduellement au-dessus de la mer, il a dû mettre do longues aimées à perdre son eau salée, qui restait au fond en vertu de sa pesanteur spécifique. Les animaux ont donc pu s'accoutumer insensible- ment à ce changement de milieu. Il est possible, d'ailleurs, que cette modification ait été rendue en- core plus lente par l'existence, au fond du lac, de sources salées (il existe des couches salifères dans la Michigan). Peut-être même l'eau est-elle saumâtre, maintenant encore, à de grandes profondeurs. L'im- perfection des appareils n'a pas permis de vérifier cette conjecture. — ■*■$*— LA GÉOGRAPHIE EN -1873 La Société de géographie a tenu sa cinquante- troisième séance publique annuelle do fin d'année le 20 décembre 1873, sous la présidence du vice-ami- ral baron de la Ronciôre le Noury. La séance a été remplie par trois lectures fort intéressantes. La pre- mière a été celle du secrétaire do la Société, M. Char- les Maunoir, sur les Progrès de la géographie en 1873, nous allons la résumer ; la seconde celle de M. Denis de Rivoire, sur Jules Poucet et les explo- rations françaises dans la région du haut Nil, la dernière, celle de M. l'ingénieur Louis Simonin sur les Relations de l'Italie avec la Chine par terre, au moyen âge. M. Maunoir a d'abord analysé les travaux relatifs à la géographie historique ; il a indiqué les Études de M. Chabas sur l'Antiquité historique d'après les sources égyptiennes et les monuments réputés pré- historiques, dans lesquelles il a nettement constaté qu'en Egypte, en Phénicie et chez les peuples Italo- Grecs (Étrusques et Pélasges), l'âge de pierre a co- existé avec une époque où le travail des métaux avait atteint déjà un assez grand degré de perfection. En même temps que la science, impartiale et se- reine, réagit contre les exagérations sur l'antiquité humaine où les géologues s'étaient laissé entraîner par l'opiniâtreté des computistes bibliques, elle rend une équitable justice à chacun. Si Christophe Colomb garde la gloire d'avoir découvert, à travers tous les obstacles moraux et matériels, l'Amérique méridio- nale et les Antilles, Lief, le fils d'Eric le Rouge, qui vivait au commencement du onzième siècle, paraît déplus en plus être le véritable découvreur de l'A- mérique du Nord, ainsi qu'il résulte des nouvelles recherches de M. Major. M. Maunoir a résumé en quelques mots les cam- pagnes entreprises depuis plusieurs années pour l'exploration du fond de la mer à l'aide de la drague, de la sonde et du thermomètre. Nous commençons à entrevoir les dispositions générales de l'orographie sous-marine et les cartes cessent peu à peu de repré- senter les mers par une surface unie sans aucun dé- tail. Ce n'est, que depuis quelques années que l'on a inventé les appareils nécessaires pour observer la température et rapporter des échantillons des fonds sous-marins. Les études pour la pose des cibles élec- triques ont été le point de départ de ces recherches, continuées ensuite dans un but exclusivement scien- tifique par Agassiz avec le Bill en 1867, avec le llassler en 1 868 ; par Willam Carpenter avec le Light- ning en 1868 ; le Parcupine en 1869 et 1870; le Schearwater en 1871, et enfin par "Wyville Thomson avec le Challenger en 1873. Ce navire, dont la Na- ture a longuement parlé, a opéré le dragage le plus profond qui ait encore été effectué, il a rapporté un échantillon du sol océanique recueilli à 5,748 mètres au-dessous de la surface. L'appareil ne remonta dû cette profondeur qu'une impalpable boue de couleur brun foncé. Une journée et demie est nécessaire pour un dragage, car la drague ne pèse pas moins de 15,000 kilogrammes. » Abordant la cartographie, l'érudit sociétaire de la Société de géographie nous a appris que le Dépôt de la Marine a publié jusqu'à présent 3,28ii cartes, dont 180 en 1875-. Quant au Dépôt do la Guerre, il poursuit la publication do la carte de Franco à l'é- chelle du 80 millièmes. Sur 2 74 numéros, dont 9 pour la Corse, composant la carte, il n'en reste plus que 10 à publier, et sur ce nombre 6 vont être mis en vente. Cette grande œuvre commencée en 1833 pourra être terminée en 187G. Nul ne sera plus étonné de savoir que quarante-quatre ans seront nécessaires pour l'édification de ce monument cartographique quand on saura que, non-compris les levés sur le ter- rain, seulement le dessin et la gravure sur cuivre do chaque feuille exige un travail de sept à dix années. Ou a entrepris ou 1875 la révision générale de toutes les feuilles de la carte pour y introduire les change- ments topographiques tels que défrichements, dessè- chements, constructions d'édifices, de routes, de railways, survenus depuis l'exécution des lovés. Cha- que feuille de la carte sera revue, espère-t-on, tous les dix ans. Outre la carte gravée sur cuivre on a commencé à reporter sur pierre chaque feuille pour la publication d'une édition populaire à prix réduit, Le succès a dépassé les espérances, car, tandis que l'on n'avait vendu en 1869 que 24,000 fouilles do la carte du France, on 1875 on en a vendu de 99,000 à 100,000. Les officiers d'état-major ont continué les opéra- tions géodésiques en Algérie. Us ont déterminé la hauteur de la montagne la plus élevée de l'Aurès et de toute l'Algérie, le Djebol-Chélia, qui atteint 2,328 mètres. Au contraire, d'après les mêmes détermina- tions, la dépression connue sous le nom de Cholt- mel-R'hir se trouve à 27 mètres au-dessous du ni- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires tt LA NATURE. il' Alger veau de la mer à son bord occidental, et, comme elle s'abaisse vers l'est, on estime que le CliolL-Sillcm, qui fait suite dans cette direction au Chott-Mel-R'hir, doit se trouver à 42 mètres en contre-bas de la Médi- terranée, ce qui ne l'empêche pus d'être à sec quand les eaux pluviales qui s'y rassemblent ont été éva- porées par le so- leil d'été. Une expédition militaircenAlgé- rie , intéressante pour les sciences géographiques, est celle du gé- néral de Galiffet {]ui a conduit une colonne, à travers le désert , d'Ou- rapla à El-Goléâ, à 507 kilomètres au sud-ouest. Cette expédition, bien qu'arrêtée à Ei-Goléâ,aétendu noire influence bien au delà, jus- qu'à In — Ç.ilah , dans l'oasis du Touât , à moitié chemin à Timboctou Le voyage le ulusreiiiarquahlc achevé en 1873 est celui du doc- leur Gustave Nachtigal, ambas- sadeur de l'em- pereur d'Àlk'ina- gne auprès du sultan deBornou. Ce voyageur a parcouru, à l'est du lac Tsâd, des régions complè- tement incon- nues. La distribu- tion des pentes, et par suite celle deseaux, pré sente en Afrique un as- pect tout particu- lier; ainsi, au nord-est du Tsâd s'étend une riche, longue et sinueuse vallée qui a son point le plus élevé sur la rive du lac et s'abaisse vers le désert. Cette vallée dont les eaux s'éloignent du lac pour couler vers le Sahara et s'y évaporer sans remplir aucun bassin lacustre forme le pays de Fédé; un élargissement de cette gorge est le pays de Tangour, enfin le lit du Fédé se perd en s'évasaut dans la dé- pression du Bàteli, située à 100 mètres au dessous du lac Tsâd. La carte de cette région singulière rap- pelle positivement celle de certaines parties de la lune, comme on peut s'en assurer en eumpurant une figure à grande échelle de notre satellite, avec le croquis très-exact que nous devons à l'extrême gracieuseté de la ESpUISSE pour suivre WTAEES »E FtJSCET, SCHWEINÏURTH , ÏT BAKER ^j.ïv'é ^k£* Fj-KîrA Toutes les con- trées s'ouvrent (.t se civilisent peu à peu : le Ouâdaï était toujours resté inaccessible, les voyageurs qui avaient osé eu franchir les fron- tières, Vogcl et de Beurmann, n'eu étaient point sortis, on les avait assassinés. Un nouveau sultan a compris la néces- sité des échanges commerciaux et a ouvert son em- pire aux étran- gers, les proté- geant par les lois les plus sévères contre le naturel farouche de ses sujets; Nachligal a profité de co nouvel état de choses et, après avoir visité , le premier, le Ka- men, le FêJé, le Tangour, 1g Bà- teli, le Borgou et le Tou, a traversé le Ouadaï et est revenu par Kar- thoum, ayant parcouru du Uor- nouau Kordofan, 1,700 kilomètres à vol d'oiseau de pays inconnus d'où nul Européen n'était jamais revenu. Chaque peuple apporte son contingent aux explorations afri- caines. M. Marno a reconnu le cours du Bahar-Zaraf, qui n'est qu'une branche, une anastnmose du Nil' blanc, de '220 kilomètres de développement. Sir Samuel Baker a achevé sa célèbre campagne dans le bassin du haut Nil, laquelle a eu pour ré- sultat d'y faire pénétrer jusqu'à l'Equateur les pre- 4X -■ ^xl^ ■ITttXSSJ) ■ Société de graphie. geo- Drssinrts par J.Hansea. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 189 <£»££ £e tracé du, cadre âe . {a. farte, principale* * mières lueurs de la civilisation, Baker a soumis toute cette immense vallée à l'Egypte, maisle grand voya- geur n'est devenu conquérant que par amour de l'humanité, il a fait la guerre non aux habitants paisibles mais aux négriers qui les emmenaient encs- clavage, et c'est à tort que l'on appelle sir Samuel le Pizavreou leCor- tez africain : les vainqueurs des [ncas et des Aztè- ques n'ont été que d'avides ty- rans ; Baker qui n'a jamais com- battu que le bon combat , ne se peut comparer qu'à Rima le dieu guerrier vainqueur du Mal Cette brillante expédition mili- taire a parcouru, entre Lïionga et llasindi,à l'est de l'Albert Nyanza, 130 kilomètres dans une région totalement inex- plorée. Le progrès est lent, mais pour- tant il s'accom- plit peu à peu. Baker, au nom du khédive d'E- gypte^ aboli l'es- clavage dans la région du Nil blanc; sir Bartle r'rereaobtenudu sultan de Zanzi- bar la suppres- sion de la traite ; les Russes ont imposé la libé- ration des escla- ves aux khans de khiva et de Bou- khara, et les Por- tugais viennent ''"^"Tni'XZi, rM "«" mrt iùl2 " m -'" m d'abolir la traite des coolies à Macao. Nous arrivons ainsi à l'Asie en compagnie de M. Maunoir. Non compris ceux des colonnes expéditionnaires contre Khiva , plusieurs itinéraires intéressants y ont été parcourus par des voyageurs isolés. M. Ney-EHas a visité le désert de Gobi et la Mongolie sur une étendue de 2,500 kilo- mètres de Pékin à la frontière de Sibérie. Le capi- taine d'état-majar russe Ptijevalski, parti également de Péking, a remonte la rive gauche du IIoang-Ho jusqu'aux environs du lac Khoukhounoor. Bans ce voyage de 5,300 kilomètres, il a découvert 400 espèces de plantes, 10 de mammifères et Au d'oi- seaux encore inconnues. Le baron de Richtofen a étudié ■gmx& ï ï&teîiïif ençe N < >-• & . De b,, '* fïm* I T spécialement les montagnes de la Chine. Pour dé- brouiller l'oro- graphie de cette contrée le voya- geur a traversé le Céleste Empire deCantonàMouk- den , par Han- kéou et Pékin, il aprouvéque cette immense région est divisée par le prolongement de la chaîne du Kouen - Luen en deux parties l'une , méridio- nale , monta- gneuse , l'autre septentrionale, composée de vas- tes plaines et, plus au nord, de grands plateaux. Beux explora- teurs français ont aussi visité la Chine; l'abbé Ar- mand David et l'infortuné lieu- tenant Francis Garnier, dont M. le secrétaire de la Société de géographie ne pensait pas, en lisant sonbrillant résumé, que nous apprendrions l'as- sassinat quelques jours plus tard 1 . M. Giles a ex- ploré le centre 6,™. 7 '37T h-twi2 de l'Australie , d'août à novem- bre 1872. L'intérieur de l'Australie, comme cer- taines parties de l'Afrique , ainsi que nous le di- sions plus haut, fuit songer involontairement aux paysages et à la topographie lunaires, c'est-à-dire à ce qu'il y a de plus aride, de plus horrible et de plus désolé dans l'univers; mais, landis que la luira 1 Vuï. p. 133. /Q '"' ' : r \ ■ -, r ^'' rf '' : '-"' •<— '...■% x '"'»■ f ' '.•■ . >> . '■ \ !' "^x Al f Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 190 LA NATURE. est un unique et immense désert sans air, sans nua- ges et sans eau, en Afrique, comme en Australie, à côté, d'une région sauvage on trouve une localité bien arrosée. La principale drxnuvcrt.fi de Gilcs a été celle d'une grande lagune salée de 150 kilomètres de long {deux fois la dimension du lac de Genève), enfoncée de plus de 220 mètres au-dessous des pla- teaux environnants. Ce grand ehott, analogue, à ceux de l'Algérie, a reçu le nom de lac Amédée. L'expédi- tion a parcouru plus rie 2,000 kilomètres. M. ilaunoir a terminé par l'historique des voyages arctiques dont la Nature a souvent parlé; nous n'en indiquerons que quelques détails. — Trois expédi- tions principales étaient engagées en 1872-75 dans les glaces polaires : l'expédition autrichienne de Payer et 'Weyprecht était, à la lin de l'été de 1872, an nord de la Nouvelle-Zemble ; depuis on attend de ses nouvelles. L'expédition suédoise de Norrienskiold a principa- lement visité la terre du Nord-Est au Spilzbcrg, à pied et en traîneau, sur une étendue de 000 kilomè- tres. Cette campagne scientifique, est la cinquième que les Suédois entreprennent depuis quinze ans pour l'exploration du Spitzberg; elle a démontré de nouveau la grande difficulté d'atteindre lo pôle en traîneau; en l'essayant, on a constaté que souvent, par suite de l'état et du mouvement de la banquise vers le sud, on n'avançait effectivement vers le pèle que de huit cents mètres par jour, quelquefois même moins ! Les navires suédois étaient de retour à Tromsoe le 6 août 1873. M. Nordenskiold et l'expédition américaine de Hall ont reconnu en revanche que, par les plus grands froids et les plus hautes latitudes, il reste des éten- dues de mer libres et, qu'eu profilant des tempêtes qui disloquent les glaces, la navigation peut être parfois tentée en plein hiver. Le résultat le plus re- marquable du voyage de Hall a été d'atteindre la la- titude extraordinaire de 82" 16, dans le canal Ro- beson au nord du Sinith-ï-ouii'l. De 1016 à 1852, de Baffm à Inglefleld, les Anglais n'ont pas dépassé 78" 28' dans l'Amérique arctique. Au contraire, dans le Smith-Sound et ses prolongements septentrionaux, les Américains, plus heureux que les Anglais, étaient déjà parvenus, eu 1854, à 80" 40' au cap Constitution (Murtnn, lieutenant de Kane), et en 1801, à 81° 35' au cap Liébcr (Ilaycs). Hall a définitivement reconnu que la fameuse mer de Kano n'était qu'un évasemenl du Smith-Sound, comme on le voit sur la carte que la Société de géo- graphie a bien voulu nous autoriser à reproduire. Les États-Unis, et même d'autres nations améri- caines, ne se distinguent pas seulement par les dé- couvertes géographiques, elles exécutent ou prépa- rent de vastes entreprises destinées à faciliter les communications. Sans se laisser rebuter par les dif- ficultés techniques, incomparablement plus grandes nue pour le canal de Suez, les Yankees poursuivent avec persévérance l'étude du canal Centre-Américain ; avant reconnu l'impossibilité pratique d'ouvrir une route aux navires à travers l'isthme de Darieu, en Colombie, ils ont étudié le percement de l'isthme de Téhuantopec, au Mexique. L'œuvre a été reconnue possible : le canal à écluses serait alimenté par la ri- vière Gotzacoalco, il aboutirait sur l'Atlantique au port de ce nom, et sur le Pacifique à ceux de Ventoza et de Salina Cruz ; son point culminant serait à 230 mètres au-dessus de la mer. L'esprit industriel et pratique des Américains ne les laisse cependant pas indifférents aux beautés de la nature. Taudis qu'en France on a mutilé jusqu'en ces derniers temps les arbres et les rochers de la foret de Fontainebleau, la législature de Californie a dé- claré l'Yosemitevallcy « parc national », et a ordonné que l'on ne touchât point à ses séquoia git/antea et au sol, qui pourtant contient, non du grès comme à Fontainebleau, mais de l'or. Le Montana a suivi l'exemple de la Californie, et le congrès fédéral a dé- cidé qu'une superficie de 3,578 milles carrés, sur les bords merveilleux du Yellonstoue river, seraient conservés sans être défrichés à titre de curiosité natu- relle. Espérons que nous ne serons pas plus barbares que les Américains, et que les efforts persévérants du vieux Dcnecourt, le bon Sylvain, et du Comité artistique de protection de la forêt de Fontainebleau la feront enfin considérer aussi comme un '-BAY (tEIUIE-NEUVe). C'est un fait depuis longtemps connu que, sur la côte de Terre-Neuve, les calmars et les poulpes attei- gnent des dimensions colossales; le profosseur'Wy- 1 Ilistologieal catalogue ( Muséum, of the royal Collège of Surgeons, etc.], i Ê , vol. II, pi. X, Eg. 34-36. * Un antre oiseau piscivore, de la fiimille des Martins-I'ê- cheurs, a été signalé précédemment par M. Owen dans le même, gisenient. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 197 ville Thomson s'est mis en campagne pour s'en procurer quelques spécimens, et il n'est pas douteux qu'il ne parvienne à en rencontrer; les prendre, c'est autre chose , surtouL les prendre entiers. Le géant qui fait tant parler de lui sur la côte américaine n'a laissé entre les mains du pécheur qu'un de ses tenta- cules; mais l'hom- me est trop heureux d'en être quitte à si bon compte, car le monstre ne se propo- sait rien autre chose que de l'enlever de son bateau pour le déguster à son aise. Voici en effet la note envoyée, avec une photographie du tentacule coupé, par M. Alexaudcr Murray, F. G. S., inspecteur géologi- que de la province : « Grand octopode ou Devil-fi.sk (pois- son-diable). Tenta- cule coupé par un batelier de Coneep- ticn-Bay , l'animal ayant attaqué le ba- teau. Le corps ou sac (le la bête avait, dit-on, CO pieds de long , et 5 de dia- mètre. Les tenta- cules mesuraient33 ou 35 pieds de la naissance à l'extré- mité. La partie re- présentée par l'é- preuve a 17 pieds. Je la conserve dans l'alcool, i A. Muriiàt. » L'animal, dont il est ici question ap- partient ace groupe des céphalopodes qui renferme, outre la vraie seiche, les diverses espèces de calmars. Toutes ces vilaines bêtes possèdent, outre les Luit grands bras des poulpes Tentacule arraché au calmar de CntucfUion-ï!ay, et mesurant plus do 5 mètres et demi de longueur. ou octopodes, deux longs tentacules munis de ven- touses seulement à leur extrémité, qui est plus >-_,_ large. M. Murray n'a donc pas exac- tement déterminé l'espèce de sou ani- mal; la particula. rite que nous indi- quons et que la gra- vure ci -jointe fait voir clairement, montre que c'est un calmar gigantesque. De même, les rap- ports nécessaires entre les diverses parties du corps de ces céphalopodes nous font penser qu'un calmar de 5 pieds de diamètre devait avoir , non pas 60 mais 25 ou 30 pieds de long, ce qui est déjà joli ! Le morceau dont nous donnons la ligure , représente probablement lu presque totalité du tentacule. Il n'est pas douteux qu'un animal de cette taille, armé de pa- reille façon, puisse entraîner un canot, et sucer ensuite l'homme qui le montc,dcmêmeque les poulpes , gros comme le poing, que nous conser- vons dans nos aqua- riums, sucent une crevette ou un ber- .nard-l'hermite ! Nous ne sommes pas loin , avec des êtres pareils, de ces fameuses histoires de pêcheurs surpris dans l'Océan indien par des pieuvres gigantesques , qui jettent leurs bras sur les bateaux et cherchent à les en- traîner sous les flots ; les hommes obligés de combattre leur terribic ennemi en coupant ses bras à coups de hache !.,. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 198 LA NATURE. Poussons encore un peu. Que le bateau de pêche devienne un -vaisseau, que le monstre grandisse dans une proportinn semblable, et nous voilà au kraken du bon évêque Pontoppidan, dont la description dans l'histoire naturelle de la Norwégo nous a tant fait rire, hommes de peu de foi ! Son dos apparaît au loin comme une île flottante d'un mille et demi de tour. « D'aucuns disent davantage, ajoute le digne homme, mais je choisis le moindre, pour plus de certitude, fi Les pêcheurs reconnaissent la présence du kraken, pendant qu'il est encore sous l'eau, parce qu'il a l'air d'un écueil couvert par les flots ; on dirait, qu'un bas- fond s'est fait subitement en cet endroit, le bas- fond monte de plus en plus, les malheureux forcent de rames pour fuir ce funeste voisinage... « Bientôt, dit Pontoppidan, plusieurs pointes brillantes sortent de l'eau ; on dirait d'abord des cornes, puis des bras. Elles grandissent et se montrent parfois aussi hautes et aussi grosses que les mâts d'un vaisseau de moyenne grandeur. Il paraît que ce sont les bras de la bête ; et l'on dit que, s'ils saisissaient le plus gros navire de guerre, ils l'emporteraient sous les eaux. :■ Le kraken est cousin du serpent de mur; mais peut-être ne faut-il pas plus désespérer de l'un que de l'autre. 11 n'y a pas d'impossibilté absolue, maté- rielle, naturelle à l'existence depareils êtres ; à part toutefois l'exagération par trop grossière du bon évê- que norwégien. Pontoppidan n'avait pas vu le kraken; ! il ne parlait que sur le dire des pêcheurs. Ceux-ci ' n'ont-ils pas pu avoir affaire à des céphalopodes énormes, plus grands même que celui de Conception- Bay ! Joignez à cela l'influence de leurs imaginations excitée par les grandioses spectacles des mers boréales, quelques détails qui appartiendraient à la baleine, pochée si fréquemment par eux; ajoutez un peu du Lév'iathan biblique: « Fervescere facit quasi ollam jirofundum mare, et ponit quasi quum umjuenta bulliunt! L 1 voilà le kraken à peu près fait dans l'es- prit d'un naturaliste qui est prêtre, luthérien, un peu crédule ! Milieu n'a-t-il pas dit: " IJirn, haply, siumberinf; on llie piorway foam, The piJot oi soniu small night-founder'd skiff, Leemîng sorru; isbind oft, as seiunen tell, With fiied anchor in liis scaly rind, Mours by his side under ttic lee, wtiile night Investi the sea, and Tvisbsjd mura delnys. " « Parfois, tandis qu'il dort sur lamernorwégienne, le pilote d'un petit esquif égaré dans la nuit le prend pour une île, disent les gens de mer ; il fixe l'ancre dans sa carapace écailleuse, s'amarre sous le vent à son côté, tandis que la nuit enveloppe la mer et re- tardé le matin désiré. » Donc un peu de baleine, un peu de léviathan et un peu de vérité, c'est-à-dire la rencontre réelle de quelques monstrueueux céphalopodes... et voilà le kraken ! Rappelons-nous que, malgré ses. erreurs et ses fables, Pontoppidan était un savant dans sonsiè- cle, et que son siècle est le dix-huitième ; l'histoire naturelle de Norwége est de 1753 t Le calmar de Conception-Bay n'est pas encore un kraken, même de la plus petite venue. Mais il peut déjà prendre sa place parmi les monstres de même genre que l'on a observés ; et il se placera en tête sur la liste de ceux dont on a pris une mesure à peu près exacte. Citons encore Pontoppidan : il avait vu, mort dans un fjord, un poulpe énorme ; et il l'avait pris pour un jeune kraken. Quoy et Gaymrird se procurè- rent des morceaux d'un très-grand céphalopode, dans l'Atlantique, presque sous la ligne; et SanderRang, dans fa même région, vit une seiche dont le corps était gros connue un tonneau. Sur les côtes de la Tasmanic, près de la Nouvelle-Hollande, Pérou ob- serva un calmar dont les bras avaient 6 à 7 pieds de long, et 7 à 8 pouces de diamètre. En somme, d'après le peu d'exemples que l'on a pu recueillir, les seiches paraissent atteindre une taille [dus grosse que les poulpes ; et les calmars deviendraient encore plus énormes que les seiches. Exception doit être faite pour celle que Sleen- strup observa en 18n5 sur la côte du Jutland, et qu'il a décrite sous le nom (VÂrcinteutis dux. Cet anima! fui. coupé en morceaux par les pêcheurs pour servir de boitte ; et Fou en eut la charge de plusieurs brouettes. La partie la plus grosse des bras ressem- blait, à la cuisse d'un homme... Ceci rentre dans les proportions du géant de Terre-Neuve. Quant au fameux calmar que le commandant Bouyer poursuivit avec l'Ateelon entre Madère elTé- nérifle, il était certainement inférieur eu taille à ce- lui de Conception-Bay. C'était déjà cependant une terrible bête, puisque l'équipage du bateau à vapeur ne put s'en emparer, malgré les plus vigoureux ef- forts, bien qu'il fit harponné, pris. dans un noeud coulant, on n'eu eut que la queue! Il devait avoir 15 à 18 pieds, et ses bras, couverts de suçoirs, en mesuraient 5 à 6. Le calmar de Conception-Bay est donc, au mini- mum, deux fois gros comme celui que poursuivit CAlaclon, et, si l'on en crovait M- A. Murray, quatre fois. C'est, sans contredit, le plus énorme céphalo- pode dont l'existence ait été, jusqu'à ce jour, con- statée d'une manière certaine. 11 n'est pas étonnant que d'aussi terribles créatures, fréquentant les pro- fondeurs de l'Océan, se hasardent parfois, en quête de nourriture, à attaquer des proies trop fortes pour être vaincues par elles. La confiance que doivent leur inspirer leurs armes redoutables, ces bras immenses, ces suçoirs puissants, ce bec terrible, ressemblant à celui du perroquet et à celui de l'aigle, leur appétit toujours inassouvi et leur puissance do digestion in- concevable , tout concourt à rendre de semblables êtres épouvantables. Sans doute l'homme est presque toujours pro- tégé par un vaisseau, ou au moins une barque, armé d'outils solides ou d'engins de destruction ; mais il peut aussi se rencontrer seul aux prises avec un de ces monstres, nu, à la nage, désarmé, impuissant, ,, Tout le monde a vu la rage impi- toyable, les spasmes affreux, la voracité hideuse de Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 199 nos petits poulpes dans leur lutte contre les mal- heureux poissons, crustacés ou mollusques, dont ils se nourrissent. Que l'on multiplie par cent, par cent mille, cette fureur et cet appétit, ut l'on se représen- tera à peine le spectacle d'un homme saisi par un calmar ou une pieuvre de la taille du monstre de Conccption-Bay. Il faut féliciter le batelier qui s'en est tiré avec les honneurs de la guerre, et qui a même gardé pour trophée un membre de son ennemi. Il a eu la chance d'avoir un bon bateau et assez grand ; il a eu la présence d'esprit de trancher d'un coup le tentacule qui cherchait à l'atteindre; et peut-être oùt-il pu capturer ranimai s'il eût eu l'aide de quel- ques camarades. H . de La Blahchère. LE MÉTÉORITE DE L'ACADÉMIE DES SCIEHCES DE STOCKHOLM, Les aérolilhes, ou pierres tombées du ciel, ne sont pas extrêmement rares et le Muséum d'histoire na- turelle dû Paris en renferme une collection remar- quablement riche, mais jamais, à ma connaissance, on n'en avait ramassé d'un volume aussi considérable que celui que j'ai vu il y a deux ans à l'Académie des sciences de Stockholm. Il doit s'y trouver encore, je le pense, mais je ne l'affirmerais pas, car au mois de septembre 1872, le météorite en question était en proie à une singulière maladie, contre laquelle bien des remèdes ont été essayés en vain. Le poids de ce météorite s'élève à 25,000 kilos. L'histoire de sa découverte est des plus curieuses. Le savant professeur suédois, dont le nom est si jus- tement connu et honoré et qui, il y a un an à peine, hivernait au Spitzberg, M. Nordenskiold, se trouvait, il y a quelques années, en exploration scientifique au Groenland. Un de ses compagnons de route, M. Wordstrcem, que je vis aux mines de cuivro de Fahlun, l'accom- [ragnait, et c'est de la bouche de ce dernier que j'ai recueilli les curieux détails qui suivent. M. Nordenskiold montra un jour à de pauvres Es- quimaux, un fragment de fer météorique et leur de- manda s'ils n'avaient jamais rien vu de semblable. Ils lui répondirent affirmativement et quelque temps après ils le conduisirent près d'un énorme aérolithe qui gisait sur la côte en un point balayé par la ma- rie. Des dépôts d'origine tertiaire qui enveloppaient quelques fragments trouvés dans le voisinage, per- mirent à M. Nordenskiold d'attribuer à ce météorite un âge respectable, qui contribue à rendre encore plus singulier le fait de sa désagrégation, dont je vais parler. D'accord avec le gouvernement danois, sur le ter- ritoire duquel il avait été découvert, le gouvernement suédois le fit apporter et installer à grands frais à l'Académie de Stoekolm; on l'installa dans le vesti- bule d'entrée et sans trop de précautions, jugées in- clignes d'un colosse qui avait traversé tant de siècles. Mais, peu do mois après, on s'aperçut avec éton- nement, qu'après avoir résisté à de violents coups de maillet, donnés pour en détacher des échantillons, l' aérolithe s'écaillaitspontanément en produisant des baltitures ocreuses. Malgré tous les moyens mis en œuvre pour l'ar- rêter, cette subite désagrégation continua. Le bloc a été placé dans une cage de verre remplie d'azote, des fragments ont été mis dans du pétrole, etc., etc. Bien n'y a fait. Seuls les échantillons enfermés dans des tubes scellés à la lampe ont résisté à cette force mystérieuse. Le moyen, hélas! n'est guère pratique pour conserver une pareille masse ! On a heureusement eu l'idée d'en prendre le moule et lorsque le météorite se sera évanoui en poussière, ce sera une consolation, bien maigre, il est vrai, d'en conserver la (idole reproduction. L'origine météorique de cette énorme masse de fer a été contestée. Elle paraît cependant hors de doute, si l'on réfléchit à la nature de son gisement et à sa composition chimique. Elle renferme en effet 2 à 3 p. 100 de nickel , et cela seul suffirait presque à détruire les objections qu'on a formulées contre son origine sidérale. He.w Yivaeez. LES NOUVEAUX OISEAUX DE PARADIS A la suite d'un voyage de M. Wallace aux Molu- ques, le gouvernement hollandais, épris d'enthou- siasme scientifique en voyant les résultats obtenus dans ses colonies par le savant voyageur anglais, céda au conseil de son éminent naturaliste et profes- seur Schlegel : il fit les frais d'une grande expédi- tion dans ces régions encore peu connues. Les explorations durèrent deux années, et les ré- sultats pour l'ornithologie furent très-importants : le musée de Leyde possède actuellement la plus ri- che collection d'oiseaux do paradis des Moluquesqui soit au monde, et qui a servi d'études à plusieurs savants distingués. Bien des systèmes de classification ont pris nais- sauce au sujet de ces oiseaux et "de la place générale qu'ils doivent occuper dans l'ornithologie. Nous par- tageons le sentiment de M. Elliot, découvreur de l'espèce intéressante que représente notre gravure,' quant aux délimitations de cette espèce ; nous ne pouvons, avec feu M. Georges Gray, admettre que la variété à couleurs irisées ou à heu aminci d'Epi- mahi, soit d'une famille absolument différente. Nous nous rangeons plutôt de l'avis du professeur Sun- dervall et nous pensons qu'il y a une ressemblance générale des oiseaux de paradis avec la famille des corneilles, auxquelles ils sont indubitablement alliés, montrant leur analogie avec les loriots, dans les genres Sericulus et Ocluredus. L'un des fails les plus intéressants qui se raLtd- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 200 LA NATURE. client aux oiseaux du paradis, c'est la délimitation géographique de leur origine. Cette espèce n'existe qu'aux Moluques et en Australie. Tous les oiseaux de paradis sont confinés aux différentes îles des Pa- pouans, ainsi que le genre des Ftilorhis. M. LUiot divise les oiseaux de paradis en trois classes ou sous- espèces oniitbologiques : les Paradiséidés, ou véri- tables oiseaux de paradis, les l'pimaehinés, ou becs amincis, et les Tectonarohinés, ou à couleurs irisées. Cette dernière espèce existe surtout en Australie ; l'oiseau-régent ou Sericulus melinus et le véritable irisé ou Ptilonorhynclius sont confinés à ce continent, tandis que l'irisé moucheté (Chlamydodera) prend eu Australie son quartier général ; seule, une variété, celle des XauLhogastres, se retrouve en Nouvcllc- Guinée. L'oiseau-chat , bien connu (Oclurethm crassi- restris), ne se trouve qu'en Australie, bien que ce genre ne soit pas à proprement parler austr.ihVu, car il va jusqu'à la sous-région lies des des Pa- pouaus, et se voit dans les des A ru et Balchia. M. Elliot a décrit encore l'espèce Araldyornis, comme une forme générique nouvelle, confinée à la .Nouvelle-Guinée; la seule variété connue de ce genre est un milieu entre l'oiseau-chat et le régent. Au nombre des becs amincis de paradis, il faut comprendre la belle et nouvelle espèce de M. Elliot. C'est une seconde espèce du genre Epiniachus, dont le seul spécimen était jusqu'ici le E. speciosus de la Nouvelle-Guinée, Cet oiseau, si remarquable par son plumage, était l'un des oiseaux de paradis les plus anciennement et les mieux connus. 11 est doue d'un grand intérêt de produire, après un si grand nombre d'années, une seconde espèce, bien caracté- risée. Elle se distingue aisément de son alliée par une queue violâtre et pourprée, dont les dimensions contrastent avec les proportions exiguës du corps. u L'Epimachits Elîioti est d'un tiers plus petit que son parent, le E. speciosus, mais il a un plumage beaucoup plus brillant que celui-ci. Aux rayons du soleil ce plumage est d'un singulier éclat, d'un riche velouté, de nuances changeantes, entre le pourpre et le vert. La pointe et le rebord des plumes ont des reflets métalliques lorsque l'oiseau s'agite et fait des frôlementsd'ailes, les larges jdumesde laqueue,avec leurs teintes d'améthyste, ressemblent à de Iamoirc à du velours, ainsi que le plumage en général. » Non moins intéressant que cet Epiniachus est le joli Drepanornis, découvert dans la Nouvelle-Guinée l'année dernière, et presque à la même époque, par MM. d'Albertis et Meyer. Le I). AUiertisi, nom que dans la nomenclature ornithulogiqite lui a donné le docteur Sclater, en l'honneur de celui qui le premier l'a découvert, est un oiseau de paradis à bec délié, très-proche parent de l'oiseau rayé ou Ptilorhis ; il a des traits communs à celui-ci et à l'Epimachus. M. d'Albertis )'a trouvé sur le mont Arfak, et les notes qui suivent ont été publiées sur les mœurs do cet oiseau dans les Proccedings de îa Société zoologi- que : « Voici probablement un nouvel oiseau, tant sous le rapport du genre que sous celui de l'espèce. 11 est très-rare, et maints naturels du pays ignoraient son existence ; d'autres l'appelaient Quarna. Ce qu'il a de particulier, ce sont le bec, lu tète, et le velouté du plumage. A première vue, l'on ne dirait pas une beauté particulière à cette classe d'oiseaux, ruais, à y regarder de près, et dans un jour éclatant, lu plu- mage apparaît riche et brillant. Les plumes depuis la base du bec sont d'un vert métallique et d'un rouge bronzé; depuis la gorge elles passent du vert au vio- let, tant qu'elles demeurent lisses; et devienne;:!, d'une riche couleur dorée, forment un demi-cercle quand elles se hérissent. « D'autres teintes vertes et violettes se voient sur les flancs, avec un rebord d'un violet plus riche et d'un éclat métallique. Lorsque ce plumage est entière- ment déplové, l'on dirait que l'oiseau a formé deux demi-cercles autour de lui, et c'est d'un eflet char- mant. Les plumes de la queue et des ailes sont jau- nâtres ; elles sont de teinte plus sombre et noirâtre en-dessous. La tète est absolument coiffée de petites plumes rondes, qui ne finissent que derrière les oreilles. Les épaules sont couleur tabac; la gorge est noire, tirant sur l'olivâtre. Les plumes du ventre et du coupassent du vert au violet, et forment une bande couleur olive. Le reste est blanc. Le bec est noir, les yeux sont châtains, les pieds d'une nuance noir-plomb. On trouve cette espèce dans les régions du mont Arfak. L'on ignore quelle est sa nourriture, rien n'ayant été trouvé dans le gésier que de l'eau pure, quand on a voulu empailler l'oiseau.» Les oiseaux rayés, dont quatre variétés sont con- nues, sont australiens d'origine ; une seule espèce, le P. maynifïcus est papouan. Les autres oiseaux de pa- radis vivent aux Moluques, ils appartiennent à divers genres que le public connaît déjà. Bien que ceux- ci soient aujourd'hui en grand nombre et que M. Wallace ait décrit leurs moeurs, il est remarqua- ble que M. d'Albertis ait pu découvrir ces oiseaux dans la Nouvelle-Guinée, patrie de l'un des plus élégants d'entre eux, le paradis à six plumes (Pario- tia se.Tipennis). Cette espèce a échappé aux recher- ches de M. Wallace, et les voyageurs hollandais n'ont cherché que des femelles ou des mâles non adultes. C'est pour lu première fois que nous voyous ces oiseaux dans toute leur beauté. La notice suivante, sur cette capture, a été communiquée par M. d'Al- bertis à la Société zoologique. « Quoique cette espèce ait été décrite depuis plu- sieurs années, elle n'est pas encore bien comprise ; n'ayant pu être décrite que sur des individus muti- lés. Mes observations ont été faites sur les lieux mê- mes que hante cet élégant oiseau ; j'y ai étudié de nombreux spécimens en vie ou tués. « On les trouve dans le Nord de la Nouvelle-Gui- née. J'en ai trouvé à 50 milles de la côte, et à une hauteur de 3,600 pieds au-dessus du niveau de la ruer, non loin du mont Arfak. Jamais je n'ai rencon- tré le mâle adulte eu compagnie de femelles ou de Droits réservés au Cnam et à ses partenaires L'n nouvel oiseau de Paradis, Epirnuchus EUiotù Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 202 LA NATURE. nichées, mais toujours dans les parties les plus épaisses de la forêt. Les mâles et femelles jeunes ont toujours été rencontrés par moi dans les zones moins élevées. « Cet oiseau de paradis est très-bruyant, et donne une note semblable à ceci : guad-guad (prononcez à l'anglaise, gntturalemcnt : guaideguaide). Il mange diverses sortes de fruits, surtout des figues, très- abpndatiles dans ces régions alpestres ; je l'ai parfois aussi vu manger une sorte de noix muscade. Pour nettoyer son riche plumage,, cet oiseau a l'habitude quand le sol est sec, de se ramasser et de s'étendre par terre, en se secouant comme les gallinacés, qui s'enfoncent dans le sable. 11 choisit une place bien nette do tout herbage, et, du milieu d'un nuage de poussière, avec, des frôlements d'ailes, l'aigrette relevée, brillante et argentée, il jette son petit cri. A la vue de ses mouvements excentriques, au son de sa voix slridente, l'on dirait que le petit être est occupé à livrer bataille à un ennemi invisible. Les naturels ont appelé cet oiseau cor an a (coren-é). J'ai aussi un squelette do jeune mâle de celte espèce, et bien que ce squelette ne soit pas en parfait état, il offre un intérêt incontestable par la l'orme du crâne, qui décèle une admirable structure musculaire, la- quelle permet à l'oiseau de relever et abaisser les plumes de la tète ; celles de la nuque montrent aux rayons du soleil de riches nuances d'un éclat métal- lique. Les yeux sont bleu clair, et cerclés d'un jaune pâle et verdâtre 1 . » L'AURÉOLE BOREALE nu 4 FKViiiKit 1874. Une magnifique aurore polaire a illuminé le ciel, le mercredi 4 de ce mois; elle a été observée à Bruxelles, à Louvain, à Toulouse, et chose singu- lière, elle n'a pas été vue à Paris, situé entre ces 'deux points. Voici la description que M. Quctelet a donnée du phénomène, dans une note récemment présentée à l'Académie royale de Belgique : « J'ai reconnu le phénomène vers 7 h. 43 m., dit l'honorable secrétaire de l'Académie belge. A ce mo- ment tout le nord-ouest et le nord offraient un bal arc blanchâtre reposant sur un fond sombre uniforme. Le ciel au midi était parfaitement pur. Les instruments magnétiques consultés immédia- tement furent trouves en pleine perturbation ; dé- clinaison et intensité horizontale faibles, intensité verticale très-forte. De la tourelle, le phénomène était remarquable ; l'aicblanc s'était rompu en amas d'apparence nuageuse. Mon attention fut surtout at- tirée par un nuage blanc très-lumineux qui se trou- vait au nord-ouest un peu nord. Son éclat était in- termittent; mais il devenait de plus en plus brillant, et tout à coup de grands jets lumineux en sont par- 1 The t'ield. tis ; ils s'élevaient verticalement entre Cassiopée et la Polaire. L'aspect de cette espèce de rideau lumi- neux pailleté d'or et de rouge était imposant. Vers huit heures dix minutes, l'éclat a diminué, et le rayonnement a fini par s'éteindre. Les instruments consultés à ce moment indiquaient tous un retour vers l'état normal. Cependant l'are blanchâtre persis- tait et plusieurs jets lumineux se sont encore élevés à une grande hauteur, mais ceux-ci éhiient isolés et do couleur blanche. Les taches blanchâtres avaient encore un éclat intermittent. Quant la tache blanche la plus basse augmentait d'éclat, il était certain que les deux taches voisines, situées un peu plus haut, allaient aussi devenir plus brillantes. Cet ordre de succession dans l'éclat du phénomène rappelait l'as- pect d'un incendie, quand la fumée rougeàlre est poussée par un vent violent. Yers neuf heures, l'au- rore boréale était devenue peu apparente, et à neuf heures et demie tout le ciel s'est couvert d'un épais brouillard très-humide. Ce brouillard, qui a duré le lendemain et le surlendemain, a probablement em- pêché d'observer encore une aurore boréale le 5, car ce jour-là, dans la soirée, les instruments magnéti- ques ont été de nouveau troublés. « M. Tcrby a observé cette belle aurore à Louvain. Cet observateur a noté également une autre aurore boréale qui s'est manifestée dans la soirée du 15 janvier dernier. Celle-ci n'a pas été observée à Bruxelles, mais j'ai pu constater, d'après l'obser- vation magnétique faite à neuf heures du soir, que son apparition avait coïncidé avec une diminution notable delà force magnétique horizontale. » M. Perrotiu à Toulouse a donné, du phénomène qu'il a observé à l'observatoire, la description sui- vante : « Le ciel était très-beau ; le phénomène a com- mencé par l'apparition, au point nord de l'horizon, d'une grande quantité de lumière diffuse qui aug- mentait sans cesse, mais en s'étetidant plus en azi- mut qu'en hauteur. Cinq minutes après environ, trois faisceaux lumineux se détachaient très-distinc- tement : celui du milieu s'élovant à une hauteur de 25 à 50 degrés; les deux autres, symétriques par rapport à celui-ci ; tous les trois semblant diverger d'un point situé assez bas au-dessous de l'horizon. Presque en même temps se formait un quatrième; faisceau émanant du même point que les premiers cl passant par les étoiles S et r, de la Grande-Ourse. A ce moment toute la portion du ciel comprise entre la tête du Dragon et la queue de la Grande-Ourse, était assez vivement illuminée, et les belles étoiles de cette région disparaissaient presque complètement. L'intensité a été ensuite en diminuant. Le phéno- mène a duré environ un quart d'heure 1 . » i Compta rendus de l'Académie des sciences. du 9 lévrier 1874. S^iUiLti Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 203 LE B.RËSIL On ne s'occupe guère en France des pays éloi- gnés et des contrées importantes qui jouent un grand rôle dans le concert des nations civilisées. Nous n'avons pas la prétention de suppléer d'une façon complète à cette indifférence, mais cependant il nous paraît intéressant de le faire, quand des do- cuments sérieux nous passent entre les mains. F.n voie! quelques-uns que nous empruntons à une des publications les plus estimées du Brésil, et qui nous montrent dans quelle voie de progrès s'en- gage un peuple que nous connaissons à peine, et qui cependant nous connaît beaucoup, car il pro- fesse à l'égard de la France une sympathie réelle, dont il a su donner de nombreuses preuves lors de nos malheurs. Il y a trente ans, le commerce extérieur de l'em- pire du Brésil {importation et exportation) n'attei- gnait pas le chiffre de deux cent cinquante millions de francs dans une année ; actuellement, il atteint et peut-être celle année il dépassera un milliard. L'u- , nique source de ce grand commerce est l'agrieul- J lure, dont la suppression de la traite des noirs en 18o0 n'a pas arrêté le développement ; le puissant accroissement du commerce et de la production a exigé des moyens de communication plus parfaits et l'on parvint à les obtenir en offrant aux capitaux qui y ont été employés une rémunération abondante, sinon immédiate, au moins prochaine. En 1850, il n'existait qu'une ligne de paquebots à voiles entre le Brésil et l'Angleterre ; ils fai- saient par mois un voyage qui dînait, terme moyeu, cinq semaines ; actuellement, de magnifiques ba- teaux à vapeur apportent, environ deux fois par semaine, le courrier do Soutbampton, Liverpool, Bordeaux, Marseille et New-York ; les nouvelles de l'Europe arrivent en quinze jours, et bientôt le câble électrique permettra de communiquer, heure par heure, avec tous les points du globe. Il y a trente ans, la navigation des côtes et des fleuves se faisait au moyen de petits smaks, de goé- lettes et de pirogues d'Indiens ; contrarié par les courants de l'Océan et de l'atmosphère qui régnent entre les tropiques, le commerce des provinces du littoral entre elles et avec la capitale était presque nul ; l'extrême lenteur, la grande difficulté des com- munications, en affaiblissant l'action du gouverne- ment sur les provinces, menaçait môme la cohésion dcl' empire et l'exposait à des convulsions politiques dont le contre-coup est toujours si funeste aux inté- rêts économiques. Maintenant, de larges subventions de l'Etat, qui consacre annuellement à cette fin 9,758,000 francs, et des administrations provinciales, ont fait naître de nombreuses entreprises de navigation à vapeur. les lignes produites ont une étendue de 17,1 00 ki- lomètres sur le littoral maritime, de 19,140 kilo- mètres sur les grands fleuves de l'intérieur, et sont un des plus puissants leviers de la prospérité, do la civilisation et de la stabilité politique du pays. Il y a trente ans, l'unique moyen de transport connu dans le pays était le dos de mulets, dont les frais et la lenteur rendaient impossible l'exporta- tion des denrées au delà d'un petit rayon autour des grands centres du commerce. Aujourd'hui, le Brésil compte, outre quelques canauxet quelques excellentes routes carrossables, 5,000 kil. de chemins de fer en exploitation ou en voie d'exécution, 16,000 en pro- jet; et, symptôme aussi nouveau que satisfaisant, eu égard au progrès de ses habitudes industrielles, plu- sieurs de ces chemins de fer sont dus à l'initiative particulière. Enfin le revenu de l'État qui était, il y a trente ans, de vingt mille contos de reis (60 mil- lions de francs) dépasse actuellement 100,000 con- tos ; il suffit, et au delà, pour faire face non-seule- ment aux dépenses courantes de toutes les branches de l'administration, aux intérêts et à l'amortissement de la dette publique, mais aussi à beaucoup de dé- penses qui sont du véritables placements de fonds, lesquels peu à peu viendront augmenter directement les ressources du trésor. OSSUAIRES DE LA CAMPAGNE D'ITALIE Dans son Salon de 1822, M. Thiers rend compte des impressions qu'il a éprouvées à la vue du Soldat laboureur, exposé alors par M. Vigneron. Quoique a^ant été traité déjà bien des fois, ce sujet est éter- nellement nouveau. Quelles pensées en effet ne sou- lève point la vue des crânes, des tibias et des armas rouillées, sanglantes épaves de combats oubliés, tirées du sein de la terre par le soc do la charrue qui doit la féconder ! Les grands combats dont la haute Italie a été le théâtre pendant la guerre de l'indépendance, 11c don- neront point lieu à des scènes analogues dans les siècles futurs. Le nombre des soldats autrichiens, français et italiens, couchés dans ces [daines fertiles, était si grand, que les travaux agricoles s'en trouvaient gênés. Le gouvernement italien eut la pieuse pensée de recueillir ces débris humains et d'eu former deux grands ossuaires. L'un a été consacré aux victimes de la bataille de Magenta, l'autre, dont nous donnons un dessin exact, a été construit pour recevoir le sque- lette de tous les soldais qui ont perdu la vie dans la grande journée décisive do Solferino. Vainqueurs et vaincus, républicains des légions piémontaises, soldats de la garde impériale de France, bersaglieri, Croates et Tyroliens, tous dor- ment pêle-mêle, côte à côte. Une. jolie miss anglaise, blonde et rose, semblable à Ophélia, a récemment tracé avec son crayon parfumé ces images funèbres". Les CBÛnes sont arrangés avec un goût dont les fossoyeurs de nos catacombes seraient jaloux. Les tibias suspendus systématiquement formant des Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 101 LÀ NATURE. croix grecques et latines. Les ns du bras et de l'avant- bras servent à (Ses ornements de moindre importance. Quant aux dents elles manquent toutes. Ce sont les petits bénéfices de ceux qui remuent tes têtes de mort ! Le spectacle est plus grandiose, plus effrayant que dans les cryptes parisiennes, où tant de générations de nos' ancêtres dorment cûfe à côte. Car ces amas d'ossements sont entassés en pleine lumière, et les rayons du soleil n'aiment pas à se briser sur des symboles de mort. La conservation des 03 ne tient pas seulement à la nature propre du tissu gélatineux qui en forme la traîne. Quoique tenace, cette substance ne résiste à l'action de 1 air que dans 'des circonstances toutes particulières de basse température et de faible lu- mière. Que deux ou trois siècles seulement passent sur cet ossuaire et les os les plus solides seront in- failliblement réduits en poussière. Cette trauslormation sera fort heureuse pour l'agri- culture à laquel le nous sousti ayons chaque année des poids considérables de phosphate de chaux très-faci- lement assimilables. En effet, plus de la moitié de notre squelette est formée de ce sel fécondant. En : 'i ^-4 *: ; r" ° ' ' IiéIPI.; wmmmmmêm^ lu 1 • '" . • ■ " 1 m ■ m \ . :. i m" ' '■ La grande lo.oudi; du l'ossuaire de. Hulfarino. portant a ^ I e poids de la charpente solide, 011 voit que chacun de nous porte en lui plus de 5 kilo- grammes de phosphate. Si l'on remarque que le phosphate de chaux entre dans la composition du blé pour une proportion con- sidérable, en se faisant embaumer suivant la mode égyptiennej chacun de nous immobiliserait la quan- tité de sel phosphaté suffisante pour produire une masse de blé très-importante. Ces pertes de sub- stance, insignifiantes quand les nations sont jeunes et clairsemées, arrivent à acquérir un grand intérêt quand la surface de la terre se couvre de populations nombreuses, comptées par millions. Elles figurent au nombre des causes de dégradation des régions civilisées, signalées éuergiquement par Liebig, dans ses fameuses lettres sur l'agriculture progressive. Le mode d'enterrement employé dans les pays eu- ropéens est moins dispendieux que la combustion en usage chez les Iiomains. 11 est cependant analogue, à cela près que la combustion est plus lente. 11 ne serait point irrationnel si on ne faisait rien pour activer l'œuvre de la nature, et si l'on recueillait les eaux du drainage, lesquelles sont fortement annua- lisées et par conséquent excellentes pour la cul- ture. Sans employer un procédé aussi rapide que les Zeud et les indigènes de la mer du Sud, qui fout dessécher leurs morts à l'air, et qui infectent leurs marais par la production de gaz délétères , il serait raisonnable de choisir pour cimetières des terrains sa- blonneux, perméables à l'air, et au bout d'un laps de temps de quelque durée, de les rendre à la cul- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE 205 tnre au lieu d'enfermer les os dans lus catacombes et dans ces ossuaires monumentaux. Dans les ossuaires de Magenta et de Solferînn, quelques squelettes qui ont été découverts entiers et qui étaient remarquables surtout par leur taille, ont été mis à part et montés. Comme on a trouve des lettres dans les débris d'uniformes de ces mal- heureux, on a pu inscrire leurs noms sur une plaque. On sait, grâce à cette circonstance, que le géant qui occupe la situation centrale est un tambour major de la garde autrichienne. À côté de lui se trouve un capitaine français dont la présence a donné lieu à quelques réclamations. Ses parents faisant un voyage en Italie, ont visité l'ossuaire par hasard, ils ont été fort scandalisés de voir que le squelette de leur fils était exposé à peu près avec autant de goût que l'os- sature d'un singe. Nous ne quitterons point ce lugubre mais intéres sant sujet sans rappeler les questions qu'Hamlet tai- sait au fossoyeur et les réponses qui sont fort remar- quables. On voit que sans être chimiste Shake- speare avait sur ces phénomènes de décomposition dans le sein de la terra les notions les plus pré- cises. Les fossoyeurs de nos jours ne feraient point i.e ^ucieLie du géant uuti'iclik'U. des réparties plus conformes à l'état de la science. (i Hamlet. — Combien de temps un corps peut-il iéjourner dans la terre sans pourrir? « Le fossoïeue. — En vérité, s'il n'est point pourri avant de mourir (car maintenant nous avons beaucoup de corps qui peuvent à peine durer jusqu'à co qu'on les enfouisse), il vous durera quelque huit ou neuf ans. Un tanneur vous durera neuf ans. « Hamlei. — Pourquoi donc plus qu'un autre? g Le fossoyedb. — Parce que son cuir est si tanné par son commerce, qu'il empêche l'eau d'entrer dans le corps, et, voyez-vous, l'eau c'est le grand destruc- teur de votre corps. Tenez ce crâne que vous tenez à la niuiii, il a vingt-trois ans, etc., etc. v \Y. LE l'OJVIELLB. CHRONIQUE Cristallisation du verre. — A Blanzy (SaAnO- et-Loire) existe une grande verrerie pertectionnée. Le verre, au lieu Je s'y fabriquer .dans des creusets, y est produit dans un grand four chauffé au gaz, ayai>* 6 mè- tres de long sur 2 de large, et dont l'inJallation est due à MM. Clémandot et Videau, Le four ayant été mis au repos, pour cause de réparation, on trouva le verre qui y était resté après la dernière chauffe envahi par le phénomène de la dévitrification. Nos lecteurs sa- vent que Réauinur d'abord, et à sa suite de nombreux observateurs, ont appelé l'attention sur les modifica- tions de structure dont le verre est le siège quand ou l'abandonne pendant 24 ou 18 heures à une température peu inférieure à son point de fusion. De transparent il de- vient opaque, laiteux, et on le connaît sous le nom très- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 206 LA iS'ATL'RF. significatif do porcelaine de Itêaumur. Mais à Bhinzv les choses se sont passées autrement. Il s'est produit dans la masse de verre de gros cristaux parfaitement nets, dont les dimensions dépassent plusieurs centimètres. Sou vent même il s'y est développé de véritables géodes toutes tapissées de pareils cristaux qu'on a pu analyser complètement au dou- ble point do vue chimique et cristallographique. Grâce il l'examen auquel 11. Péligot les a soumis, ils ont enfin fourni la notion cherchée depuis Rcaumur des modifica- tions que le verre subit en se dévitridaiit. Deux hypothèses étaient en effet eu présence. L'une dé- fendue, entre autres, par M, Dumas, consiste à dire que la masse vitreuse subit un vérilalilo départ ; un silicate dé- fini s'en sépare et cristallise, tandis que le reste demeure emprisonné entre les cristaux et indiscernable. Dans l'au- tre hypothèse, on admet, avec Pelouze, que les cristaux ont la même composition que, le verre et résultent d'un simple travail moléculaire, pareil à celui qui rend opaques l'acide arsénieux et le sucre d'orge. Le choix était très-difficile, car l'analyse portait forcément sur le mélange des cristaux et de leur gangue que l'on n'en pouvait séparer. Au- jourd'hui les circonstances sont, au ronlraire, tout â fait favorables, et M. Péligot vient avec l'autorité de la chimie et île la cristallographie donner pleinement raison à la première hypothèse. Il est désormais démontré, que les cristaux de verre résultent d'un vrai départ et en outre que leur composition, ainsi que leur forme, les rangent dans l'espèce minéralogique appelée pyroxùne. Le fuit est d'au- tant plus intéressant qu'il jette de la lumière sur !a produc- tion des pyroxèurs de la n dure, où l'on retrouve, d'après les recherches de M. Lechartier, des éléments étrangers, interposés entre les particules cristallines et témoignant peut-être de l'existence primitive d'un magma vitreux d'où les cristaux se sont dégagés. Construction de nouveaux aquariums. — D'a- près la Nature (anglaise) on s'occupe en ce moment de Ja construction de deux nouveau? aquariums, l'un au Central- Park, de Aow-Yoïk, et l'autre à Lïverpool. Le premier sera placé sons la direction de il. Saville Kent, qui a été pendant longtemps le curateur de l'aquarium de lkighfon, et qui a organisé avec un talent incomparable le bel établissement suc lequel nous comptons appeler prochainement l'atten- tion de nos lecteurs. L'aquarium de Liverpool sera placé dans un local voisin de la salle Philharmonique et qui a déjà été acheté par une compagnie financière formée pour cet objet et dont le capital est de l,12r>,()00 francs. Une souscription sera ou- verte pour la construction de l'aquarium de New-York, et, d'après nos renseignements, sera très-rapidement cou- verte. Nous enregistrons avec satisfaction ce développement d'une industrie scientifique qui a pris naissance au Col- lège de France, où M. Coste établit coinmu on lésait le premier aquarium vers 1850. I.es chaleur» extraordinaires a Xew-York, — On avait cru constater très-souvent que les hivers excep- tionnels de ce côté de l'Atlantique correspondent à des hivers chauds en Amérique, et vice versa. On avait même bâti sur ces coïncidences une théorie ingénieuse expliquant ces alternatives, par des déplacements du Gulf-Slream, Mais il n'en est rien, car la température a Rew-York est aussi exceptionnelle qu'à Londres et à Paris, Les indus- triels qui gagnent leur vie à récolter la glace sur les grands lacs commencent à se demander s'ils pourront se livrer celle année à leur occupation ordinaire. Pour retrouver des circonstances météorologiques pareilles, il faut remon- ter à l'année 1825. Les registres de l'état de New-York montrent que jamais les canaux n'ont été ouverts si tardi- vement. Le 14 janvier, les marchands de glace ont dû se ras- surer, caries probabilités du lendemain étaient ainsi con- çues : Pour la Nouvelle-Angleterre, les Étals du centre, et la région inférieure des lacs, neige avec vent, de [rais à variable, et abaiitemeut de température. L'orage qui est central, dans les Etats du milieu, sera certainement suivi par un temps (raid mercredi soir et jeudi. Le len- demain le télégraphe annonçait que de grandes niasses de neige se trouvaient accumulées dans Washington et que la circulation y était interrompue. BIBLIOGRAPHIE Les Allantes, par Roiëex. 1 vol. in-8\ Germer-Iîaillièrp, Paris, 1874. Sous ce titre, M. de Koisel vient de publier un travail assez considérable sur ces époques préhistoriques. L'ori- ginalité de l'œuvre est de vouloir démontrer que, contrai- rement à l'opinion régnante, la civilisation primitive eut l'Occident pour point de. départ. Voici eu quelques mois comment l'auteur établit son système. Les armes de bronze que l'on découvre sur notre sol immédiatement après l'âge de la pierre poliese font toutes remarquer par la perfection d'un alliage que ta science moderne n'a pas modifié. Il faut donc en conclure qu'elles lurent apportées par une race, conquérante déjà fort habile dans les arts métallurgiques. Après l'avoir vainement cherché sur le continent, M. de Iloisel interroge les plus anciennes traditions, et cite un passage du Timée de Pla- ton "ù il est question d'un peuple puissant qui avait habité une grande île, aujourd'hui disparue, située dans l'océan Atlantique. Mais, avant d'ajouter loi à ce récit, l'auteur examine: 1° s'il existe entre l'Europe et l'Amérique des traces de cataclysme géologique; 2° si l'on rencontre en Afrique, en Europe et dans le nouveau monde quelques témoignages d'une même civilisation ; 3* si celte civilisa tion concorde avec l'époque que nous pouvons supposer être celle de l'introduction du bronze dans les Cailles; 4° si les Allantes, que l'auteur identifie avec les Titans do la mythologie grecque, ont pu mieux que tout autre peuple connaître l'usage, des métaux et particulièrement le cuivre etl'élain. Après avoir satisfait à ces quatre questions, M. de Roi- sel pense que ce peuple légendaire parvint à un haut de- gré de prospérité. « En ramassant les débris qui nous restent, écrivait Buffon, on ne saurait douter que les sciences n'aient été très-anciennement cultivées et perfec- tionnées au delà de ce qu'elles le sont aujourd'hui. « L'auteur attribue donc aux colons atlantes, établis dans l'Occident, la découverte d'un grand nombre de notions scientifiques qui servirent de base aux anciennes théogo- nies. Hygiène, scolaire. — Influence de l'école sur la sauté des Enfants, par A. Riant, avec 42 figures. — Paris, Ha- chette et C", 1874. Voilà un excellent ouvrage, que nous devrions tous mé- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 207 diter en France ; il nous montre ce qu'il faudrait faire pour l'enfance, ce qui se fait à l'étranger cl ce que nous ne faisons pas chez nous. C'est par l'éducation, elles soins donnes à l'enfance, que l'on produit des hommes; c'est en réformant l'école que l'on peut réformer un pays. ACADEMIE DES SCIENCES Séance du 23 février 1874. — Présidence de M. lÎjiimiAND. Production des vapeurs acides dans les volcans. — Comme suite à la lecture commencée lundi dernier, M, Boussingault étudie aujourd'hui l'origine et le mode de formation des acides dont les Tapeurs font partie des émanations volcaniques, et qui existent parlais en si grande abondance dans les ruisseaux qui sortent des cra- tères. Complétant les données de ces observations par les résultats de ses expériences, le savant chimiste montre d'abord que la vapeur d'eau passant sur des chlorures en présence de silicates analogues au feldspath, dorme nais- sance à de l'acide chlorhydrique libre, pendant que l'al- cali détermine une décomposition plus ou moins profonde de la roche. Une fois l'acide chlorhydrique isolé, s'il vient à rencontrer un sulfate, il le décompose : produisant d'une part des chlorures, et de l'autre de l'acide sulfuvique. [ C'est celui-ci, on l'a vu, qui donne aux eaux de Rio Vi- nagre ses qualités spéciales. La décomposition des sulfates par l'acide chlorhydrique ne paraissait pas évidente à première vue, mais de nom- breuses expériences en ont démontré la possibilité. Du sulfate de baryte, placé dans un tube de platine, chauffé à une température convenable et soumis à l'action simulta- née d'un courant de vapeur d'acide chlorhydrique et de vapeur d'eau, se convertit bientôt d'une manière intégrale en chlorure de baryum. Si on condense dans de l'eau les gaz qui sortent du tube, on y retrouve la totalité de l'acide primitivement condensé dans le sulfate. Même résultat est obtenu avec le sulfate de strontiane, le sulfate de chaux, le sulfate de soude, etc., et lu réaction est si complète que l'auleur, tout en faisant des réserves, se demande si elle ne pourrait pas devenir un jour le point de départ d'une industrie dont l'objet serait la fabrication de l'huile de vitriol au moyen de la pierre à plâtre. Pour en revenir aux volcans, c'est lorsque la tempé- rature est beaucoup plus élevée, au point dit de la chaleur blanche, vers 130D degrés, que la production de l'acide sulfureux signalé si souvent, est possible. Cet acide résulte d'une dissociation pure et simple de l'acide sulfurique, qui, sous l'influence de la chaleur et des corps poreux (trachyle, etc.), se scinde en acide sulfureux et en oxy- gène. A ce propos, M. Sainte-Claire Deville fait remarquer que, si dans les conditions où se place M. Boussingault pour imiter les circonstances naturelles, il faut une tem- pérature aussi élevée, cela provient simplement de ce qu'en même temps que l'acide sulfurique il y a dans le tube de l'oxygène. Si on opère sur de l'acide sulfurique tec et pur, une température bien moindre est suffisante pour déterminer sa dissociation, et c'est par ce procédé si simple que M. Deville a réalisé la préparation, pour ainsi dire industrielle, de mètres cubes d'oxygène. Au contraire, si l'oxygène se trouve en excès, l'acide sulfureux produit dans certaines parties du tube repasse dans d'autres à l'état d'acide sulfurique. Suivant M. Berthelot, on peut réaliser a froid la décom- position des sulfates par l'acide chlorhydrique en excès, Le mélange des matières donne lieu immédiatement à du bisulfate et à du chlorure alcalin. La raison de cette dé- composition est que c'est à ce mélange de deux sels que correspond la plus grande partie de chaleur dégagée. Densité de vapeurs. — Guidé par des considérations do philosophie chimique que nous ne pouvons reproduire ici, M. Croullebois, professeur à la Faculté dus sciences de Clermont-Ferrand, pensait, comme beaucoup d'autres personnes, que la formule jusqu'ici usitée de l'hydro- gène phosphore liquide devait être doublée. Plusieurs raisons pouvaient être invoquées à l'appui de cette ma- nière de voir, mais une seule preuve était irrécusable : la densité de la vapeur. Prendre une densité de vapeur, ce n'est pas difficile, et Gay-Lussac a imaginé à cet égard une méthode admirable, employée tous les jours dans les laboratoires et donnant des résultats parfaitement exacts. Seulement (rien n'est parfait ici-bas) elle a dans le. cas particulier le léger défaut d'être absolument inappli- cable. Cette méthode en effet suppose que la matière en expérience est placée dans une ampoule, que l'on fait rom- pre en la chauffant. Or l'hydrogène phosphore liquide est tellement instable que la moindre élévation de tempéra- ture le décompose. Suivant l'expression de M. Paul Thc- nard, cet hydrogène phosphore craint la chaleur, la lumière, le contact de l'air, et, de la plupart des sub- stances chimiques ; il craint tout. \i fallait donc trouver antre chose que la méthode de Gay-Lussac. M. Croullebois a imaginé un procédé, décrit dans le dernier numéro des Comptes rendus, et l'a ap- pliqué dans le laboratoire de M. Wurlz cl avec l'aide de celui-ci. La conclusion a été qu'en effet la formule de 1 hydrogène phosphore liquide, telle qu'on l'admet géné- ralement, doit être doublée. Voilà où en étaient les choses lundi dernier et, comme vous voyez, il ne semblait pas que le repos do l'Académie fût menacé. Mais M. Henri Sainte -Claire Deville, en proie à la plus vive émotion, a fait observer aujourd'hui que la note de M. Croullebois n'est pas suffisamment respectueuse à l'égard de Gay-Lussac. Le savant chimiste a annoncé que depuis longtemps il a combiné, lui aussi, une nié- thode pour la mesure des densités de vapeurs, qu'il croit cette méthode meilleure que celle de M. Croullebois, mais qu'il ne la publie |pas parce que l'idée sente de traiter ce sujet après Gay-Lussac lui inspire, non-seulement un im- mense respect envers celui-ci, mai» encore (c'est son expression littérale) a une véritable terreur. » 11 regrette de ne pas voir M. Croullebois (son ancien élève) dans les mêmes sentiments, et demande à insérer dans le recueil académique une « petite leçon, » qui pourra profiter non- seulement à celui qui l'a provoquée, mais encore à beau- coup d'autres chercheurs. Qu'on ait le respect des grands hommes c'est à quoi certes tout le monde doit applaudir ; mais que ce, respect empêche de chercher des perfectionnements aux méthodes qu'ils ont inventées ou des développements aux faits qu'ils ont découverts, voilà qui soulèvera plus de contestation. On devrait tout de suite, si cette thèse était adoptée, met- tre un point final à la science, car quel progrès ne peut- être regardé d'un certain point de vue, comme la rectifi- cation des idées de savants antérieurs et par conséquent comme un manque de respect fanatique pour leurs travaux ? La preuve qu'il en est bien ainsi c'est que si ces savants vivent encore au moment où ces progrès sont publiés, ils en font presque toujours une affaire personnelle et usent tflute leur influence pour en empêcher l'admission. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires Î08 LA NATURE. Les remontrances de M. Dcville ont du reste suscité les protestations les plus énergiques Je plusieurs membres, de M. Paul Thénard, de M. Wurti surtout, qui a donné des détails quant au mode opératoire employé par le savant de Clermont, triode opératoire que M. Dcville semblait re- garder connue impraticable. C'est au moment où ces dé- tails fixaient l'attention de l'auditoire et où plusieurs membres demandaient à prendre part au débat que le pré- sident a réclamé la fin immédiate de la discussion ; tou- jours, bien entendu, pour celte raison, d'un usage com- icoile et si fréquent, d'un comité secret très-important. Il s'agit, pour la section de médecine el de chirurgie, de prései.ter une liste de candidats pour remplacer M. Cosle. Stanislas Hku.muh. LES ÉMERAUDES DE MUSO (NOUVELLE -ÛBESAIJE.) La collection minéralogique du Muséum d'histoire naturelle s'est enrichie tout récemment, d'une suite intéressante d'échantillons, provenant dus célèbres mines d'émeraudes de Mu-o, dans la Nouvelle-Gre- nade. Ou peut y reconnaître toutes les conditions du gisement, el il y a lieu d'espérer cpir. l'étude îles minéraux qui accompagnent ta gemme dans les (lions permettra de faire au moins quelque hypothèse plausible quant à l'oririne et au mode de formation de celle-ci. Ce qui frappe surtout parmi ces minéraux, c'est la présence de calcaire compacte coloré en noir pro- fond par une proportion considérable de matière char- bonneuse. Le fait, visible sur la figure ci-jointe, est d'autant plus digne d'intéiêt, qu'il se reproduit dans les au Ire s gisements d'émeraudes vertes tels que, pour ne citer qu'un seul exemple, dans celui connu des anciens, que contiennent les micaschistes de la haute Egypte. Nous disons des émeraudes vertes, car les pierres de même composition, niais dépourvues de la couleur à laquelle on attache tant de prix, sont renfermées dans des roches de nuance claire. C'est ainsi que l'émeraude grise et sans valeur de Chante- loube dans la Haute-Vienne, gît dans une pegmatite blanchâtre. Cette remarque suffirait pour faire pressentir quelque connexion entre la matière charbonneuse colorant les gangues et la substance verte qui teint l'émeraude. En effet, les travaux les plus récents ont montré que cette substance verte, loin d'être du chrome oxydé comme on le pensait généralement, est de nature organique. M. Léwy, analysant les émeraudes de Muso, y a trouvé ; Silice 07, Alumine 17,9 Glucine 12,4 Magnésie 0,9 Oxyde de chrome, traces. Soude 0,7 99,8 Comme on le voit, l'oxyde de chrome n'est ici qu'en proportion tout à fait insuffisante pour expli- quer la coloration, l'our s'en rendre compte, il suf- fira de rappeler que le grenat vert, dit Ouwarovile, coloré en vert par le chrome, renferme, d'après M. riamour, plus de 23 pour 100 d'oxyde de ce métal. Do plus, tandis que les minéraux chromifcnïs con- servent leur nuance- sous l'influence des températures les plus élevées, l'émeraude, d'après les essais de M. Léwy, est complètement décolorée quand on la chauffe an chalumeau. C'est-à-dire que son principe colorant, est de nature organique et se rapproche par sou pouvoir tinctorial de certaines substances du règne végétal, telles que la chlorophylle des feuilles. On trouve par l'analyse que cette matière contient du carbone et do l'hydrogène, et tout porte à penser Ê me; iimle du Muséum d'Iiis'oh t: liaLurcHe. (Gianiieui 1 naturelle.) qu'elle consiste en un carbure dont le mode de for- mation est sans doute corrélatif de la présence des minéraux charbonneux signalés tout à l'heure dans les gangues. 11 résulte de la une forte présomption en faveur de l'opinion d'après laquelle l'émeraude s'est pro- duite par voie humide. De plus, on peut en conclure que les matières dites organiques jouent eu minéra- logie un rôle bien plus grand que celui qu'on leur a attribué jusqu'ici, et il est impossible de ne pas se souvenir à cet égard des recherches de M. Fournet sur le Caméléon organo-minéral, et même de l'hy- pothèse de M. de Chaneourtois, d'après qui le dia- mant résulterait d'une décomposition lente de cer- tains hydrogènes carbonés. A ces divers points de vue, l'émeraude déjà précieuse acquiert un intérêt nou- veau. Stanislas Medïier. 7jï Prt/jiriêtaire-Gémnt : 11. Ïissajbieb. vwumiij,, — Tjp. et sttir. de CiiB-ri e". — La suite iiroclinincment. — LE GÉANT DE WILMINGTON Au milieu des collines abruptes, escarpées et ari- des qui dominent çà et là en Angleterre le territoire de Sussex, à Wilmingtou près Susscx, sur un des ver- sants presque verticaux d'une haute proéminence de rocher, on aperçoit sculptée sur la pierre une grande figure humaine, qui n'a pas moins de 7o mètres; à peu de choses près, la hauteur de Notre-Dame de Taris ! A vrai dire le pan de mur naturel où elle est gra- vée, est légèrement incliné; on peut le gravir à pied, mais par l'effet d'une habile perspective, la grande figure semble droite; on la voit, telle que la repré- sente notre gravure, un bâlou à chaque main, parais- sant marcher comme une apparition fantastique, comme un fantôme géant qui se découperait dans la brume de l'horizon. Ses proportions sont en effet co- lossales, et les habitants du village situé à ses pieds n'auraient pas besoin de se serrer les uns contre les «utres, pour tenir tous dans l'espace qu'elle occupe. Sa tète seule mesure plus de û mètres d'une oieillt à l'autre ! Quel est l'artiste qui a façonné de son burin ce bas-reliof extravagant? A quelle époque remonte cette oeuvre si exceptionnellement grandiose et singulière? C'est ce que nul habitant ne saurait vous dire. Tous les paysans que vous interrogerez ne vous parleront du géant, qu'avec une certaine crainte superstitieuse; il vous aftirmerout que le colosse n'apparaît pas tous les jours, et que. souvent il s'efface, au point que l'œil le plus perçant ne saurait en distinguer les contours. Cela est vrai ; l'antique sculpture ne devient, visible que sous une certaine incidence des rttyou,- lumineui ; elle se laisse voir surtout par de belles, matinées d'été, ou encore au moment des soirées limpides de l'automne. En hiver, quand il tombe de la neige l'éclairage céleste, tamisé par une brume opaline, lui est propice et elle se découpe alors avec vigueur, sur le fond du rocher où elle est gravée. Quand les circonstances atmosphériques sont favo- rables, le géant se distingue jusqu'à une distance de 000 mètres environ. Cette sculpture gigantesque était généralement at- tribuée aux moines bénédictins, qui habitaient jadis le monastère de Wilmington, Un antiquaire, et un savant fort connu de l'autre côté du détroit, M. Phène, s'est pris de passion pour une pièce archéologique d'un intérêt si piquant, et après de longues rocher ehes et de patientes études, il est arrivé à assigne! une date beaucoup pins ancienne à la grande ligure M. Phène affirme, non sans raison, que l'immense bas-relief n'a nullement le eadiet des oeuvres mo- nastiques; sa nudité, la simplicité des ligne-, ne rap- pelent en rien l'art du moyeu âge. Il offre au con- traire l'aspect dos camées antiques, les traits parais- sent être burinés de la même façon que les pierres dures romaines ; en outre l'attitude de la figure est semblable à celle que présentait autrefois le colosse de Rhodes. Ainsi guidé par des appréciations archéologiques 11. Phène, en compulsant des documents véridiques, a acquis la certitude que Jules-César a dû passer près de là à l'époque de ses conquêtes en Angleterre. Le grand capitaine de l'antiquité a, en effet, traversé le duché de Kent et de Susses, sur le territoire duquel le géant de Wilmington se dresse encore de nos jours. Dans ses écrits, il nous donne la description d'un immense idole d'osier, étonnante divinité celti- que, au sein de laquelle ou emprisonnait et brûlait les victimes d'une superstition barbare. L'antiquaire anglais n'hésite pas à rapporter ce récit à la grande figure sculptée de Wilmington : il suppose qu'elle était, au temps de César, entourée de palissades , ou de barrières (conie.xta), enserrant une arène, où l'on entassait pêle-mêle les bêtes sauvages et les hommes, que l'on immolait au milieu d'un cercle de feu. Grâce aux intéressantes études de M. Phène, le géant de Wilmington longtemps oublié, préoccupe sérieusement eu Angleterre tous les esprits éclairés que ne restent pas indifférents aux documents si Droits réservés au Cnam et à ses partenaires ■M&m^- ■■■-■; ■'■'S,!ÎvV ; 'M : ': : ../'i ; ,; -.■■■■: i'j i^r.vfi; 1 ^; 1 : .iM 1 :-'.^'.! ■.".-.. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 214 LA NATURE. précieux d'une antiquité si reculée. Une souscription il été organisée dans le but de réparer la grande et curieuse figure. Un comité de restauration fonctionne sous la présidence du duc de Devonshire, et le vicaire de Glynde réunit les souscriptions, qui affluent en pièces de 1 ou 2 shellings. La somme produite par ces dons modestes et volontaires est déjà assez cle- ïée pour que les premiers travaux de restauration aient été commencés sous les auspices de M. Phèue; bientôt les injures du temps seront effacées do l'im- mense Las-relief! I.e géant de Wilmingtou, rajeuni par des mains pieuses, se dressera avec autant de netteté et de vigueur qu'à l'époque où les légions de César promenaient jusqu'à ses pieds les étendards de la vieille Rome- ! Gaston Tissakuieb. »0« — J. MICIIELET Quoique Michelet ait consacré la plus grande par- tie de sa glorieuse carrière a étudier les questions his- toriques , il a conquis une place distinguée au premier rang des écri- vains scientifiques. H aura rendu à la cause du progrès cent fois plus de services que ceux qui n'ont vu dans ses meilleurs ouvrages que quelques erreurs inévitables. Sa phrase spirituelle et saccadée fait involon- tairement songer à cette parole vibrante, qui al- lait droit au cœur, et à laquelle il a du l'éton- nante popularité dont il jouissait à la lin de 1847. Le trait fin, acéré, se détachait vif et so- nore. On eût dit un fou- dre qui traversait l'am- phithéâtre. Puis venait un repos, inappréciable instant de recueillement pour l'auditoire et de concentration pour le professeur. Alors la nuée s'ouvrait encore et montrait de nouvelles lumières. Les bravos succédaient aux bravos, et la fièvre, le délire allaient croissant jusqu'à la fin de la séance. On sait que l'illustre orateur no tarda pas à être réduit au silence. C'est à ce bâillonnement qu'il faut attribuer la seconde vocation de Michelet. Rejeté dans la vie privée, il voulut rester en communion d'i- dées avec ceux qu'il avait initiés. L'histoire ne lui suffisait point pour raffermir la foi chancelante, pour guérir tant de blessures, pour l'aire taire tant de no- bles impatiences | Co grand esprit se plongea dans l'étude de la na- ture, comme on entrait dans le fleuve du Létlié pour en sortir invincible. Loin d'être écrasé par les splen- deurs qu'il se donna la mission de peindre, il ne tarda point à égaler les maîtres. Moins classique que Iîulfon, il fut plus ingénieux, moins sensible que Bernardin de Saint-Pierre, il descendit plus avant dans les dessous du monde. Ceux de ses ouvrages qui furent illustrés, gagnè- rent à une heureuse alliance. Sa prose sculptée avec srjin se marie avec, les gravures les plus délicates qu'elle rend plus précieuses. Le dessin n'est point un pavé qui écrase ses métaphores, mais un jet de lu- mière qui pénètre l'esprit du lecteur. Comme toute la franco libérale depuis madame de Staël, comme nous tous avant les révélations de la dernière guerre, Michelet s'éprit de la nébuleuse Al- lemagne. Les désastres de l'année terrible lui ont fait comprendre qu'avant de songer à l'humanité, il fallait penser à notre chère Krauce. Les humiliations de la pairie l'ont frappe au cœur. Il est mort comme tant d'autres esprits '•■■ :; éminents , victime de nos malheurs ! Si Michelet eût été plusjeune, il eût éprouvé une dernière métamor- phose, pareille à celle de Yoltaire quand, édifié sur les turpitudes du grand Frédéric, il ful- mina ses Mémoires se- crets sur la cour de Berlin ! Ou peut dire que le jfe. : mariage de cet homme qui avait tant vécu par jàjL l'esprit fut le couron- .,,;■■;■. uument de son ouvrage '*.-. l'Amour ! Michelet lut ';\ ••'"'■■ captivé par des lettres ,■:* V- charmantes qu'un cu- : thousiasme vrai avait dictées. Une union aussi romanesque ne pouvait j. Michelet. être qu'heureuse. Si l'on met à part l'Amour, laFemmeeUu Sorcière, qui ne tiennent que très-indirectement à la science, l'œuvre scientifique de Michelet se compose de quatre parties principales. Kn première ligne vient l'Oiseau, qu'on dirait inspiré par la plus délicieuse des comédies d'Aristophane. Des ailes, des ailes 1 de- mande Michelet après le poète grec, et les ailes ne lui ont pas manqué pour s'élever au sublime. Dans l'Insecte il y a un fourmillement pareil à celui qui saisit quand on feuillette la bible de Swammerdam. C'est bien à proprement parler l'infini condensé dans un livre. Plus tard il nous a donné la Mer, livre épique dont Ivfr^ Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 21l Yictor ïïugo s'est inspiré visiblement dans son roman des Travailleurs. Enfin est venu la Montagne, oeuvre qu'on peut dire immense. Dans ses premiers ouvrages, l'auteur s'était laissé séduire par quelques théories discutables quiont jeté des ombres sur certains de ses tableaux. Rien que de parfait dans la Montagne dont Miclielet a respiré tous les parfums. Le grand artiste s'est laissé guider par Agassiz. C'est Agassiz qui le conduit sur les liantes cîmes. Aussi avons nous un tableau vrai, pur, saisis- sant de ces étonnantes mamelles du monde! Là-haut Miclielet retrouve une notion de la science antique, notion oubliée, méprisée. Quelque part dans ses notes il s'écrie que la terre n'est point seulement un amas de substances inertes. Le globe qui nous porte dans ses évolutions autour du foyer du monde, ne doit-il pas être considéré comme un être aussi complètement organisé que nous-même? Est-ce que les stoïciens n'avaient pas raison de décrire son sys- tème respiratoire? Après tout, qui sait si nous nesom- mes point sou intelligence et si son savoir n'est point précisément égal à la somme de nos connaissances? Atteint de paralysie, Miclielet est mort à Cannes après quelques jours d'immobilité plutôt que de souffrances. Il a conservé jusqu'à la fin la plénitude de raison et de pensée qui convient au sage. \V. de Fosvieli.k. rnÉTAnATIFS POUR LE PASSAGE DE VÉNUS PAR LE COUVEHNEMEST ANGLO-INDIEN. Dans une des récentes séances de ta Société royale astronomique de Londres, le colonel Strange a donné des détails sur la part que le gouvernement indien prend à ces observations. La décision dont il s'agit a été provoquée par M. le colonel Strange, directeur de l'observatoire que le gouvernement indien entre- tient à Londres pour la vérification de ses instru- ments, par M. Warren de la Hue et par le colonel Tennant. Un photohéliograpbe destiné à une station qui sera établie dans les environs de Peohawur est construit à Londres sous la direction de M. de la Rue. Le colonel Strange fait construire : 1° Un équato- vial de 6 pouces avec un micromètre spécial de l'in- vention du colonel Tennant, et une disposition par- ticulière due à M. Christie, pour enregistrer les indi- cations du micromètre sans avoir besoin de quitter l'œil de la lunette ; 2" Un instrument des passage?, de 3 pouces, qui possède un pied unique sur un seul bloc [a stand on a single pier) d'après un système de l'invention de M. Magnaui de Gens, avec quelques changements dus au colonel Strange ; 3° Un allazimuth de MM. Simms, destiné à servir à la grande triangulation de l'Inde ; 4" Un chronographe qui présente une combinaison du système employé à Greenwich et du système de Morse. Les impressions sont marquées par dus chocs et non par des étincelles. Cet appareil est susceptible de donner à la fois quatre indications d'après un système imaginé par lordLindsay, pour un observatoire permanent, et mo- difié par le colonel Strange, pour un observatoire temporaire. Les impressions sont reliées sur des bandes de papier au lieu de l'être sur un tambour. Les handes sont au nombre de quatre, ce qui per- met de recevoir à la fois quatre indications diffé- rentes, mais il n'y a qu'une horloge astronomique, les trois autres sont des horloges électriques mues par la marche de cotte horloge et donnant par consé- quent des indications identiques. La station de Pechavvur sera placée sous la direc- tion du colonel Tennant, et peut-être jointe à quel- que station moins. importante. Les constructions précédentes sont confiées à M. Cooke, opticien à Londres. ARBRES EXTRAORDINAIRES Nous ne connaissons pas en Europe des arbres comme certains baobabs d'Afrique, qui mesurent jusqu'à 20 mètres de diamètre ; ni comme les cèdres de la Californie 1 , dans le tronc desquels on peut donner des fêtes ; mais si nous cessons de juger par comparaison, nous trouverons cependant dans nos climats des spécimens très-remarquables, dont quel- ques-uns fort peu connus, méritent d'être si- gnalés. Le châtaignier iVÉsaû, dans le Daupliiné, a un tronc de 12 mètres de circonférence; dans l'Indre, l'If de la Motte-Feuilly mesure H mètres do tour. Dans le Finistère, le figuier de Rosaoff couvre de son ombre une surface de terre déplus de 100 mètres de circonférence. Le châtaignier del'Elna,la platane de l'île de Cos sont encore dignes d'être par- ticulièrement mentionnés. L'orme de Boston est en- core très-célèbre aux États-Unis ; il est surtout re- marquable par sa vétusté. Mais nous décrirons spé- cialement le tilleul si étrange, que l'on admire dans le royaume de Wurtemberg, et que reproduit une de nos gravures avec une parfaite exactitude. Cet arbre est situé près de Neuenstadt sur le Ko- cher (Wurtemberg) ; le touriste s'arrête devant ce viens tilleul, qui a plus de 4 mètres de diamètre et 12 mètres du circonférence à la hauteur d'un mètre au-dessus du sol. Le tronc, creusé par l'âge, est rempli de maçonnerie. Les 7 branches horizontales sont soutenues par 111 colonnes, dont 94 en pierre de taille. Deux maîtresses branches s'élèvent vertica- lement à une hauteur de 22 mètres ; cette immense couronne couvre un ccrele d'environ 20 mètres de rayon. Au sud, cotte enceinte est limitée par un mur 1 Yoy. k Table de lii première aniiLie, Durée de l'existence ih-s arbres. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 216 LA NATURE. percé d'une petite porte; plusieurs inscriptions té- moignent de l'intérêt et du respect que les généra- tions passées profes- saient pour ces véné- rables vieillards de la nature; l'une d'elles, probablement ta plus ancienne, eu allemand du moyen âge, me- nace de la perte d'une main quiconque ose- rait y causer quelque dégât , menace ter- rible et barbare, mais instructive pour nous qui n'avons plus de respect pour ces té- moins vivants des siècles passés. Dans la couronne de l'arbre se cache un charmant berceau auquel on arrive par un escalier, et où l'on trouve à sa portée les fruits des groseillers qui ont pris racine dans les On ne connaît pas exactement l'âge de ce tilleul. On dit qu'à l'époque de la création de l'empire d'Allemagne par le L'oraie di; lluâîon. excavations des branches. | lieux que traité de Yerdun, en 843 , le tilleul avait déjàlOO ans ;il aurait, par conséquent , au- jourd'hui 1,130 ans; d'après Jules Trem- bley, les habitants de la ville détruite de llulmbund ont fondé une nouvelle ville à côté du grand tilleul, et lui ont donné le nom de a ISeuen- stadt », c'est-à-dire « ville nouvelle ». Le grand tilleul est donc plus âgé que la ville, l'hi 1502, ses branches étaienldéjà soutenues par 62 colonnes. Le chêne d'Au- ti'iige , en France, n'est pas moins ou- lilleul wurtenibergeois; mais, tandis ^^^*-*- Le lilieul île ficumstmll, liana le Wurtemberg. que l'arbre allemand existe encore, le ebene alsacien , fort) a été abattu deux ans avant la guerre! Cet arbre d'Autrage, près de Cernay (arrondissement de bel- J remarquable n'était pas très-connu ; nous en repio- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 217 (luisons l'aspect réel d'après une lithographie aujoui'- | « Ceniay, 2S novembre 18G8. — Ou a beaucoup d'hui fort rare. Lb dessin est accompagné d'une parlé du chêne d'Autraga-ès-CUène , le plus gros courte notice, apostillée par les autorités de la loca- | arbre de nos contrées. Ce chêne- vient d'être abattu lité, et dont voici la copie tex'uelle. | et vendu :m\ enchères. ]>s connaisseurs font remon- Lc cbùiic J'AutragL. 1 , en AUauû. ter ce phénomène du règne végétal aux temps drui- diques. Le chêne d'Autrago a près de 5 mètres de diamètre, et plus de 14 mètres de circonférence à sa base. Une des grosses branches a 5 mètres de circon- férence, une autre 3'", 50. Les mêmes branches ont donné 40 stères de bois façonné, et la bille promet 126 stères de bois marchand. La cavité du tronc est de 2 mètres environ. Cet arbre géant offre une grande analogie avec le chêne d'AHouviile (Seine- hilurieure) qui a 14"',28 de circonférence, et dont Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 218 LA NATURE. la cavité a été transformée eu chapelle en l'année 1696.» Après avoir décrit le chêne alsacien, nous citerons encore quelques exemples curieux que mentionne la Revue horticole. Auprès du Bosphore est situé le platane de Bitjugdcre connu également sous le nom de platane de Gvdefroy de Bouillon, parce qu'on pré- tend que ce dernier s'arrêta sous son ombrage avec son armée en 1097, avant de continuer sa route vers Jérusalem. Ce platane a l'aspect d'un seul arbre ; mais après inspection, ou reconnaît qu'il est formé de neuf individus soudés entre eux et divisés on trois groupes. L'un, composé de deux platanes, a 11 mè- tres de eircouléreuce, l'autre C, et lu dernier, formé do 6 troncs réunis, mesure 24 mètres. Le premier et le dernier groupe ont été creusés par le feu, et pou- vent loger huit à dix personnes. La hauteur de ce massif d'arbres est de GO mètres ; la projeelioii de la cime sur le sol donne 112 mètres de pourtour. Il est âgé de plus de six cents ans. Théophilo Gautier qui l'a visité, l'appelait ajuste titre (( une forêt. » F. Barillet cite quelques autres arbres curieux, parmi lesquels il ne néglige pas l'arbre de Hobinson à Sceaux-. Enfin, ajoute cet horticulteur distingué, il faut mentionner les chênes; d'Auleuil, au bois de Boulogne, qui au nombre de cinq, faisaient l'admi- ration des promeneurs avant nos derniers désastres. Ils mesuraient plus de 5 mètres de circonférence, et étaient âgés d'au moins mille ans. C'est sous leur ombrage que, à une époque assez rapprochée, lors- que le bois de Boulogne était un véritable bois, — presque une. forêt, - ■ Béranger allait s'asseoir. Mal- gré les troncs coupés, eu 1870, pour la défense do Paris, et qui subsistent encore aujourd'hui, ils ne resteront pas moins gravés dans la mémoire des hommes, car leur mort a été glorieuse. Horace l'a dit, ajoute Barillet, Dulca et décorum est pro palria mnri. »•> UN NATURALISTE EN FLORIDE S'imagine-t-on que l'un des plus grands Filais \tlantiques de la Coulédération américaine est pen- jatit une partie de l'année aux trois quarts couvert par les eaux? Non certes ; car la Floride, bien que située sur l'Atlantique, et regardant par conséquent l'Europe, nous est beaucoup moins connue que la Ca- lifornie, par exemple, qui est située sur le Pacifi- que, à un millier de lieues plus loin. Ilàtons-nous d'ajouter que beaucoup d'habitants de New-York, de Boston et des autres États formant le groupe de la Nouvelle-Angleterre, ne connaissent pas plus intime- ment que nous cet Etat méridional. Heureusement, ils sont plus voyageurs et, quand ils veulent connaî- tre une chose, ils en trouvent le moyen tout de suite : ils vont la voir ! C'est ce qu'a fait M. C. J. Maynavd ; et, dans plusieurs voyages en Floride, il a recueilli sur la constitution, les habitants, la flore, et sur- tout la faune du pays, les observations les plus cu- rieuses, voire même des choses uniques... mais n'anticipons point ! D'abord, qu'est-ce que la Floride ? La Floride est proprement cette presqu'île qui s'avance vers l'île de Cuba, et ferme le golfe du Mexique au nord do cette île comme la presqu'île du Yucatau le ferme au sud. L'Étal de Floride, ancienne colonie espagnole, comprend, outre la presqu'île, la cote de la haie d'Apalache et de la baie de Pensacola, dans le golfe du Mexique jusqu'auprès de l'embouchure de l'Ala- barna. Il n'y a guère de carte qui ne contienne sur ce pays les erreurs les plus graves. La rivière Saint- Jean, qui est le plus grand cours d'eau de l'État, est généralement mal figurée. Elle offre ceci de particu- lier que, dans toute l'étendue des États-Unis, c'est le seul fleuve qui coule directement du sud au nord. Prenant sa source dans le sud de la presqu'île, elle coule directement au nord jusqu'à Jacksouville , c'est-à-dire pendant 200 milles, puis tourne vers l'est juste pur aller tomber dans l'Atlantique. Tout le pays est d'ailleurs coupé de rivières, de lacs, de bayous, d'étangs, de lagunes, qui facilitent l'inon- dation, et dont la principale est la lagune Okechibee. Pendant plus de 100 milles, le Saint-John ne fait que traverser ces lacs ; les Indiens l'appellent We- laka, Rivière des lacs, et elle a parfois 10 milles de k, ' B ?-' L'inondation qui couvre le territoire de la Floride chaque année, épargne une étendue environ égale à celle du Massachussetts , c'est-à-dire plus du cin- quième et moins du quart de la totalité. Elle empê- che à peu près toute culture dans les parties où elle petit atteindre ; mais en même temps elle entrelient les seules communications faciles, c'est-à-dire le flottage et la navigation, sur les innombrables cours d'eau et bayous qui coupent le pays. La principale industrie est celle des crackers, bû- cherons et fondeurs de bois ; jointe à quelques cultu- res et au commerce de la côte, elle donne une assez grande valeur à cet État, quoique sa population, d'abord décroissante, n'augmente que lentement, et que Jaksonville , sa principale cité, n'ait que dix mille habitants environ. Des villages de trois siècles d'existence, dont le nom est sur toutes les cartes, n'avaient que quatre maisons en 1868! Ce- pendant, outre l'importance qu'offrait la Floride pour compléter sa frontière du sud, le gouvernement des États-Unis ne crut pas faire une mauvaise affaire, commercialement parlant, quand il la paya aux Es- pagnols, en 1819, 15 millions de livres sterling, c'est-à-dire 575 millions de francs !... Le voyage en bateau à vapeur sur le cours supé- rieur de la rivière Saint-John est le plus curieux qu'on puisse imaginer. Tantôt la rivière n'a qu'une largeur moyenne. Tout à coup elle forme une lar- geur de 2 milles de large, puis une autre do 7 ou 8, puis un nouveau rétrécissement, et ainsi de suite à travers une flore et une faune qui se modi- fient graduellement. Au départ en effet, vers Jackson- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA. NATURE. 219 ville, ou se trouve dans un climat presque tempéré, le même que celui de la Géorgie et de la Caroline : des chênes magnifiques, des pins même bordent les rives du fleuve. Mais, à mesure que le bateau ô va- peur remonte lentement vers le sud, le climat et la ilore tropicale apparaissent. Car c'est là le caractère de la Floride : elle est comme une transition entre l'Amérique du Nord et les forêts vierges de l'Amé- rique du Sud. Le lac George marque la séparation des deux zones . À son extrémité méridionale, la rivière se rétrécit brusquement, et l'aspect des lieux change comme le décor d'un théâtre. L'esprit est d'abord confondu par la multitude des objets. C'est une mer de ver- dure, dans laquelle on ne distingue qu'au bout de quelque temps les curiosités les plus saillantes. Au milieu d'une profusion exubérante d'arbustes , de lianes, de plantes rampantes qui rappellent celtes du Sud-Amérique, ou retrouve des arbres qui avertis- sent encore qu'on est au nord de l'Isthme. D'im- menses noyers noirs, tout moussus, à coté de gom- miers, dos gins sur toutes les cimes, formant des festons dans le bleu du ciel, tout s'enchevêtre et se mêle. Puis, ce sont des cyprès dont le tronc noir ressort sur la verdure environnante, et des bouquets d'orangers avec leurs fruits dorés sur un feuillage somhre ; tout cela, les pieds dans le marais, les branches couvertes d'une multitude d'oiseaux qui volent de toutes parts. Naturellement la faune aquatique domine : ca- nards, poulcsd'eau, sarcelles, deudroevgnes, appar- tenant à ces jolies espèces que nous acclimatons maintenant en Europe. Profusion aussi de rapaces ; c'est le signe distinctif de l'Amérique! Sur chaque souche, au bord de l'eau, un faucon attend quelque foulque ou quelque canard pour son repas du soir. En l'air, l'orfraie (Falco haliœlus), trace des cercles immenses en guettant le poisson sur qui elle va plonger; pendant que l'aigle- à tète blanche, perché sur un cyprès, la guette elle-même pour lui voler sa proie. De temps en temps, une bande de vau- tours à tète noire et de vautours rouges prennent leur dîner sur un cadavre. Tout cela enveloppé d'un calme profond, et d'un silence qui saisit l'esprit. De loin en loin, le steamer s'arrête à un village, c'est-à-dire à un ancien poste militaire espagnol, qui renferme aujourd'hui trois cabanes et un bu- reau de poste. On dépose les lettres, ou prend du bois, et on repart. — Lo suite prochainement. — 0-^4 — . LES YILLES DU BENHIZAB Le pays qui s'étend au sud d'Ourgla, dans les steppes du Sahara, constitue un haut plateau dé- coupé de loin en loin par de profondes vallées, dont les thalwegs ne sont pas humectés par les pluies torren- tielles. Elles s'écoulent dans le sol sablonneux jus- qu'aux couches inférieures imperméables, où elles se conservent en abondance. L'eau manque donc à la surface dans ce pays de la soif; puisque ce n'est qu'avec des moyens artifi- ciels qu'on peut se la procurer. Le gouvernement français, voulant améliorer la condition des oasis du Souf, entre Biskra et Touggourt, y fit percer des puits artésiens, qui rendirent la vie à ces endroits desséchés. Il organisa aussi une expédition hydrolo- gique, dont la direction fut confiée à M. Ville, ingé- nieur des mines. 11 eonslata un système géologique uniforme, dans lequel le percement des puits peut s'entreprendre avec certitude de réussite, au grand bénéfice des indigènes. Les villes i=ont toutes à peu près semblables; bâties d'après le système guerrier des Mozabites, elles occu- pent les sommets des collines depuis le haut jus- qu'en bas. La mosquée élevée au point culminant est dominée par le minaret, d'où l'on jouit d'une vue superbe ; les vedettes peuvent voir de cet ob- servatoire les mouvements des ennemis dans la campagne. Les rues sont bien percées; les unes suivent les lignes de la plus grande pente, tandis que les autres serpentent dans le sens des courbes du niveau. Les maisons sont bâties en moellons cal- caires ou en grès. Elles ont à l'étage supérieur une rangée d'arcades donnant du côté extérieur, ce qui imprime à ces villes un cachet fort pittoresque. Une enceinte de murs crénelés, percés de portes fortifiées, entoure la colline qui sert de piédestal à la ville. Quel- ques-unes ont deux enceintes ; ce qui est dû plutôt à un dépincement de la ville primitive, qu'à un mo- tif défensif. Chaque maison se compose d'un corps de logis d'un étage, entourant une cour précédée d'une gale- rie. Les boutiques du quartier commerçant sont souvent dans des rues voûtées, qui, la nuit, sont éclairées par de petites lampes à l'huile, placées par les habitants dans des niches. Un homme aisé possède ordinairement deux maisons, l'une où se tiennent les femmes et l'antre où il reçoit ses amis. Les Mozabites ont en dehors de la ville des jardins cultivés avec grand soin, irrigués au moyen de tra- vaux remarquables de canalisation. Ils cultivent ainsi un grand nombre d'arbres fruitiers. Les plus communs sont les figuiers, les abricotiers, les pê- chers ; la vigne réussit très-bien. Les jardins de pal- miers al teignent souvent une grande valeur; quand un terrain est bien planté et possède un bon puits, il rapporte abondamment. Ces plantations offrent un aspect délicieux et des plus riants; elles abon- dent aux environs de la ville, qu'elles transforment eu vérilahles jardins. Ces peuples se gouvernent par leur* propres insti- tutions ; ils reconnaissent seulement, la suzeraineté de la France, en payant un faible tribut annuel. Dans chaque ville, il y a deux caïds, l'un nommé par la .Djqma (mosquée) et l'autre par l'autorité française. J. Gijuhd. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 220 U NATURE. PUBLICATIONS NOUVELLES tes Métamorphoses des insectes, par M. Maurice GmAen, docteur Î'S sciences naturelles, ancien président de la Société entomologirriic de Fruitée. — A' édition. Paris, 1874, Ha- chette et G". Nous n'aurions pas à parler de ce jn.-t.it ouvrage, déjà connu depuis quelques années et tmduit eu plu- sieurs langues étrangères, s'il n'était pas dan? la Fig. 1. — Cécidomye du fronipul; mile, femelle, larve, trts-grossis. destinés de ce genre de livres de se modifier conti- nuellement. Des faits mieux observés, des recherches nouvelles, amènent des changements qui augmen- tent l'intérêt de l'ouvrage et le rendent plus complot, plus étendu. Aussi nous nous contenterons du quelques inilica- FJp 3. -- Tonte des Céeidomyfis du froment el de leurs para- sitas — Larves rongeant les grains entre les glumes. — Grain attaqué, avec; deux nymphes, et grain suin- tions relatives aux additions très-nombreuses qui dis- tinguent cette édition des précédentes. Nous laisse- rons de coté les Mantispes, dont les métamorphoses Larve de puce du chut naissante, Irès-grossic. ont fait l'objet d'une découverte récente eu Autriche, par M. l'r. Iîrauer. Les Mantispes sont de charmants carnassiers aux ailes de gaze, avec des pattes ravis- santes recourbées en avant, comme chez les Man- tes, et dont les premiers états se passent à dévorer la progéniture des Lyooses, araignées errantes qui en- ferment leurs œufs dans un petit cocon de soie enfoui dans le trou de refuge, ou que la tendre mère em- porte sur son dos. Les Mantispes sont rares, peu de personnes les verront. Il y a intérêt au contraire à rappeler les travaux de M. Bazin, sur les Céeidomyes du froment. Ce sont de microscopiques Cousins qui, parfois, de juin à juillet, envahissent nos champs de blé, par myriades funestes. Les femelles sont d'un beau jaune citron, avec une longue tarière, qui doit s'enfoncer entre les glumes des épillets, et déposer l'œuf dans le jeune grain. Les mâles, bien plus rares, sont d'un jaune brunâtre, à ailes un peu enfoncées, sans tarière. Les larves, d'un jaune vif, dévorent et vident le fruit pré- cieux sans lequel nos sociétés modernes existeraient difficilement, puis courbées en arc et se débandant comme un ressort, se lancent sur le sol, où ellesde- viennent nymphes au pied des chaumes. L'ouvrage que nous citons représente, outre ces désastreuses Céeidomyes, de petits défenseurs de nos récoltes, des alliés aussi exigus que nos ennemis. Ce sont des Hy- ménoptères, de la famille des Prœtotrupides, qui savent chercher dans les épis attaqués les petites larves de la Cécidomyc, et pondent sous sa peau des Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 221 œurs,d'où sortiront les vengeurs du paysan, dévorant les entrailles do l'ennemi de la récolte, atomiques vautours de Prométhée. On peut dire que ces petits insectes à quatre ailes (les Cécidomyos n'en ont que deux) noirs, à pattes fauves, ignorés rie tous, sont de véritables agents providentiels, auxquels l'huma- nité a dû bien des fois sa préservation contre de hi- deuses famines. Une espèce de Ceci domye très-voisine ravage les blés en Amérique, et y a reçu le nom de Hessian fly (mouche de H esse), cas 1 elle fut importée avec les grains destinés à nourrir les troupes mer- cenaires de liesse, dans la guerre de l'indépen- dance. \MJjj^J Fijj. i. - Tûle {rvo>sie Je la larve naissante de la puce de l'homme et tubercule da profil. L'ouvrage de M. Maurice Girard se termine en présentant l'exposition de curieux détails observés sur les puces, par M.Balbiani. Si on peigne un ébat sur une feuille de papier, on fait tomber en abondance une imperceptible poussière d'œul's et de tout petits vers blancs, aveugles et sans pattes. Ce sont les larves de la puce du chat,. Ou peut les nourrir avec du sang caillé de divers animaux. Elles en rongent les mor- ceaux - avec avidité et bientôt une fine ligne rouge dessine le tube digestif sous leur peau transparente. 11 faut remarquer que les jeunes puces ont des mâ- choires et vivent de débris solides, taudis que les adultes sucent le sang liquide. La découverte impor- tante de M.Balbiani, c'est la présence sur la tète des larves naissantes de toutes les puces, y compris celle de l'homme, d'un tubercule brun et corné, qu'il avait précédemment observé sur les jeunes Fau- cheurs (Arachnides) sortant de l'œuf. Il sert à la façon de la mandibule supérieure du bec des jeunes oiseaux, à percer la coque de l'œuf ; la pointe fait un trou et la lave fend la coque comme un couteau le ferait d'une peau de tambour. Beau- coup d'animaux ont leur puce; tous ces insectes se rassemblent beaucoup, avec quelques différences spécifiques. Si on cherche dans les trous des vieux, murs des jardins des Loirs (Lérot des naturalistes) en somnolence d'hiver, on trouve leur douce fourrure remplie d'adultes et de larves d'une puce particu- lière, très comprimée, sautant mal; sa larve a aussi le tubercule frontal. LE LABORATOIRE DE CHIMIE DR SOUTH KESS1MGTOS MUSEUM. Ce laboratoire destiné aux lauréats de la Société des Arts, est sous la direction de M. Frankland, chi- miste trop connu pour que nous ayons à en faire l'é- loge. Les élèves, au nombre d'environ cent cinquante, sont partagés en deux classes, et occupent deux labo- ratoires. Lescnmmeuçants sont au nombre de 80 et les avancés au nombre de 60. Les uns et les autres re- çoivent du gouvernement une solde de 30 shellings (37 fr. 50) par semaine pour leur entretien en ville. Ceux qui ne travaillent pas convenablement sont re- merciés au bout de la semaine. fies jeunes gens se destinent généralement à la profession de maîtres d'école, qui est lucrative s'ils obtiennent du succès dans leur enseignement. F.u effet, le gouvernement leur accorde une prime, cha- que fois qu'un de leurs élèves passe des examens sa- tisfaisants tant pour le premier degré, et tant pour le second degré. Si nous cherchons en France quelque chose d'a- nalogue, nous devons remonter aux cours pour les instituteurs, organisés par M. Duruy au Jardin des piaules. Les installations ne sont point encore complètes, mais cependant elles le sont assez pour que le tra- vail inarche d'une façon satisfaisante. Chaque élève possède un appareil pour faire le vide à l'aide d'une sorte d'écoulement d'eau imaginé par M. Bunsen. 11 a, de plus, à sa place un tuyau pourl'cau ordinaire, un tuyau pour l'eau distillée, un tuyau pour la vapeur d'eau. Il y a eu outre une étuvu à la température de 100 degrés par chaque couple d'élèves. L'oxygène, préparé eu grand avec le chlorate de potasse, est renfermé dans un gazomètre. Les préci- pitations par l'hydrogène sulfuré s'exécutent dans une chambre spéciale. Cette chambre renferme onze ca- ses fermées par un châssis vitré. L'acide sulfhydriquc qui se dégage derrière les carreaux est entraîné au dehors par un courant d'air, et l'atmosphère de la salle renferme à peine des traces de ce gaz délétère. L'appel d'air nécessaire à l'enlèvement rapide de l'acide sulfhydriquc une fois le cadre soulevé, s'ob- tient à l'aide d'un bec de gaz. Les gaz expulsés se précipitent dans un gros tube qui les mène au dehors. Les balances sont dans une chambre à part, ainsi que les appareil* de M. Frankland pour la mesure directe des volumes de gaz. Cet appareil est analogue à celui de M. Regnault,. cependant il en diffère par Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 222 LA NATURE. quelques dispositions ingénieuses qu'il est iinpossi- Me de faire comprendre dans une description som- maire. Il n'y a pas d'appareil permanent pour la produc- tion de l'électricité. C'est évidemment une lacune qu'on ne tardera point à combler. Chaque catégorie d'étudiant possède une chambre de balances et une bibliothèque considérable renfermant tous les ou- vrages nécessaires. 11 y a encore une salle d'examen et un amphi- théâtre pour les cours avec un laboratoire particulier pour le professeur et un cabinet pour les appareils. CHRONIQUE La laque dn Japon. — On a pensé jusqu'à présent que la beauté de la laque du Japon tenait à l'emploi de sacs de plantes inconnues. Cependant, en Hollande on fa- brique des objets eu laque incrustée- de nacre à la ma- nière japonaise, cl qu'on pensait venir du Japon. Il n'est pas sans intérêt de donner un court aperçu de cette fabri- cation, dont la perfection ne dépend pas seulement de la nature de la laque employée, mais aussi du travail lui- même. La laque est préparée avec les variétés les plus dures dccopal, notamment le copal de Zanzibar, qu'on co- lore en noir par l'encre de Chine. Ou recouvre les objets de plusieurs couches de cette laque On opère l'incrusta- tion de la nacre sur la dernière, couche pendant qu'elle est encore pâteuse. On sèche au four, on dépose une nouvelle couche de laque, et, après une seconde dessiccation, on ponce les surfaces ; on répète celle dernière série d'opé- rations jusqu'à ce que les surfaces soient bien unies. 0:i polit finalement au tripoli. La peinture et l'incrustation de la laque dépendent évidemment do l'habileté et du goût de l'artiste. Fertilisation des dunes de Uantxig- — Sur les bords de la mer Baltique, au milieu des collines sablon- neuses où ne poussent qu'une herbe maigre et quelques chardons, sur la gauche du village de Huuhudo, on aper- çoit une vaste plaine de '2,001) arpents où poussent à l'cnvi des betteraves, des choux, des choux-fleurs, des raves, des carottes, des oignons et des fraises, et tous, légumes, fruits ou plantes, atteignent des proportions véritablement étonnantes. Ce sont des prairies d'irrigation, Reisefeldcr, fécondées au moyen des immondices de ta ville de Dantzig. Les matières contenues dans les fosses d'aisances de la vil c gint entraînées par un système d'éguuls qui viennent se déverser dans un puissant collecteur, lins pompe à va- peur, établie dans l'île de Krœmpe, pousse ces matières, fortement étendues d'eau, dans un canal souterrain eu fur qui remonte à une lieue de la ville à la surface du sol, et se prolonge en un conduit largo de 0™,75 élevé sur de solides madriers, et qui entraîne à la mer les immondices à travers les champs dont nous avons parlé plus haut. Le dislance en distance, des branchements viennent se souder au canal principal et, au moyen de barrages, qu'où lève sans qu'il soit besoin de procédés mécaniques, répandent sur les champs en contrebas un en- grais fertilisateur. Çès qu'on a établi sans grands frais ce système de ca- naux en bois, on noie les terrains qu'on veut féconder, et on les laisse assez longtemps sous l'engrais liquide pour qu'ils en soient pénétrés à une profondeur suffisante. C'est a'ors seulement, lorsque le terrain ayant pompé tout l'en- grais s'est raffermi, qu'on peut Taire les semences ; il faut de plus renouveler l'irrigation à l'époque des plus fortes cha- leurs. L'Illustrirte Zeitung, de Leipzig, nous apprend que cette entreprise a été affermée pendant trente ans, au bout desquels ces terrains incultes, devenus, grâce à ce système d'engrais, aussi fertiles que de véritables marais, feront retour à la ville. D'autres villes, en Prusse, telles que. Ber- lin et Breslau, ont son^é à mettre ce système en pratique, mais il est trop récent, et les premiers frais d'établissement d'égouts et de collecteur sont trop considérables pour qu'on puisse préjuger des résultais qu'on pourrait obtenir dans les terrains qui ne seraient pas aussi secs et arides que les environs de Danlzig. I/RNs^etiement dt*s marnls de Feirare, — On dispose en ce moment à Codogoro, près Ferrare, sur les bords du Pô, un assemblage de pompes tel qu'il n'en existe probablement nulle part au monde. Les machines à vapeur destinées à les mouvoirdévelopperonten total une, force de 2,000 chevaux. Il y a huit pompes accouplécsdeuxâ deux et mues par quatre machines. L'étendue qu'on a proposé d'assécher est d'environ 450 kilomètres carrés. Les -ma- chines sont du svslètne Wolf modifié, avec réservoir inter- médiaire entre les cylindres- Chacun des peits cylindres a 50 centimètres de diamètre ; le diamètre des grands cylindres est de 1",18 ; la course commune est de GûO millimètres. L'arbre des machines est eu acier, il sert aussi d'arbre pour les pompes, son diamètre est de 210 millimètre s. Les condenseurs offrent chacun une. surface refroidissante de 70 mètres carrés environ, à travers la- quelle passe une partie de l'eau refoulée, par les pompes. Chacune de ces dernières est contenue dans une enveloppe qui a 4 ,n , 5fï de diamètre. Les chaudières, au nombre de dix, ont chacune deux fourneaux pourvus des tubes Gallo- way, c'est-à-dire des tubes qui mettent en communication la lame d'eau du dessous du fourneau avec la lame d'eau du dessus. La surface do chauffe de chaque chaudière est de 68 mètres carrés, la surface de grille est de 1",W. La pression de la vapeur sera de A"' 2/5 cl les machines tourneront à une vitesse de 115 tours par minute. Le travail à accomplir consiste à enlever un peu plus de 2,052 ton- neaux d'eau par minute el à l'élever à une hauteur moyenne. de 2™ ,14 ; la hauteur maximum sera de 3*", 05 pour que les eaux puissent se frayer un passade vers l'Adriatique. Ce débit, par jour, équivaudra à fois la quantité d'eau fournie quotidiennement à Londres. Les pompes et les machines sont fournies par JIM. Guynne, constructeurs à Ilammersmith. l,en Incendie» n Londres, — Le Pantccbnicon de Londres a été dévoré par un terrible incendie donl les causes sont encore loin d'avoir été déterminées. Les pertes sont considérables. Klles eussent été moins désastreuses si le service des pompiers eût été organisé comme il convient dans une ville aussi importante que Londres, car celte im- mense métropole ne possède actuellement que 396 pom- piers. Le district métropolitain possède 20 pompes à vapeur sur lesquelles 13 se trouvaient sur le lieu du sinistre, 2 sont des pompes flottantes, 2 étaient en réparation. ]1 n'y avait donc que. 5 pompes disponibles dans le cas où le feu se ferait déclaré ailleurs, par exemple dans les docks de Londres, pendant celte terrible conflagration. Pendant que le Pantccbnicon brûlait il n'y avait que 89 pompiers dispo- nibles pour tout Londres, dispersés dans 56 stations avec Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 223 80 pompes à bras et les 3 pompes à vapeur dont nous ve- nons de parler. Une coïncidence, analogue est d'autant plus à redouter que les statistiques nous montrent qu'il éclate en moyenne 9 incendies par vingt-quatre heures dans la métropole bri- tannique, et que la plupart de ces incendies ont lieu tît; 9 heures du soir à 2 heures du matin. Si les Anglais l'emportent sur nous au point de vue mé- canique, il est clair qu'ils sont loin de nous dépasser comme organisation du service. Chaque pays a quelque chose de bon à urendre eL à imiter chez ses voisins. ACADEMIE DES SCIENCES Séance du 2 mars 1874. — Présidence de M- HivnTn.cn, Théorie des trombes. — Déjà nous avons exposé ici la théorie imaginée par M. Faye pour expliquer Je phéno- mène des trombes. Le savant académicien revient aujour- d'hui sur le mémo sujet pour montrer comment les ob- jections opposées à sa manière de voir peuvent être com- battues. Kous avons trouvé un intérêt tout particulier à cette communication où l'auteur fait surtout appel à des moyens d'information qui, en définitive, sont du domaine delà géologie comparée. En effet, pour rendre compte du phénomène des trom- bes on a émis quatre supposilinns, défendues chacune avec la même upiniâtrelé et sans qu'il paraisse possible de décider laquelle mérite la préférence. L'une veut que l'air, dans la trombe, soit précipité de haut en bas ; ia seconde, qu'il soit aspiré au contraire et s'élève vers les régions supérieures de l'atmosphère; suivant le troisième, cet air tourne rapidement autour de l'axedu météore ; enfin, pour le dernier la rotation n'a pas lieu. Cela rappelle, comme l'a remarqué M. Fave, toutes les suppositions bi- zarres dont la marche dos astres a été l'objet, et s'explique par ce fait que, si la trombe peut être examinée sous tou- tes ses laces, latérales et inférieures, sa partie supéiieure est sous:raite à notre observation. « On ne peut pas monter dessus » dit M. Faye. lit il ajoute; « lloi j'ai monté des- sus, n C'est-à-dire que notre compatriote a eu l'idée, pour voir une trombe par-dessus, d'aller en chercher dans un astre autre que la terre ; c'est, comme on voit, de la vraie géologie comparée et le succès a pleinement justifié la hardiesse de l'entreprise. Que l'on suppuse un observateur élevé de 20 lieues par exemple au-dessus de la surface terrestre et observant une de nos trombes. Que verra-l-il? D'abord une couche nua- geuse brillante ; Fuir supérieur à ces nuages sera invisible de même que les mouvements dont il peut être animé. A l'endroit où existe la trombe, l'observateur apercevra une vaste région déprimée, moins éclairée que la couche de nuages, et avant parfois jusqu'à 1 kilomètre de diamètre et même plus. Enfin, au centre de cet entonnoir, d'autant plus sombre qu'on se rapproche de sou fond, il constatera l'existence d'une lâche tout à Tait noire, répondant à un trou. Or, ces apparences sont rigoureusement celles que nous offrent les taches solaires, l'our M. Faye, les taches solaires sont des trombes, et c'est sur cotre astre central qu'il faut aller étudier les particularités du phénomène Urreslre que notre situation ne nous permet pas d'obser- ver directement sur la terre. C'est en parlant de ces considérations, dont la portée philosophique frappera tout le monde, que M. Faye a pu préciser toutes les circonstances dont s'accompagnent les trombes. Dans une intéressante analyse, que nous ne pou- vons reproduire ici faute d'espace, il montre l'étroite ana- logie de ces phénomènes avec les tourbillons qui se mani- festent dans les cours d'eau et explique, en réponse aux questions de M. le docteur Rêve : -1° d'où vient la force motrice qui anime la trombe d'Un mouvement giratoiic; 2° comment la trombe descend du nua^e à mesure que sa vitesse de rotation augmente, pour y remonter quand celle-ci diminue; 3° enfin comment le météore a né- cessairement une forme conique. L'auteur montre aussi comment les condensations de vapeurs, dues à l'aluni d'air froid venant des régions supérieures, rendent le phé- nomène visible, et il donne en même temps, des trombes interrompues sur une certaine longueur, une explication des plus élégantes. Gêomà'rie, — Dans un mémoire qu'il résume lon- guement, M. Chasles cherche à faire apprécier 1ous les avantages que les géomètres peuvent espérer de l'em- ploi du principe de correspondance; on souhaitera que Vrain Lucas su soit abstenu de coopérer à Cette der- nière. Météorologie du Sahara. — Après une absence de deux mois, M. Charles Sainte-Claire Deville rend compte de la mission méléorologique qu'il était allé remplir à Biskra et à Tuggurt. Dans chacune de ces stations on a établi un ob- servatoire, identique à celui de Montsonris; les mêmes instruments y sont dre.-sés avec la plus grande régularité. C'est JI. le capitaine flogel qui dirige l'observatoire de Itiskra et M. le docteur Auilet, médecin aide-major, celui de Tug- gurt; ce dernier est, d'après M. Deville, dans une situation presque parfaite, entouré d'une quantité suffisante de vé- gétation, cl préserve des influences rayonnantes. Quant aux résultats, ils comprennent déjà des observations con- tinuées pendant tout le mois de janvier, et M. Deville y voit la promesse de découvertes importantes. Avant de quitter la météorologie, le savant inspecteur général des établissements météorologiques de France et d'Algérie pronostique l'arrivée du froid, du S au 13 mars. Qu'on se I e dise ! Fossiles d'Oran. — Le même académicien dépose sur le bureau un volume in-4° ilo la description des fossiles de la province d'Oran, par M. fomel. Faisant allusion à des bruits en circulation, il émet le Vuiu que. ce paléontolo- giste ne soit pas arraché à sa résidence et par conséquent à ses travaux.' « Ce serait en effet un acte de vandalisme, ■ reprend vivement M. Elie de Beaumont, et tout le momie partagera cette opinion. M. l'omcl, avec des moyens d'action très— restreints, est airivé, grâce à son ïèle, à rendre à la science des services de première valeur. Il imprime à Oran, dans le format in— i% l'ouvrage que nous citons, dont les nombreuses planches sont dessinées avec beau- coup d'exactitude par mademoiselle l'omcl. On remarque, entre autres celles de ces planches qui représentent 125 espèces de polypes et de spongiaires, tellement sem- blables à ceux du terrain crélacé moyen et supérieur de la Touraine, qu'on serait porté à attribuer le même âge aux couches africaines qui les renferment. Or ces couches dépendent du terrain miocène inférieur ! Fait analogue à celui observé dans diverses autres conditions et dont la paléontologie tirera sans doute de bien grands enseigne- ments. Tétanos guéri par le cklorat. — F.n injectant le chlorat Droits réservés au Cnam et à ses partenaires in LA NATURE. dans les veines d'un homme atteint de Lolarios, M. Oré a vu récemment ce malade, en apparence voué à une mnrt certaine, rentrer rapidement dans les conditions normales, M. Bouillaud, rendant compte) à l'Académie de ce résultat, s'écrie aujourd'hui : « Honneur à l'opérateur et louange au chlural. ■ — Nous ajouterons : t Compliments au con- valescent. » Stamslas Mecxieh. SL T R UN NOUVEL APPAREIL FOUR lIHUEUISTllKn LA DIRECTION DES KUARES. J'ai eu besoin, pour des recherches queje poursuis depuis quelque temps, d'obtenir les directions des vents supérieurs avec une exactitude plus grande que celle que l'on a l'habitude d'exiger des observa- teurs. J'ai combiné, pour résoudre le problème, un nouvel anémographe qui rne paraît de nature à ren- dre service aux météorologistes. Soit une planchette fixée sur un pied, de 30 cent, de longueur sur 20 de largeur. Une glace dépolie, posée verticalement à angle droit, partage ce plan en deux parties égales. Le côté gauche du plan est recouvert par une glace étamee; le coté droit par une feuille de papier. Les nuages qui passent au- dessus de la glace horizontale s'y réfléchissent ; en même temps l'observateur voit leur image à travers la vitre verticale se projeter sur la feuille de papier. Il suffît de suivre leur trace avec un crayon pour fixer leur parcours avec précision. Sur la glace étaniée est gravée une rose des vents qui se reproduit sur le papier. La planchette porte elle-même une petite boussole. On peut donc très- rapidement obtenir à uu degré près la vraie direction des nuages. Ce dispositif offre l'avantage de laisser dans les mains de l'observateur une ou plusieurs traces de la direction azimutale des vents. Henri de Parville. Tiaiinvay ù valeur e.^i^riiiiLiitd û Lonili' 1 -! TRAMWAY A YIPELÏR A LONDRES L'omnibus à vapeur dont nous donnons la repro- duction exacte, a été construit à Londres. Les essais récemment exécutés entre Victoria stalionvl Waux- hall-bridge ont réussi d'une façon satisfaisante. Comme on le voit, la construction est très-simple et l'omnibus à vapeur n'occupe pas beaucoup de place, puisque la machine, de la force de trois che- vaux, n'est point séparée de la caisse réservée aux voyageurs. La manœuvre est très-facile et très-sûre. Malheureusement les mouvements de trépidation produits par les changements brusques de direc- tion Av. pistou se fout sentir aux voyageurs d'une façon gênante. Ces chocs répétés sont moins faci- lement perceptibles quand la machine est séparée, mois il est clair que dans ce cas la simplicité de construction est sacrifice et que les poids à traîner sont plus considérables. Ces petits omnibus seraient évidemment le triom- phe des machines rotatives si l'on parvenait à les construire avec une économie suffisante. C'est à ce service que les moteurs électro-magnétiques seraient réservés spécialement si l'électricité qui les anime pouvait être produite à assez bon marché, et si l'on avait trouvé moyen du se débarrasser des effets des- tructeurs de l'étincelle. Ces moteurs urbains ne sont jamais destinés à re- cevoir une grande vitesse. 11 faut que le prix de l'en- tretien et du combustible soit inférieur à celui du fourrage des chevaux de trait. Le Propriétaire-Gérant : G. Tibsamheii. ( Ll lbil. — l'\p. cL5l Ctifing et Eng ËuLkcr, les deux trères Siamois, liés à Siain, eu lSlt, inmls au* ËLtLs-Unis, en janvier 1874, offrir une corvformatlon assez robuste, l'autre, plus petit, Eng, affectionnait la position penchée que nous représentons, il était légèrement courbé, et semblait moins solidement constitué que son frère. Les détails que nous recevons sur la mort des deux Siamois sont horribles. L'un d'eux avait poussé le dernier soupir, et l'autre respirait encore. Pendant 1 ¥ay. il" Su, p. K.O. 3* Hune. — ■ \' r KtutAtt. deux heures consécutives, le survivant est soudé, non plus à un frère, au compagnon de sa vie, à l'ami qui a partagé ses émotions de tous les jours et de tous les instants, mais à un cadavre dont il va fata- lement, tout à l'heure, partager le trépas. L'émotion est si terrible, si violente, que le malheureux ne tarde pas à perdre connaissance ; cet effroyable lien '- \oy. MUlie-Chrtitine, n s 31, p. 05 iî> Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. que rien n'a pu rompre, et qui sa vie durant, l'a at- taché à un vivant, le lie désormais à une tombe! Après de nombreuses difficultés, la famille des frères Siamois a enfin consenti à ce qu'on fasse l'au- topsie des corps. Les journaux américains, et noLum- menth Scœnlific American, nous apprennent que les restes des deux jumeaux ont été transportés à Phila- delphie. C'est une commission composée des docteurs Pancoast, Allen et Andrews, qui, à la suite d'une visite faite à la résidence des frères Siamois, est par- venue à surmonter les scrupules des deux familles. Les corps, qui avaient été mis dans des cercueils garnis de charbon, ont été retirés de leur sépulture temporaire et examinés avec un soin particulier. Il ne s'était produit que peu de changement dans leur apparence, mais comme on craignait que la décompo- sition se fasse sentir rapidement, les médecins déci- dèrent d'ajourner l'opération jusqu'à ce que les restes lussent transportés à Philadelphie, où l'on aurait toules les facilités pour se livrer à un examen complet. Ou fit tirer un certain nombre de photographies, on compléta un embaumement partiel, puis les corps furent enfermés dans une caisse de zinc, imperméa- ble à l'air, et transportés à destination. La dissection doit être terminée à l'heure où nous écrivons ces li- gues, mais les détails de cetle opération ne sont pas encore arrivés en France d'une façon assez complète pour que nous en donnions le résumé. Nous espé- rons pouvoir les offrir à nos lecteurs, dans une pro- chaine livraison. La question la plus importante, relative au pont de chair qui unissait les fières Siamois, sera résolue aussitôt que le bistouri aura tranché la ligature qui unissait les deux frères. On est porté à supposer, dès à présent, que celte étrange ligature contenait une grande artère et quantité de veines, qui rendaient la circulation identique dans les deux corps. Cette opinion était celle de plusieurs chirurgiens anglais émiiients, parmi lesquels nous citerons sir Benjamin lïrodie; elle semble être confirmée par le fait d'une compression de la ligature quia causé l'évanouisse- ment du frère le plus faible. D'un aulre côté, on peut s'appuyer sur l'autorité de Néluton, qui avait tou- jours été d'avis que la séparation aurait pu être exé- cutée sans danger. Les médecins de la famille, des deux jumeaux avaient aussi la persuasion que la cir- culation dans chaque corps était entièrement indé- pendante. L'autopsie nous éclairera définitivement sur ce point si intéressant, et nous apprendra si Eng est décédé sous le coup de l'émotion causée par la mort de son frère, ou par suite de l'interruption du mou- vement circulatoire. Gasiom Tissaisuieb. QTJETELET Nous avons le regret d'annoncer à nos lecteurs la mort de ce savant, directeur, depuis quarante-huit ans, de l'Observatoire de Bruxelles, dont il dirigea la construction. Né le 22 février 1796 dans la ville de Oaml, il n'avait à cette époque que vingt-huit ans. C'est à Paris que M. Quetelet lit ses études astro- nomiques pendant les deux années 1824 et 1825. Son éducation eut lieu aux frais du gouvernement hollandais. Mais la révolution belge ne fit qu'accroî- tre le crédit dont il jouissait déjà, etilfut nommé par Léopold I er directeur de l'Académie de Bruxelles. Il exerçait cette haute fonction lors de son décès. M. Quetelet est surtout recommaudable par les recherches qu'il a exécutées sur les étoiles filantes, dont il était un des observateurs les plus zélés. Mais les idées théoriques qu'il professait sur cette partie de la physique céleste ne lui survivront probable- ment pas. M. Quetelet a publié, dans Y Annuaire de l'Obser- vatoire de Bruxelles, une série de données très- intéressantes sur le climat de la Belgique. Ce savant est un de ceux qui ont le plus fait usage de la sta- tistique et du calcul des probabilités. On lui doit sur ces matières des publications étendues. Il ne négli- geait l'observation d'aucun phénomène céleste. Quoi- que astronome de profession, il savait apprécier l'ob- serva t ion des météores qui sont trop souvent dédaignés dans d'autres établissements. Il appartenait à l'Académie des sciences en qualité de correspondant depuis un très-grand nombre d'an- nées, et s'était lié d amitié avec un grand nombre de savants français. Mais il était d'un caractère timide, craintif même, et doux. Bans les questions qui agi- taient ie sénat académique dont il dirigeai! les déli- bérations, il s'appliquait surtout à éviter les orages, que dans le domaine de la nature il excellait à ob- server 1 . Outre ses ouvrages scientifiques, il a écrit quelques essais littéraires qui no sont point dépourvus de mérite, 11 a même publié des pièces de vers que nous n'avons pas eu l'occasion d'apprécier. Comme on le voit, il courtisait plus d'une muse et ne réser- vait pas tous ses hommages à la seule Uranie. Il laisse un (ils qu'il a associé depuis quelque temps à tous ses travaux. UN NATURALISTE EN FLORIDE (Suite et fin. — Voy. p. 218.) Les habitants des stations perdues dont nous avons parlé précédemment, sont dépeints par M. May- nard.Le voyageur parle surtout des deux plus beaux types qu'il lui ait été donné d'examiner dans la race des crackers ou fondeurs floridiens, qui occupent ces wooding&slations ou stations d'exploitation du bois. a L'une des woodings -stations du Saint-John su- 1 Consultcî par un aéronaule français qui lui demandait, pen- dant la guerre franco-allemande, de lui envoyer la direction probable (les vents, M. Quetelet refusa pour ne point s'eipo=cr à rtmiprc la neiitrilitô belge. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 227 pêrieur ne contenait qu'une liabil ation. Là, vint à Lord un des types les plus bizarres de l'espace hu- maine, sous !;i forme d'un long et maigre individu, v(Hu en tissu du pavs. D'une main il tenait une cara- bine à l'ancienne mode, et de l'autre il conduisait un cheval de belle apparence, sur lequel était posée une large selle, avec une valise d'un côté et un étui à hache de l'autre. Cet être singulier portait pendue au cou une corne servant de poire à poudre; ses cheveux noirs natés lui tombaient sur le dos, et une barbe inculte lui descendait jusqu'à la ceinture. Une paire d'yeux sinistres brillaient sous ses sourcils touffus et mêlés, ombragés d'un chapeau rabattu. C'était évidemment un chasseur de profession. « A l'un de nos arrêts, nous mîmes à terre un petit homme desséché, dont la tournure laissait sur son âge les plus gravides incertitudes- 11 pouvait avoir vingt ans aussi bien que cinquante,. C'était un de ces types comme le Rip Van Winkle de Washington Irwiug, qui peuvent sans inconvénient dormir clans je désert pendant un ou deux âges d'hommes, se le- ver à demi réveillés, et se remettre à rouler par le monde sans paraître ni plus ni moins desséchés et moisis qu'auparavant. Les hommes de cette espèce ont, dans leur enfance, jils-te assez de chair pourcou- vrir leurs os. A mesure qu'ils grandissent, cela augmente un peu ; puis, à un certain âge, cela se durcit: le temps verse sa glace sur leur tête, aiguise sa faux rouillée contre leurs jambes : cela n'y fait ni plus ni moins, ils n'en sont pas plus vieux d'une heure. « Telle était la tournure de notre bonhomme. Il portait un costume très-saie en tissu de coton du pavs, avec une sacoche de même étoffe pendue au coté. Sa figure, qui ne prévenait guère en sa faveur, était à moitié cachée par un vieux chapeau d'écorce, duquel s'échappait une toison pareille à de la filasse pendant en écheveaux embrouilles. Ses pieds nus fourrés dans dos souliers à large semelle complétaient le type du cracker du plus bas étage. » Voilà, avec quelques Indiens Séminoles disséminés dans les bois, avec un faible élément vankee dans les grandes villes et quelques restes espagnols dans les ports, la population de la Floride. Quant à sa faune, elle est surtout curieuse comme animaux aquatiques. Nous avons déjà 1 entretenu nos lecteurs de la curieuse expérience tentée au jardin zoologique duCeutral-Park, New-York, sur le Laman- tin (Manatus americanus), que l'on a réussi à faire vivre plusieurs mois en captivité. L'individu ainsi conservé venait de la Floride, ce qui marque bien le caractère de faune de transition observé dans ce pays, car le Lamantin vit généralement dans les grands fleuves de l'Amérique du Sud, le plus souvent à leur embouchure. L'alligator {Alligator misissipiensis) , commun dans une grande partie du Nord-Àméiïque, l'est particulièrement en Floride. C'est même l'amuse- 1 Yoy, la Nature du 13 déceuiLra 1873, p. 18. ment des passagers sur les steamers, de le tirer du pont ou des passerelles: il n'est pas vrai que la balle d'un bon fusil ordinaircricochesur sa carapace, elle y pénètre parfaitement; seulement l'animal ne s'en soucie guère, et, si on veut le tuer, c'est dans la tête qu'il faut l'atteindre. L'œil est l'endroit le plus propice, purée que l'armure, très-forte sur le reste de la tète, n'est pas là pour affaiblir la péné- tration. A côté de l'Alligator, err sa qualité de pays de transition, la Floride offre le caïman (Alliyator patpebrosus), propre à l'Amérique du Sud; il est plus féroce, mais plus rare; M. Mayuard ne l'a vu qu'une fois. Nous ne pouvons mieux faire que d'emprunter au voyageur le récit de son plus remarquable l'ait de chasse et de zoologie, tel qu'il l'a adressé au Forest and Stream, de New-York. « Nous étions trois, dit-il, traversant à pied le pays qui s'étend entre le lac Haruey et la rivière in- dienne, lorsque nous nous trouvâmes dans un épais marécage. En passant au travers, nous aperçûmes un énorme saurien, ressemblant à un alligator, et couché dans un petit courant juste à droite de notre chemin ; il semblait dormir. Nous nous approchons de lui, et nous lui envoyons deux coups de carabine l'un sur l'autre. Les balles le touchent en avant de l'épaule, à deux pouces de distance, et le traver- sent de part en part. A ce double coup, il parut lutter violemment contre la souffrance, frissonnant et se tordant; puis il ne bougea plus... Nous accou- rons et nous le trouvons couché sur un lit de plantes aquatiques, la tête tournée vers nous. Pour prévenir tout retour à la vie, nous ouvrîmes sur-le-champ la jugulaire.... « Cette opération peu délicate fit sortir des fentes ouvertes dans sa gorge deux glandes d'un aspect sin- gulier. Klles étaient rondes, et ressemblaient à un oursin de mer, couvertes de petites protubérances. Elles avaient la grosseur d'une muscade et exha- laient une forte odeur do musc. « Nous mesurâmes notre bête. Elle avait dix pieds de long, tandis que le corps était plus gros qu'un baril de farine. Ses énormes mâchoires avaient trois pieds de longueur, et, toutes grandes ouvertes, au- raient parfaitement pris un homme tout entier. Elles étaient armées de dents blanches et pointues. Les canines, en forme de défenses de sanglier à la mâ- choire inférieure, sortaient par deux trous de la su- périeure ; ce qui nous prouva que nous avions ren- contré, non pas un Alligator commun, mais un vrai crocodile (Crocodilus acutm). Ce n'est que la se- conde capture de ce genre faite aux États-Unis. » Trouver en effet dans l'Amérique du Nord un animal exclusivement propre aux Antilles, c'est une curiosité zoologique aussi rare qu'intéressante ; et il faut aller en Floride pour voir un tel exemple du mélange des faunes les plus diverses. Avions-nous tort de dire que ce pays réservait aux naturalistes des surprises nombreuses et des observations presque uniques? Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 328 LA NATURE. LE PAYS DES GEYSERS ATJX ÉTATS-UNIS. Le gouvernement îles Etals-Unis a envoyé, à deux reprises successives, des expéditions scientifiques pour explorer les régions du Montana et du Wyoming, où se trouvent ao- cumulés des phénomènes éi'upttfs d'um: i m p o r t a n e e sans précé- dents. La ré- giou des gey- sers se trouve située dans les bassins des ri- vières Yellow- stow, Fire- Ilole , Snake , Gallatin ; aux environs du lac Soslione, du lac Henri et d'au- tres petitesnap- pes d'eau, éle- vées de 2,300 mètres au-des- sus du niveau de la mer; el- les forment le point de par- tage entre les eauxquis'éeou- lent dans l'o- céan Atlanti- que, d'un côté, et dans l'océan Pacifique de l'autre. On ac- cède à la région des geysers par Je chemin de fer du Pacifique , que l'on quitte à Cheyenne, Cette contrée volcanique est entrecoupée de vallées encaissées, où se dressent des aiguilles de basalte et de trachyte, simulant au loin des ruines fantastiques. Les géologues la considèrent comme une réunion d'anciens cratères volcaniques, dont les seules traces d'activité se manifestent par les éruptions geysérienues. Les tremblements de terre y sont fréquents, car l'expédition eu a constaté plu- sieurs; aussi les Indiens évitent-ils ce lieu maudit. Le nombre des sources jaillissantes y est considéra- ble; ou les compte par centaines, sur un espace de ,">, 0(10 kilomètres carrés. Vus des hauteurs voisines, les jets de vapeur qui s'échappent de tous cùtés donnent à ces vallées l'aspect d'immenses fours à chaux. Ils se trouvent tantôt -ur le bord dus ravins , tantôt au milieu des sombres mas- sifs de sapins. Les uns s'épan- chent douce- ment à Heur de terre, les au- tres sortent, en grondant d'un bassin d'eau bouillante. Ces trous remplis d'eau chaude existent même si près des lacs, qu'un membre de l'expédition ayant péché un poisson, le lit cuire au bout de sa ligue , dans l'eau bouillante d'un geyser voisin. La tempéra- ture des sour- ces varie de 0 de diamètre sur m ,80 de course. L'eau est élevée à 7), : i mètres do hauteur, dans le lac de Gravelle, pour alimenter les lacs et les rivières artificiels du bois de Vincennes. L'ascension s'effectue au moyen d'une conduite en foute de IO ,C0 do diamètre et de 1 ,510 mètres de longueur. Sous la chute maxiina de G mètres, la turbine marche à raison de SI) tours à la minute, réduits par la transmission à 11) tours sur les pompes. Le vo- lume d'eau élevé au bois de Vincennes est de 15,000 mètres cubes par 24 heures. Lorsque la chute dimi- nue, cet effet, au point de vue de la force motrice, est eu grande partie compensé par l'accroissement du volume d'eau derivière; 2° De deux autres systèmes de turbine et de pom- pes semblables au premier, sauf le diamètre des pompes qui est un peu moindre. L'eau est refoulée dans une conduite en foute de0'°,80 de diamètre et de 8,500 mètres de longueur. Cette conduite tra- verse diagonalemcnt le bois de Vincennes, suit la grande avenue deViucenncs et laroute militaire, jus- qu'au delà de la porte de Cagnolet, pour aboutir à l'étage inférieur des réservoirs de Mcuilmonlant, à 67 mètres au-dessus du niveau de l'aspiration. Chacun de ces systèmes peut élever suivant la hauteur de la chute, de 7,000 à 5,000 mètres. cubes d'eau par 24 heures ; 5° De quatre roues en fonte de H^CO de diamè-. 4 Deux magnifiques volume* in folio riclicmeut illustré». -» J. Rothschild, éditeur. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 234 LA NATURE. tre, dites roues turbinesà axe horizontal du système Girard. Chaque roue faisant 6 à 9 tours par minute, est directement attelée à une pompe horizontale à piston plongeur et à double effet, semblable aux pré- cédentes. Elle produit une force brute de 120 che- vaux sous la chute maxima de 5 mètres, et monte aux réservoirs 8,000 mètres cubes par 24 heures. Ce volume est réduit à 5,500 mètres cubes dans les hautes eaux. En résumé, les machines travaillant toutes ensem- ble peuvent élever en 24 heures : Au bois de Vineennes. . 15,000 à 10,000 m. c. Aux réservoirs de Ménil- montant 46,000 à 52,000 — 59,000 à 42,000 m. c. Ajoutons que cette simultanéité de marche est ex- ceptionnelle. Le volume maximum n'a guère dépassé jusqu'à ce jour 50,000 mètres cubes en 24 heures. I.a gravure que le lecteur a sous les yeux repré- sente la partie la plus grandiose et la plus intéres- sante de l'établissement hydraulique de Saint-Maur. Klle reproduit le mécanisme élévatoire qui refoule l'eau dans le vaste conduit des réservoirs de Ménil- montant. LES VAMPIRES" 1)0 JAHDIS DES PLANTES. Dix vampires ont été tout récemment envoyés au Muséum d'histoire naturelle Ce sont de gigantesques chauves-souris qui font l'étonnerirent et l'admiration des promeneurs. Mlles proviennent des îles Philip- pines, et ne sont pas aussi dangereuses que leur nom semble l'indiquer. On les nourrit de fruits, de dattes, de ligues et de riz cuit. 11 semble cependant certain que les vampires (Phyllostoma), lorsqu'ils souffrent de la faim, s'attaquent, à des oiseaux, à ries mammifères, cherchent sur ces animaux l'endroit où la peau est facile à percer et se gorgent de sang. La plupart des observateurs s'accordent sur ce point, et un naturalisteriistingué, don Félix d'Àzara, qui a beaucoup étudié ces êtres bizarres dans le Pa- raguay, nous rapporte à leur égard de fort curieux renseignements. « Quelquefois, dit d'Àzara, les vam- pires mordent les crêtes et les barbes de volailles qui sont endormies et en sucent le sang : d'où il résulte que ces volailles meurent, parce que la gangrène s'engendre dans les plaies. Elles mordent aussi les chevaux, les mulets, les ânes et les bêtes à cornes ; d'ordinaire aux épaules et au cou, parce qu'elles trouvent dans ces parties la facilité de s'attacher à la crinière. L'homme n'est point à l'abri de leurs atta- ques, et à cet égard je puis donner un témoignage certain, parce qu'elles ont mordu mes doigts de pied, taudis que je dormais en pleine campagne dans les cases. Les blessures qu'elles me firent, sans que je les eusse senties, étaient circulaires ou elliptiques, et avaient 2 ou 3 centimètres de diamètre ; mais si peu profondes, qu'elles ne percèrent pas entièrement ma peau, et l'on reconnaissait qu'elles avaient été faites par arrachement, et non pas, comme on. pourrait le supposer, par une piqûre. Outre le sang qu'elles su- cèrent, je juge que celai qui coula pouvait s'élever à peu près au poids de 15 grammes. Le sang extrait ne vient ni des veines ni des artères, parce que la blessure ne va pas jusque-là; il provient des vais- seaux capillaires de la peau, d'où les vampires l'ex- traient probablement un suçant et en léchant. Quoique mes plaies aient été assez douleureuses pendant plu- sieurs jours, elles ne parurent pas assez graves pour que j'aie cru deioir y appliquer le moindre remède. Comme les blessures faites par les vampires n'offrent pas de danger, et comme elles ne les font d'ailleurs que rarement, lorsqu'elles sont affamées, nul necraiivt ici ces grandes chauves-souris, personne ne sa préoc- cupe de leur présence, quoiqu'on prétende que pour endormir le sentiment de leur victime, elles rafraî- chissent et éventent en battant des ailes la partie qu'elles vont mordre et sucer. » D'Azara, après ces intéressants détails, réfute un grand nombre de croyances populaires et superstitieuses à l'égard des vampires. Un autre voyageur, Waterton, nous rapporte un fait qui confirme les appréciations de l'Espagnol d'Azara. « Il y a quelques années, nous dit Waterton, j'arrivais sur les bords du fleuve Paumaron, avec un Écossais nommé Tarbot. Nous suspendîmes nos ha- macs au-dessus du sol couvert de paille de la mai- son d'un planteur. Le lendemain matin, j'entendis mon Écossais murmurer dans sou hamac, et lancer de gros jurons. — Qu'avez-vous , lui dis-je, vous mauque-t-il quelque chose? — Ce que j'ai? répondit l'Écossais. Les chauves -souris m'ont sucé la vie. Dès que le jour parut, je m'approchai de mon ami, qui était littéralement couvert de sang. — Voyez, me dit-il, ces vampires du diable m'ont pris tout mon sang. — J'examinai ses pieds, et je m'aperçus en efict qu'une chauve-souris avait, percé son gros orteil ; la blessure était un peuplus petite que celle d'une sang- sue. Le sang coulait avec abondance, et je crois qu'il a bien pu en perdre 550 grammes environ '. » Les chauves-souris vampires sont très-abondantes dans l'Amérique du Sud et dans la partie méridionale de l'Amérique du Nord où il en existe plusieurs es- pèces, Elles faisaient partie déjà des faunes des époques antérieures. On les distingue par leur mu- seau légèrement camus, par leur tète volumineuse. — Leurs lèvres minces sont bordées de petites pa- tilles dentieulées. Leurs narines obliques sont en- tourées circulairementd'un rebord. — La langue est très-épaisse, pointue au milieu. — Les oreilles so dressent ouvertes et tendues ; les ailes sont d'une di- mension considérable. — Une des espèces les plus remarquables est celle que Ton désigne sons le nom de vampire-spectre (Phyllostoma spectrum) ; on la rencontre très-abondamment dans la Guyane. L. Lhëritier. 1 Waterton , Wanderin gs in South America. — London, 1833. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA XATUT.E. 235 LA LITHOLOGIE DU FOND «ES MERS 1 . Les lecteurs de la Nature connaissent les travaux du groupe de naturalistes français qui ont donné leur concours à l'exploration du fond dus mers', pour- suivie par les savants et différentes nations à la suite de la conférence de Bruxelles, provoquée par Maury. Il est juste d'y joindre ceux d'un émiiient ingénieur, M. Delesse, qui a récemment publié les résultats de dix années de recherches dans l'ouvrage dont nous indiquons le titre. Le caractère minéralogique du sol sous-marin a principalement attiré son attention, mais il décrit aussi les divers dépôts organiques. Tous les renseignements sont inscrits sur les cartes très- soignées qui composent l'atlas joint au livre. Le premier chapitre miforme des indications pré- cises sur la méthode à suivre dans l'analyse des dé- pôts apportes par la sonde, ainsi que les principes d'après lesquels on peut découvrir la provenance de chacun des éléments de ces dépôts. « Chaque grain d'un dépôt marin a pour ainsi dire son histoire parti- culière, qui est généralement complexe et assez dif- ficile b reconstituer ; cependant, en étudiant avec soin certaines données, ses caractères minéralogiques, su forme, sa grandeur, il est possible do reconnaître s'il vient de la côte ou do la mer et de retrouver le ter- rain auquel il a été emprunté. » Il est avant tout nécessaire d'étudier les agents qui contribuent à former les dépôts, et qui se divisent en organiques et en inorganiques. Les faunes et les flores sous-marines accumulent au fond des mers une grande partie de leurs dépouilles ; quelques mollus- que ont une action contraire, ils dégradent les pa- rois des ancieiisdépûts. Parmi les agents inorganiques ou trouve d'abord l'atmosphère, qui produit la dégradation des monta- gnes dont les débris sont emportés par les eaux. L'action exercée parles vents sur les dunes est par- ticulièrement examinée par M. Delesse. 11 commente ensuite les cartes de son atlas qui figurent avec pré- cision la chute des eaux météoriques sur les diverses parties de la France. Ces eaux alimentent des rivières et des fleuves ou des nappes souterraines qui se ren- dent directement à la mer. Dans leur cours elles pro- duisent des eflets mécaniques, soit d'érosion, soit de transport, dont l'analyse offre beaucoup d'in- térêt. La recherche de la composition minéralogique des dépôts iluviatiles est nécessaire pour se rendre compte des dépàts marins, et l'auteur passe en revue sous ce rapport les principales rivières. Dans quelques- unes on trouve des débris de la région des glaciers avec des angles vifs ou à peine émoussés, portant 1 JÀtholôgie dit fond des mers, par M. Dei^sse, ingénieur en chef des mines. — Ouvrage publié sous les auspices de M. le ministre de la marine et de M. le ministre de» travaux publics. (Librairie E.Lacroix.) * Voy. table de la première année. souvent des stries. Partout où la vitesse de ses eaux se ralentit, une rivière tend à déposer un limon qui est tantôt argileux, tantôt calcaire. A l'embouchure naissent les barres elles deltas. Dans les lacs et les étangs littoraux on trouve déjà en miniature ce qui se passe dans la mer, et, par suite, les études très-complètes poursuivies par nos ingénieurs des mines et des ponts et chaussées con- stituent un important apport aux recherches qui concernent les fonds sous-marins. Toutefois on peut déjà remarquer que les dépôts lacustres formés par les rivières ou les lacs participent toujours de leurs bassins hydrographiques et sont souvent variables, même pour des bassins rapprochés, tandis que les dépôts marins présentent une composition plus uni- forme. Co résultat tient à ce que les roches entraî- nées dans le domaine de la mer sont beaucoup plus triturées que dans les rivières et les lacs; se dissol- vant alors d'une manière plus complète, elles se ré- duisent aux produits uniformes de leur destruction. Eu abordant le sujet principal de son livre, M. Dé- lasse jiasse eu revue les diverses causes qui agissent sur la mer. Il montre combien la puissance d'érosion et de transport y devient grande en comparaison de ce qu'on voit dans les fleuves et les lacs; l'eau e.-t plus dense, désagrège plus facilement les roches à cause des agents corrosifs qu'elle renferme. Les vents soulèvent des vagues qui sont très-hautes dans cer- tains parages et produisent parfois sur le rivage des effets représentant une énorme pression. Le système des courants permanents est loin d'être connu en en- tier; mais comme ce sont en quelque sorte des fleuves qui traversent les mers, ils doivent remanier plus ou moins le fond. Us transportent des corps flottants, végétaux marins ou terrestres, et une infinité de dé- bris microscopiques inertes ou doués de vie. Les effets des marées sont surtout accusés par la forme cclian- cree des côtes périodiquement frappées par l'eau. 11 faut ajouter les effets du phénomène appelé raz-de- marée généralement attribué à des trépidations sous- marines de l'écorce du globe. Les infiltrations des eaux souterraines qui repré- sentent une très-notable partie des eaux météoriques terrestres s'opèrent sans cesse dans l'Océan et sur une échelle immense, tant vers la partie supérieure, le long de ses parois, que par les grandes profon- deurs. Ce sont probablement là les principales sour- ces de la silice et du carbonate de chaux concentrés ensuite par les spongiaires et les mollusques. D'au- tres produits sont lancés dans l'Océan par les érup- tions volcaniques sous-marines, et on doit trouver au fond des mers des couches épaisses provenant de déjections analogues à celles que les volcans boueux ont produites sur la surface du globe. Il est facile maintenant de se faire une idée de ce que peut être le sol soumis k l'ensemble de ces ac- tions et de comprendre les cartes orographiques du fond des mers sur lesquelles les éléments lithologi- ques sont rapportés par M. Delesse. Ces caries, dues à nos ingénieuis hydrographes, figurent les reliefs Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 236 LA NATURE. et les dépressions du fond des mers par le système dos courbes horizontales déjà employées par l'oro- graphie terres Ire. Un des chapitres les plus intéressants du livre est celui qui indique la répartition des mollusques et dis invertébrés sur nos eûtes. La proportion du nom- bre de ces animaux dans les dépôts dépend uon- seulemenl de l'orographie de la côte sur laquelle ils se forment, mais encore des caractères physiques de ces depuis. Partout où les galets et tes gros graviers abondent, les mollusques disparaissent, et ils pul- lulent partout où le dépôt devient sablonneux. La nature minera logique du sol sous-marin, lacompo>i- tinn chimique des eaux qui le baignent et leur tem- pérature exercent aussi leur influence, bien marquée. M. Delessc s'est appliqué à éïudicr le diflieile pro- blème de l'acclimatation des huîtres, et les consolé- raliuns dont il a fait suivie l'exposé d'une impor- Luite série de recherches contribueront à faciliter les tentatives futures. Les poissons, aussi bien que les mollusques, sont soumis aux conditions lithologiques du fond de la nier, car un très-grand nombre d'entre cuv sont sé- dentaires et ne quittent pas certains espaces nette- ment limités. La pêche, celte précieuse ressource des populations, qui est loin d'avoir le développement dont elle eA susceptible, est aussi dans la dépen- dance des lois naturelles que l'étude du fond des mers a lait connaître, ]\nus sommes obligés do passer rapidement sur la partie qui, à laide de cartes et de savants commen- taires, nous fait connaître les anciennes mers de lu France. Nous voyons successivement les cartes de la Franae Silurienne, triasique, basique, éocèue, plio- cène et quaternaire. L'atlas nous donne ensuite la France actuelle, avec les reliefs sous-marins voisins, tracés en petit et en grand formai et présentant le résumé de très-nombreuses et très-instructives don- nées. La carte lithologique de l'Europe, également de grande dimension, représente les bassins hydro- graphiques cl la distribution des pluies ; elle in- dique la marche des courants et des marées ; elle ligure le relief sous-marin et les dépôts coquilliers les plus riches ; enfin dans toutes les parties explo- rées |*ar les sondages elle fait connaître les roches qui forment les parois des mers et les dépôts qui s'opèrent actuellement sur le fond. La carte des mers de l'Amérique du Nord est très-belle aussi et a été composée d'après les nombreux travaux hydrographiques des Etats-Unis, de l'Angleterre et de la France. Le bel ouvrage de M. Delessc a reçu le plus favo- rable accueil desnaturnlist.es et des marins, et sus- citera de nouveaux collaborateurs à une œuvre dont l'importance s'accroît chaque joui et qui, f 'étendant sur le vaste champ de l'Océan, promet à la science les plus riches moissons. F. Zuiicheb. LES VOIES D'EAU I.B LORD-CI.YnE. l/AQTIirA. L'ASUlASSAOEim. Le dessin que nous donnons ci-contre est destiné à faire comprendre la nature des effets destructeurs qui se produisent lorsque la quille d'un vaisseau heurte un éeueil, ou même un fond de sable. Il re- produit l'aspect du vaisseau anglais le Lord-Clifilr, qui fut. à moitié éventré en louchant un rocher près des côtes de Sicile et qui dut son salut à un sauve- tage miraculeusement opéré par le Lord-Warden. Ce dernier navire arriva à remorquer jusqu'à Malte le Lorrl-C/yde avarié. Il n'est peut-être pas superflu d'ajouter que ces érosions sont accompagnées de dislocations qui pro- duisent souvent de terribles voies d'eau dans les par- ties les plus éloignées de la carène. En effet, on ou- blie trop facilement quand on n'est point familier avec les questions maritimes, l'énorme quantité, de mouvement qui se Imuve eu quelque socle concen- trée, dans un navire de fort tonnage, même quand il se meut avec une faible vitesse. Supposons un navire de 7,000 tonneaux, se mouvant avec une vitesse de 1 mètre par seconde, il choquera un obstacle quelcon- que avec une force de 100 chevaux-vapeur travail- lant pendant une seconde. C'est ce qui explique, comme nous avons déjà es- sayé de le faire comprendre, pourquoi les abordages eu mer ont des effels terribles, en quelque sorte irré- sistibles. Quelle que soit la résistance des matériaux em- ployés à la construction des navires, il est bien difli- eile d'arriver à ce que de pareils efforts ne détruisent pas les attaches, et ne brisent point les poutres les plus solides d'une façon plus dangereuse que le plus gros projectile ne le saurait faire. Car la vitesse des boulets est si considérable que les effels dynamiques du choc n'ont pas toujours le temps de se communi- quer aux parties voisines du navire. La partie frappée directement peut être-enlevée comme l'est le morceau de vitre dans lequel une balle de pistolet ouvre un (rou, tandis qu'elle le ferait voler en éclats si elle n'avait que la vitesse d'une pierre. D'après ce qui précède, on comprend que les gros navires soient exposés à mille accidents de cette na- ture, et que leur manœuvre oll're par conséquent des dangers tout spéciaux, ce qui ne détruit pas les au- tres avantages qui les distinguent. Qu'il nous soit permis d'eu citer deux nouveaux exemples, pris l'un et l'autre dans la flotte de l'électricité sous-marine. Tout récemment, un steamer, YAquila, employé à la pose du télégraphe sous-méditerranéen des bouches de ltouifacio, a éprouvé subitement en mer une voie d'eau si considérable qu'on dut renoncer à l'étanchcr, mats comme la terre n'était point éloi- gnée on prit le parti de chercher à aller échouer près du rivage. On mit donc le cap vers Toulon et l'on fit chauffer la machine avec fureur. On arriva en temps utile Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. Î37 après avoir affronté, il est vrai, le Jauger de faire sauter la chaudière. Le câble qui eût été immergé prématurément et d'une façon, nu en couvienilra, peu régulière, se trouve sauvé grâce à cette résolution hardie. L'Ambassadeur vient d'être avirié d'une façon analogue, mais dans des conditions vraiment excep- tionnelles. Ce nouveau bateau à vapeur, construit eu Angleterre, par les frères Siemens, pour la pose des lignes télégraphiques, était mouillé à Woolvvich, le long du quai de l'établissement où se fabriquent les câbles. Toute la cargaison était à bord, et Fou s'apprêtait à appareiller prochainement, mats pai nue négligence pou pardonnable, personne ne gar- dait cet immense uavire. Le 7 février, pendant un brouillard si intense qu'il faillit rendre impossibles les opérations électorales, les câbles qui retenaient V Ambassadeur furent bri- sés. On comprend facilement ce qui arriva. Comme ia marée était très-violente, Y Ambassadeur alla à la dérive sur une rivière encombrée de petits navires attachés sur les câbles de fer que la Trhiity-Housc entretient dans le fond, et qui ne pouvaient faire la moindre manœuvre au milieu d'épaisses ténèbres. Le Lord-Ctyde eu rq'aiatkm. Les employés de la fabrique de câbles s'aperçurent bientôt que l'Ambassadeur avait disparu et se mi- rent à sa recherche avec une lumière électrique. Ils ne le découvrirent qu'après plusieurs heures de re- cherches infructueuses ; on évalue à une trentaine, le nombre de navires qui furent écrasés, avariés, on coulés bas pendant cette singulière promenade du I vaisseau fantôme. ! CHRONIQUE I Une nouvelle gratte de stalactites. — On vient do découvrir une gratte des pins merveilleuse» dans lu vallée de Corsaglia, près de Mondovi. Cette grotte, qui s'ou- vre au centre d'une montagne formée de calcaire compacte et gris, est divisée en plusieurs salles consécutives, toutes élégamment garnies de stalactites et de stalagmites de formes admirables cl d'une grosseur vraiment extraordi- naire, çà et là sillonnées de ruisseaux et de cascades for- mant autant de lacs, et offrant partout une atmosphère (raidie et bienfaisante. Le passage de Venus. — Il y a deux îles Saint- Paul, une près de l'êqualeur, où le Challenger a touché dans sou voyage de Bahia au Cap, et une autre dans l'O- céan austral sous la longitude de la nier des Indes. C'est à cette dernière que se rend l'expédition du capitaine Mou- chez pour l'observation do passage de Vénus. Le gouver- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 258 LA NATURE. neuieiit britannique qui devait se borner à établir une sta- tion se décide, d'après ce que nous apprend sir Biddel Airy, à en établir huit. En outre, lord Lyndsay va établira ses frais une station à l'ile Maurice. Une des principales stations anglaises sera celle d'ilonolulu (ilea Sandwich). Indépendamment de l'observation dus passades rie Vénus, dos astronomes allemands ont proposé d'employer l'oppo- silinn de la planète Flora pour déterminer la parallaxe du soleil en 1874. Sir Biddnl Airy propose d'attendre jusqu'en 1877 le retour de l'opposition de Mars qui aura lieu dans des circonstances favorables. Sur l'emploi des wnriCH ilca hauts fourneaux pour les constructions- — Les scories des hauts fourneaux, dont la production est si abondante, n'ont pas encore trouvé un emploi qui permette à la fois de les uti- liser et d'en débarrasser les usines qu'elles encombrent d'une manière souvent fâcheuse. Leur tas prix ne leur permet pas de supporter les frais d'un transport à grande distance. Dans certains pays on se sert directement deces scories pour ries constructions légères, telles que murs de clôture; mais cet emploi est très-restreint. Un autre usage auquel on fait servir ces scories est l'empierrement des routes; mais la rapidité avec laquelle elles se désagrègent et se transfor- ment en boue fait que cet usage n'est répandu que dans les localités où le pris des autres matériaux est beaucoup plus élevé. M. P. Tunner a cherché tout récemment à mieux utiliser ce produit si abondant en le mélangeant avec de la chaux, après l'avoir granulé, et le moulant sous une forte pression en briques qu'on laisse ensuite sécher à l'air. Pour faciliter la granulation des scories on fait couler celles-ci dans un fort courant d'eau, tandis qu'elles sont encore en fusion. La quantité de chaux qu'on mélange au sable des scories est de 1/6 ou 1/4. Cette quantité est d'au- tant plus faible que les scories sont plus basiques. Le prix de revient du cent de briques, de grandeur ordinaire, est de 12 fr. 50. Musée antédiluvien du Centrnl-Park, A Kr.w York. — La géologie est fort en honneur auiÉtats-Uiiis ; les richesses paléontologiques que renferme ce sol en partie inexploré, contribuent à en répandre le goût dans toutes les classes delà société. On achève au Centra 1-Park, à New- York , une restauration de la plupart des animaux antédiluviens, dont les débris fossiles ont été retrouvés dans les couches géologiques des États-Unis. Ou imite en cela Sa curieuse exposition du même genre, créée au palais rie Cristal, de Sidcnham, près Londres. Les animaux sont reconstitués dans leur grandeur naturelle, placés dans la position qui parait la plus favorable à mettre leurs fermes en évidente. lis sont exécutés en une sorte de composition plastique ré- sistante; une vaste toiture vitrée couvre l'endroit où sont groupés ces sujets fantastiques. La néphrite et la jadéite. — La néphrite et lu adéite sont deux minéraux qui manquent absolument dans les couches géologiques de l'Jïurope; cependant on a ex- trait, des constructions lacustres del'ôpoquepréhistorique dans toute l'Europe centrale, des objets taillés en néphrite et en jadéite. Malgré la quantité d'objets que l'on retrou- vait, on ne pouvait pas leur assigner une provenance euro- péenne, et l'on était obligé de penser à une importation lente, mais continue, de pays très-éloignés; importations contemporaine» des premières migrations humaines. Ces pays ignorés, d'où les premiers habitants de l'Europe, comme rcuï de l'ÉgypIe, tiraient lu néphrite ci lu jadéite, ou les objets travaillés avec ces minéraux, sont situés, a ce que noua apprend M, Schlaginwcit-Saku.iilu.uski, sur les deux veesants de la chaîne du Kueu-lur. Ce fait impor- tant fournit une précieuse indication, que les anthropolo- gistes et les historiens sauront mettre à profit dans leurs recherches. Ces roches plus faciles à travailler que la sans- surite, à côté de laquelle elles selrouvent, furent employées de préférence à celle-ci parles peuples préhistoriques. De, même qu'à l'âge de la pierre, aujourd'hui encore, la saus- sutite est considérée comme une matière inférieure à la néphrite et à la jadéite, et on ne la trouve pas dans l'Asie centrale. [Bulletin de la Sociêlêde géographie.) Décroissante de la population en France. - - La question des populations soulève un problème, social dont les données se diversifient à l'infini ; mois la mobi- lité même des milieux ne doit pas nous empêcher de re- chercher lus lois particulières spéciales a certains peuples. Nous avons perdu une certaine surface rie territoire, qui nous enlève '2,000,000 d'habitants et de plus il y a 567,000 Français de moins qu'en 1806, par le lait de la décrois- sance do la population. En 1821, il y avait 30,400,000 ha- bitants; eu ISfiii, 58,067,000 et en 1873, 5(1,103,00(1. De 1821 à 18(i0 l'accroissement fut de 47 p. 100 et la période de doublement varia autour de 148 ans, au minimum. Au commencement du siècle on comptait 425 enfants par 101) mariages, taudis qu'en 1867, ce chitfre n'était plus que de 204. C'est, en moins de 75 ans, une diminution de. 04 p. 100. La France occupe le dernier rang dans les nations euro- péennes dans la production moyenne par mariage; elle est de 4,72 en Russie, tandis que chez nous elle n'est que de 3,08. D'autre part la densité de la population est des- cendue de 68 habitants par 100 hectares, après avoir été de 70 pour la même surface. Les économistes qui ont étu- dié cette sèche éloquence de la statistique, signalent comme causes principales de cette dégénérescence : le luxe, les mauvaises mœurs qui en sont la conséquence di- recte et le mariage entre enfants d'une même famille. La connaissance du devoir, plus que l'État, nous apprendra à extirper du nos mœurs tout ce qui peut arrêter le progrès naturel de la populdion; elle nous apprendra que la soli- darité humaine n'est pas un vain mot et que tout le monde souffre et s'appauvrit des misères des autres. Presse typographique à vapeur. — Le Mornmij Herald de New-York a commencé à se servir d'une nou- velle presse à vapeur, qui est un perfectionnement do la presse rotative du Times de Londres. Jusqu'à ce jour le Herald se servait d'une presse analogue. 11 annonce qu'a- vec les nouvelles dispositions prises il est en mesure de tirer 20,000 exemplaires à l'heure. Chacun de ces exem- plaires se compose de trois feuilles pareilles à nos grands journaux. L'économie de main-d'œuvre et de combustible est évaluée par le iforning Herald à 1)0,000 dollars par an. Une race de nains. — Nous lisons textuellomeirie.nl dans le London Médical Record : La Société géographique d'Italie a reçu d'Alexandrie, avec la nouvelle de la mort de l'explorateur Miani et divers objets ayant trait à l'eth- nologie, deux individus que le savant voyageur avait fait venir des tribus de l'Akka ou Tikku-Tikki, et qu'il avait achetés du roi Munis. L'un est âgé de 18 ans, et il a un peu plus de 3 pieds de haut; l'autre qui a 10 ans, no mesure que 2 pieds et demi. Selon Miani, ils appar- tiennent à celle race de nains décrite dans l'anquitité par Hérodote, el découverte à nouveau dans ces derniers temps Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 239 par l'allemand Scliweinfurth, qui l'a décrite avec soin. Us sont très-ventrus, leurs mcmlircs des plus grêles, leurs ge- noux cagneux ; le crâne est sphérique, la l'ace prognathe, les moiiihc. s très-longs, la peau cuivrée, les cheveux cré- pus comme une tignasssc d'étoupes. A bientôt probable- ment l'exhibition de ces nouveaux monstres devant noire public ! Les monstres bumiiins sont à la mode ; et la na- ture complaisante s'empresse de nous en offrir de toutes les façons ! Sjslême perfectionné d'hélice propulsive. — M. Griffilhs, l'inventeur d'un propulseur dont les formes ont été reconnues tomme très avantageuses, est maiiile- nant parlisan d'adapter aux navires deux hélices, l'une à l'avant, l'autre à l'arrière ; il propose aussi de placer une hélice dans un fourreau disposé sous la quille, de façon à [u-endro l'eau à l'avant. Il s'exprime ainsi sur cette in- vention : Un propulseur produisant son action en pleine eau, comme cela se. pratique 'communément, annule une grande partie du travail effectif, parce que les points d'ap- pui sont perdus dans l'entraînement des molécules liqui- des. Dans le système tubulaire, l'eau étant comprimée, il n'y a pas de perle de force ; elle doit au contraire donner une résistance de 40 ou 50 pour 100 plus avantageuse. tCxpt-riences sur In propagation du son dans I atmosphère- — Le Bon se propage dans l'atmosphère d'autant mieux que les couches d'air sont homogènes; le brouillard, la pluie, le vent modifient la propagation des ondes sonores. Le professeur Tvndall profita de l'installa- tion des signaux de brume installés en 1873, sur la falaise du Suutli Forehind, pour faire des expériences sur la trans- mission relative du son avec la transparence ou l'opacité de l'atmosphère. Etant à bord du Y Irène, l'éminent physi- cien constata que la doctrine, acceptée jusqu'ici sur les propriétés acoustiques d'un temps calme et clair, n'est pas exacte. Ainsi le 5 juillet, étant en mor, à '2 milles île, la côte, par une magnifique matinée d'été, il n'entendait ni le sillet à vapeur ni les coups de canon, tandis que le I" juillet, avec un vent contraire et un brouillard épais ou en entendit le son à 12 milles, distance double de celte de la perception favorable. Dans d'autres circonstances, l'in- terposition d'un nuage entre le poste des signaux et l'obser- vateur, permit d'enlendre à 7 milles; le nuage agissait comme surface réfléchissante. Le professeur Tvndall avait aussi répété des expériences sur la Serpentine River, dans des moments de beau temps et dans des temps brumeux. Il eu a déduit celle loi acoustique, que: « la non-homo- généité de l'air est un obstacle à la transmission du sou ; » cela indépendamment clu brouillard, de la pluie qui peu- vent bien apporter quelques modifications de détail, mais sans changer la loi delà propagation des ondes sonores. I.a Naturalcza. — La Société mexicaine d'histoire naturelle publie, sous ce titre, depuis le mois de juin 18(j'J, un journal très-intéressant. Ce recueil se compose de tous les mémoires dont il a été donné leclure dans les séances de la Société. Nous remarquons dans le dernier volume un ensemble d'analyses des météoriies si nom- breuses, comme on le sait, au Mexique. La Société a pro- testé avec beaucoup de sens contre l'acte de vandalisme commis, au nom de la science, par la Société de géogra- phie et de statistique. En effet cette association a ordonné, avec les meilleures intentions du monde, la destruction d'une grande météorite, qui ne le cède guère en taille qu'à celle du Groenland , découverte par iWdenskiold, et qui est connue dans toute la contrée sous le nom de Descubridora. Le mot de M. de Tidleyranrl : Pas trop de zèle ! peut donc s'appliquer plus souvent qu'on ne le pense aux savants, aussi bien qu'aux membres de la diplomatie. BIBLIOGRAPHIE Annuaire météorologique et agricole de l'Observatoire de Monlsouris pour l'an 1874. — l'aris, Ga.uth.ier- Yillars. (Voy. plus bas le dompte rendu.) La Prévision du temps, par ZuacHEH et Margollé. 1 vol. de la bibliothèque Franklin. — Paris, librairie Franklin. La Pluie at la Beau temps. — . Météorologie usuelle, pur Paul Laurenxin. 1 vol. illustré. —Paris, J. Rothschild, 1874. L'année scientifique et industrielle, par Louis Figuier. Dix-septième année (1S73). — Paris, Hachette cl G 1 ", 1874. L'année géographique, par Vivien de Sai^t-Mautin. Dou- zième année (1875). — Paris, Hachette et C", 1874. Le métal à canon, par M. Fkémï. — Paris, G. Masson, 1S74. ACADÉMIE DES SCIENCES Séance du 9 mars 1H74. — Présidence de M. Brut-hàhe. Séance très-courte. A 4 heures 1/4 le comté secret est prononcé. La discussion destilres des candidats à la place vacante dans U section de médecine est, parait-il, extrê- mement orageuse. Son déuoùinent est encore imprévu. Les candidats, depuis près d'un mois, se meurent d'anxiété et les membres ne peuvent plus diner le lundi qu'à 8 heu- res. Veuille la déesse Minerve que les choses rentrent pro- chainement dans l'ordre moral. Nouveau système de projection cartographique. — Les idées simples sont souvent celles qui viennent les derniè- res. M. Thoulet le montre bien aujourd'hui en proposant, pour établir un planisphère, de projeter le globe terrestre sur les six faces du cube circonscrit. Le travail des calculs est d'ailleurs terminé et les planches sont à la gravure. Nous reviendrons sur cet important sujet qui a déjà reçu l'approbation des maîtres de la science, MM. Eliede Beau mont, Ch. Saint-Claire Deville, de Chancourtois, etc. Annuaire de l'Observatoire météorologique de Mont- souris. — C'est la première année de publication de cet intéressant recueil. On y trouve, outre les renseignements de tuus genres, qui sont parties obligées d'un annuaire de cette espèce, le résumé de toutes les observations exécutées à Montsouris. Ce résumé est divisé en deux parties relatives: la première , aux observations anciennes, et l'autre, à celles de. l'année dernière (1872-73). Les agriculteurs et les agro- nomes trouveront dans ce pelit livre la collection des faits scientifiques susceptibles d'applications pratiques. Enfin, nous signalerons, d'une manière toute particulière, à nos lecteurs, l'importante notice qui termine l'ouvrage et que nous recommandent également le grand sujet dont elle traite, et le nom du jeune savant qui l'a signée. Elle est intitulée : Rôle de l'air atmosphérique en agriculture, par M. Albert Lévy. C'est un tableau clairement présenté et élégamment écrit de l'état de nos connaissances à cet égard et c'est en même temps une sorte d'introduction à l'exposé de résultats en voie actuelle d'acquisition à l'Observatoire de Monlsouris. Dosage volumétrique du tannin, — On sait qu'une so- - Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 240 La nature. lutinn de tannin mise en présence delà potasse, absorbe rapidement l'oxygène. M. Terreil, a fondé sur ce fuit une méthode de dosage vnlumétrique extrêmement simple et, paraît-il, extrêmement précise. On met la matière ù exa- miner dans un tube gradué en présence d'une quantité connue d'air, et on mesure la diminution de volume du gaz. M. Terreil a constaté ainsi par exemple que l'écone de châtaignier contient fît) p. 100 de tannin, les gousses d'acacia 40 p. 10(1, le cachou jaune 70 p. 100, etc. Éluda photographique de la rêtjion violette et zxlrti— violette du spectre. — Le fils d'un chimiste américain Irès-coiinii, M. Henry Draper, ayant appliqué, la photo- graphie à l'étude de la région violello et extra-violette du spectre, et faisant usage en même tennis de certains arti- fices, arrive à déceler l'existence de très-nombreuses raies inconnues jusqu'ici. Il montre aussi dans certains cas que diverses raies, que l'on crevait simples, sont en réalité doubles ou même triples. 11 faut remarquer en outre, et c'est là le point saillant de son mémoire, que les métaux que nous étudions dans nos laboratoires n'ont pas présenté ces raies extra-violettes, et il en conclut qu'elles sont peut-être dues à la présence dans le soleil de substances non représentées sur la Terre. Palladium hydrogéné. — Gruham a fait voir que le palladium peut absorber jusqu'à 982 fois son volume d'hv- drogène,cl il a étudié dans l'un de hes derniers mémoires les diverses propriétés de ce curieux alliage. Plusieurs chimistes ont repris ce sujet qui cependant est loin d'être complètement éclairei. Pour les uns il s'agit d'une vérita- ble combinaison chimique, et pour les autres d'un simple fait d'adhérence capillaire, analogue à celle du charbon ou du noir de platine pour les gaz solublcs. MM. Troost et Iliiulefeuille montrent aujourd'hui que ces deux manières de voir sont également fondées et également incomplètes. Le palladium hydrogéné consiste avant tout en un alliage chimiquement défini, nuis il peut être quelque chose de plus. Ku effet, si ou examine le palladium contenant, à l'état eVocclusion, 000 fois son volume d'hydrogène, on reconnaît que c'est une vraie combinaison répondant à la formule l'iMl. Soumis aux expériences de dissociation, ce corps se comporte comme certains sels à aciiîe volatil, et spécialement comme le carbonate de chaux. Mais on peut lui (aire absorber encore de l'hydrogène, et celte fois, au lieu qu'il y ait combinaison comme précédemment, il y a simplement adhérence physique. Eu général les deux effets sont, comme on voit, superposés et c'est ce qui explique les divurgences d'opinion signalées plus haut. Stanislas Meuhier . SOCIÉTÉ MÉTÉOROLOGIQUE DE FUÀNCE Séance du 3 mars 1871. — Présidence de M. Châtia. Température du corps humain. — Aurore boréale du i lé- vrier 1 874. — Projet de tenir, le 7 avril, une assemblée gé- nérale, à laquelle seront invités tes météorologistes des dé- parlements. — Dispositions prises dans ce but : nomination d'une Commission. M. Ch. Sainte-Claire Deville rend compte des expé- riences qu'il a faites pendant plusieurs années, tant sur lui-même qu'avec le concours de plusieurs observateurs, sur la température du corps humain, à l'heure du lever et du coucher. Cette température variant avec les diverses heures de lu journée, et avec l'activité déployée par l'organisme, on n'obtenait dans ces «militions qu'un minimum, au lieu des valeurs normales que M. Hetiou et M. Silberrnanu ont cherché a déterminer, mais on opérait dans des circon- stances toujours comparables, ce qui permettait d'étudier l'influence, sur l'organisme, de la température extérieure et des diverses circonstances climatologiques. M. Tarry annonce que l'aurore boréale du 4 février 1874 a été observée à .Nantes par M. Sureau, directeur du bu- reau télégraphique; elle a été visible de 7 h "20~ à 7 i, . ! j5= 1 du soir. En outre, M. Sureau a noté les courants magnétiques qui se sont produits dans. les fds télégraphiques, courants qui accompagnent toujours les aurores polaires, ainsi que cela résulte des observations réitérées qu'il a faites en 1871 et 1872 au bureau télégraphique de Hrest. Il a constaté une fois de plus que ces perturbations magnétiques, d'une nature tonte particulière, qui ne s'ob- servent qu'au moment des aurores, peuvent, leur servir île précurseurs, car elles ont commencé il faire retentir les sonneries électriques du bureau télégraphique de Nantes dès ;i heures du soir. C'est ce qui a décidé M. Sureau à se mettre en observation pour étudier, sur son galvano- mètre, les ondes magnétiques qui se juoduisaieut, et pour apercevoir dans le ciel l'aurore qu'il était certain d'y voir briller dans la nuit. Ce principal objet de la séance était la discussion d'une proposition l'aile par M. Charles Sainte-Claire Deville, inspecteur général des établissements météorologiques, à l'effet de tenir, pendant la semaine de Pâques, une grande réunion à laquelle seraient invités, non-seulement les membres de la société, mais les météorologistes des dé- partements. Plusieurs présidents de commissions météorologiques départementales, présents à la séance, appuient la propo- sition, en déclarant qu'il est non-seulement utile, mais indispensable, que les météorologistes de province se grou- pent autour de la Société météorologique de, France, et se concertent, pour assurer !c meilleur fonctionnement des observations. Après nue discussion intéressante sur cette question, il est déridé que la réunion projetée aura lieu le mardi soir 7 avril, et que des invitations seront faites aux Com- missions météorologiques des départements, et aux Di- recteurs des écoles normales primaires, qui font presque tous faire des observations. Ou décide en outre que des démarches seront faites auprès des compagnies de chemin do fer, pour obtenir des billets à prix réduits, faveur qui est généralement accordée dans des cas analogues, et que l'im- portance de la réunion justifie, car, bien qu'elle ne soit qu amicale et officieuse, elle pourra avoir des consé- quences importantes pour la météorologie fraoçaise, que te décret du 13 février 1875, a récemment réorganisée. — M. Ilervé-Mangon propose que, pour donner plus d'at- trait à celte séance, on invile les principaux météorolo- gistes des départements à faire des lectures sur des su- jets d'intérêt général, et que l'un demande aux principaux constructeurs de faire une exposition des instruments qui paraîtront les plus dignes d'être recommandés. L'organisation de l'assemblée générale du 7 avril néces- sitant un grand nombre de démarches et de dispositions préliminaires, on décide de la confier à une commission de onze membres qui s'inspirera des voeux exprimés et aura qualité pour prendre toutes les mesures d'exé- cution. ]jd VTvprïétuvrc-Gératd : G. TissAswr.it. I'oudgii,. — Typ, ni stér. tin CiUrs vits» Droits réservés au Cnam et à ses partenaires X» ii. — 21 M AHS 1874. LA iUTUïïE. 2-ti LA TOUR AMÉRICAINE DE MILLE PIEDS DE HAUT Li Corn du l.IjOtl pieds j l'Lspa^iliuu uuiv L rscl.u de linlailelphic- — Sa hauteur minjjaiile i te lu Jus, piiuoipaui monument du niondj. Pour célébrer le centenaire de la fondation de la République des Etats-Unis, les Américains ont un projet grandiose. Ils veulent consacrer leur existence par l'érection d'un monument formidable, d'une t< ur qui, construite à l'occasion de l'exposition uni- ï' niée. — i" serasuï vcrsellc de Philadelphie, dépassera du double en hau- teur tout ce que les hommes ont bâti jusqu'ici. Le Scientifw American se fait l'apôtre de cette idée originale et hardie. Nous lui empruntons l'ar- ticle et les documents qu'il publie à ce sujet. 16 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 245 LA NATURE. « Non loin du village moderne de Ililleh, en Tur- quie d'Asie, dit notre confrère américain, sur les Lords de l'Euphrate, à 500 milles en amont du con- fluent de ce fleuve et du Tigre, est un monceau irré- guher, une musse énorme de constructions, et qui s'élève aLrupte au milieu delà surface plane du dé- sert. Des masses de briques vitrifiées sont accumu- lées à la base de ces constructions, dont l'ensemble, à mesure que s'avancent les fouilles, paraît devoir être de la même matière. Des empreintes cunéifor- mes sur l'argile desséchée par le soleil ont appris à l'archéologue une histoire oubliée dans la nuit des temps, et qui transporte la pensée dans les fastes an- tiques de Babyluiie la Grande, du règne de iNabu- chodonosor (ou Nebucbad[icz/.iii , ) J et plus loin encore dans les ombres du passé, alors que la terre entière n'avait qu'un langage. Emule de la tradition par son ancienneté, ce premier monument de la mai il des hommes subsiste, et, quoique bouleversé, il remplit le but de ceux qui l'ont construit, celui de leur faire une renommée. o Nous voulons imiter les premiers descendants de Noé. La pins ancienne des vieilles nations forma des briques et lit du mortier, construisit une tour eommémorative de son existence. Nous, laplusjcune des nations modernes, nous allons élever une tour, pour célébrer l'échéance du premier siècle de notre vie nationale. A côté, de son prototype Babel, pile d'argile desséchée au soleil, au dire de ceux qui l'ont autorité, monument qui, au moment de la confusion des langues, n'avait pas atteint une hauteur de iùG pieds, notre gracieuse colonne en métal, qui élè- vera sou sommet à 1,000 pieds de haut, formera un contraste frappant et mettra en relief les progrès de la science et de l'art à travers les âges. « Mais quel sera l'aspect de cette construction de mille pieds? « A côté des œuvres puissantes de la nature, ré- pondrons-nous , l'aspect sera infime ; à côté des oeuvres de l'homme, il sera colossal. Devant les cimes de l'Himalaya, qui s'élèvent à 25,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, c'est une hauteur de pvgmée que dix fois cent pieds. Devant les flèches les plus hautes d'édifices existants sur le globe entier, celle-ci est comme les arbres géants de Californie de- vant les érables et les ormes, dont les feuillages voû- tés s'entrecroisent au-dessus de nos avenues et de nos portiques. u Le lecteur peut aisément saisir le contraste, en jetant un coup d'œil sur la gravure ci-contre. Il a sous les yeux les édifices les plus hauts du monde, au. centre, et bien au-dessus d'eux tous, s'élève notre grande tour. 8 On reconnaîtra facilement les autres édifices: la première, pour l'élévation, c'est la gracieuse (lèche de la fameuse cathédrale de Cologne, qui monte à 501 pieds au-dessus des dalles de marbre de son sanctuaire. Puis, c'est la grande pyramide do Cheops, entre les fondations et le sommet de laquelle 480 pieds de pierre s'amoncellent. Ensuite, c'est le dôme de Strasbourg, que le sort de lu guerre a respecté, non sans l'endommager, et qui s'élève de 408 pieds au-dessus du parvis. Yoilà le grand monument de Michel-Auge, le dôme de Saint-Pierre, dont la croix dorée, à 457 pieds de hauteur, semble veiller sur toute la campagne de Home. Immédiatement après, nous voyons la sœur de Cheops ; elle élève sa pointe à 45i pieds an-dessus des sables du désert, continuel- lement poussés à ses pieds par le vent. « Le rival de la voûte glorieuse de l'architecte italien, l'œuvre de Christophe AV'rcn, Saint-Paul de Londres, domine de 505 pieds les rues populeuses de la grande cité, et surpasse de 78 pieds le Capi- tale de Washington. « Les figures comparées de trois de nos princi- pales cités achèvent le tableau : le clocher de la Tri- nité (New-York) a 2G8 pieds jusqu'au sommet, le monument de Buuker-Hill, dont le fût de granit est à. 221 pieds au-dessus du théâtre de l'événement qu'il rappelle, et enfin, l'église de Saint-Marc, à Philadel- phie, dont l'architecture est si belle, et dont la flè- che est de 150 pieds au-dessus de la première pierre. « Voilà pour la hauteur relative. Un mot mainte- nant sur l'architecte de la grande tour américaine et sur la manière dont la construction sera exécutée. Les plans sont de MM. Clarkc, Reeves and C", ingé- nieurs et propriétaires du pont de IMireniwille. Les matériaux consistent eu fer forgé, américain, dans la forme des colonnes de Pliœnixvîlle. Ils sont réunis par des barres d'attache diagonales, et soutenus par des supports horizontaux. La section est circulaire; elle a 150 pieds de diamètre à la base, et s'élève eu diminuant jusqu'à 50 pieds de diamètre au sommet. Un tube central, de 50 pieds de diamètre, occupe le centre de la tour. Un ascenseur pourra l'aire monter au sommet en trois minutes, et descendre en cinq, 500 personnes par heure 1 . Autour du tube central il y aura en outre des escaliers en spirale. a Avec le système de construction employé, la tour sera aussi rigide que si elle était en pierre, tout en présentant au vent une très-petite surface. Les proportions sont telles, que le maximum de pression résultant du poids de la construction, chargée de monde, et par une pression latérale d'un vent vio- lent, n'exercera pas sur la rangée la plus basse de l-i colonne une tension trop considérable. L'évaluation du prix des travaux donne un chiffre de un million de, dollars, et le temps nécessaire pour la construc- tion, d'après les plans, ne dépassera pas une année. L'emplacement n'a pas encore été définitivement dé- terminé, mais probablement ce sera Eairmollt Park, à Philadelphie, non loin des bâtiments de l'exposi- 1 Sons croyons devoir rappeler à ce sujet à nos Secteurs le magnitique ballon captif de l'Eiposilion universelle du clramp de Murs, en 18BT. Sans d'aussi grands frais, M. 11. (liilard a pu montrer, à loule une population, l'imposant spectacle du panorama de Paris, vu du liant des airs. — Sous espérons que, tDaljjré sa tour de 1,000 pieds, l'exposition de Philadol- niûe aura aussi son tiallon captif. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 2tt tion séculaire. La tour et ses environs seront de nuit éclairés par une lumière électrique. Le sommet for- mera vu observatoire magnifique, et la vue du pays environnant sera incomparable. n II est inutile d'ajouter que le caractère du pro- jet se rattache au but de son érection. Le centième anniversaire île notre existence nationale- ne devait point passer sans un souvenir permanent, qu'une ex- position de quelques mois ne peut fournir. Il est évident que, dans l'espaça? de deux années, nul monu- ment d'un aspect si imposant, d'une conception si originale, ne pourrait être construit avec d'antres matériaux que du fer ; à tous les points de vue, nous ne pouvions choisir une construction plus nationale. Nous céléhrerons le jour de notre naissance par la plus colossale construction de 1er que jamais l'homme ail conçue. » Ainsi s'exprime le Sciantific American ! 11 ter- mine eu disant, avec l'orgueil national, qu'il est bon de faire remarquer que le plan de la tour de 1,000 pieds a été conçu ] ar des ingénieurs américains, que les travaux seront dirigés par des mécaniciens amé- ricains, et que tous les matériaux seront exclusive- ment empruntés au sol américain. N'y a-l-il pas dans ce projet quelque chose de hardi, de grandiose, vraiment digne de noire admiration. G. T. »<~ DES MONSTRUOSITÉS (Suite. — Yoy. p. 509.) II. HAISS CÉLÈBRES , ALMX05 , ETC. Nous avons monlré d.iiis un premier article de quelle manière se forment les monstres unitaires; nous voulons aujourd'hui présenter au lecteur quel- ques cas particuliers, digues d'attirer son attention. Lt d'abord établissons, entre les anomalies et les monstruosités, une distinction sur laquelle Isidore Geoffroy Saint-Ililaire insiste beaucoup : les anoma- lies désignent de simples exceptions à l'organisation ordinaire; les monstruosités sont des vices de con- formation d'une grande gravité. Ainsi un nain, \ui géant, un albinos, un individu atteint de bec-de- lièvre, de pied bot ou do scxiligilii-me, un homme velu, tel que V homme- chien, sont des êtres ano- maux; mais un être né avec des bras de phoque ou sans tète est un monstre. Parlons d'abord des anomalies simples. Voici les principales divisions établies par Geoffroy Saint- llikii'c: 1" Anomalies de volume (nains, géants, etc.); 2" Anomalies de coloration (albinos, etc.); 5" Anomalies de disposition (pieds bots, hnper- foration des orifices, diaphragme perforé connue chez les oiseaux, bec-de-lièvre, etc.); 4° Anomalies de nombre (quant aux doigts, aux ;ôtes, aux vertèbres, etc.} ; 5° Inversion des viscères : tous les viscères qui d'ordinaire sont situés à gauche (le cœur, l'estomac, la rate) sont ici situés à droite, et réciproquement, le foie est à gauche. L'inversion des viscères, quoi- que assez fréquente, fut observée pour la première fois sous Louis XIV, et fît alors grand bruit dans le inonde; ce qui inspira à Molière le « nous avons changé tout cela » du Médecin malgré lui; fi° Hermaphrodites. Nous ne voulons pas nous appesantir sur chacune de ces anomalies. Il nous suffira de signaler les plus propres à intéresser nos lecteurs. Étudions d'abord les nains. Nous passerons en revue les plus célèbres et nous terminerons leur étude en les comparant, au point de vue de l'intelli- gence et du caractère, avec les hommes de taille ordi- naire, et avec les géants. Les rois les ont admis souvent à leur cour pour se distraire par le spectacle de leur difformité; ce goût royal se retrouve en divers temps et divers pajs. Ouaud les Espagnols s'emparèrent de Mexico, ils trouvèrent des nains dans le palais de Monté - zuuia; ut si l'on remonte le cours de l'histoire, on voit les empereurs romains, Tibère, Dontitien, Uéliogabale, en nourrir plusieurs à leur cour; Do- mitien en avait, même fait une troupe de gladia- teurs, 11 n'y a pas jusqu'au sage ilare-Aurèle qui n'ait eu le sien; par dérision, il l'appelait Sisy- phe. Dieu plus, le prix qu'au donnait de ces mal- heureux inspira à beaucoup d'industriels du temps l'idée horrible d'arrêter la croissance des enfants en les enfermant dans des boîtes ou en les soumet- tant à des régimes plus ou moins barbares, Telle fui l'origine criminelle de l'orthopédie. Lorsqu'au dix-septième siècle la mode des tous de cour eût passé, on la remplaça par celle des nains. o 11 était naturel, en effet, après avoir usé le spectacle des difformités de notre nature morale, de chercher dans les vices de notre organisation physique des su- jets de plaisir plus piquants de nouveauté, comme on disait alors. « Catherine de Médicis, Henriette de France, reine d'Angleterre, avaient déjà eu des nains à leur cour ; mais c'est surtout à l'époque de Louis XV que la mode s'en répandit. L'usage de chercher dans la vue d'un monstre une joie égoïste et cruelle, in- spire à Isidore Geoffroy Saiut-llikire quelques lignes émues : « Qu'on interprète, dit-il, le sourire em- preint de pitié que faisait naître sur les lèvres des rois la vue de cet être humilié, honteusement vendu à l'amusement de ses semblables, et l'on y trouvera l'expression muette de cetle pensée : « Je sorge à ce « que je suis eu songeant à ce que tu es. » Jclïery Iludson.nc en 16i9, avait huit ans lorsque la duchesse de Buckingliam en fit présent, dans un pâté, à Henriette, reine d'Angleterre, dont il de- vint le favori. Un jour, au milieu d'une fête, un portier du roi, d'une taille gigantesque, le tira tout à coup de sa poche, à la. grande surprise des specta- teurs. On voit encore à Londres un bas-relief qui représente cette scène assurément curieuse. Tous les arts s'efforcèrent à l'euvi de conserver lç Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 244 LA NATURE. souvenir de Jeffcry Hudson. Antoine Yan Dyck, dans son porlrait d'Henriette d'Angleterre a représenté debout, è côté d'elle, son microscopique favori; enfin le poète ^avenant a chanté, dans sa Jeffreïde, la vic- toire remportée par ce pygmée sur un coq d'Inde. IJ devait bientôt se montrer capable de combats plus sérieux : ayant suivi la reine en France, en 1644, il fut insulté par un nommé Crafs, qu'il ne craignit pas d'appeler en duel. Crafs s'y rendit, armé seule- ment d'une seringue ; un duel à cheval et au pistolet suivit ce second outrage, et dès le premier coup de feu, Crafs fut blessé à mort. Ce héros en miniature, Ingénies animos angnsto in pcclorc versans [Qui dans un petit corps nourrissait un grand cœur), avait alors 18 pouces anglais, soit 41 centimètres de haut. A trente ans, il grandit beaucoup et atteignit la taille de 3 pieds 9 pouces. Sa vie fut longue; vers la fin, il se mêla à des intrigues politiques, fut jeté dans la prison de Westminster, où il mourut à soixante-trois ans, En autre nain, également remarquable par son courage et par son intelligence, fut Joseph Burwi- laski, gentilhomme polonais, qui vécut à la fin du siècle dernier et dans la première partie du nôtre. Il avait 28 pouces ou 84 centimètres de haut lorsqu'il se maria, à l'âge de vingt-deux ans. Dans sa vieil- lesse, qui fut longue, il grandit beaucoup. Ce gen- tilhomme était assez instruit, il parlait avec facilité le polonais, l'allemand et le français. On a sa vie écrite par lui-même. Ses parents étaient d'une taille fort au-dessus de la moyenne; il eut cinq frères, dont trois atteignirent la taille de 5 pieds et demi, et deux restèrent très-petits (34 pouces). On connaît généralement l'histoire de ce Nicolas Ferry, qui devint célèbre sous le nom de Bébé, à la cour du roi de Pologne Stanislas. Né à Plaines, dans les Vosges, en 1741, il n'avait que 22 centimètres de haut quand il vint au monde, et Ton rapporte qu'un sabot rembourré fut son premier berceau. C'est a cinq ans qu'il fut conduit à la cour de Luné- ville. Il était formé comme un homme de "vingt ans, et n'avait que GG centimètres; sa taille n'augmenta plus qu'après l'âge de quinze ans. Quoique très-vif et même turbulent, Bébé était loin d'être intelligent comme les nains dont nous venons de parler. Malgré les soins dont on l'en- toura, on ne put jamais lui apprendre qu'à danser et à battre la mesure. Sa mémoire était au niveau de son intelligence, et, sa mère étant venue le voir quinze jours après son arrivée à la cour, il ne la reconnut pas. On dit pourtant qu'il aimait véritable- ment le roi de Pologne. De tous lus sentiments, le plus -vif chez lui était la jalousie, et un jour qu'une dame de la cour donnait devant lui quelques caresses à un chien, Bébé, furieux, le lui arracha des mains, et le précipita par la fenêtre en disant ; g Pourquoi l'aimez-vous mieux que moi ? » A l'âge de seize ans, Bébé perdit sa turbulence, sa gaicf.é et sa suiité. Des lors, commença pour lui une décrépitude prématurée, qu'on attribuait, à l'amour. Il mourut à vingt-deux ans et demi, haut de presque 1 mètre, sa taille ayant beaucoup aug- menté depuis l'âge de quinze ans. Le musée do l'Ecole de médecine possède sa statue eu cire, revê- tue des habits qu'il portait, et son squelette est au Muséum. Dans la dernière aunée de sa vie, on l'avait fiancé à une paysanne lorraine, appelée Thérèse Souvray, et qui était à peu près aussi petite que lui; mais la mort de Bébé empêcha le mariage de se conclure. Plus heureuse que son fiancé, la naine vivait encore en 1820, et, malgré ses soixante-treize ans, dansait en public avec sa sœur, qui en avait soixante-quinze, et dont la taille n'était que de 3 pieds et demi. Une naine allemande a mérité d'avoir dans l'église Saint-Philippe de Birmingham l'épilaphe suivante : « En mémoire de Nanetta Stocker, qui quitta cette vie le 4 mai 1819, à l'âge de trente-neuf ans, l'une des plus petites femmes de ce royaume, et l'une des plus accomplies. Elle n'avait pas plus de 35 pouces (anglais) de haut. Elle était née en Autriche. » On rapporte qu'en effet Nanetta Stocker avait beaucoup d'esprit, ut. qu'elle possédait un remarquable talent sur le piano. Parlons enfin d'un nain américain, Charles Strat- ton, bien connu sous le nom de Général Tom-Pouce. Il naquit à Bridge-Port, dans le Connectent, le 11 janvier 1832. Il pesait alors 4,300 gr. A partir de l'âge de sept mois, sa croissance devint très-lente. M. Quetelet, le savant directeur de l'Observatoire de ISruxelles, l'a vu et mesuré dans toutes ses dimen- sions avec beaucoup de soin en juillet 1845 1 . Le Général Tom-Pouce avait alors 70 centimètres de haut, soit la taille d'un enfant ordinaire de 1 4 à 15 mois. Ses parents et ses deux frères sont de taille ordinaire. J'ai moi-même connu, il y a un an, un nain, qui à vingt-deux ans avait l m ,15 de haut. Il avait cessé de grandir et de se développer à l'âge de neuf ans, et au moment où je l'ai connu, il avait encore une voix enfantine, un visage naïf et sans barbe, mais un peu ridé, etc., enfin toute l'apparence et l'orga- nisation d'un enfant. Ce singulier arrêt de dévelop- pement, survenu sans cause connue, n'avait point altéré les proportions du corps; j'en ai mesuré soi- gneusement les différentes parties, et ses bras seuls m'ont paru un peu trop longs pour sa taille. Ce malheureux jeune homme se plaignait, peut-être à tort, d'être peu intelligent; il savait pourtant lire, écrire et compter, c'est-à-dire que son instruction était en rapport avec sa condition sociale. Les nains ont généralement peu d'intelligence. Nous avons pourtant signalé plusieurs exceptions. — Catherine de Mëdicis et l'Électrice du Brandebourg marièrent des nains avec des naines ; mais ces ma- riages restèrent toujours stériles. Pourtant Borwi- laski, marié à une femme ordinaire, eut deux cn- 1 Lettres sur les Probabilités. Lettre iiii, dans les note* Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. Uh fants do taille moyenne ; il est le seul nain qui ait joui des douceurs de la paternité ; il est vrai qu'on éleva des doutes sur l'origine réelle de ses enfants. Une comparaison assez intéressante est celle du caractère des nains avec celui des géants. Ou voit alors que, bien différents des nains les plus célèbres qui paraissent avoir été vifs ou même turbulents, les géants sont le plus souvent lents et paresseux dans lenis mouvements Les nains sont souvent rageurs, l'expérience vérifie sur ee point le proverbe; les géants au contraire sont indolents et apathiques. Ce contraste des caractères accompagnant le contraste des tailles lut mis en évidence à Vienne, où la cour s'était amusée à réunir des nains et des géants. Les myrmidons, loin de trembler devant les colosse?, cherchèrent, mais en vain, à „_.„ _„ les irriter par des railleries et des injures. Un d'eux même ne craignit pas de provoquer une lutte qui semblait devoir lui être fatale, mais dans laquelle, nouveau David, il triompha de cet autre Goliath. Anomalies de coloration. — Les albinos sont des hommes dans le corps desquels aucune partie n'est colorée ; ainsi leurs cheveux sont très-blonds ou tout à fait blancs, leur barbe est généralement rare (quand elle existe), et elle est de même couleur que les cheveux ; leur peau est blanche « comme le nez d'un cheval blanc » dit Cook (quoique la plupart des albinos connus aient été de race nègre). Mais ce qui les rend surtout remarquables, ce «ont leurs yeux, dont l'iris, dépourvu de pigment comme le reste du corps, est d'un bleu très-clair, ou rouge ii couleur d'aurore, » dit Voltaire, et laisse par con- séquent passer la lumière; aussi les albinos ferment- ils plus ou moins complètement les yeux au grand jour qui les éblouit, et qui souvent leur cause, même de la douleur. Leurs yeux, ayant à peu près la con- formation de ceux des animaux nocturnes, en ont aussi les propriétés, et permettent aux albinos d'y voir très-bien la nuit; d'où le nom d'yeux de lune que luur donnent certains sauvages, et l'épitliète moins élégante de nijclalope que leur ont infligée les savants. Ajontons que les albinos sont généralement lymphatiques, mal conformés, faibles de corps et d'intelligence, et, le plus souvent, sans descendance. L'albinisme se rencontre chez beaucoup d'animaux et caractérise même des variétés nombreuses ; il n'y a personne qui n'ait vu des souris ou des lapins albinos ; et les chasseurs connaissent une race de daims albinos. Chez d'autres animaux, clien le merle par exemple (car les proverbes n'ont pas toujours Difformités de la main et du pied. tort), les albinos, loin de faire souche, sont des ex- ceptions assez rares. Toutes les races d'hommes sont sujettes à cette anomalie, mais surtout celles qui habitent les pays tropicaux et particulièrement les nègres et les an- ciens Mexicains. Cook a signalé des albinos à Tahiti 1 , et M. do Rochas en a décrit avec détails cinq à la Nouvelle-Calédonie'. La condition des albinos varie étrangement avec les pays où ils naissent. Les nègres et les Océaniens les méprisent, et souvent les tuent dès leur nais- sance. — Montézuma en possédait dans son palais, à titre de curiosité agréable. — ■ On assure qu'à Loangn, on les vénère parce qu'on les croit sorciers : ii Singulier et absurde contraste, dit Isidore Geoffroy, qui nous montre l'ignorance et la superstition entraînant l'esprit humain d'un extrême à l'autre, et lui faisant, sans plus de motifs , respecter et craindre ici ceux qu'ailleurs il proscrit et méprise ! y Il faut beaucoup de bonne volonté pour admettre, comme le fout la plupart des auteurs, que Pline l'ancien ait parlé des albinos dans son livre VII, g 2, livre rempli d'ailleurs des contes les plus extravagants. La vérité est qu'on n'étudia guère les albinos qu'à partir du dix-huitième siècle, et en- core se faisait-on à leur égard bien des idées fausses. Ainsi on les regardait comme consti- tuant des peuples à part situés soit en Afrique, soit dans l'ile Ccylan. Cette erreur, d'abord acceptée, puis faiblement réfu- tée par Buffon, n'empêche pas la description qu'il donne d'une « négresse blanche » d'élre un modèle [l'observation scientifique. On lira aussi avec intérêt l'observation, peut-être plus agréable encore que savante, d'un « Maure blanc * par Voltaire, dans le 1"' volume de ses Mélanges de philosophie et de littérature. C'est sans doute à un arrêt de développement qu'il faut le plus souvent attribuer l'albinisme. Le pigment en effet, manque pendant la plus grande partie de la vie intra-utérine, et chez le nègre, il ne se développe qu'après la naissance. Ce qui confirme ici la théorie de l'arrêt de développement, c'est que l'albinisme s'accompagne souvent de la persistance de la mem- brane pupillaire, anomalie qui prive les albinos de la vue pendant les premiers mois do leur exis- tence. Outre l'albinisme congénial, il en faut reconnaître un pathologique, qui suit les maladies de langueur, 1 Premier voyage autour du monde, diap. m et VI. 1 Huit, de la Soc, d'anthropologie, I. II. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 2-10 f,A NATURE. qui reconnaît la même cause que lut décoloration du lilas quand on le fait croître dans une cave. J'ai vu moi-mèmeuiie négresse qui, minée pendant plusieurs mois par une maladie dont elle finit par mourir, s'é- tait très-visiblement décolorée 1 . Ici se rangent ces cas d'albinisme venant subitement après une émo- tion violente. Dans l'albinisme pathologique, la peau s'est désorganisée, tandis que, dans le congénial, elle ne s'est jamais organisée complètement. C'est parmi les anomalies de disposition qu'il faut placer le bec-de- lièvre, que j'étudierai eu même temps que la cyclopic et les autres monstruosités de la lace, — les différents arrêts de développement du cœur dont j'ai parlé dans mon précédent article et sur lesquels je ne reviendrai pas, ■ — enfin les pieds- bots, ]i-s évetitrations et autres anomalies trop chirur- gicales pour nous occuper ici. Passons donc tout de suite aux anomalies de la main et du pied, lieux on plusieurs doigts peuvent être soudés entie eux; il est possible qu'une mem- brane assez large donne à la main une certaine ressemblance avec une patte d'oie {maints anxerinu des anciens auteurs) ; enfin les doigts peuvent être plus nombreux que d'habitude (fig. 1 et 2), nu, au contraire, plus ou moins complètement atrophiés comme ceux de la main représentée fig. 3. La suture des doigts entre eux peut êlre étendue à toute la main ; quant aux ongles, tantôt ils restent indépendants, tantôt ils se confondent aussi en un seul ongle à peu près aussi large à lui tout seul que tous ceux qu'il remplace, modification curieuse qui rappelle l'organisation normale de plusieurs mam- mifères. Voilà la première application que nous ayons ren- contrée de cette loi féconde de l'attraction de soi pour soi, d'après laquelle les organes homologues tendent toujours à s'unir, et dont nous venons les résultats les plus remarquables quand nous étudie- rons les monstres doubles. Nos gravures représentent une main à sept doigts, et un [lied à huit orteils d'après Morand. Ce sont là des phénomènes tout à fait exceptionnels; mais le sexdigitisme, déjà connu des Romains, est une anoma- lie assez fréquente que j'ai rencontrée moi-même plusieurs fois. Généralement ce sixième doigt est un appendice inutile et même gênant dont ceux qui en sont affectés cherchent à se débarrasser; mais ce doigt surnuméraire peut avoir l'agilité et futilité normales. L'histoire rapporte que la belle et infor- tunée Anne de Boleyn avait six doigts à chaque main (et, en outre, une mamelle surnuméraire et mie dent mal plantée); « heureuse si ces légères imper- fections eussent détourné d'elle l'amour du volup- tueux et cruel Henri VIII ! » Les chiens et les poules présentent souvent le sexdigitisme, mais on ne le rencontre que très-rare- ment chez les animaux à sabot. On raconte pourtant M. Samuel Foui en > fait récemment l'olijiit d'une com- ftiunicution à la Société d'anthropologie, t. Mil. que l'illustre Encéphale en était atteint, et cotte particularité passa pour un présage du la grandeur future île son maître. liEttriLLOH. — La suito prochainement. — LES INSECTES NUISIBLES DEVANT L'ASSEMBLÉE NATIOKALE. Un long rapport vient d'être lu devant une com- mission de l'Assemblée nationale contre une bande de pillards qui nous volent tous les ans environ trois cents millions. Lue empiète a été faite dans tous les départements pour connaître les crimes et les dévasta- tions de ces insectes qui couvrent les champs et les bois, pénètrent dans nos jardins, mangent nos fruits et nos légumes, ravagent nos arbres, dévorent nus moissons, détruisent nos vignes et viennentse cacher jusque dans nos greniers. M. le député Ducuiog, après une minutieuse enquête, a lait connaître les principaux criminels. Les uns ont été pris ravageant les céréales. Voici leur nom, Céeydomie, Noctuelle, Céplie-pvgmée, Puceron, Thrips, Aiguillonnier. l'armi les insectes qui ravagent les blés dans nos greniers nous citerons l'Alucite et le Charançon. D'autres sont accusés (l'a- voir dé\asté des champs de betteraves. Les plus cou- pables sont Noctuelle, Casside nébuleuse, Taupins et rilyléinie, que JI. le rapporteur a oublié de citer dans sou réquisitoire. Plusieurs bandes ont été surprises dans les bois. Les uns se nomment Scnlytes, les autres Cossus, Ker- mès et fjostrielic. On a également trouvé, dans des souterrains, des misérables qui vivaient de leur pillageet détruisaient toutes les racines des plantes avec l'horrible pensée de nous prendre par la famine. Ce sont les Hanne- tons, les Mulots, les Loirs et les Campagnols. Parmi ces malfaiteurs, on signale surtout l'Alucite qui, non content d'avoir pillé dans tous les départe- ments, a enlevé cinq millions au département du Cher. Le fait est attesté par le comice de Saint- Arnaud. Mais, le plus grand, le plus redoutable de tous ces dévastateurs est un échappé d'Amérique, qu'on a sur- pris dans les vignes, et qui a enlevé 62,500,000 fr. dans le département de Vaucluse, 02,500,000 dans l'Ardècbe, la Llrôme, le Gard et les liouehes-du- llliùne ; 10,000,000 dans l'Isère, les Basses-Alpes et le Var; et 25,000,000 dans l'Hérault. En tout cent soixante millions de francs que le Phylloxéra a bel et bien dévorés. Il est impossible, surtout après les désastres de la guerre, que nous restions plus longtemps sans sévir contre ces pillards d'un autre genre. Quanta moi, quiavais rencontré ces misérablesdans les champs ou dans les bois, je lesavais déjà dénoncés dans les journaux, j'avais fait un rapport contre cuj Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE, 2.41 au conseil général dp, Seinc-et-Oise. Et voyant qu'on ne tenait pas grand compte de mes accusations ni de nies rapports, j'ai i'ait plus, j'ai écrit un volume contre ces iu-ectes nuisibles, dans lequel j'ai donné le signalement de tous ceux quej'ai vus dans la plaine. J'ai fait connaître leurs ruses, j'ai indiqué les moyens de se mettre à l'abri de leurs déprédations, j'en ai été pour mes frais. Enfin, maintenant que l'affaire est portée devant l'Assemblée nationale, j'espère qu'on va s'occuper d'arrêter les ravages du ces brigands, qui n'ont d'au- tre pensée que la destruction. M. Dncuing propose d'armer contre eux tous les enfants des écoles, il propose de donner des prix à tous ceux qui en découvriront quelques-uns, qui en donneront le signalement, qui indiqueront les en- droits où ils se cachent, lus procédés qu'ils emploient pour voler et dévaster, qui diront comment on peut mieux les prendre et les détruire ; l'honorable rap- porteur propose eu outre d'établir une convention internationale, pour que partout où ces pillards se transporteront, ils soient poursuivis. Il propose, en dernier Jieu, qu'on cesse do détruire les oiseaux insectivores comme on le fait sans raison et qu'on les laisse paisiblement dévorer les insectes. 11 demande le respect le plus absolu pour la pic grièche écorclicur, le gobe-mouches, la traquet, le rossignol, le bec-fin dans toutes ses variétés, le tro- glodyte, le roitelet, la mésange, le chardonneret, le bouvreuil, l'engoulevent, la citelle, la bergeronnette, le grimpcrr.au, lu huppe, le. pie. Je suis heureux que M. le rapporteur ait rendu justice au pic, dont j'ai pris ici-même la défense con- tre M. d'Esterno, qui voulaitfaire condamner à mort ce charmant oiseau auquel no us devons la destruction des fourmis. M. Ducuing demande enfin un certain respect pour le rouge-gorge, l'alouette, le bruand, la fringillu, l'étourneau et le torad, dont on pourrait autoriser la chasse, niais au fusil seulement. Voici maintenant le projet de loi qui est proposé contre les insectes nuisibles : 1° Un bureau, ou commission insectologique, sié- gera au ministère, de l'agriculture, qui recueillera tous les documents et toutes les informations relatifs aux. insectes du la iïrance, et présentera au ministre tous les ans le résumé de ses études. 2° Le ministre de l'agriculture adressera, tous les ans, aux préfets, qui la communiqueront aux Con- seils généraux, pour en délibérer au mois d'août, une circulaire prescrivant les mesures générales à pren- dre pour la destruction des insectes nuisibles et la préservation des espèces utiles; 5' Le préfet, sur l'avis du conseil général, pren- dra les arrêtés conformément à la loi qui sera édic- tée ; A" Chaque département pourra affecter un centime départemental, soit pour donner des primes pour la destruction des insectes, soit pour doter l'Ecole nor- male d'un enseignement insectologique; u° Les gardes forestiers et les agents communaux recevront îles instructions pour faire exécuter les lois et arrêtés concernant la destruction des insectes nuisibles et la protection des oiseaux utiles. La chasse aux oiseaux utiles sera interdite par tout autre engin que le fusil. L'époque des mesures à exécuter pour la destruc- tion des insectes nuisibles et l'échemllage, sera fixée dans chaque département, suivant la région. Les pénalités pour délit ou inexécution de la loi seront affichées dans chaque commune eu même temps que la liste des primes qui seront affectées à la «liasse des insectes. Erjest Mesault. LES CURIOSITÉS MÉTALLURGIQUES DE MOSCOU. Le mariage du prince d'Edimbourg et les cérémo- nies fastueuses qui l'ont célébré, ont attiré l'atten- tion de l'fmrope entière au delà de la Baltique. 11 ne nous convient pas de parler dus conséquences d'un fait qui appartient désormais à l'histoire, mais il nous est permis de choisir parmi les incidents qui accompagnent un événement d'une si haute impor- lance, ceux qui se rattachent à la science. Nous ap- prenons que le prince et la princes-e d'Kdimbourg, pendant leur séjour à Moscou, ont admiré deux pièces métallurgiques, vraiment remarquables et fort peu connues : c'est une occasion pour nous de les décrire et de prouver ainsi que, malgré les progrès de l'in- dustrie moderne, les ancêtres des métallurgistes du dix-neuvième siècle savaient aussi fondre le bronze, et ne reculaient pas devant des coulées formida- bles. Le Czar Knlnkol, que représente une de nos gra- vures, fut coulé d'abord en 1553. Son poids était alors de 16,001) kilogrammes, et il fallait vingt- quatre hommes pour faire mouvoir le battant. Du- rant un incendie du monument où elle était suspen- due, la cloche tomba sur le sol, et se brisa : elle fut alors fondue et coulée une seconde fois en 1654, et son poids fut porté à 131,000 kilogrammes. Eu 1700, à la suite d'un autre incendie, elle est encore détériorée; les fragments furent laissés à terre, et en quelque sorte abandonnés, jusqu'au règne de l'impératrice Anne, qui les fit refondre eu 17 55. Une fois encore, en 1737, un troisième incendie dé- truisit le « Czar Kolokol » ; un des cotés brisé se trouva rejeté en dehors. La grande cloche resta ensevelie sous terre jus- qu'en 1836, et c'est à cette époque que l'empereur Nicolas la fit placer dans la position qu'elle occupe 'actuellement. Elle pèse aujourd'hui '200,000 kilo- grammes ; sa hauteur est de 6 mètres, sa circonfé- rence de 18 mètres, son épaisseur de Û'",C0. La par- tie brisée qui est figurée sur notre gravure pèse 11 tonnes. Sur cette cloche ou admire de belles sculp- tures qui représentent le czar Alexis et l'impératrice Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 248 LA NATURE. Anne, et tout autour, des bas-reliefs reproduisent Jésus-Christ, le Saint-Esprit et les évangélistes, ac- compagnés de nombreuses inscriptions. Le grand canon, dont notre gravure montre l'as- pect, est connu sous le nom de Czar Pu&hka; il est conservé à l'arsenal de Moscou ; il ne pè-e pas moins l,> 40 tonnes, et fut coulé en ljflfl, sous le règne du roi Théodore, dont il porte l'effigie. Cette formi- dable pièce de bronze est richement ornée; elle est montée sur tics roues sculptées très-remarquables, qui l'ont l'admiration des antiquaires. Nous ne croyons pas nécessaire d'insister sur la différence que présente le travail du bronze et celui de l'acier ; les canons d'acier que l'on fabrique aujourd'hui, et Czar ïcJofcni, Li grandi cloche de Eîoscou, pesant JCO.OOO kilogramme!. qui ont un poids égal à celui du canon de bronze de Moscou, offrent des difficultés de labrication con- sidérables, et laissent bien loin derrière eux tous les engins de guerre des siècles précédents. Nos lecteurs n'ignorent pas que Moscou et Saint- Pétersbourg abondent en curiosités scientifiques et industrielles de toute nature. C'est à Saint-Péters- bourg que l'on peut admirer une des plus belles col- lections mméralngiques du monde civilisé; nn y trouve amoncelés des échantillons uniques pro.-e- nant des grands massifs géologiques de l'Oural. Les collections pa.leontologiqu.es offrent aussi des pièces dignes de l'attention des savants, elles abondent no- tamment en squelettes de mammouths lossile*, dont les restes se rencontrent si fréquemment en Sibérie. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires Czar l'uihku. Le canon de Moscou du seizième siècle, p^ant 40 tonnes. Visite du prince et de la princesse d'Edimbourg Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 250 LA NATURE. ECL0SI0N DES ŒLTS DE YERS A SOIE r-AR LE FROTTEMENT. Comme secrétaire de la 8 e section, à la session qui vient Je. fînii' de la Société des Agriculteurs de France, nous avons reçu de M. Susaui, ingénieur italien, de très-curieux détails sur la découverte ré- cemment faite de l'éclosion facultative des oeufs de vers à soie par un frottement exercé à leur surface. Comment ce phénomène a-t-il été reconnu? — - Certainement, il l'a été par le hasard. Mais quel hasard? — C'est ce qu'il est assez difficile de com- prendre! Qui peut avoir eu l'idée, a priori, de f roi ter des œufs?... A moins que quelque éleveur n'ait ima- giné de brosser ses cartons pour les débarrasser de souillures qui avaient pu se produire ou se déposer à sa surface. Ce procédé a-t-il été déjà remarqué? Les peuples d'Orient qui font le ver de toute antiquité en ont-ils connaissance ? C'est ce que nous ne savons pas. Mais, les conséquences d'une sélection naturelle, simple, facile, sont telles, et les résultats pratiques et économiques de si haute importance, que nous n'hé- sitons pus à dire ce que nous en avons appris. Le fait, dans sa brutalité, n'en est, par ses consé- quences à venir , ni moins curieux ni moins cer- tain. Si vous brossez énergiquement, pendant quelques minutes, des œufs de ver à soie du mûrier, — n'im- porte de quelle variété, — vous les faites éclore avant quinzejonrs. Or, ces vers éclos ainsi à volonté, vi- vent parfaitement et parcourent leurs métamorphoses aussi régulièrement que s'ils devaient leur naissance à une évolution spontanée et naturelle. Cependant, et c'est là le point intéressant, tous les œufs du carton frotté n'écloront pas; mais, si l'on conserve le car- ton garni de ceux qui, se montrant réfractaires, ont résisté à la friction, ils éclosent au printemps sui- vant comme ceux qui n'ont été soumis à aucun trai- tement anomal. La matière qui sert à frictionner n'est point indifférente ; jusqu'ici, on a bien réussi eu employant une brosse de chiendent moyennement dure; le crin, au dire de certains expérimentateurs, ne produirait rien ou presque rien. Après avoir entendu rappeler ces faits, décou- verts déjà depuis une couple d'années, M. Susani a voulu faire quelques expériences, et ce sont celles-là dont il nous a rendu compte. Il a d'abord fait pondre 80 papillons sur des cartons, car sur la toile où les vers pondent d'habitude, on ne pourrait obtenir au- cun résultat. 11 a pris une brosse à habit à poils de chiendent, — celle à velours est trop faible, — et jl a frotté vivement et fort pendant 10 à 12 minutes, se faisant relever rapidement par une seconde personne quand il était fatigué. Il a frotté ain.si, le 1" août dernier, 28 BT ,2 pesant d'œuTs. Ou n'en perd pas, brisés ou détachés, plus de 1 dixième par le frottage. Puis, comme témoin d'expérience, il a détaché du carton une bande de trois doigts de large qu'il a envoyée près de Turin, à l'un de ses amis, pour observer ce qui se passe- rait. Le 14 août, il a vu sortir les premiers vers; de ce jour au 14 novembre, 1,200 sont nés. Les naissances ont donc duré 72 jours consécutifs, suivant une loi rapidement croissante jusqu'au e , avec 112 vers, puis, décroissante à peu près également, quoique un peu plus lentement jusqu'au 24 e , à partir duquel les naissances se tenaient plutôt au-dessous de S par jour qu'au-dessus, sans jamais dépasser 0. Du 17 août au 1 er septembre sont nés 032 vers. Jusqu'au 25 octobre, la température a été main- tenue à 28 u 11.; on a fait le feu nécessaire, l.e 27" jour on a laissé tomber le feu, ce qui n'a pas empê- ché quelques vers de naître encore jusqu'à ce que la température fût descendue au-dessous de 9"R. Colin pendant cinq jours ou a encore chauffé à 10" R. et l'on a eu encore 1 ver. Les vers de la première quinzaine — 14 août, 1" septembre — ont été élevés; ils ont parfaitement prospéré. 11 faut noter qu'ils se sont d'autant mieux comportés qu'ils étaient apparus plus près du maxi- mum des naissances. Malheureusement, vers la der- nière mue, des rats se sont introduits, de sorte que l'on n'a pu compter que 19 p. 100 devers réussis sur ceux qui étaient nés. Mais, l'envoi de Turin, qui, lui, n'a pas été attaqué par les rats, a donné 183 cocons sur 187 vers éclos. La marche de la mortalité dans l'ensemble d'édu- cation semble prouver, à des yeux exercés, que les premiers vers éclos ne sont pas toujours, comme on se le figure, les meilleurs des boîtes. Au contraire, ce sont ceux qui offriraient le plus de malades et de morts. Maintenant, y a-t-il un côté pratique de ces cu- rieuses expériences à utiliser? — Certainement, et l'on a profité, à Bergame déjà, des vers frottés, pour instituer de très-bonnes expériences sur la valeur de la graine. En effet, rien n'est plus facile présente- ment que de faire aisément et sans frais une éducation précoce, puisqu'on reste maître de l'instituer au moment où on le désire et qu'on peut toujours la commencer alors que la saison n'exige que peu ou pas de soin de chauffage et que les feuilles exis- tent partout, parfaitement voûtées, très-saines et faciles à se procurer. On arrivera ainsi à placer les vers d'expérience dans de très-bonnes conditions gé- nérales qui permettront d'apprécier très-exactement leur valeur véritable. D'autre part, si nous cherchons à nous rendre compte de l'agent qui intervient par le brossage pour hâter l'éclosion, nous entrons en pleine hypo- thèse. La première suggestion porte, tout naturelle- ment, sur les effets ordinaires du frottement, chaleur et électricité. Mais quelle est celle des deux mani- festations qui agit? Peut-être agissent-elles toutes les deux! La différence de surface frottante : soie, laine, coton,, chanvre, oiTrira-t-elle des phénomènes de dil- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 231 fércrits ordres? C'est ce qu'il est absolument impos- sible de préjuger, l Tout cela est l'inconnu. Des expériences sérieuses ! sont en cours d'exécution. Non-seulement la sérici- j culture mais l'embryogénie ont beaucoup à gagner à ce qu'elles soient suivies avec succès. II. DE LA BlaHCUÈRE. MODIFICATION APPORTEE I>AR LE PASSAGE DU COURANT ÉLECTRIQUE A LA LONGLEL'Ii d'uH FIL CONDUCTEUR.. Divers physiciens se sont occupés des modifications que le passage d'un courant électrique peut appor- ter ;'i l'état moléculaire d'un iil conducteur qu'il par- court. Wertlieim avait cru reconnaître que la trans- mission du courant modifie l'élasticité du Gl conduc- teur. M. Edluud, au contraire, démontra dans une série d'expériences très-précises que l'élasticité duiil n'est pas modifiée, mais bien son allongement, le- quel, sous l'action du courant, se trouve être plus considérable qu'il ue devrait l'être parle seul fait de l'élévation de température résultant du passage de l'électricité. C'est à cet excès de dilatation, que de- vrait dès lors être attribué le résultat obtenu par Wertlieim, non à un changement du coefficient d'é- lasticité. M. Edluud faisait deux évaluations de la température du fil, l'une calculée en partant de la relation préalablement établie entre la résistance galvanique de ce conducteur et sa température, l'autre déduite de l'allongement du fil mesuré direc- tement et de son coefficient de dilatation également connu. Or cette seconde manière d'évaluer la tempé- rature lui donna conslainiuent des chiffres plus éle- vés que la première ; il en conclut que le courant produit un allongement spécial du fil conducteur, qui s'ajoute à la dilatation résultant de 1 élévation de température. C'était là une méthode détournée; une des deux quantités à comparer entre elles, savoir l'allongement à égale température sans courant, n'étant pas mesurée directement. Jl. Streintz a repris cet important sujet en vue de trancher définitivement, par l'emploi d'une méthode plus directe que celle de M. Edluud, la question pendante entre lui et Wertlieim, et de faire une me- sure exacte de l'allongement yalvanitjtte pour difté- reuts métaux. Pour apprécier exactement la température qui doit ètrj la même avec ou sans le passage du courant, l'auteur enveloppe le conducteur, de distance en dis- tance, d'une mince couche de stéarine et fait croître graduellement l'intensité du courant jusqu'à ce que les anneaux de stéarine commencent à fondre sur les bonis. Pour amener le fil sans courant à la même température, il le plonge dans une couche de stéa- rine .entrant en fusion. La stéarine employée pré- sentait un point de fusion fixe de 55»,5 C; l'auteur démontre que l'erreur possible dans l'évaluation de la température du fil ne dépasse pas 0",5 C. Lo cou- rant était fourni par une pile de 6 à 12 éléments de Smee; un rhéostat servait à en régler l'intensité ; celle-ci était mesurée à l'aide d'une boussole des tangentes. Une première série d'expériences a été consacrée à la comparaison du coefficient d'élasticité de torsion d'un certain nombre de fils métalliques à la même température avec et sans courant. Pcillation à tous les tableaux pendus aux murs des appartements. A ce moment, la vallée dcZmich jouis- sait du calme le plus profond; mais sur lTlliberg régnait une forte rafale de vent. L'oscillation s'est étendue jusque dans quelques localités du canton d'Argovia. A lhittwyl, Gellw ile.t lleinwyl,la commotion a fait sentir son influence a doux reprises différentes. Il y a bientôt un an que ces ébranlements de l'épidémie terrestre se manifestent pres- que constamment sur différents points de noire sph roïde. Ces phénomènes seraient-ils les avant-coureurs de quel- que grand cataclysme géologique? Le» prédictions métênriiIogl*|ues de Kl. Char- les Suinte-Claire I»i-»llle. — Un grand nombre de nos lecteurs nous ont écrit pour nous demander comment M. Cil. Sainte-Claire Deville a pu si bien annoncer à l'a- vance la neige et les froids des 10 et 11 de ce mois. Nous sommes heureux de pouvoir donner, à cet égard, des renseignements qui, nous l'espérons, seront lus avec quelque intérêt. Le savant physicien a remarqué que généralement la température du mois éprouve une oscillation notable du 8 au 14. Cette oscillation n'est pas toujours froide. IJlle cor- respond à un abaissement do température en février, mars et mai. Mais au contraire elle représente un échauffemeut en novembre, par exemple. D'après M, Ch. Sainte-Claire Deville cette oscillation remarquable serait due à la pré- sence d'anneaux météoriques qui seraient assez régulière- ment distribués autour du soleil. Mais il n'insiste particu- lièrement en ce moment que sur le fait de l'existence de cette oscillation, qu'il a démontrée par des observations tout à fait indépendantes de ses opinions sur les causes de ce phénomènes singulier. Quelquefois l'oscillation manque, quelquefois clic est plus prononcée, ce qui peut tenir à certaine loi générale se combinant avec celle que nous ve- nons de résumer. M. Sainte-Claire Deville a remarqué de plus que les minimums de pression barométrique précèdent les minimums de température d'un petit nombre de jours. 11 en résulte que lorsque l'on voit un minimum barométri- que se produire «wee netteté vers les premiers jours du mois on doit déclarer hardiment que l'oscillation thorme— métrique ïiura également une intensité notable vers le mi- lieu du même mois. C'est ce qui est arrivé cette année, et l'oscillation ther- momélrique du milieu de mars a eu une étendue inusitée. Mais il y a plus de vingt années que M, Charles Sainte- Claire Deville a fait sa découverte. 11 a annoncé bien des fois des périodes froides ou chaudes sans jamais avoir reçu urt démenti de l'expérience. Mais jusqu'à ce juur il n'avait pas atliré l'attention d'une façon si importante. Quant aux pé- riodes froides ou chaudes, le savant académicien fait re- marquer qu'elles sont connues depuis l'antiquité la plus reculée. Au moins celle de novembre (ebaude) et de mai (froide), qui correspondent, l'une à l'été de ta Saint-Martin et l'autre aux saints de glace du printemps. Le pOIe Kord et les élections anglaises. — Le nouveau gouvernement conservateur d'Angleterre ne perd pas de temps pour réparer les erreurs de ses prédéces- seurs. Il prépare en ce moment, pour le pôle Nord, une grande expédition scientifique que le gouvernement libéral de M. Gladstone avait refusé de sanctionner. Nous devons féliciter le chancelier de 1 Échiquier de s'être rappelé que la patrie des Franklin et des lloss ne pouvait rester, sans quelque peu de hnnte, indifférente à la solution d'un pro- blème de géographie physique qui passionne tous' les peuples civilisés. La comftte de Strasbourg. — Le 20 février der- nier, le professeur Vinnecke a découvert, à Strasbourg, dans la nuit du 22 février, une petite planète qui, dans fa nuit du 28, acquit l'éclat d'une élode de 11' graruleur. A ce moment l'astronome allemand crut voir que cet astre portait une queue dans une direction opposée à celle du soleil. Le 10 mars, sa distance à cet astre n'était que de A millions de milles; mais sa dislance à la terre était na- turellement très-grande et dépassait 100 millions. L'orbite de cette comète, peu brillante comme on le voit, a été cal- culée par M. Schulhof, de Vienne, La neige du mois de mur*. — La chute de neige si abondante à l'aris, le 11 de ce mois, est un phé- nomène météorologique très-important qui s'est manifesté sur une grande partie de l'Europe. A Lyon comme à Paris la température s'est brusquement abaissée, et les (locons abondants n'ont pas tardé à cacher le pavé des rues d'une éjiaisse couche tic 3 à i centimètres d'épaisseur. Cet évé- nement atmosphérique, dit avec raison ie Courrier de Lyon, n'a rien qui doive nous inquiéter pour l'agriculture. Celte neige aura pour résultat de retarder la végétation et de prévenir des désastres qu'occasionnent trop souvent les ge'écs tardives. La neige nous rendra, en outre, la service de tasser les terres au moment du dégel, et de leur fairt emmagasiner ainsi une bonne provision d'humidité pour la saison chaude. A Londres la bourrasque de neige a été formidable. La matinée, lisons-nous dans le Paît Malt Gasette, avait élu rigoureusement froide ; les rues et les routes suburbaines étaient couverles d'une épaisse couche de glace: la loco- motion était à la fois difficile et dangereuse, lïutre huit et neuf heures la neige a commencé à tomber et sa chute a duré pendant la matinée tout entière. Les trottoirs et loi chaussées des rues étaient couverts de neige à moitié fon- due, et il est à craindre que de nombreuiaccideiits n'aient été causés par l'empressement des foules ù courir aux lieux d'où elles pourraient avoir une vue complète duspor- tacle du cortège royal qui devait traverser Londres pour ta Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 2ftf LA NATURE. rendre de la gare de Greal- Western au palais de West- d'un membre particulièrement iriléresséà ce sujet, la coi, minsler. La chute de neige a été aussi extraordinairement abondante dans tout le nord de l'Ecosse. Sociétés de tempérance. — Voici un mode de se- cours bien inattendu apporté aux sociétés formées pour l'extinction de l'acoolisme. Il s'agit, dit la Gazette de mé- decine, d'une cruisadeprêchée dans i'Obiu par une certaine secte Lewis, pour la propagation de la pratique suivante: Un certain nombre de femmes, quelquefois plusieurs cen- taines, se réunissent, et récitant des litanies, entonnant des psaumes, elles se rendent aux portes des débits de boissons, s'agenouillent sur le pavé, pénètrent dans les salles et continuent leurs pieux exercices jusqu'à ce que, parune espèce de scie, elles aient fait vider rétablissement. Elles résistent à toutes les injures, à toutes les menaces, aux voies de fait même, et leur patience est presque tou- jours couronnée de succès. Les traincanxA voile américains. — La rivière Hudson a fini par sa prendre, et l'hiver a enfin sévi de l'autre côté de l'Atlantique. Comme il arrive ordinaire- ment à pareille époque, ou a vu aussitôt reparaître sur cette immense nappe d'eau congelée les traîneaux à voile, dontles Yankees font grand usage. Ils ont même établi des régates qui sont très-suivies. La voilure de ces traîneaux se compose d'un seul mât et d'une vergue. L'équipage est formé de deux hom- mes. Un d'eux lient dans ses mains le gouvernail. La vi- tesse de ces singuliers véhicules est si grande, qu'en les voit souvent lutter de vélocité avec les trains de chemins de fer. ACADEMIE DES SCIENCES Séance du i(S mars 18" 4. — Présidence de M. Besthand. Élection d'un membre. — La mort de M. Piélaton a laissé laçante une place d'académicien, dans la section de méde- cine et de chirurgie. Après un grand nombre de laborieux comités secrets, la section est enfin parvenue à dresser ia liste suivante de candidats : en première ligne, M. Gosse- lin; en seconde ligne, MM. Broca, Demarquny et Richet; en troisième ligne, MM. M.irey el Vulpian. L'élection ayant lieu aujourd'hui, tous les membres sont à leur place, mais aux deux premiers tours de scrulin les voix se partagent cr;tie SIM. Gossclin, Marcy et Vulpian, sans qu'aucun d'en- tre eux réunisse la majorité des suffrages, Le ballûllagu entre les deux premiers amène cependant M. Gossclin au fautiuil académique, par 38 voix contre 21 données à îl. Marcy. te phylloxéra. — La question du phylloxéra fait un pas considérable s'il est vrai, comme on le dit partout, que l'argent soit le nerf de la guerre. L'Académie apprend, en effet, que le ministre de l'agriculture et du commerce, ne voulant pas attendre la rentrée de la Chambre, après les vacances de Pâques, pour obtenir un crédit spécial, affecte une somme de 20, 0Û0 francs à la destruction du phylloxéra. En même temps, une lettre de M. Tereire, président du Conseil d'administration des chemins de fer du Midi, an- nonce que cette société offre à l'Académie, cl sans fixer la somme, les fonds nécessaires à la continuation des expé- riences de destruction du parasite. Enfin le bruit circule que les conseils municipaux de Cognac et d'autres lieux ouvrent de» crédits dan» W même but. Selon l'expression mission, dite du phylloxéra, va se trouvera la tète de plus de cent mille francs. La troïlite. — On donne ce nom à un sulfure de fer très-répandu chez les météorites et que l'un trouve sou- vent en gros canons cylindroïdes dans l'intérieur même des masses de fer tombées du ciel. La plupart des miné- ralogistes considèrent cette substance connue étant formée de protosulfure de fer. Telle n'est cependant pas sa véri- I aide constitution, et dans une note, présentée à l'Acadé- mie par M. Daubrée, nous montrons que sa formule véri ■ table est Fe'S 3 . C'est une variété du minéral connu sous le nom de pyrite magnétique ou de pyrrothine, et ou trouve sur la terre, par exemple à Ilorbach, dans le pays de Bade, des échantillons identiques pour la composition comme pour la densité à ceux qui nous arrivent des espa- ces interplanétaires. Notre conclusion n'est d'ailleurs pas fondée exclusivement sur des résultats d'analvse chimique. Les protosulfures possèdent certaines propriétés qui peu- vent les faire reconnaître. Par exemple, comme M. Jannet- ta« l'a montré récemment, ils donnent lieu, sous l'in- fluence du bisulfate de potasse, à un dégagement d'hydro- gène sulfuré. Si la troilito était un prolusulfure, elle devrait manifester ce dégagement, d'autant plus que le protosulfure de fer et le protosulfure de nickel essayés di- rectement lui ont donné lieu ; or il n'en est rien, et à cet égard le minéral météoritique se comporte encore comme le pyrrothine terrestre. Acides tartriques. — Tout le inonde connaît les belles recherches de M. Pasteur sur le dédoublement de l'acide racémique en deux acides tartriques identiques quant à leur composition, mais faisant tourner le plan de polarisa- tion de la lumière polarisée l'un à droite l'autre à gauche. M. Berthelot reprend aujourd'hui cette question au point de vue de la chaleur mise en mouvement. 11 trouve qu'en se dissolvant dans l'eau l'acide droit absorbe 5/275, et l'acide, gauche 5/270 calories. D'un autre côté l'acide ra- cémique en absorbe 5,420. La combinaison de ce même acide avec deux équivalents d'eau dégage 6,900 calories. Il en résulte que la dissolution de cet hydrate dans l'eau représente un mouvement de chaleur égal à la différence des deux nombres précédents, soit 1,480 calories. Or, et c'est le seul point sur lequel nous appellerons aujourd'hui l'attention, ce nombre est exactement celui que M. Urf- siiins a récemment trouvé comme représentant la chaleur de fusion de l'eau. Ce curieux résultat peut s'exprimer en disant que, si l'acide tartrique solide s'unissait à l'eau également solide, il n'y aurait aucun d.igagement de cha- leur. États allothropiques du phosphore. — Jusqu'ici on ne connaît que deux états bien nels du phosphore : le blanc el le rouge; les phosphores noirs étant assez mal connus et peut-être méiangés d'impuretés. MM. Troost et Haute- feuille annoncent par l'intermédiaire de M. Henri Sainte- Claire Uoville, que ces deux états sont compris dans une très-longue série, que l'on peut comparer à celle si nom- breuse en termes curieux de diverses formes de soufre. Un résultat très-remarquable est l'obtention du phosphore rouge, appelé jusqu'ici amorphe, en cristaux transparents. Stanislas Melmer. Le Propriétaire-Gérant : G. Tissakdieh. LUÈIULIL, — Xyp. Ct BtCL. ÛC CllKfB tflLJ. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires K» 43. - 28 31 A 11 S 1874. LA NATURE. 257 LES DERNIERS PASSAGES DE YÉM'S Au siècle dernier Vénus a passé deux fois sur In soleil, d'abord en 1761 puis en 17G'J. La plus utile introduction à l'observation des passages de 1874 et 1882 est le récit des expéditions académiques qui ont eu lieu dans ces grandes occasions solennelles, et surtout dans la dernière. Nos descriptions ont pour but d'expliquer ce qui a été vu et non point de disserter sur les conclusions qu'on a pu tirer de ces travaux si curieux. Comme la parole va être de nouveau à la nature, il nous pa- raît tout à fait superflu de la prendre nous-mêmes. Nous devons cependant donner quelques mois d'ex- plication générale, destinés à montrer combien le phénomène est susceptible d'un nombre infini de nuances. Le passage du 6 juin 1701 fut observé par Jérôme de Lalande, au Lu\embourg, à partir de G h. 51' du matin, moment où le soleil se leva, jusqu'à 8 h. 45" moment où Vénus quittait le soleil. Le so- leil ne s'était pas levé assez à temps pour que le premier contact fût aperçu en France. Le grand JiguiCi- de Cook. à la Fointc-dc-Yi/nus (baie de Uatavai, 1 Tahiti), où s'observa le iiawagc de 11US*. Au contraire le passage du 7 juin 17G9 se montra un peu après 7 heures du soir, et l'astre en se cou- chant disparut entraînant avec lui la planète visible sur son disque. Si le ciel eût été pur, Jérôme de Lalande, quiobservait au collège Mazarin, aujourd'hui palais de l'Institut, aurait pu voir le premier contact ; le dernier lui échappait par la nature même des choses. En 1874 nous ne verrons ni le premier ni le der- nier contact, tous les astronomes qui voudront par- ticiper aux observations devront quitter la France, complètement déshéritée dans cette circonstance, et faire de longs voyages. Nous avons expliqué déjà dans ce recueil com- ment il se fait que l'observation des passages puisse servir à déterminer h parallaxe de Vénus et, par î" IDDÙ. — \" Kiûtslct conséquent, la distance de la terre au soleil. Mais il nous reste à faire comprendre comment il se l'ait que les passages soient répartis par couples compo- sés de deux passages, séparés l'un de l'autre par un intervalle de huit années solaires. La raison est très- simple à donner. En eflet elle tient à ce que huit années solaires sont presque rigoureusement égales à cinq années synodiqucs de Venus. Quand nous avons fait huit tours entiers autour du foyer du monde, Vénus nous paraît avoir décrit cinq cir- conférences entières. 11 en résulte que si la planète se trouve entre nous et le soleil ; après huit ans ré- volus, elle s'y rencontre de nouveau. C'est ce qui fait que le passage du 6 juin 1761 est suivi par eeiui du 7 juin 1769. Encore huit années il y aurait pas- sage si l'équatinn précédente était exacte. Mais elle 17 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 258 LA NATURE. ne l'est qu'à peu près, de suite que la pelite diffé- rence qui n'a pas clé assez considérable pour taire manquer le passage de 1 7(59, a été au contraire assez, importante pour que le passage de 1777 et les sui- vants n'aient point eu lien. 1! faut un long intervalle de temps, 121 ans 1/2, pour que l'astre se trouve dans une situation analogue à celle de I 7G9, cl pour qu'il se reproduise par conséquent un nouveau pas- sage, lequel, par les raisons déjà données, sera suivi d'un passage complémentaire. KXPÉD1TI0> DE COOK, Le 26 août 1768 YEndeavour, petit navire de guerre de 300 tonneaux, mit à la voile de Plymouth sous les ordres du lieutenant Cook, pour aller explo- rer les îles de la mer du Sud, comme venait du le faire le capitaine Wallis. Les instruc- tions du lieutenant. Cook lui enjoignaient eu outre de commen- cer par se rendre, en doublant le cap Ilorn, à l'île de Tahiti que Wallis avait explorée l'année précédente et où il avait reconnu que l'observation pou- vait i-e faire dans d'ex- cellentes conditions. Les instructions dont l'illustre Cook était muni avaient été rédi- gées par Dabrymple, célèbre géographe an- glais, qui avait par- couru longtemps les mers de l'Inde. Le gouvernement anglais avait d'abord l'inten- tion de donner à Da- brymple le comman- dement de l'expédition avec un brevet de ca- pitaine de marine. Mais on se rappela que dans une circonstance analogue l'équipage d'un navire de guerre s'était révolte contre Halley, et l'on jeta les yeux sur un offuier de marine qui semblait remplir toutes les conditions nécessaires pour remplir à merveille une si importante mission. Le lieutenant Cook, alors âgé de 41 ans, était un marin qui s'était formé lui-même pendant la guerre contre la France, à laquelle il avait pris une part glorieuse. 11 s'était distingué depuis la paix en dres- sant une très-bonne carte de l'IIudson et en faisant, à propos d'une éclipse de soleil, des observations assez exactes pour avoir eu l'honneur d'une inser- tion dans les Transactions philosophiques de la Société royale de Londres. vues par Cook. L'astronome ilu gouvernement était M. Gruon, as- sistant à l'observatoire deGreenwich. Joseph Banks, écuyer, propriétaire d'un bien con- sidérable dans le eomté de Lincoln, s'était embarqué à bord di YEndeavour. Ce personnage avait reçu l'éducation d'un homme de lettres que sa fortune destine à jouir des plaisirs de la vie. Cependant, en- traîné par un ardent désir d'acquérir d'autres con- naissances , dès sa sortie de l'Université d'Oxford, il s'était mis à voyager, et dès qu'il apprit qu'on équipait V Endeavour, il intrigua pour obtenir un passage à ce bord. Désireux d'avoir auprès de lui un compagnon plus instruit, il enga- gea le docteur Solau- der à l'accompagner. Ce savant était un mé- decin suédois, disciple de Linné, qui venait dt: se fixer à Londres, où il avait obtenu une place dans le British Muséum. M. Banks prit aussi avec lui deux peintres, l'un pour des- siner les paysages et les figures , l'autre pour peindre les objets d'his- toire naturelle. Enfin, un secrétaire et quatre domestiques dont un nègre, complétaient son équipage. Le l'i avril 1769, YEndeavour jetait l'ancre dans la baie de Matavaï , appelée par Wallis baie de Port- Royal et située au nord de l'île à laquelle Wal- lis avait donné le nom, qu'elle n'a pas con- servé, d'île de Geor- ges 111. C'était dans cette baie que Wallis avait eu à lutter contre les naturels dont il avait du reste facilement triomphé et dont les mauvaises dispo- sitions ne pouvaient donner à Cook aucune inquié- tude sérieuse. Mais comme il fallait que les observa- tions astronomiques se fissent en pleine paix, le capi- taine de YEndeavour se mit en devoir de faire construire un fort à la pointe nord de la baie qui est la pointe la plus nord de l'île. Elle a gardé le nom de Pointe-de-Vénus, en souvenir des observations du grand navigateur. Le grand figuier que nous avons t'ait dessiner, d'après la planche originale de Cook, existe encore. On l'a entouré d'un grillage, et les indigènes ont conservé pour ce géant végétal une sorte de respect superstitieux. C'est à l'ombre de vues par Greeu. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 259 ses branches que le campement de Cuok fut établi. Les indigènes se prêtèrent de bonne grâce à lu construction de ce fort, mais les Anglais eurent toutes les peines du monde à soustraire leurs instruments aux naturels qui sont excessivement voleurs. Ces inci- dents ne troublèrent pas les bons rapports élablis avec les indigènes, grâce à l'affabilité de la reine: Oberéa. Quand le jour du passage approcha, le lieutenanL Cook songea à mettre en pratique les très-sages con- seils qu'il avait reçus de lord Morton. Il fit observer de trois points différents espérant qu'en divisant les hasards, il arriverait à la certitude d'une observation sans nuages. Une expédition alla donc s'établir dans la petite îled'Eimeo, située à l'est, et une autre sur une [ilage de l'ouest. Nous copions fidèlement, d'après la source origi- nale, les apparences extraordinaires connues par les astronomes sous le nom de goutte noire ou de liga- ment noir. Aperçu par deux observateurs habiles, placés côte à côte, ayant l'un et l'autre des instru- ments identiques, des télescopes de deux pieds de foyer et d'un grossissement de 14", ce mystérieux objet a éprouvé des variations fort curieuses. La fi g. 1 de Cook montre la première impression sur le disque. Elle est à peu près pareille à la pre- mière impression de Green. La (ig. 4 de Green est à peu près pareille à lu fig. 3 de Cook, avec cette dif- férence que la forme de la goutte noire n'est point pareille. Les figures 3 Green et 5 Cook sont pareilles, comme on peut s'en assurer, avec cette différence que Cook a marqué une pénombre dont Green n'a point de traces. L'étendue de cette pénombre est considé- rable, Cook la suppose égale au huitième du diamè- tre de Vénus. L'observation fut très-fatigante pour les deux as- tronomes, car elle commença à 9 b. 21 ni. du matin et se termina à 3 h. 10 m. du soîr, à un moment où la clialeur était étouffante. Le thermomètre marquait 120° Fahrenheit. Cook nous avertit et on le croit fa- cilement qu'il n'était pas sûr lui-même de la fin de sou observation. Dans de pareilles circonstances ther- mométriques l'organisme humain , cet admirable instrument, perd toujours de sa puissance. Les jeux de lumière qui ont si vivement préoccupé les astronomes, ont duré assez longtemps pour qu'on n'ait pas lieu de les dédaigner, car ce n'est que 20 minutes après la première impression, que le disque de la planète s'est trouvé dégagé de toute apparence parasite. Pendant que les officiers étaient occupés à obser- ver le passage de Vénus, des matelots enfoncèrent un des magasins, et volèrent près d'un quintal de clous à fiches. Le cas était sérieux et de grande importance car si ces clous avaient été répandues chez les thaï- tiens ils auraient fait un tort irréparable au crédit de l'expédition en diminuant lu valeur du fer, seul moyen d'échanges On découvrit un des voleurs, mais il n'avait plus que sept clous. On le punit par vingt-quatre coups de fouet et il ne voulut jamais révéler ses complices. Le lendemain était iii fête du roi d'Angleterre, qu'on retarda de célébrer jusqu'au retour des officiers en expédition pour le passage de Vénus. Après avoir exécuté le périple d'Othaïti, Cook reprit la suite de son célèbre voyage. 11 est bon de noter qu'entre la reconnaissance de Wailis et le voyage d'exploration do Cook, Bongainville avait touché terre dans ces parages et en avait pris possession au nom du roi de France ; l'acte avait été dressé en due forme, et serré dans un coffret qu'on avait enfoui en terre. W. de Fu-wieme. — La milita prochainement. — L'AUTOPSIE DES FRÈRES SIAMOIS 1 Un long rapport sur les résultats de l'autopsie des corps des frères siamois a été présenté le 18 février 1874, aux professeurs du collège médical, dans la salle des cours publics de l'établissement dj Phila- delphie, en présence d'au moins deux cents médecins, au nombre desquels figuraient les docteurs les plus émiuents de la ville et des autres grandes cités de l'État. Les corps des deux jumeaux étaient posés sur une table placée dans la partie supérieure de la salle, tout eu face des spectateurs. L'assistance a prêté la plus grande attention et pris le plus vif intérêt aux obser- vations présentées par le docteur l'auevart, et aux explications de certaines particularités physiologiques qu'offraient respectivement les deux corps. La plus saillante de ces particularités, selon le docteur l'a- uevart, est celle qu'il a désignée sous le nom de « Corde grasse » ou onctueuse (Fattij cord) qui s'étend depuis la membrane muqueuse de l'estomac, à laquelle elle est adhérente dans la direction de la bande d'union, mais n'y pénétrant pas. D'autres par- ticularités remarquables se trouvent dans le nombril et le foie de chacun des corps ainsi que dans des ex- croissances anormales que l'on rencontre rarement dans l'anatomie de l'homme. La dissection de la bande qui reliait l'un avec l'au- tre les corps des jumeaux siamois, le point le plus important de la question à résoudre, n'a été prati- quée que le lendemain 19 février. Il parait certain qu'une liaison intime existait entre Chang et Eng. Les deux frères n'auraient pu être séparés de leur vivant, sans que leur mort ne suivit cette opération. La dé- monstration complète de ce fait a été donnée à l'aide d'une injection qui pratiquée dan? les viscères de Chang s'est répandue dans ceux de Eng. Voici com- ment s'exprime au sujet de ces laits si intéressants, le correspondant de Philadelphie de l'Agence Havas. Le détail offrant un grand intérêt est la conformation des cœurs des deux irères et les rapports existant entre l'un et l'autre de ces viscères; et bien qu'il n'ait été procédé à aucun examen régulier jusqu'à <■ Voy p . 150 et 225. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 2G0 LA NATURE. présent, il a été pleinement décidé par les médecins nue Ses mêmes circonstances anormales existaient lu comme d;ms le cas îles foies. Les « apiees » des cœurs s'approchent l'un de l'autre. Le cœur de l'un est normalement placé au côté gauche du corps taudis que celui de l'autre est du côté droit. Mais l'un et l'autre sont des organes parfaits quant à ce qui con- cerne la circulation. — »<>»— ACTION UHISARTE D'UNE DÉCHARGE ÉLECTRIQUE A TIIAVEI'.S L'EAU. M. Raxuwlell ayant, dans une réunion de la « Lit- terary and Pliilûsophicul Society )) de Mancliestor, émis l'idée que, lorsqu'un coup de fondre fend et écoree un arbre, cela c♦ HtiLLETIX DU YULCAMSÏÏE ITALIEN. Nous sommes heureux d'annoncer que M. le che- valier Michel Slofano llossi, professeur de géolo- gie à Rome, lient de créer un organe spécialement destiné à l'élude des phénomènes vuleaniqucs de tout genre dont la péninsule est le théâtre, d'une façon constante. La publication, dont nous avons en main le pre- mier trimestre, paraît tous les mois. Cependant le ré- dacteur en chef se réserve la faculté de pouvoir réu- nir deux fascicules. Chaque numéro se composera invariablement de trois parties. En première ligue, un résumé des observations auxquelles les phéno- mènes courants ont donné lieu ; en seconde ligne, une correspondance qui est déjà très-active, et en troi- sième, une partie bibliographique renfermant la critique de tous les ouvrages de nature à éclaircir l'étude des phénomènes vulcaniques. On sait que l'an dernier l'Italie a subi l'action de tremblements de terre très-fréquents. Nous trouvons dans le tableau dressé par M. Michel Stefauo Rossi la mention de 725 secousses différentes, réparties dans- diverses régions de la péninsule, mais n'ayant pas eu lieu cependant d'une façon tout à fait irrégulière et désordonnée. C'est l'espèce d'ordre qui préside à ces convulsions que le chevalier Rossi cherche à déter- miner à l'aide de tableaux graphiques, dans lesquels il insère les données météorologiques correspondan- tes ainsi que les apparitions d'aurores boréales. Nous devons signaler l'excellente tendance du chevalier Rossi à se préoccuper de l'étude des petites secous- ses, même de celles qui glissent souvent inaperçues. C'est seulement ainsi que l'on pourra se rendre compte de l'étendue et de la nature des trépidations terrestres, car de petites secousses que les ignorants considèrent comme insignifiantes se rattachent sou- vent à de grandes convulsions naturelles, provenant de centres lointains. Nous ne saurions non plus trop Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 277 louer l'idée de relier les tremblements de terre avec les phénomènes météorologiques, care'cstduns lu décou- verte de ces liens cachés que réside la science de la nature; mais les grands résultats que des observa- teurs peuvent recueillir dans des circonstances ex- ceptionnelles, échapperaient aux savants italiens s'ils ne possédaient des enregistreurs d;ms les principaux observât .ires météorologiques. Faut-il avouer que nous sommes privés totalement, en France, d'in- struments de cette nature? TERRIERS DE SKYE A OREILLES DROITES. Les Français et les Anglais ont des idées très- différentes sur la beauté des diverses races de chiens dont ils se servent, et sur les qualités que ces ani- maux doivent réunir. C'est ce qui m'a dès longtemps iait trouver singulier que mes compatriotes aient /.■ "■ Tenit^r lIc SUyq i orHlles droites toujours voulu, à toute force, depuis deux cents ans bientôt, emprunter à nos voisins ce qui était bon pour eux mais mauvais pour nous. Hien ne m'a mieux prouvé la justesse de mes ré- flexions que les scènes qui se déroulaient sous mes yeux, en 1807, dans la partie de l'Exposition univer- selle consacrée aux chiens. Là, les insulaires nos voisins s'amassaient en groupes compactes devant nos bassets à jambes droites et surtout à jambes torses, et s'ébahissaient connue devant les animaux les plus hétéroclites du monde. Qu'y faire? Ils n'avaient jamais vu de bassets dans leur pays, par cette raison bien simple, qu'il n'y en a pas,... De même, chez nous, on ne. connaît pas les mou- les divers de cliiens par lesquels ils remplacent nos bassets, c'est-à-dire les Terriers. Ceux qu'on a im- portés en France ne sont pas généralement remar- quables ; témoin la dernière exposition du Jardin d'acclimatation. Mais, ce qu'il y a de plus étrange encore, c'est que jusqu'à ces derniers temps, l'espèce de ces cbiens que nous représentons ici était encore inconnue en Angleterre au sud de la Tweed. Ce sont les Terriers de Skye à oreilles droites qui, dans l'ouest de l'Ecosse, sont plus appréciés que n'importe quelle autre race, non-seulement à cause de leur beauté, mais pour leur courage et toutes leurs bonnes qua- lités. L'île de Skye, d'où vient cette curieuse espèce, — de même ju'une autre' race de Terriers à oreilles Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 278 LA NATURE. pendantes et, comme ceux-ci, Griffons, dijà depuis longtemps connue puisqu'un couple vient d'arriver an chenil du bois de Boulogne, — est une des Hé- Lrides, longue do 05 kilomètres sur ?>5 de largo. C'est un sol montagneux, entrecoupé d'excellents pâturages où l'on élève de beaux et nombreux trou- peaux. Chasse, pêche et pâturage, telle est la vie des habitants. Maintenant, si l'on medcmnnde: D'où viennent ces deux races de Bassets griffons? je répondrai que nul ne le sait et qu'ils se sont reproduits là sur eux- mêmes, depuis les temps les plus reculés. Est-ce le séjour insulaire resserré qui leur a fait les jambes courtes?.. Chilo sa?.... Ce qu'il y a de certain, c'est que les Ecossais de ces régions ne sont pas amateurs de chiens dans le sens pratiquera mot; ils les laissent venir, peu nom- breux d'ailleurs, comme ils veulent , élevant seule- ment les races qui leur plaisent le mieux et, de toute éternité, leur semblent les meilleures. Ces petits chiens se montrent très-ardents et de bonnes allures, très-affectueux; ils vont à l'eau comme des batraciens et, quoiqu'ils ne soient point querelleurs, n'hésitent pas à attaquer un chien plus gros qu'eux. Les Terriers de Skye à oreilles droites ont le corps e\trèmcment long, les pattes très-courles et, il ne faut point se le dissimuler, lé- gèrement torses. Leur couleur doit être bleue; la tète, les oreilles et les jambes seulement sont un peu teintes de blanc et très-fourrées en poils. Le poil, sur le corps, est raids et épais, tandis que sur la tête, les oreilles et les pattes, il devient tout à fait soyeux. Museau carré, tête grosse, nez noir et large, yeux pelils, noirs et non proéminents, oreilles courtes, droites et fauves malgré cela: tel est le signalement deces curieux animaux. H. de La. Blaa'ciikrk. LES CHARMEURS DE SERPENTS ET ],E PIIOFESSEUIl llICHAIÎl) OWEN. Le merveilleux a eu, dans tous les temps, le privi- lège d'offrir à l'esprit des séductions contre lesquelles les hommes les plus instruits ne savent pas toujours se défendre. Comment les populations de l'Orient, géné- ralement ignorantes, et toujours ardentes, ne se lais- seraient-elles pas prendre aux jongleries de bateleurs, puisque ces habiles escamoteurs ne manqueraient certainement pas de rencontrer parmi nous de nom- breux adeptes. Les guérisons du zouave Jacob, et les mouvements extravagants imprimés aux tables tour- nantes par les médiums et les spirites sont des éié- nements trop récents, pour qu'on ne puisse affirmer que les charmeurs de l'Orient sauraient exercer leur influence, même dans la capitale du monde civilisé, s'il y avait à Paris des serpents qui hantent les maisons, comme dans certains quartiers du Caire. M. le professeur Richard Owen, ennemi acharné des préjugés ridicules qui émaillent 1 his- toire de l'humanité, a voulu étudier de près les charmeurs du Caire, dont il avait entendu vanter les prouesses par des personnes dignes de foi. 11 s'est efforcé de soumettre les faits à la pierre de touche de la méthode scientifique, afin do voir s'ils n'étaient pas grossièrement falsifiés pur dos récits d'une cré- dulité naïve. Toutes les histoires étranges, qu'il avait entendu déhiter sur l'influence occulte que les charmeurs passent [jour exercer sur les animaux, se sont subitement effondrées, sous son examen scru- puleux, comme il arrive toujours quand la fable et la superstition sont soumises à l'investigation du raisonnement et de la logique. — M. Owen n'a pas cru inutile de publier en Angleterre un long tra- vail à ce sujet. L'illustre savant a pensé qu'on ne saurait trop faire pour ramener dans le droit che- min de la vérité les esprits sincères qui se plaisent à suivre leur imagination dans le pays des chimères. Nous reproduirons les plaisantes scènes dont le na- turaliste anglais a été témoin 1 . C'est lors d'un voyage assez récemment exécuté en Egypte, que M. Oweu s'efforça de dévoiler les procédés, soi-disant mystérieux, que les clnrmeurs emploient pour attirer à eux et détruire les serpents qui infestent quelques maisons du Caire, Kn compagnie de plusieurs amis, un rendez-vous fut pris avec l'un des membres les plus fameux de la famille des derviches qui, par tradition léguée de père en fils, jouissent, dit-on, de la faculté surna- turelle de charnier les ophidiens les plus venimeux. On s'achemina vers un faubourg du Caire, réputé pour être hanté par des reptiles. Mais avant de pro- céder à l'exploration magique, If. Owen demanda au charmeur de vouloir bien su dépouiller de sa longue tunique flottante et d'eu laisser visiter toutes les parties, surtout les manches, qui lui paraissaient spécialement suspectes. Le sorcier refusa obstiné- ment, et, chose remarquable, il demeura inébran- lable, même devant l'offre d'un demi-souverain, qui représente cependant un assez grand nombre de piastres égyptiennes. On pénétra d'abord dans une petite maison en- tourée d'un jardin : là, le charmeur précédant un jeune garçon, traversa mystérieusement plusieurs pièces, on lançant des regards ardents en tous sens, sondant les coins, marmottant des paroles sacramen- telles et sifflant de temps en temps. Celte première maison, ayant été déclarée vide de reptiles, une se- conde fut mise eu exploration : le charmeur y fut accueilli avec toutes les marques de la plus grande vénération ; il fit les mêmes passes que précédem- ment et parcourut également toute la maison. Arrive à une pièce obscure, qui n'avait d'autre issue que la porte devant laquelle se tenait le char- meur, de manière à la boucher presque toui entière de son corps, il se démena tout à coup plus vive- ment, avec force paroles magiques et sifflements. M. Owen essaya de s'approcher, mais le jeune garçon 1 Le rÉeit qui Ta suivre a été publié dans la Blaekwood't Magazine, et LrailuiL pour lu Journal officiel. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 279 s'y oppnsa vivement, en protestant qu'on détruirait infailliblement le charme. Bientôt le sheik étendit son bras, et de la baguette qu'il tenait à la main frappa avec frénésie les murs de la pièce; puis, se retournant subitement vers les spectateurs, il s'écria: « Voici le serpent, mon cousin, » En effet, dans un coin gisait, tout engourdi et presque sans vie, un serpent maigre et grêle, de l'espèce commune et moffensive d'Egypte appelée Coluber atrovirens . S'il était réellement sorti de quelque fissure de la muraille, il semble qu'il eût dû faire au mains quel- ques mouvements, et, en présence de tout ce monde, chercher à s'enfuir; « mais la serpent était encore sous lu charme », — telle fut la réponse que lit le charmeur à l'interprète qui avait transmis les observations de M. Owen, Le reptile fut saisi par dessous la tète par le jeune garçon, examiné atten- tivement par lui, puis introduit dans un sac, qui en contenait déjà plusieurs de son espèce, Los explorations pratiquées consécutivement dans trois ou quatre maisons donnèrent lieu à une collecte totale de deux autres petits serpents ; mais ee résul- tat n'était jamais obtenu que dans dos pièces noires, dans de véritables culs-do-sac, où le charmeur ne permettait pas qu'on pénétrât avant lui, sous pré- texte qu'oïl annulait son influence. Ce sont là, on le l'ait, — et comment s'empêcher de faire ce rappro- chement? — les objections que font aussi les spi- rit.es, lorsqu'ils ne réussissent point. : la présence, dans !a réunion, d'un sceptique, ou bien encore trop de lumière dans l'appartement, neutralisent, le fluide ou détruisent le charme. A partir de ce moment, le slieik fut encore plus sévèrement surveillé, et M. Richard Owen n'eut pas de peine à constater que, quelques secondes avant l'annonce de la présence du serpent dans la cham- bre, le bras gauche du charmeur s'agitait nerveuse- ment, et que de la manche de sa tunique glissait, sur le sol, le petit animal glacé et meurtri. Lors- qu'on fit ces représentations au charmeur, loin de consentir à une visite de ses habits, il protesta avec une mauvaise humeur extrême, qui se communiqua à la foule crédule qui l'entourait. M. Owen quitta donc l'Egypte avec la plus pro- fonde conviction que les charmeurs de serpents du Caire n'étaient que de très-lourds et très-ordinaires jongleurs. Quelques-uns de ses amis croyaient toute- fois que son scepticisme en matière de charmeurs de serpents était trop absolu, et voulurent pousser jus- qu'à complète démonstration les expériences com- mencées ; ils lui promirent de le tenir au courant de leurs observations ultérieures. En octobre dernier, M. Owen reçut trois lettres du docteur Graiit, qui s'était chargé de diriger les opé- rations. Dans la seconde de ces lettres, M. Grant in- dique qu'il s'est procuré deut petits serpents du désert, un Cérastes cornutus et un Cobra di ca- pelto; qu'après les avoir disposés dans une petite boîte à deux compartiments, chacun d'eux séparé- ment, il procéda à l'expérience suivante avec l'un des membres des Itiffanyek, ou charmeurs de ser- pents, les plus célèbres. La boîte fut cachée par le professeur Grant, introduite sous un divan, qui se trouvait dans la pièce où le charmeur devait péné- trer. Celui-ci, avant de s'introduire dans la première maison, s'était dépouillé de ses vêtements, afin qu'on ne pût soupçonner un tour de main, mais il avait repris sa tunique aussitôt après ; elle no fut point visitée et elle aurait dû être remplacée, re- marque justement M. Owen, pat- une tunique tout à fait neuve et apportée expressément par le docteur Grant lui-même. Le résultat de l'exploration de la maison fut la découverte de deux serpents dans la pièce même où la boîte avait été déposée ; ces deux reptiles étaient de l'espèce ordinaire d'Egypte. L'o- pération terminée, et le docteur Grant ayant à plu- sieurs reprises insisté pour une exploration plus pro- longée, le charmeur jura emphatiquement, par le saint qui l'avait investi de son pouvoir, que la pièce était complètement libre de reptiles. Le docteur Grant saisit alors la baguette du char- meur et amena de dessous le divan la boite au Cérastes cornutus et au Cobra di capetlo, qui avait été suffisamment entr'ouverte pour laisser un libre passage aux reptiles. « Ah ! s'écria le char- meur, quelque peu décontenancé, ces serpents sont du désert, des montagnes de l'ouest; je n'ai aucun pouvoir sur eux! » Les éclats de rire du docteur Grant et de ses com- pagnons qui accueillirent cet aveu d'impuissance, ne furent pas du gré du public croyant. Le docteur Grant prit alors un chapeau, y fit mettre un des ser- pents du charmeur, plaça le tout au milieu de la chambra et somma le lliffanyeh d'eu faire sortir l'a- nimal par ses enchantements. « Oh! non, répondit- il, je ne puis pas faire cela ! un serpent qui a déjà été charmé et emprisonné une fois ne peut plus être charmé ni emprisonné une seconde fois ! » La scène se termina par une visita au préfet de poliee du Caire qui, après avoir traité le charmeur d'imposteur, confirma pleinement l'opinion que tous les Riffanyeh n'étaient que des malandrins et des bateleurs. Le lendemain nue entrevue avec le chef de l'ordre des Riffanyeh eut lieu sur la demande qu'en fit le docteur Grant au préfet, et en présence de ce fonc- tionnaire. Dans un entretien préalable avec le chef ou slieik, le docteur Grant apprit de lui qu'il s'ap- pelait Mohammed Jassùn-sheik-es Seygadi el Biffa Eie's, ce qui veut dire u occupant le tapis de prières ou trône deSeggadi, fondateur de l'ordre. » Les Riffanyeh constituent la première et la plus célèbre des quatre castes de derviches; elle se sub- divise en trois sectes, ayant chacune leurs fonctions spéciales. La première s'appelle du nom de Fto- ranuyel ou Owlad Ivan; les membres qui la com- posent ont le talent de se percer impunément le corps avec des pointes acérées, des épées, des sabres, de manger des serpents tout vifs et d'avaler des charbons ardents. La seconde secte porte le nom de Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 280 LA NATURE. Saaduyek; ceux-ci manient impunément les ser- pents les plus venimeux, les scorpions ; et les man- gent en partie. La troisième secte est celle des Owlad Seidi Gamaha. Ils découvrent la présence des ser- pents dans quelque lieu qu'i's se cachent et possè- dent la vertu de les faire sortir de leurs retraites les plus secrètes ; ils les mangent complètement. Le fondateur de l'ordre des Rit'fanyeh s'appelle Seid Âhmad Riffa el Kebour, auquel ses adeptes reconnaissent le pouvoir surnaturel de dominer toute l'espèce opliidiemie. 11 a laissé sou secret à ses des- cendants ; il est révéré par eux comme un saint, et sa tombe consiste en un nid de reptiles, qui, dit-on, même après sa mort, se sentent encore attirés par lui. Les Seidi Gamaha, qui se prétendent doués de la propriété de charmer les serpents, ne sont qu'au nombre d'une soixantaine; ils habitent les deux villages île Dusibs, dans le district de Minouflieli et de Dinoshcr, près de Mahallah, à une grande dis- tance du Caire. Ils cultivent la terre et ne peuvent j recevoir aucun salaire pour charmer les serpents, sons peine de perdre la vertu magique qu'ils possè- dent. Tous les autres Riffanyeh ne sont pas char- meurs et ne sont que ries jongleurs et des charla- tans : telle était du moins l'opinion manifestée par la sheik. Mais devant le préfet de police du Caire, qui in tervint à la fin de la conversation, ce langage se mo- difia considérablement. Pressé de questions par le magistrat, le sheik avoua que ce qu'il avait dit des Owlad-Seidi n'était que des on-dit, vu qu'il ne pouvait personnellement lien affirmer de positif. Le préfet termina la séance en déclarant qu'ils étaient tous, sans exception, qu'ils se fissent salarier ou non, des halbanen (des charlatans), sur quoi le sheik se retira très-mécon- teut. Dans une troisième lettre du docteur Grant, ce dernier mentionne qu'ayant eu occasion de revoir le petit garçon qui accompagnait le Riffanyeh, il obtint de lui assez facilement la confession delà vérité : le charmeur avait eu effet sur lui, cachés dans sa robe et dans deux sacs séparés, les trois serpents qu'il avait, dit-il, trouvés dans l'exploration de la maison. 1 Après un récit si amusant et si instructif, on vou- drait voir les spirites et les médiums de nos pays cire, de même que les charmeurs du Caire, soumis à l'examen de la science. Mais, comme le dit si bien M. Owen, ces expériences-là ne réussissent que dans les ténèbres. La lumière a toujours l'ait peur aux sorciers de tous les temps ! Un spïrite nous affirma un jour qu'il avait le pouvoir de faire remuer des tables et des chaises sans y toucher ; mais il opérait aussi dans le demi-jour, sans doute pour dissimuler des fils qu'une trop vive lumière eût dévoilés. Voici un problème bien simple que nous nous contenterons de poser aux tourneurs de tables. Le iléau d'une balance de précision enfermée dans une cage de verre est soulevé, et en équilibre. Ou demande que le fluide magnétique, qui d'après les croyants remue des tables pesant plusieurs kilogrammes, fasse pen- cher le fléau de la balance, qui oscille sous un poids 1 . de un demi milligramme ! Est-ce se montrer exi- geant que d'exiger un demi -milligramme de spiri- rilisme? NOUVEAU BATEAU DE SAUVETAGE EN ANGLETERRE. Un nouveau bateau de sauvetage, inventé par M. C. Ciiapman, marinier et ingénieur nautique, a été construit à Birmingham et vient d'être soumis récem- ment à une série d'expériences dans la Mersey, par l'équipage de la Caledoaia, de la marine royale d'An- gleterre. Ce bateau s'appelle le Pétrel; sa forme massive, est assez analogue à celle d'une petite ba- leine sans tète. Il est en fonte el formé de deux cô- nes allongés. La longueur totale est de 8 mètres et la hauteur au centre est de 2™, 50. Il pèse 3 tonnes sans être armé. On entre à l'intérieur par deux ou- vertures carrées, situées au milieu de chaque moitié du bateau. La lumière pénètre au moyen dedix taux sabords. Le long de la partie supérieure en forme de voûte se trouve une série de barres de fer, entou- rées d'une sorte de filet en fils métalliques, construit pour empêcher les hommes d'être jetés par-dessus bord. Autour des cônes, à des intervalles réguliers, se trouve fixée une série d'anneaux d'où pendent des bouts de chaîne que peuvent saisir les naufragés. L'inventeur prétend que son bateau doit délier toutes les vagues de l'Océan, et les lames les plus fortes; les dernières expériences semblent prouver que ces prétentions n'ont rien d'oxagéré. Notre gravure représente l'une des plus récentes épreuves, exécutée près de Livorpool, par une mer très-agitée, les résultats ont paru très-satis r aisanls aux nombreux hommes pratiques qui suivaient les évolutions de la petite et robuste embarcation. Le nouveau bateau de M. Chapman marche à volonté soit à la voile soit à la vapeur. Il peut donner asilj à 50 personnes. LE TUNNEL DU MONT ÏI00SAG Les Américains du Nord viennent de terminer un, grand travail public, Je percement du mont Hoosac, dans le Massachussetts, travail dont ils disent le plus grand bien, et que, comme œuvre d'art, ils parais- sent ne tenir pour inférieure qu'au percement même si fameux du moût Cenis. Sa première idée remonte à trente-huit ans. La construction du canal Érié, entre le lac de ce nom et New-York, promettait déjà de faire de cette ville, ce qu'elle est devenue en effet, la troisième, pour ne pas dire la seconde place de commerce du monde, el lui assurer, en tau» les cas, le monopole de 1 ex- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires Espei-knce (fun nouveau bateau de sauvetage, a Liverpool. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. portalion des produits de l'Ouest américain. La ville de Boston s'émut de cette éventualité, et elle songea de son côté à un canal qui joindrait les eaux de sa baie magnifique aux eaux de l'Hudson, eu un point rapproché d'Àlbany ou de Troy. Hais l'inspection des terrains que cette voie d'eau avait à parcourir révéla des difficultés d'exécution insurmontables, et dont la principale consistait dans l'interposition de cette rive du mont Hoosac, entre le point de départ et le point d'arrivée, lequel t'ait partie de la rangée de hauteurs courant au nord et au sud de l'Etat et jusqu'à sa limite occidentale. A cette époque, on commençait à s'occuper de voies ferrées, et l'idée du canal eu question ne tarda point à è'.re abandonnée. Dès 18 41 , une route de cette es- pèce réunit Albauy et Boston, et pour le moment elle suffisait amplement aux. besoins du commerce intérieur de la desnère de ces v lies. Toutefois, on pensait encore à un tracé plus direct et plus complet, mais que le percement du mont Hoosac seul rendait possible. Au^si sept ans plus tard, ce tunnel fut-il compris dans le projet d'achèvement du réseau des \oies ferrées du Aîassachussetts, que l'on confia à une compagnie, formée au capital de 3,500,000 dollars, dont 2,000,000 pour le tunnel lui-même, estimation qui portait à 57,500 dollars le coût du mille de la route proprement dite, et à 400,000 le coût de chaque mille du tunnel. Des circonstances qu'il est inutile de rappeler ici, ne permirent pas toutefois de mettre la main à l'œuvre avant J850. En face de l'entreprise, on dut se rendre un compte exact des grandes difficul- tés qu'elle offrait. Le mont Hoosac est une masse composée de deux pics qui dominent l'un de 1 ,415 pieds (anglais), l'autre de 1 ,704, la dépression qui les sépare l'un de l'autre, vallée large elle-même d'en- viron 2 nulles un tiers, et dont le point le plus bas se trouve à 800 pieds au-dessus du niveau de la mer. 11 s'agissait de percer cette masse sur une longueur évaluée à 25,051 pieds' à travers une for- mation géologique que le professeur Hitchcock re- gardait comme composée de micaschiste, mêlé à du quartz grossier, qui, selon lui, ne différait guère en dureté de l'autre substance. Les travaux ne marchèrent d'abord qu'avec len- teur, et quelques-unes de leurs parties, mal conçues et mal combinées, avaient dû être abandonnées nu recommencées, quand, en 1801, éclata la guerre civile. On n'avait plus le loisir de penser à des œuvres de cette sorte, que la paix seule enfante, et que seule aussi elle est capable de mener à bonne fin. Toutefois deux années plus tard, la législature du Massachussetts reprit l'entreprise. L'État s'appro- pria le chemin de fer et le tunnel commencés ; il dé- signa des commissaires pour surveiller les travaux nouveaux ; il y consacra une somme de 5,000,000 de dollars. Dans ces conditions, on trouva facilement des entrepreneurs, MM. Francis et ÏÏalter Shauly, 1 Le pitd anglais vaut 0",3I>. qui comptaient déjà parmi les ingénieurs du Canada les plus habiles. Ils se mirent à l'œuvre de suite, avec énergie, avec persévérance, et ils ont .'iceoniph leur tâche, sans réclame et sans charlatanisme, ce qui est on ne peut plus rare aux Etats-Unis, et de manière à gagner, sinon de l'argent, du moins un surcroît de célébrité personnelle, comme à s'acquérir l'estime et la reconnaissance des Américains. Toutes les inventions nouvelles de la mécanique, tous les perfectionnements apportés, en ces derniers temps, à l'art de l'ingénieur ont été mis en usage pour le percement du mont Iloosao. Aucun effoit avorté, aucun insuccès partiel n'ont déconcerté MM. Sbanlv. Eu fait de moyens perforateurs, ils se sont surtout servis de ceux que l'air comprimé pro- cure : les Américains vont jusqu'à dire qu'à cet égard i's ont surpassé ce que. les ingénieurs français et les ingénieurs italiens ont fait, en ce genre, avec tant de succès , quand ils ont percé l'énorme masse du mont Ceins. Personne n'ignore que ces ingénieurs recouraient aux forces hydrauliques pour se procurer l'air comprimé dont ils avaient besoin. De même MM. Shaulv ont construit un grand barrage pour capter les eaux de la rivière Deerfîeld et les faire ser- vir à leurs travaux de forage ; sa construction leur revint à près de \ ,600,000 francs, et il fut nécessaire, en outre, pour atteindre au but proposé, de faire appel à des appareils à vapeur. Quant aux forces ex- plosives, ils n'en est guère dont ils n'aient tenté l'emploi, éprouvé l'efficacité, pour recourir défini- tivement, sauf en un cas, à h uifro-glyeérine. Eu pomme, quand MM. Sbanly se sont mis à la :ète de ces travaux , ils étaient commencés depuis longtemps, et le forage n'embrassait encore qu'une étendue de 9,388 pieds, ce qui no représentait pas même les deux cinquièmes de l'œuvre à parfaire. Eux ils l'ont achevée dans l'intervalle de quatre années : le sa- medi SiO décembre 1873, les deux parties ouvertes du tunnel, l'une à l'ouest, l'autre à l'est, n'étaient plus séparées, en effet, que par une distance dune quarantaine de pieds, et dans le cours de la semaine suivante, celte faible lacune avait disparu. La nytro- glycériilû avait accompli sa dernière besogne ; les deux sections du tunnel se trouvaient eu communi- cation l'une avec l'autre, et l'on s'attendait à ce que les derniers aménagements indispensables pour ser- vir à la circulation des wagons seraient terminés au mois de juillet prochain. Une circonstance donnera l'idée du soin avec le- quel les travaux ont été conduits. On les avait entre- pris, comme il a déjà été dit, sur deux points oppo- sés à la fois, cl à un pouce près les deux lignes de forage se sont trouvées être dans le prolongement exact l'une de l'autre. Un autre détail intéressant est l'énorme quantité de nytro-glycérine dont on avait chargé la mine qui a fait sauter les derniers obsta- cles s'opposant à la jonction des deux sections du tunnel : elle renfermait plus de 150 livres de cette substance, soit une charge double d'aucune décolles dont on se fut encore servi en cas pareil. L'effet ex- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 283 plosil a été proportionnel : un quartier de roche, pe- sant plus d'une tonne, a été projeté à une centaine de mètres environ, et est venu briser la barrière de bois que l'on avait établie pour protéger les travail- leurs. On a enfin remarqué la force avec laquelle l'air s'échappait au dehors, et on en a conclu que le tunnel parachevé, une bonne ventilation régnerait dans son parcours tout entier, de l'extrémité est à l'extrémité ouest. Il serait vraiment singulier qu'un travail aussi con- sidérable, et dont le coût n'est pas évalué à moins de cinquante ou soixante millions de francs, restât sans utilité pratique; c'est ce qui arriverait toutefois si l'on n'apportait des améliorations sérieuses aux deux tronçons de voies ferrées qui se dirigent vers les deux extrémités du tunnel, et qu'on a laissées dans un singulier abandon. Jusqu'ici il faut croire, malgré certains indices de nature à faire supposer le contraire, que cette hypothèse ne se réalisera point. Dans ces dix dernières années, en effet, le commerce d'expor- tation de Boston a pris une extension énorme, et l'on n'a pas estimé à moins d'un million de tonnes la quantité totale de marchandises transportées par la seule voie de fer, Albany and Bouton Road, à des- tination de ce grand port ; cinq cent cinquante mille de ces tonnes provenaient de l'ouest, et tes progrès inces- sants de celte partie de l'Union doivent nécessairement augmenter le trafic entre elle et Boston. Il y a donc lieu de croire que le bon sens des habitants du Mas- saehussetts, joint à leur intérêt commercial, triom- phera des difficultés auxquelles nous faisions allu- sions tout à l'heure, et qui semblent jusqu'ici mena- cer de stérilité le grand travail du percement du mont Iloosae. Pour notre compte, nous eu sommes convaincus. Ad. 1-'. de Fosipiimuis. LE PAYS DES BOKRS EHTIIE L'onAKGE ET LE LI5IPOPO. (Suile et fin. — Voy. p. 2GS.) Les membres des différents districts se réunis- sant à Tiansvaal, quand les circonstances le deman- dent, pour délibérer avec le président sur les af- faires de la nation. Tous ces messieurs sont graves, et pénétrés de leur dignité. Beaucoup d'entre eux fout de fort longs voyages sur des wagons à bœufs pour se rendre à Pretoria; et pendant la session, ils vivent généralement sous une tente plantée à côté du cha- riot; ils s'installent ainsi aux environs de la salle des séances ou llaadhuis. Ordinairement ils sont accom- pagnés de leurs vroiC8 (épouses) et d'autres membres de leurs familles : car c'est une très-rare exception que de rencontrer un Boër sud-africain loin de chez lui, soit pour se rendre à l'assemblée, soit pour faire le trafic, sans le voir accompagné de sa femme. Ce trafic est la chose du monde la plus extraordi- naire, Voici comment il se pratique. Un Boër arrive de l'intérieur dans une ville ou un entrepôt de la frontière avec sou wagon bien garni. D'abord voici l'inévitable vrow, puis six ou sept kin- ders (enfants). On salue tous les assistants, avec un lourd serrement de main accompagné d'un oas reproduisons ci- contre quelques types curieux de ces êtres bizarres, que chacun de nous peut observer sur le bord de l'Océan. Les Cymodocéens sont des crustacés qui vivent habituellement en sociélé. On les voit toujours en- semble à la recherche de la même nourriture. De même que les Sphëromiens, avec lesquels ils olfrent une certaine analogie, ils se retirent volontiers dans les conduits étroits que se creusent les liurnard- l'Ermite dans l'intérieur des ïethjes, lorsque ceux- ci les ont abandonnés. Les Nn'séens se rencontrent blottis dans les petites cavités des rochers, et quelquefois aussi parmi les fucus ; niais l'espèce qui a le plus servi aux observa- tions de M. liesse, parce que c'est précisément celle queTouse procure le plus facilement, est laNesea fci- de)Uala(voy. la gravure, n° S et 4), qui se loge parti- culièrement dans les alvéoles vides qui ont contenu des Dalanes. Le doute n'est pas possible relativement à la nature des deux sexes, car on trouve toujours l'un avec des œufs, taudis que l'autre n'en a jamais. 1 Annales des sciences naturelle). Novembre 1873. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 288 LA NATURE. On voit sur notre gravure un certain nombre d'es- pèces de Nc'séens qui offrent un réel intérêt iiar leur aspect bizarre et varié. Los CamjiÉcojiëens (voy. n° 6) ont été étudiés spé- cialement sur deux mâles et une femelle, trouvés dans la baie de Latmion, près de Brest. Le mâle n'a pas plus de 5 à i millimètres de longueur sur 1 1/2 millimètre de largeur. Sou corps est ovale et se ré- trécit du côté de in tète qui est petite et un peu pointue. Les antennes, connue le montre notre gra- vure, sont très-longues et très-grêles. Il en est de même des pattes. Les yeux sont relativement gros et composés de cornéoles spbériques. Le corps est d'un beau vert brillant s'.ir les côtés, avec trois raies d'un jaune pâle au milie'i. Ces raies sont accompagnées de chaque côté de larges bandes brunes verticales et horizontales. L'n crand nombre de crustacés, dont nous devoir.' Nouveaux crustacés tics a'tle.i de h'r.mœ. 1 et 1. Cjnwducéc tronquée, femelle i n l huiIei, grossis sis tijis. — 5 et -*■ Ncsi'S bidentée, lemelle grov.-.ie six fols, mâle amplifie huit i'uss- — ;j. liênèc proche, mâle amplifié neuf fois. — Campècopée rayée, amplifiée dix -sept fois. — 7. Ncsce décorée, mâle amplifié quinze fois. — 8. iïësèe anguleuse, maie amplifie ilii-lmit fuis. — 9. Nè.ièe proctte, femella crossic sept fois. — 10. Nésés à tète rouge, femelle grossie sept fois. nous borner à donner un aperçu sommaire, présen- tent de même une fort jolie couleur verte, de nuance variable. La Nésée décorée (n° 7) est d'un vert gris clair, agréablement orné de taches brunes et jaunes qui sont d'un très-remarquable effet. Les antennes, les pattes, et les bords des pièces épinériennes sont rou- ges. D'autres crustacés d'un aspect analogue sont ta- chetés de points noirs, ou de bandes brunâtres , qui for- ment sur un fond clair un dessin harmonieux, et s'y découpent delà façon la plus gracieuse. Les espèces de ces petits êtres sont véritablement innombrables. M. liesse les a étudiées depuis plus de vingt ans, et chaque jour il a vu naître de ces observations des ré- vélations nouvelles. Il est probable qu'après les tra- vaux de vingt autres observateurs, les surprises et les découvertes ne manqueront pas encore aux natura- listes. N'est-ce pas le cas de répéter k ce sujet, avec Bernardin de Saint-Pierre: a La nature est iniiniment étendue, et l'esprit de l'homme est borné. i> Le Projiviétitirc-Géraïït ; G. Tiss.wDrEru ttiiimiL. — Typ. et sler. de Cuùtù riLS. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires N' 45. — il AVRIL 18 74. LA NATURE. 289 LA TÉLÉGRAPHIE ÉLECTRIQUE ET LA riiïïSSE ANGLAISE. L'administration anglaise a pris, vis-à-vis de la presse, des mesures très-libérales; de son côté, la presse s'est empressée de s'en servir d'une façon bien intelligente. Nous devons appeler l'attention de nos lecteurs et de nos confrères sur les détails pratiques d'une organisation aussi utile que facile à imiter dans notre pays. Un certain nombre des fis qui partent de Londres et se rendent dans toutes les parties des trois royau- mes, sont inoccupés à partir de la fermeture des offices de la cité, jusqu'au moment où les affaires se réveillent le lendemain matin. En conséquence, le Post-Mastcr gé- néral, qui est en même temps le di- recteur des lignes télégraphiques , a décidé qu'un ou plusieurs fils, de- puis sis heures du matin jusqu'à six heures du soir, se- raient mis à la dis- position des jour- naux qui en feraient la demande. Le loyer annuel fixé par le tarif est de 500 livres sterling, soit 12, 1500 francs pour 500 jours de travail, puisque les journaux ne paraissent pas le dimanche. Ce prix est le même, quelle que soit la distance. Aussi un journal de Windsor ou d'un quartier éloi- gné de Londres, voulant communiquer avec la cité, payerait la même somme qu'un journal d'Àberdeen. Le prix de l'abonnement comprend la fourniture de deux employés du télégraphe qui se tiennent à la disposition de l'administration du journal, et qui transmettent tous les messages, de six heures du soir, à six heures du matin, en théorie. En prati- que c'est à trois heures du matin que cesse leur ser- vice. Avec un fil unique, non compris les dépêches de service, les conversations qui ont lieu d'un bout à l'autre de la ligne, entre le rédacteur local et le ré- dacteur de Londres, on transmet eu moyenne six co- lonnes par soirée. Ces six colonnes contiennent cha- cune environ 2,100 mots, ce qui donne une trans- mission quotidienne de 15,000 mois. Au tarif anglais ce serait 750 messages de 1 shilling, soit 34 livres 10 shillings, environ 20 fois plus que le prix de l'abon- nement. Aussi à la fin du mois de janvier lu Post-office avait-il mis en location 17 fils télégraphiques répartis i" iodcc. — i" sumtstH. Un nipoi'ler anglais envoyant des non TeJles au Newcastle Oironicia. entre 12 journaux de province ; 5 ont loué deux fils pour avoir une transmission plus rapide et plus com- mode, en voici la liste : JOURNAL'! KCOSSAIS. 1° Scotchman (Edimbourg), 2 fils; tirage quoti- dien, 50 à .40,000; 2° Glasgow Herald (Glasgow) , même tirage 2 fils; 5" Glasgow Morning News, journal nouvellement créé, ; 4" Dundee Advertiser, 1 seul fil; 20,000 abon- nés ; 5° Glasgow Mail, 2 fils ; journal ayant peu d'a- bonnés ; 6" et 7" Edimbourg Review et Edimbourg Currant, 1 seul fil chacun. Ce sont deux petits journaux. Il '_"~~ ne faut pas con- ^JjflJl^-,' fondre le premier avec la célèbre re- vue d'Iidimbourg; 8° Irish Times. i seul fiL C'est le seul journal irlan- dais ayant profité de la mesure. JOUHNAUX ANGLAIS. 1° Leeds Mer- cury, 1 fil ; tir.ige 25 à 30,000 exem- plaires; 2° Manchester Guardian, 1 fil ; 55 à 40,000 de tirage; 3" Manchester Courrier, circulation moindre, 2 fils; 4° Newcastle Chroniclc, 40,000 de tirage mini- mum ; 1 seul (il. Comme on le voit, aucun journal de Birmingham n'a profité de cette mesure libérale: cela tient à ce que les trains du soir ne mettent que trois heures pour aller à Birmingham et que, par conséquent, les journaux de cette importante cité peuvent recevoir en temps utile loue correspondance pour la compo- sition du numéro paraissant le lendemain à la pre- mière heure. Les journaux de Liverpool peuvent s'être arrangés avec ceux de Manchester, qui n'est qu'à une très-- petite distance par chemin de fer. Dans les contrées éloignées du sud de l'Angleterre et dans le pays de GaUes, il n'y a pas de ville assez importante pour que le journal puisse faire la dépense annuelle de 500 livres sterling. L'office que nous a\ons représenté comme exemple du service télégraphique des journaux anglais, est situé dans Essex slreet Strand, près de Temple-Bar et de l'IUustrated London News. C'est celui du Newcastle Chronicle, dont le propriétaire, M. Cawen vient d'être nommé député au Parlement. On met 19 Office (1r réception des dftpOthes du iïçwçnstlë Lhronicle, & Londres, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 290 LA NATURE. la copie devant le télégraphier, comme on le forait s'il s'agissait delà correction des épreuves. Cet employé, qui appartient au service du télé- graphe, est à la disposition du journal, mais le jour- nal n'a aucune part à sa nomination. 11 concourt pour l'avancement comme s'il était employé dans un hureau ordinaire. 11 est payé suivant sa classe et reçoit ordinaire- ment une cinquantaine de frunrs par semaine. L'Etat dépense donc, pour cette ligne, 100 livres sterling de salaires, plus les faux frais. I,a seule dépense est dans la pose d'un lil pour joindre la ligne télégra- phique à l'office de Newcastleet M'ofiice de Londres, l'achat et l'entretien de l'appareil télégraphique et delà pile située à chaque bout. On voit que le béné- fice net est au moins de 200 livres sterling par an, par fil, que l'Etat n'aurait point perçu s'il avait con- servé des tarifs élevés. Pendant la session, le Times loue des fils pour relier son office à Westminster. Lorsqu'il y a des manifestations ou des événements importants, les journaux de Londres s'assurent de la location d'un fil, mais ces locations purement tem- poraires sont tout à fait différentes de celles qui nous occupent et demandent une mention à part. LES POUSSIÈRES ATMOSPHÉRIQUES L'air, même quand il est limpide et pur, renferme mie quantité innombrable de corpuscules extrême- ment ténus, que l'cftil distingue très-nettement au milieu d'un rayon lumineux. Faites jaillir la lu- mière électrique dans une pièce obscure, et tous ve- rez flotter dans le jet brillant de l'arc voltaïque une véritable nuée de petits grains de poussière, qui vol- tigent pressés les uns contre les autres. Ces corpus- cules aériens ont été souvent examinés par les phy- siologistes. M. Pasteur et M. Pouchct, notamment, les ont soumis à une profonda investigation microscopi- que, maïs leurs éludes avaient surtout pour but de les envisager au point de vue des organismes qu'ils peuvent contenir. Quel est le poids des poussières contenues dans un volume d'air déterminé, dans des circonstances météorologiques différentes? Quelle est la nature de leur constitution chimique? Telles sont les questions qui n'avaient pas été abordées jus- qu'ici et que nous avons essayé de résoudre ; nos ré- sultats ont été l'objet d'une note que M. Dumas a présentée récemment à l'Académie des sciences 1 ; nous lej soumettrons aujourd'hui à nos lecteurs, en les accompagnant de quelques considérations complé- mentaires. L'appareil que nous avons disposé pour doser les poussières atmosphériques se compose d'un aspira- teur à eau, qui fait passer lentement l'air extérieur à travers un tube de Liebig, contenant de l'eau chi- ' \ov. la séance du lui. .a 25 mais 1874. iniquement pure, et à travers un tube en U renfer- mant un tampon de coton-poudre. L'aspirateur exac- tement jaugé permet de mesurer le volume de l'air aspiré. Une première expérience a été exécutée le 28 juillet 1870, au centre de Paris, à une fenêtre du labora- toire do l'Union nationale. Le temps était pur, l'air limpide, il avait légèrement plu la veille, les cor- puscules aériens semblaient donc devoir se trouver dans l'atmosphère en faible proportion. Eu trois jours de temps nous avons fait passer, à travers la boule à eau et le tube à coton-poudre, 1 mètre cube d'air atmosphérique. Après l'expérience, on s'est as- suré eu dissolvant le coton-poudre dans l'étlier, que toutes les poussières avaient été retenues par l'eau à travers laquelle elles avaient passé. Cette eau a été recueillie, évaporée à siccité à 100° centésimaux, dans une capsule de platine très-mince et tarée à 1/2 milligramme près. Le résidu sec pesait ()»',0060. Après huit jours de sécheresse, en juillet 1872, nous avons constaté que 1 mètre cube d'air à Paris conte- nait ?r ,023 de poussières. Dans des circonstances at- mosphériques normales de juin à juillet 1870 et d'avril à novembre 1872, les chiffres obtenus ont été de Ob', 006, 0* r ,0075, 0e r ,008, etc. La quantité de matières solides contenues dans 1 mètre cube d'air à Paris semble doue varier de O^OOC à Ob', 023. Pour apprécier la valeur de ces chiffres, nous prendrons comme minimum le chiffre 0s r ,006, et nous considérerons une masse d'air de 5 mètres d'épaisseur sur l'étendue du Champ de Mars qui a 500,000 mètres carrés de superficie. Un sem- blable volume dans les temps ordinaires ne renferme pas moins de 15 kilogrammes de corpuscules aériens. On voit à quels chiffres inattendus on arriverait pour l'atmosphère qui baigne Paris tout entier. Quand ou examine au microscope les poussières recueillies comme il a été dit précédemment, on voit qu'elles sont formées des débris de toutes les sub- stances qui sont utilisées dans une grande ville ; dé- bris de bois, petits filaments d'étoffe, amidon, frag- ments de charbon, de pierre, etc. Si ou les mesure, à l'aide d'un micromètre sur verre, où un millimètre est divisé eu 100 parties égales, on s'assure que leur diamètre atteint quelquefois 1/10 de millimètre quand ils sont con^itués par des débris végétaux, et qu'il est de 1/ 100 à 1/1000 de millimètre, pour les grains minéraux, silice, charbon, etc. Les corpuscules en suspension dans l'atmosphère n'y séjournent que sous l'influence de l'agitation de l'air, les pins ténus peuvent sans doute y planer pen- dant un temps d'une assez grande durée. Mais cepen- dant l'atmosphère laisse constamment tomber un véritable sédiment et nous avons essayé de mesurer en quelque sorte l'importance de ce phénomène. Les expériences ont été exécutées, parallèlement, à Paris et à la campagne. Dans les deux localités que nous avions choisies, une grande feuille de papier collé parfaitement lisse, de 1 mètre carré de su- perficie, était exposée à l'air sur un toit élevé de 10 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 201 à 15 mètres et bien isolé. On l'y laissait séjourner pendant la durée d'une unit parfaitement calme. Le matin, au lever du jour, en balayant àl'aided'un pinceau ces feuilles de papier, il nous a été possible de recueillir une petite quantité de poussière atmo- sphérique dont nous avons déterminé le poids à un demi-milligramme près. Par cette méthode, il est évident qu'une perte est inévitable ; les chiffres ob- tenus ne donnent qu'un minimum; ils ont varié en- tre 0«', OUI 5 et u»',0035. Lu considérant encore la surface du Champ de Mars, nous voyons que si nous prenons un chiffre moyen de sr ,Û02 de sédiment tombé en 12 heures sur 1 mètre carré ; la quantité totale de poussières tombées de l'air en 24 h. sur une telle superiieie est de 2 kilogrammes. Les poussières atmosphériques , recueillies par l'aspirateur, ou déposées spontanément, ont été ana- lysées ; elles sont formées de matières organiques, brûlant avec éclat, de 25 à 34 pour 100 et do matiè- res minérales dans la proportion de 75 à 64 pour 1Û0. L'analyse exécutée sur quelques milligrammes de substances ne pouvait être complète, cependant nous avons constaté, dans les cendres, la présence constante de sels sulubles, renfermant du chlore, de l'acide suliurique, des traces d'aride nitrique et d'ammo- niaque. Nous avons presque toujours décelé dans les matières solubles dans l'aeide eblorbydrique, la pré- sence du 1er par le sulfucyanure de potassium, et quelquefois même par la coloration bleue donnée par le cyanofenuio de potassium, celle de la chaux et la présence de silice. Pour confirmer ces résultats, nous avons analysé de la poussière recueillie à une certaine hauteur, sur des monuments, et notamment à 00 mètres de haut dans une des tours Notre-Dame, où jamais personne n'avait pénétré depuis plusieurs années. Les marches étaient couvertes d'une couche de poussière grisâtre très-ténue, de 1 millimètre au moins d'épaisseur. Cette poussière ne pouvait avoir été apportée là que par l'air s' engouffrant à travers les étroites ouvertu- res des fenêtres; sa composition représente bien celle des corpuscules suspendus dans l'atmosphère. L'a- nalyse faite sur 5 grammes a démontré qu'elle conte- nait en nombres ronds, un tiers de matières organi- ques brûlant avec éclat, un tiers de silice; l'autre tiers était formé de matières solnbles dans l'eau ou l'acide ehlorhydrique ; et parmi celles-ci nous men- tionnerons surtout la présence de 7 pour 100 d'oxyde de fer. Nous croyons devoir insister particulièrement sur cette présence du fer que nous avons rencontré en proportion notable dans les poussières que nous avons examinées. Il y a déjà longtemps que nous avions cru louvoir attribuer à ce métal une origine cosmique, mais une telle conjecture devait nécessiter la confir- mation d'observations plus complètes. Après les in- téressantes études de M. Nonlenskiold, qui a trouvé si abondamment de la poussière ferrugineuse sur les glaciers polaires, on peut, croyons-nous, affirmer qu'une parlie des corpuscules aériens flottants dans l'atmosphère, proviennent des espaces planétaires. 11 est évident qu'il n'est pas possible de préjuger de la réelle valeur du phénomène ; il est certain aussi qu'une notable proportion des poussières est enlevée par le veut sur un point du globe pour être transportée ailleurs. Mais considérée mémo sous oe rapport, cette question ne manque pas d'apparaître comme une de celles qui jouent un rôle réel dans la physique du glohe. Il est manifeste que les lleuves aériens, comme les lleuves liquides de nos continents charrient dans leur marche un véritable sédiment; dans le premier cas, ce sont des poussières qui tom- bent des courants gazeux, dans le second cas, c'est une poudre d'argile et de sable, qui se précipite de la masse du courant liquide. L'étude des poussières atmosphériques est bien plus importante qu'on ne le suppose habituellement; nous nous féliciterons, si nous avons pu y jeter quelque lumière. CiASTOJ* TlSSAKDIKfl. LES COMÉDIENS DE LA NATURE LA MOUCHE -FEUILLE DES ILES SEYCHELLES Pkyltmm crurifatiain, (Autlin<:t SiîPvillc.) L'ordre des Orthoptères, auquel appartient l'es- pèce que nous allons décrire, renferma les insectes les plus remarquables de toute la classe, soit par leur grande taille, soit par leurs formes bizarres, soit enfin par les ravages épouvantables qu'ils occa- sionnent souvent dans nos cultures. Eu effet, la taille de certaines sauterelles dépasse G pouces (0"\1G2). Quelques Phasmides (genre Cyphocrane) n'ont pas moins de 9 à 10 pouces (0"\2i3 à m ,270) de longueur. Est-il rien au monde de plus étrange que la forme de certains d'entre eux, rien de plus terrible que leurs ravages? Qui n'a entendu parler des criquets voyageurs (Œdipodium migralorhim), qui, sembla- bles à des nuées immenses et obscurcissant le soleil, viennent s'abattre sur les campagnes de l'Egypte et de l'Arabie, comme au temps des Pharaons, pour y jeter la désolation, la misère et la mort 1 ? Qui ne con- naît la blatte hideuse et fétide (Blatta Or le nlalis) qui, fuyant la lumière, se meut en silence pour butiner dans les ténèbres à l'instar des voleurs. Bien plus, elle abandonne dans nos cuisines la coque carénée et muUiloeulaire où elle a renfermé ses œufs, et nous laisse ce triste cadeau ou échange du dégoût qu'elle nous inspire et du mal qu'elle nous fait. Enfin, qui n'a vu les vertes Locustes (Locusta v iridissima), aux mandibules puissantes, à l'abdo- men armé d'un sabre ou d'un poignard, au* pattes postérieures si bien musclées, dévorer, en un clin 1 Voy. table do la première anni'u. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 292 LA NATURE. d'ceil , l'herbe de nos prairies ou le blé de nos champs. Examinez ces insectes qui passent ; ne croiriez- vous pas, au premier aspect, avoir sous les yeux des espèces de fantômes, des larves fantastiques, des rêves de la nature en délire, réalisés par clic ? Ici le Toxodèrc aux grands yeux, prolonges en cône et terminés par une forte épine. L;i, le Truxala au long nez (Truxalis nasiitus) a la tète coiffée d'une mitre d'éveque; les Bacilles, dont le nom rappelle leur ressemblance avec un bâton. Plus loin les spec- tres ou rhasmes, qui simulent un long et grêle ra- meau desséché. Ailleurs, on croit saisir une feuille morte; elle s'agite tout à coup, vi- vante, animée, sous la main qui la tou- che ( Acanthops , feuille morte). En- fin, voici une vraie feuille ambulante, d'un vert magni- fique qui se confond avec celui de la plante sur laquelle l'insecte se pro- mène ou prend sa nourriture ; c'est la Phyllie des na- turalistes, la Wan- delnes Blatl de Rresel von Rosen- hof. Ecoutez le cri- cri monotone de ce noir grillon tapi dans un coin du foyer, dont il rap- pelle la couleur. Voici VAmpuse ( Ampusa paupe- rala) au front prolongé en forme de cornes ; et la Mante religieuse (Mantis religiosa) qui, par son attitude, imite une religieuse en prière, à ce point que nos paysans du Languedoc lui ont donné le nom de Prega-Diou (prie-Dieu). D'après ce qui précède, nous concevons très-bien que notre regrettable et regretté Michelet ait pu prê- ter aux insectes le langage qui suit : « Nous sommes toute la Nature à nous seuls, Si elle périt, nous en jouerons la comédie; nous voici en palatines, telles que n'en porta jamais l'impéra- trice de Russie ; et si vous voulez des plumes, nous voici emplumcs pour défier l'oiseau-monehe; et si vous voulez des feuilles, nous sommes feuilles à s'y tromper. Le bois même, toutes les substances, il Fig. 1. — Moui.lie fouille (Phyllwrt crurifolium) . Fem^Uo un peu ^roh&ie n'est rien que nous n'imitions. Prenez, je vous prie, cette branche et tenez.... c'est un insecte. 1 n Et, en effet, l'imitation est quelquefois si parfaite, que lorsque ces insectes se reposent sur le sol ou sur les feuilles des arbrisse.iux, il est presque impossible de les apercevoir. Les Ere'miapliiles, que l'on trouve dans les déserts de la Haute Egypte, à Luxor, à Suez, offrent au plus haut degré ce genre de fantas- magorie, ce mirage trompeur. « Ce qui nie frappait etrêmement, nous dit M. A. I.efehvi'c, ce fidèle historien des Ercmiaph.il.es, ce -^ qui me frappait ex- trêmement, c'était le changement de coloration que j'ob- servais dans ces in- sectes, selon le ter- rain sur lequel je les rencontrais, et avec la teinte du- quel ils offraient la plus parfaite iden- tité. L'Œdi.cnème, presque le seul oi- seau qui s'aventure dans ces régions désertes, aux envi- rons des débris d'oasis envahies par les sables , et un petit Saurien(IV<7- pelus Mgyptiacus), que je rencontrais parfois avec les Erémiaphiles , me présentaient cette identité parfaite de coloration avec le sol , dont j'avais bien entendu par- ler, mais que je n'aurais jamais crue poussée à un tel point. Cette identité était si frappante que, dans certaines régions où le terrain était brun, reptiles et insectes étaient de cette même couleur, et si, cent pas plus loin, je nie trouvais sur des débris de coquille ou sur des dalles de calcaire éblouissant de blancheur, les mê- mes êtres participaient de cette couleur argentée qui les confondait avec les aspérités du sol 1 . C'est aussi parmi ces caméléons des insectes, parmi ces comédiensde la nature, qu'il faut ranger l'animal qui va nous occuper. Cet insecte est connu sous le nom vulgaire de Mouche feuille, de Mouche 1 J. Jlichclfit, l'innectr., p. 157, 2" Mit.— Paris, 1838. * A. I.cti'hvic , Annales de la Sticirté entomologiquc de France, t. IV, citii tl'upiès M AiidineL-Sai'vilIc [Okthoi'tèiœs, p. 210.) Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 295 ambulante, et, certes, jamais nom ne fut mieux ap- pliqué. En effet, sa ressemblance avec une feuille verte est si grande, que lorsqu'il se tient immobile sur le goyavier dont il se nourrit, on peut facilement le confondre avec les feuilles de cet arbuste. Les Phyllies sont toutes étrangères à nos climats '. Le Phyllium-scythc, originaire des districts mon- tagneux de l'Inde qui avoisinent l'Àssam, est la première espèce de ce genre qui ait été vue vivante en Europe. Le spécimen unique qui, en 18S5, fit l'étoime- ment et l'admiration des habitants d'Edimbourg, provenait d'un œuf envoyé, avec d'autres, par mis- tress Blackwood au directeur du jardin botanique de celte ville. 11 vécut ilix-huit mois dans la serre de l'établissement confié aux soins de M. Nab. Plus favorisé qu'Edimbourg, Toulouse a pu voir, en 1800, réunies sur un même goyavier, dix ou douze Phyllies vivantes, apportées des îles Seychelles et offertes à notre Académie des sciences, parM. Borg, capitaine commandant du vaisseau VEmirne, et ne- veu du secrétaire perpétuel de cette société savante, pi», g. _ 2, Mouche feuille {Phyllium scythe). Mile, d'après Murray. — 3. Antenne île la femelle adulte. — 4, 5, 6. Antenne du mile à la première mue, à la seconde urne et il l'âge adulte. M. Gatieu Amoult. Grâce à la bienveillante amitié de mon savant collègue, quelques-unes de ces Phyl- lies furent mises à ma disposition*. Deux d'entre elles allèrent prendre une place d'honneur dans les collec- tions de la Faculté des sciences; deux autres furent soumises à mon scalpel, et devinrent pour moi le 1 I-o genre Phyltium renferme plusieurs espèces (treize, d'après sir George Gruy] , jusqu'à présent assez mal étudiées, et peul-élre encore plus mal établies. Les colorations diverses que ces insectes prennent, soit pendant leur vie, soit après leur mnrl, ont donné lieu à hion des méprises, que H. Àudi- not-Serville et I.atrellle lui-même n'ont pat, toujours su éviter. 5 Dans l'envoi du commandant llorg il ne se trouvait pas un seul mâle. sujet des études, je crois pouvoir dire nouvelles, dont les résultats ont été consignés dans les mémoires de l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, sous le titre suivant: Contributions à l'histoire naturelle et à Vanatomie de la Mouche feuille, des îles Seychelles (l'hyllium crurifolium), Audinet Serville. — (Mantia siecifolia, Linné). UESCMPIION DE LA l'HÏLLIE DES ILES SEYCHELLES (femelle). iïien de plusjustequeles nomsdePhyllie(du grec ifSùvj, feuille) ou feuille, ambulante (Wandelnes Droits réservés au Cnam et à ses partenaires in LA NATURE. Blatt, Kœsel), appliquée à notre insecte. Qu'on se figure une feuille d'unbeau vert, semblable à celui des feuillesdu goyavier ou du Camélia, découpéespar une imagination des plus bizarres, dans le but de tromper Pièce dont se compose la bouche du Phyllium crurifolium. a, labre supérieur. — bb, mandibules en place. l'œil, ut l'un aura une idée approximativement vraie de l'animai dont nous nous occupons. Entrons pour- (ant dans quelques détails complémentaires. L'une des mâchoire? (celle du coté gauche). G, accompagnée du palpe inlerno. — 6 (fjaleu). — c. palpe externe. Corps d'un beau vert, à l'état frais, passant, par la dessiccation, au vert jaunâtre, et, eti quelques en- droits, an jaune pur ; au vert bleuâtre, au bleu plus Lèvre inférieure, ff, menton. — bb, sea quatre lobes. — ce, pulpes labiaux. ou moins foncé. Les jeunes individus desséchés ont une nuance feuille morte. Tête assez grosse, aplatie, presque carrée, plus large et aussi longue que le prothorax. Yeux globuleux, saillants, bariolés, à l'état de vie, de lâches blanches et de taches couleur chocolat. Ocelles nuls. Antennes légèrement velues, très-courtes, de neuf articles disposés en chapelet, se terminant par un bouton ovalairc. Thorax presque triangulaire, ou trapézoïdal, por- tant sur ses bords de petits tubercules. Eïtrfmité postérieure de l'abdomen de la femelle. aa, élytrcs. — bb , les de-ui folioles qui terminent l'abdoraeû. Abdomen très-allongé, fortement carénésurlalignc médiane, dilaté sur les bords en une membrane fo- liacée, large et munie de. nervures donnant à l'abdo- men la forme d'une feuille plus ou moins ovalaire. (Eiifda Phyllium sctjLhs, tm-grossi *. Le dernier segment ventral porte, à son extrémité libre, deux petites folioles convergentes, el remplis- sant très-probablement un rùle dans la ponte ou dans l'accouplement. Œuf de Pkylhum erurifolium, Irès-grnssi. _ Élytres grandes, recouvrant au moins les deux tiers de l'abdomen, de consistance membraneuse, munies sur leur bord interne d'une grosse nervure suturale, d'où partent obliquementsixnervuresmoins fortes, ramifiées elles-mêmes en mailles formant ré- seau; le tout offrant une ressemblance parfaite avec 1 Je n'ai pas vu sur l'œuf 1 du Phyllium crurifalium le ma- melûa inluiiuur a, ici reurùseuLu, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 298 une feuille ovale, que l'on aurait divisée en douze moitiés égales et semblables, au moyen d'une section pratiquée dans le plan de la double nervure sutu- rale. Ailes tout à fait rudimentaircs ou nulles. Pattes de longueur moyenne, de la couleur du corps, toutes remarquables par les expansions folia- cées dont elles sont revêtues sur leurs bords, et par les dentelures que présentent ces moines expan- sions. [Eufs du même, moius grossis, msutnnt l'enveloppe subéreuse citerne et lu coque. _ Tarses couleur cbocolat, ciliés, de cinq articles, dont le premier est le plus pèle et le plus long; le dernier muni d'une pelote située entre deux crochets recourbés en dehors. Longueur de l'insecte femelle adulte, O'^OSo ; largeur, m .,0i!. a. Coupa transversale de l'œuf vers le milieu de sa longueur. a, enveloppe externe. — b. Coque de l'œuf. Les mâles se distinguent des femelles par une taille un peu plus petite, par des élytres très-courtes, et des ailes bien développées ; par des antennes beaucoup plus longues (de 23 à 25 articles), par la présence dû trois yeux simples sur la tête, indépendamment des deux yeux composés ; enfin, par l'absence des deux folioles qui terminent l'abdomen des femelles. MŒURS ET HABITUDES DE LA FI1TLUE DES SEÏCHELLES. Les mœurs de la Phyllic sont peu connues ; on sait cependant que cet insecte est lent dans ses allures, la femelle surtout, qui ne voie pas.'Klle se tient im- mobile presque pendant tout le jour, suc lesfeuillcs dejamrosa et de goyavier, qui constituent le fond de sa nourriture habituelle. Ses amours sont aussi entourées de mystère. Cependant M. Borg nous écrit que le mâle se transporte, la nuit, d'un goyavier à l'autre, et qu'il épouse successivement plusieurs femelles. Tout se passe donc ici d'une manière moins tra- gique que chez les Mantes prie-Dieu. Le naturaliste Poiret nous apprend, en effet, qu'ayant enfermé deuï Mantes de cette espèce (un mâle et une femelle), dans le dessein do les observer, il vit le sexe faible couper d'abord la tète au sexe fort, et finir bientôt par le dévorer tout entier. I^es Phyllies seraient-elles quelquetois aussi barbares avec leurs tendres époux? Nous ne voulons pas nous arrêter à cette idée, peut- être injurieuse pour elles. Quelques-unes des graines ovigères, r.nfo.miiU desœurs a diven degrés de développement. Si, dans leurs amours, elle sont moins cruelles que les Mantes, les PhyUies sont, en revanche, beaucoup moins ingénieuses qu'elles et même que les Blattes, pour préparer le berceau de lcurprogéniture; car elles se bornent à laisser tomber leurs oeufs sur le sol, Stigmate ou ostiole respiratoire. a, péritrème. — b, ouverture du stigmate. Coque ovigère de la blatte des cuisines (if, Orieiitaliz)* Grossie. comme font les Bactéries de la famille des Phasmi- des, taudis que les Mantes religieuses cachent les leurs dans une sorte de cocon membraneux, divisé en compartiments réguliers. Ceux des Blattes [Btatta Orientalis) sont renfermés, avons-nous dit, dans une coque multiloculaire, qui ressemble à une gousse, courte, carénée sur l'un de ses bords, et que la fe- melle porte souvent suspendue et saillante au dehors, à l'extrémité de soii abdomen. M. Borg prétend que la ponte a lieu en toute sai- son, mais principalement en octobre, novembre et décembre, alors que les îles Seychelles ne sont pas Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 20G LA NATURE. exposées aux terribles coups de veut. Je sud-ouest. Ce fait exceptionnel d'une ponte presque continue chez un insecte, pourrait peut-être s'expliquer par la très-grande inégalité de développement que l'on ob- serve parmi les œufs encore contenus dans les gai- nes ovigères. Du reste, il estattesté aussi par M.Mur- ray. En effet, après avoir dit qu'il vit éelore les œufs le 9 et le 10 mai, il ajoute: « One or two followed every week till tlic end ofMav, when a week of so cold weather oecurred, during whieli no more came ont; but when fine weather again returned, in the beginning of June, tliey again hegan to corne ont in greater nuniher*. » Traduction : Un ou deux suivi- rent chaque semaine jusqu'à la fin de mai, époque où survint une semaine de temps très-froid durant lequel la ponte cessa. Mais quand le beau temps re- vint au commencement de juin, les œufs recommen- cèrent à sortir en plus grand nombre. Œuf, sa description. — L'œuf des Phyllies ne ressemble pas mal, tant pour la forme que pour la grosseur, à une graine de belle-de-nuit, dont on aurait exagéré les arêtes. Cette apparence est due à la for- mation, postérieurement à celle de l'œuf, d'une cap- sule ou enveloppe spéciale, destinée à le protéger. Cette capsule, brune et rugueuse à l'extrémité, a la forme d'un prisme droit ou plutôt d'un barril à six arêtes, dont une beaucoup moins saillante que les autres. Sa coupe transversale ressemble donc à une étoile de mer à cinq bras, ou, si l'on veut, à une croix de la Légion d'honneur. Le sommet du prisme se termine par un opercule saillant en forme de mamelon conique, entouré d'un cercle à sa base, et d'une couleur moins ioncée que le reste de l'enveloppe corticale. Celle-ci paraît corn- posée d'un tissu spongieux, ou plutôt subéreux, c'est- à-dire criblé de cavités et de trous plus ou moins grands entourés de tubercules puneliformea et plus ou moins saillants. Vu au microscope, ce tissu présente la plus frappante analogie avec celui du liège, c'est- à-dire qu'il est formé de cellules i [-régulières (carrée*, pentaaonales ou hexagonales) , très-petites et très- serrées. L'enveloppe subéreuse renferme une sorte de co- que assez dure, cassante, un peu épaisse, qui en re- vêt tout l'intérieur et que l'on peut comparer, non sans raison, à la coque d'un œuf de poule ; avec cette différence toutefois qu'elle n'est pas calcaire , et qu'elle a davantage l'apparence de l'émail. La cou- che semblable à du liège, qui recouvre la coque de l'œuf des Phyllies, n'offre-t-elle pas une curieuse analogie de plus avec le règne végétal? analogie qui devient plus complète encore, quand on songe que l'œuf dont il s'agit, est muni d'un opercule qui s'ou- vre, lors de l'éelosion, à la manière d'une pyrideoa boîte à savonnette, comme celle du mouron des oi- seaux, par exemple. M. Jlurray, qui a vu éelore les petits du l'hyllium scythe, dit qu'ils sortent de l'œuf en poussant devant 1 Notice on the Icaf-innect {Phyllium Scythe), p. S. — Eiliuliurgli, 1850. eux son opercule. C'est le dos quiapparaîtle premier, la tête et la queue étant roulées en dessous, et rap- prochées l'uuede l'autre; les pattes sortent en dernier lieu. A ce moment, la couleur de l'insecte est d'un jaune rougeàtre, qui ressemble à la teinte d'une feuille de hêtre à moitié desséchée. Une fois fixé sur l'arbuste {goyavier, myrtke) où il doit se nourrir, son corps devient rapidement d'un beau vert. Sauf quelques différences peu importantes dans la dimen- sion des expansions foliacées, des pattes et de l'abdo- men; sauf la taille plus petite et l'absence des ailes, des élytres et des organes génitaux, le Phyllium qui vient d'éclore ressemble à ses parents: il subit trois mues avant d'arriver à l'état parfait. La première s'effectue dix mois après la naissance. À la deuxième mue, qui s'opère trois mois après, les élylres et les ailes apparaissent, mais très-petites encore. Deux mois plus tard a lieu la troisième mue, à la suite de laquelle se montrent les ailes et les antennes com- plètement développées. Au sortir de chacune des deux premières mues, les Mouches feuilles prennent une belle couleur vert d'émeraude, tandis qu'après la dernière, leur corps est bordé d'un liséré légèrement jaunâtre. 11 devient ensuite graduellement plus jaune, et même brun sur les bords, et il passe par les diverses nuances d'une feuille qui va mourir. Sur les exemplaires, aujourd'hui desséchés, que nous devons à la générosité de M. Borg, on peut même voir des taches bleuâtres plus ou moins éten- dues, qui tranchent assez fortement sur le jaune et le vert du reste des téguments ; y aurait-il done de la chlorophylle dans les Mouches- feuilles, comme il v en a dans les feuilles végétales, et même dans les téguments de la grande Sauterelle verte de nos cli- mats, d'après notre savant collègue M. Filbol? Si oui, l'analogie avec les végétaux serait, ici aussi complète que possible. J'ai fait quelques essais chimiques qui semblent ounfirruatifs, mais trop iiisuflisants pour que je puisse me prononcer sur ce point en parfaite connaissance de cause. Si je n'étais borné par l'espace, j'entrerais volon- tiers dans quelques détails un peu circonstanciés sur les particularités de l'organisation intérieure des Phyllies, particularités que m'ont révélées mon scal- pel «t mon microscope. Qu'il me suffise de constater que cette organisation ne diffère pas essentiellement de celle des Orthoptères les plus voisins de nos Mou- ches feuilles, c'est-à-dire des Locustaires et des Acrydiens. ])' N T . .Iolï (de Toulouse). DE L'INTERYENTION DES INSECTES DANS LA KÉCONDA1IOM DES M.EURS. ( Suite et tin — Vuy. p. 1S3. ) Dans la Pensée nous trouvons un mécanisme com- plètement différent de ceux que nous avons étudiés Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 297 précédemment. La partie principale est le pistil re- présenté très-grossi dans notre figure ; le stigmate ou la surface sur laquelle germe le grain de pollen, est ici intérieur au lieu d'être extérieur, comme dans la plupart des fleurs ; le style X ï (p. 298) se renfle à son extrémité en forme de massue S, dont la cavité in- terne, stigmatique, communique par le dehors avec l'ouverture 0, au-dessous de cet orifice il y a un petit prolongement en forme de lèvre C, qui ferme l'ou- verture stigmatique quand il est poussé de l'intérieur de la ileur vers l'extérieur et qui l'ouvre quand il est poussé de l'extérieur vers l'intérieur. La coupe de la ileur placée au-dessus de la figure dn pistil montre clairement le jeu de toutes ses parties pendant la vi- site d'un insecte. Le nectar est contenu dans l'épe- ron ; il y est sécrété par les extrémités glanduleuses Prime-vèrcs et Penâaea visitées pur les irisucles. de deux prolongements fournis par les deux étamines supérieures (inférieures dans la fleur renversée). Supposons qu'une abeille introduise sa trompe dans l'éperon, elle sera obligée de frôler le stigmate et les anthères ; en passant devant le stigmate elle ouvrira le clapet C et si sa trompe est couverte du pollen étranger, ce pollen sera en partie déposé sur le clapet; ensuite sa trompe emportera une certaine quantité du pollen et en se retirant elle ferme le clapet G, de sorte que le pollen de cette fleur ne peut pas entrer dans le stigmate de la même fleur. Enfin, il nous reste à mentionner un cas très- remarquable, désigné sous le nom A'héterostylie, dans lequel la même espèce nous offre des fleurs de structure différente. Dans la Primevère, que nous prenons comme exemple, il y a deux formes de fleurs ; l'une à style très-allongé et à filets courts, l'autre à style court et à filets très-allongés ou plutôt à anthères placés à l'entrée du tube de la corolle {fleur inacrûslyle, fleur microstyle). Un papillon, eu enfonçant sa trompe dans le tube de la corolle d'une fleur macrostyle chargera de pollen la partie anté- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 208 LA NATURE. Heure ou l'extrémité de la trompe; ensuite en visi- tant une fleuv de la forme (2), il déposent ce pollen sur le stigmate qui se trouve précisément ici à la même hauteur que les anthères dans la fleur (1) et couvrira la hase de sa trompe du pollen qu'il empor- tera pour le déposer sur le stigmate d'une fleur (2). Ainsi, dans ces fleurs hétérostyles, nous pouvons admettre, d'une manière générale, que la féconda- tion se fait entre des organes placés à la même hau- teur ; le style court est fécondé par les étamincs courtes, le style long est fécondé par les élimines longues. Il y a une disposition tout à fait semblable dans Linum perenne. Dans un certain nombre d'autres plantes il y a trois formes de fleurs, par exemple dans le Lytkrum salicaria et dans beaucoup d'espèces à'Oxalix; ces dernières ont été l'objet de très-belles recherches faites par ![. Ilildehrand, à Fribourg-en- Brisgau, en 1871. Ce savant a trouvé, en opérant des fécondations artificielles, que les unions légiti- mes seules sont fertiles ; il appelle union légitime la fécondation d'un pistil pur des étamines de même longueur. Il y a des plantes qui sont dichogames, c'est-à- dire qui ont des fécondations croisées quoiqu'elles ne présentent aucune particularité de structure en rap- port avec la fécondation. Souvent, en effet, les an- thères et les stigmates ne sont pas mûrs en même Coupe verticale d'uiiB fleur de Tensée. Pistil trèh-fmissi. Primevère. 1. Fleur macrostyle. — * 2. FJcur micro&tvle. temps. Pans une fleur de Pelargornivm les stigma- tes sont déjà flétris alors que les anthères ne sont pas encore ouvertes. On aurait tort de généraliser cette loi de la dieho- génie d'une manière absolue. Il y a des plantes dans lesquelles la fécondation peut s'effectuer dans la même fleur, mais elles sont relativement peu nom- breuses. M. Darwin cite même une espèce d'Orchi- dées, Cephalanthera grandijlora, dans laquelle le pollen germe dans l'anthère et envoie directement les boyau 1 : polliniques dans le stigmate. JEAN-HENRI M/EDLER Nous avons le regret d'apprendre à nos lecteurs, la mort d'un des doyens de l'astronomie contempo- raine, M. Maedler, né à Berlin en mai 1794, quelques jours après le moment funeste où Lavoisier était dé- capité à Paris. Dans les premières années de sa vie laborieuse, Maedler exerçait à Berlin renseignement libre; il fut nommé, en 1817, professeur à l'école municipale do cette ville, et il ne fut attaché à l'observatoire royal que dans le courant de l'année 1836. Il venait de publier avec son ami lîeer, le frère aîné de l'incomparable Meyerbeer, la carte de lalune qui est encore classique aujourd'hui, et qui suffirait à elle seule pour lui assurer une gloire durable, il accompagna cette carte d'une Se'lénographie géné- rale, pendantque son associé publiait un ouvrage ana- logue : la Lune considérée dans ses rapports particu- liers et généraux. Il ne resta que trois ans à l'obser- vatoire de Berlin, car il ne tarda pas à être appelé (1840), par le gouvernement russe, à la direction de l'observatoire de Dorpat, où l'empereur Alexandre avait rétabli en 1802 l'Université créée par le roi de Suède Gustave-Adolphe. Marier fut directeur de cet établissement jusqu'à ce que le poids des années l'eût oblige à se contenter du titre de directeur honoraire. 11 s'établit dans la Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 209 ville de Hanovre où il fat atteint d'une longue et douloureuse maladie, terminée pur une congestion cérébrale. Sas derniers moments furent adoucis par les soins incessants de sa veuve née Witte. Il suc- comba le 14 murs dernier. Nous ne pouvons entreprendre de donner une no- menclature des nombreux mémoires que Msedler a disséminés dans lus recueils spéciaux et dont les ti- tres remplissent plusieurs colonnes de la Bibliogra- phie scientifique de la Société royale do Londres. 11 n'y a pas dans toute l'astronomie une seule partie qui ne doive à Marier des observations faites avec des instruments bors ligne, que la munificence du gou- vernement impérial de Russie lui avait permis de faire construire. On lui doit des traités généraux destinés à populariser le= éléments des sciences astronomi- ques, une Astronomie, des Lettres sur l'astronomie, et un traité de Géographie physique et mathémati- que, etc., etc. Le vénérable Mcedler, dans une conférence fort intéressante exécutée en 1868, a jeté quelque lu- mière sur l'application de la photographie à l'astro- nomie. Il conseille aux savants de ne pas exagérer la valeur des ressources que l'on peut emprunter à l'art de Daguerre. « Les détails de la photographie de la Lune, dit Mœdler, sont restés bien en dessous de ceux qu'un habile observateur peut déterminer. » L'illustre astronome ajoutait, il est vrai, que la pho- tographie devujt avoir une haute importance dans l'observation des éclipses. Mœdler croyait à l'existence d'un soleil central au- tour duquel les étoiles sont coordonnées. 11 inclinait à croire que ce corps immense pouvait bien être le trône oii le Tout— Puissant, mirait établi le centre principal de sa splendeur. C'est de là qu'il réparti- rait le mouvement et la vie sur les légions infinies de soleils. Cette idée a été développée avec élévation de style et de pensée dans un ouvrage populaire publié à Dorpat en 184fi. Les observations relatives à cette théorie ont été recueillies par le grand astronome dont nous déplorons aujourd'hui h perte, dans ses Recherches sur le système des étoiles fixes. W. DE FOXVILLT.E. LES TRACÉS GRAPHIQUES DES TiiAIKS DE CIIliJIINS t)E TER. Les ingénieurs emploient journellement des tracés graphiques dans leurs travaux, c'csl-fi-dire qu'ils re- présentent sur le papier, au moyen de lignes géomé- triques, les phénomènes naturels ou les résultats d'observation qu'ils ont à étudier. L'avantage de cette méthode est de parler aux yeux, de se faire com- prendre, bien plus aisément que l'on no comprend des colonnes de chiffres. La qualité essentielle est de comporter une grande exactitude. Le tableau gra- phique est un dessin saisissant et fidèle. On n'y voit pas d'ombres ni de perspective, eii un mot, aucun de ces artifices par lesquels le peintre ou le dessinateur force l'illusion. Ce doit être l'œuvre d'un géomètre et non pas d'un artiste, et néanmoins les dessins de ce genre sont souvent intéressants, même pour ceux qui n'ont pas à en faire un usage quotidien. Nous voulons en donner aujourd'hui pour exemple ce que l'on appelle, dans l'industrie des chemins de fer, le tracé graphique de la marche des trains. Les trains de chemin de fer ne circulent pas tous avec- la même vitesse. On peut les classer en trois catégories principales sous ce rapport : les trains de voyageurs express ou poste qui font de 60 à 80 kilo- mètres à l'heure, les trains de voyageurs omnibus ou semi-directs qui font de 30 à 50 kilomètres ; enfin les trains de marchandises et les trains mixtes (voya- geurs et marchandises), qui font de 15 à 30 kilomè- tres, plus ou moins suivant les inclinaisons de pentes et de rampes que présente le profil en long de la voie. Sur une ligne à double voie, deux trains allant dans le même sens doivent toujours être séparés l'un de l'au- tre par un intervalle de temps déterminé, II est bon d'éviter en outre que des trains allant en sens contraire ne se croisent sous un tunnel. Sur une ligne à voie unique, le croisement ne peut avoir lieu qu'aux sta- tions. De plus, il arrive parfois qu'il est nécessaire d'intercaler dans le service ordinaire un train supplé- mentaire dont la marche spéciale doit être calculée de façon à n'amener aucun accident. Comment s'y prendre pour combiner tout cela avec une rigueur mathématique? Le problème, devient surtout difficile à résoudre quand il s'agit d'une ligne de chemin de fer sur laquelle passent chaque jour 40, 50, 61) trains et même davantage. On en vient fort aisément à bout par le tracé graphique que nous allons décrire. Que l'on imagine un papier quadrillé sur lequel des lignes verticales équidistantes représentent les heures de la journée, de minuit à minuit. Entre cha- que ligue horaire marquée par un trait fort, cinq lignes intermédiaires séparent les intervalles de 10 en 10 minutes, l.cs heures de G heures du matin, midi et G heures du soir sont signalées, pour faciliter la lecture, par un trait plus accentué. Cela fait, (pue l'on trace des lignes horizontales ayant entre elles te inènieintcrvalle que les stations du chemin de fer considéré. Par exemple, à l'échelle de un millimètre pour un kilomètre qui donne un format commode, deux stations espacées de 6 kilo- mètres seront figurées par deux lignes horizontales espacées de six millimètres. Ou inscrira d'ailleurs le nom de chaque station en regard de la ligne qui la représente. Sur le canevas ainsi disposé, la marche d'un train se représentera par une ligne droite plus ou moins inclinée, suivant que sa vitesse est plus ou moins lente, et les points de rencontre avec chaque ligne horizontale donneront l'heure de passage à chaque station. Lorsqu'un train ne s'arrête qu'une ou deux mi- nutes dans une gare, le dessin n'en tient pas compte Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 500 LA NATURE. ce qui est sans importance. Lorsqu'au contraire, il sta- tionne pendants, 10 minutes ou davantage, la ligne repré- sentative du train s'inter- rompt à cette gare et reprend un peu plus loin. 11 arrive en certains cas , pour les trains de marchandises no- tamment, que l'arrêt est très- prolongé ; on réunit alors par une accolade les portions consécutives de la ligne in- clinée. On se rendra compte de ces détails et de bien d'au- tres encore, par l'examen du dessin ci-contre, qui repro- duit , avec une échelle ré- duite, le tracé graphique des lignes de Langres à Ghalin- rlrey et de Chaiindrey à Gray. La seconde section est à sim- ple voie : ou remarquera que les lignes inclinées ne s'y croisent qu'aux stations. Au contraire, de Langres à Clia- iindrey , section à double voie, il y a des croisements intermédiaires entre les li- gnes inclinées eu sens con- traire. 11 est clair, d'ailleurs, que les lignes inclinées de gauche à droite représentent les trains marchant de Gray vers Langres, tondis que les lignes inclinées de droite à gauche représentent les trains marchant de Langres vers Gray. Les chiffres inscrits à cùlé du nom des stations font connaître la distance depuis l'origine. La lettre R indique que la station possède un réservoir où le mécanicien peut renouveler sa provision d'eau. Le dessin placé sur le côté du tableau montre quel est le profil en long de la voie avec l'inclinaison en millimètres par mètre. Ces indications sont utiles à tout le monde, depuis le méca- nicien qui gouverne sa ma- chine en conséquence, jus- qu'à l'ingénieur qui rèsle d'après cela le service d'ex- ploitation. Ou remarquera que des chiffres sont inscrits à côté rSi w < a t- g < <= 5g 5 51 ° < fi M 'te w a & • ;1 gl"J « 6 5 ^ I y II — — n — ^^ b= ÎT """;"■> i„Mn 2l ^ '■Hi~ JNsïj de chaque ligne représentant un train. Ceci demande quel- ques explications. Au début des chemins de fer, on prit l'habitude de numéroter les trains pour éviter toute confusion. Ceux qui s'éloignent de Paris, re- çurent des numéros impairs, les numéros pairs étant ré- servés pour ceux qui s'en rapprochent. A mesure que les embranchements se mul- tiplièrent, cette méthode pa- rut insuffisante. La Compa- gnie de l'Est eut recours alors au procédé que voici. La ligne principale de Paris à Nancy conserve la série de numéros de 1 à 98 ; de 1 à '50, ce sont les trains de parcours partiels; de 51 à 41, les trains de grands par- cours; de 45 à 51, ceux de messageries et de bestiaux, de 61 à 98 ceux de marchan- dises. Puis, les autres lignes du réseau ont chacune un numéro d'ordre, un indice, que Pou écrit entre paren- thèses; ainsi (40) pour la ligne de Paris à Ifeli'ort, dont fuit partie la section de Clia- iindrey à Langres ; (48) pour l'embranchement de Cliaiin- drey à Gray , dont le tracé graphique est représente ci- contre ; et les trains de cha- cune de ces lignes secon- daires sont encore numérotés de 11 à 98, avec la même distinction que ci-dessus, en ce qui concerne leur nature. Par exemple , les chiffres (48) 01 désignent un train de marchandises. On doit comprendre main- tenant que le tracé graphique, dès qu'on eu a la clef, parle aux yeux avec bien plus de netteté que les tableaux de chiffres qu'on pourrait lui substituer. On voit d'un coup d'œil dans quel ordre les trains se suivent à chaque station , même eu chaque point de la ligne. L'exacti- tude du procédé n'a d'autre limite que la précision du dessin ; on est dispensé de Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 301 longs calculs sujets à erreur. L'usage du tracé gra- phique s'apprend au surplus si promptement, que les employés les moins instruits des compagnies de chemins da fer arrivent au bout de peu de temps à II. Bleiizï. MESURE DE U TEMPÉRATURE DE L'OCÉAN. Lorsque la Société météorologique d'Ecosse fut instituée, il y a bientôt vingt ans, on commença des études sur la tem- pérature de la mer, à la suggestion de feu le professeur Flemming ; ces in- téressantes observa- tions se sont conti- nuées régulière- ment depuis cette époque. Les pre- mières expériences furent exécutées au moyen de l'immer- sion de thermomè- tres , renfermés dans de petits réci- pients , placés à la surface de la mer et à la profondeur de 2 mètres. J'organi- sai moi-même des moyens de mesure sur la température du flux et du reflux à des profondeurs de 15 mètres , au frith de Puntland (à l'embouchure de la rivière). Le capi- taine Thomas R. il. fit des observations d'heure en heure, pendant une période de quatre années, finissant en 1863. Il alla jusqu'à des profondeurs de 18 mètres. Des expé- riences aussi irrégulières me parurent insuffisantes pour bien faire connaître les changements de tempé- rature auxquels la mer est soumise; aussi, en août 1872, je suggérai à mon ami, le professeur Wyvillc Thomson, l'idée d'observer, dans son voyage d'explo- ration, le maximum et le minimum de températures au moyen de thermomètres, constamment immer- gés dans l'Océan. A cet effet, une mince plaque de 1er malléable, de formr; ovule, comme on le voit fig. 1 , fut extérieurement fixée au navire, contre le franc-bord, de façon à former un auget dans lequel pénètre l'eau de mer par de nombreuses perfora- tions. Pour les navires voiliers , on peut mettre un mget de chaque côté du bâtiment, de façon à assurer Appareils du M. Stevenson pour la mesure dc-s températures océaniques. une constante immersion , lorsque celui-ci est sous le vent. Dans cet auget est un support portant un thermomètre maximum et minimum ; une disposi- tion spéciale permet à l'observateur de relever l'in- strument au niveau de la cabine, où une ouverture est pratiquée de façon à ce qu'il puisse lire le degré de température et ajuster les indices. Un système aualogue à celui que nous venons de décrire a été organisé à bord du vaisseau explorateur le Challenger; grâce à ce mécanisme, dans toute la durée d'un voyage maritime, il est facile d'exécuter des observations régulières de maxima et minima de température. Cette disposition peut s'adapter aussi à des bouées , et la Société météorolo- gique d'Ecosse s'est entendue avec la Mermj Board pour établir des observa- tions au phare du nord-ouest. Le marquis de Tweeddale,enl872, a proposé à la So- ciété météorologi- que, de faire des in- vestigations sur les migrations des pois- sons, et, particuliè- rement, sur celles des harengs , en même temps que des observations de températures et mé- téorologiques en gé- néral ; ce savant dis- tingué m'a rapporté que les harengs , selon lui , suivent des courants marins d'une plus haute température que celte de la mer en général. En réalisant le projet du marquis de Tweed- dale, la Société a dû à l'obligeance àuFishery Board (département de la pêcherie) , des rapports sur la pév.lie journalière du hareng, la température de la nier, et l'état du temps dans les différents districts de pèche d'Ecosse durant les deux dernières années. Déjà deux rapporls consciencieux de M. Buchan ont été publiés à ce sujet. Il y a lieu d'espérer que ces recherches donneront des résultats positifs d'une haute importance. Pour faciliter les observations de cette nature, j'ai conseillé de disposer, dans les jetées et les ports , des tubes en fonte pour contenir le thermomètre, comme l'indique la ligure 2 ; ce sys- tème a déjà fonctionné an port de Peterbcad, où les expériences ont été exécutées par M. William Boyd, depuis mai 1873. 11 est regrettable que ces observa- tions aient clé interrompues accidentellement, un Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 302 LA NATL'RE. navire ('tant venu heurter et briser l'appareil im- mergé. Outre les observations de surface, faites au moyen des bouées de sauvetage, pendant la unit, il serait à désirer que l'on plaçât également des thermomètres à des profondeurs beaucoup plus grandes ; les ther- momètres pourraient être placés dans un récipient. | de cuivre , percé de Irons à sa partie supérieure . (fi g. 3). La Société météorologique d'Ecosse, dans la séance du 9 février dernier, s'est adressée aux différentes autorités des phares, pour l'application de ces procédés d'observation dans les eaux pro- fondes aussi bien qu'à lu surface de l'Océan '. Thomas Stevessod;. <►«» L'OXYGÈNE EN BALLON Dimanche 22 mars a eu lieu à l'usine à gaz de la Villetie, l'ascension do VÊtQilc polaire, aérostat de 2,800 mètres, monté par MM. Cioeé-Spinelli et Sivel, pour étudier les effets de l'absorption de l'oxy- ; gène à une hauteur telle que l'organisme ne trouve ' pas dans l'air une quantité suffisante de gaz combu- rant. Les appareils se composaient de ballons renfer- mant 120 litres de mélange contenant 50 p. 100 d'oxygène et 80 litres contenant 75 p. 100. L'ab- sorption avait lieu à l'aide de tubes eu caoutchouc terminés par une sorte de tuyau de pipe. Les appa- reils avaient été disposés par M. Paul Bert, membre de l'Assemblée nationale et prolesseur de physiolo- gie à la SorLonne. M. Sivel, outre la conduite du ballon, avait pris soin des observations météorologiques, M. Crncc-Spi- nelli s'était réservé, plus exclusivement, les observa- tions physiologiques et speclroscopiques, à l'aide d'un petit appareil à main construit par M. Janssen. L'ellîcaeilé d'un mélange plus riche que le gaz oxygène ordinaire a été démontrée d'une façon très- nette, et les belles théories de M. P. Bert ont été plei- nement confirmées. A partir de l'altitude de 5,000 mètres, M. Sivel s'était senti faiblir. 11 a recouvré ses forces grâce à un cordial d'un nouveau genre. La circulation qui donnait jusqu'à 140 battements est devenue moins active et n'accusait que 120 pulsations après l'inha- lation. Le, ciel qui était noir devenait d'un bleu in- tense. M. Crocé-Spinelli pense avoir vu disparaître les raies noires de la vapeur d'eau tandis que les raies dites solaires augmentaient d'intensité. La température qui était de 13° à 11 h. 40, lors du départ, et de 17° à 2 h. 12, lors de la descente, était tombée à 24° à l'altitude de 7,400 mètres at- teinte à 1 h. 30. A 12 h. 04 elle était de 10° par l'altitude de 5,000 1 Tmiluil de Nature. mètres. Eu descendant il n'a point été fait d'obser- vation. Deux pigeons, appartenant à M. Yan Iloose- beke, ont «té lancés de 5,000 mètres. Un de ces ani- maux est revenu porteur du message. Au départ, l'aérostat n'avait que 1,080 mètres de gaz, il portait 380 kilogr. de lest. Il n'en restait plus que iÛ pour la descente. Le ballon a rencontré la première couche de nuages à 1,500 mètres. L'épais- seur était d'environ 500 mètres. Au-dessus se trou- vait une seconde couche très-élcvée, que les aéro- uautes n'ont pu atteindre, niais qui n'était point assez épaisse pour arrêter les rayons du soleil. L'ascension s'est terminée à Bar-sur-Seitie. On ne saurait trop féliciter 1rs hardis aéroiiaulej da la belle et intéressante expérience qu'ils viennent d'exé- cuter. CHRONIQUE Itne vigne digne de lu (erre de Chanaan — Cette vigne, dont le Garden donne la description, est située à 3 milles et demi de Santa Barbara (Californie). Le tronc, qui a été planté il v a environ 40 ans, ne se divise en brandies qu'à 2 nu 5 mètres du sol, où il ne possède pas moins de 5™, 50 de diamètre. Quelques- unes des bianchcs possèdent encore 0™,20 do diamètre à 10 ou 12 mètres de l'endroit où elles prennent nais- sance. La surface couverte par les branches, qui repo- sent sur un berceau, possède une superficie de "mis avons eu la bonne fortune de visiter la belle collection réunie par M. Ileboux et nous nous proposons d'exposer prochaine- ment aux lecteurs de la Nature quelques-uns dus résultais les plus remarquables auxquels il est parvenu. Tremblement de terre en Algérie, — À peinearrivé en Algérie, M. Charles Sainte-Claire Deville a eu l'occasion d'observer un fort tremblement de terre. Deux secousses se sont successivement produites, à 11 h. 58 m. du matin et à 3 h. 15 m. après-midi. La seconde fut de beaucoupls plus violente-, à Cbcrchell et à Alger, nombre de maisons sont lézardées, mais on ne signale jusqu'ici aucun malheur. On regrettera que personne ne se soit trouvé auprès du sèismomèlre que possède l'observatoire d'Alger. Il résulte de cet abandon, difficile i comprendre, au moins pour la seconde secousse, que les courbes des deux trépidations se sont combinées ensemble et que l'on ne peut pas faire de départ entre elles. Elles dessinent un Y d'écriture pres- que parfait. Stanislas Mhi'NIeji. Formation de glaçons sur \e pont du steamer l'Océanique. UN COUP DE YENT GLACÉ DANS L'ATLANTIQUE. Notre gravure a été; exécutée d'après un croquis dessiné à bord d'un steamer de l'Atlantique, qui a été soumis, il y a un mois environ, à l'influence d'un phénomène météorologique très-curieux. Non loin des côtes des États-Unis, l'équipage vit tourner le vent Irès-brusquemeut vers le nord-ouest ; ce vent, connu dans ces parages sous le nom de nips (incisif), se mit à souffler avec une violence extrême, mais en même temps la température s'abaissa subitement et devint intolérable. Le froid fut si brusque, surtout lorsque le navire allait contre le vent, que les vagues de l'avant se métamorphosaient en glace, aussitôt qu'elles touchaient le pont. L'no carapace solide re- couvrit rapidement les ancres, y formant une incrus- tation solide. Quand le coup de veut fut passé, les marins eurent toutes les peines du monde à débar- rasser les ancres de l'épaisse croûte de glace qui les enveloppait. Au même moment le thermomè- tre à New-York descendait à 8 degrés au-dessous de zéro. Ce courant glacé, survenu tout à coup, avait une vitesse vraiment extraordinaire, et les marins de YOcéanique (c'est le nom du navire qui a subi l'ef- fet de ce phénomène peu commun) eurent à souffrir très-cruellement de ses atteintes. On sait d'ailleurs que le froid est beaucoup plus terrible quand l'air est agité; ce fait a été souvent constaté par les ex- plorateurs des mers polaires. Notre ami Gustave Lambert, de si regrettable mémoire, nous a souvent rapporté que, dans ses voyages aux régions boréales, il préférait de beaucoup avoir à subir une tempéra- ture de — 50°, quand l'air était calme, qu'un froid beaucoup moins rigoureux accompagné d'une brise violente. L'agitation de l'air est cause d'une véritable soulfrance quand la température est basse; c'est ce que vient de confirmer encore une fois l'équipage de l'Océanique. G. T. Ae Pruprietaire-Gérant : G. Tissasdieh. Umuul — Ijp. el stér, de Crbté tili. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires if 4G. — 18 AVRIL 1874 LA NATURK. SON LES DEUX AÉROMUTES ENGLOUTIS DANS l'oCÉAX. Un concert a été donné récemment à la salle Fras- ait], pour élever un monument à la mémoire des aéronuutes qui ont péri pendant L siège de Paris. Nous croyons devoir a ce sujet rappeler les épisodes de la mort tragique de deux héros de l'aérostation. Le premier se nomme Alexandre Prince, né en 1843, à Jurançon (Basses-Pyrénées) ; il a quitté la gare d Orléans le 28 novembre 1870, à minuit, à bord duJacquart. Matelot des équipages de ligne du port do Toulon, Prince avait été détaché à la gare d'Orléans de- puis la création du service dus bal- lons. Les dépêches qu'il poêlait étaient pressantes ; elles contenaient un duplicata de l'ordre de marche en avant expédié déjà à l'année de la Loire trois jours auparavant par la Ville-d'Orléans, qui malheureuse- ment jour la défense nationale, alla s'égarer eu Norwégc. Le vent était si ter- rible, qu'on ne donna point s Prince les deux compagnons de voyage déjà désignés pour partir. Comme la lune n'était encore arrivée qu'au commen- cement de son premier quar- tier, et que le ciel était chargé de nuages, lemalheureux, égaré au milieu des ténèbres, ne put apprécier le moment où il fal- lait descendre! Lorsque les premières tein- tes de l'aurore se montrèrent, des pêcheurs aperçurent un ballon Ilotlant au-dessus du cap Lizard d'Angleterre, c'est tout ce que l'on sait de certain sur le sort de Prince. D'après les probabilités recueillies par un officier de la marine natio- nale, et publiées dans la Revue viarilime et coloniale, Prince a été englouti dans les parages voisins de Terre-Neuve, avec son ballon et les dépêches dont la perte a retardé les opéra- lions militaires et détruit les dernières chances qui restaient peut-être encore à la France! Le second aéronaute se nomme Emile Lacaze, né en 1840, à Paris, où il exerçait la profession de pho- tographe. 11 s'était engagé pour la durée de la guerre dans le corps des infirmiers militaires, et avait été détaché à la station de la gare du Nord. Son ascen- î p mari:. — t" uoeslre. A.euiiiirû Prince , jimuu en mer avec le ballon Jacquard , le 50 na\e,nbn' 18 j0. Emile Lactée, perdu en jnei avec le ballon Hichard Wallan, le 28 janvier 1871. sion a eu lieu le 25 janvier 1871, â quatre heures du matin, avec le ballon Richard-Watlace. Comme Lacaze était porteur de l'annonce de la capitulation de Paris, on jugea inutile de lui donner un compagnon de voyage. 11 avait l'ordre d'atterrir le plus près pos- sible de Bordeaux, où se trouvait la Délégation. Il s'approcha du terre lorsqu'il fut arrivé à 5 ou 600 kilomètres de Paris, et put échanger quelques paroles avec des paysans qui cultivaient leurs champs dans les environs d'Angonlème. Appre- nant qu'il ne se trouvait encore que dans le département de la Charente, Emile Lacaze s'imagina qu'il pour- rait s'approcher davantage du but qui lui avait été assigné, et jetant un sac de lest il disparut dans les nuages. Des pêcheurs qui traînaient leurs filets au large de la Rochelle l'aperçurent essayant sans doute, mais trop tard, d'effectuer sa des- cente. On suppose qu'il n'a pas été englouti loin des côtes de France. Est-il nécessaire d'ajouter que la mort de ces infortunés a dû être horrible? Un aérostat, tombant à la surface des flots, n'est évidemment pas submergé; il est très-probable qu'il est ballotté de vague en vague, et que l'aéro- naute peut vivre longtemps ainsi, au milieu des suprêmes angoisses qui précèdent une fin si tragique. Se représcute-t-ou ces deux infortunés, accrochés au cercle de l'aérostat, dont la nacelle est plongée dans l'eau, entraînés dans une course ra- pide par le globe gonflé de gaz, interrogeant des yeux tous les points de l'horizon , pour y chercher, jusqu'au dernier mo- ment, l'espoir du salut ! Pen- dant combien de temps a duré cette agonie? C'est ce que nul ne saura. Prince cl La- caze ont à jamais disparu dans ces abîmes océaniques où sont engloutis déjà tant de braves et tant de martyrs ! Il n'est pas inutile de com- pléter le récit de cette double catastrophe, en disant que ces deux malheureux au- raient pu être sauvés; avant eux, en effet, des aéro- nautes sont déjà tombés à la surface de la mer, mais, plus favorisés par le sort, ils ont pu miracu- leusement revenir sur la terre ferme. Le 8 septem- bre 1846 , un aéronaute français, nommé Arban, s'éleva de Trieste, dans un ballon gonflé à l'hydro- gène, et à une assez grande hauteur; un courant supérieur le dirigea vers l'Adriatique. Arban s'efforce de maintenir son aérostat dans l'atmosphère le plus 20 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 30G LA NATURE. longtemps possible , mais, à huit heures du soir, ayant épuisé tout son lest, il descend peu à peu vers la surface de la mer. Bientôt il est plongé au milieu des vagues ; il se cramponne aux filets du globe aérien, et lutte avec énergie contre la mer. Les forces do l'aéronaute allaient hientôt s'épuiser, quand des pêcheurs , conduisant une barque dans les eaux de Trao, aperçoivent l'infortuné et le recueillent à leur bord. Green, à peu près à la même époque, tomba dans la Manche avec son ballon le Nassau; il flotta à la surface de la mer, et le vent le dirigea vers l'em- bouchure de la Tamise, où il fut sauvé. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES son l'influence que les modifications dans la riîFs- SION BAROJILTIIKJDE EXERCES! SCR LES PIIïï.NOMÈMKS DE LA VIE. Sous ce titre, M. Paul Bert, professeur de physio- logie à la Faculté des sciences de Paris, vient de pu- blier dans les Annales des sciences naturelles un travail considérable, qui exprime les résultats d'ex- périences poursuivies avec une singulière énergie depuis trois ans, parmi des difficultés de tout ordre, auxquelles on ne reproche pas au savant député de l'Yonne de s'être dérobé. Ce mémoire résume une sé- rie dénotes présentées à l'Académie ries sciences et dont nous avons signalé déjà quelques-unes à nos lecteurs; l'étendue du sujet qu'il traite, la complexité des problèmes, la simplicité élégante de leur solu- tion, les nombreuses applications pratiques qui dé- coulent de celle-ci, nous déterminent à en donner ici une analyse assez étendue. Nous citerons textuellement le début de l'intro- duction : « 11 me suffira de quelques mots, dit M. Taul Bert, pour rappeler l'importance que présentent les problèmes à la solution desquels je me suis attaché. Les modifications de la pression barométrique jouent un rôle considérable dans les phénomènes naturels; l'industrie, la médecine en ont tiré parti. On ma permettra de passer très-rapidement en revue les circonstances dans lesquelles la biologie est intéressée à leur étude. « Je ne parlerai pas des modifications légères que présente sans cesse le baromètre; tout prouve que l'influence qu'on leur accorde généralement est fort exagérée, et qu'il convient d'en attribuer la plus grande part aux modifications simultanées de l'état thermométrique, hygrométrique et électrique de l'air. « Mais les hommes et les animaux qui vivent sur les montagnes élevées sont, par là même, soumis à une pression, dont la faiblesse, par rapport à celle des bords de la mer, ne peut ètro sans action sur leur organisme. Or, des villes importantes sont bâties à des hauteurs qui dépassent 3,000 mètres, et les hauts plateaux de l'Anahuac (2,000 mètres) nour- rissent des. millions c}.'l ]nlrmi es. « D'un autre côté, les voyageurs qui gravissent le flanc des montagnes, les aéronautes emportés dans les régions élevées de l'atmos[ihère, éprouvent fré- quemment des troubles physiologiques de plus en plus graves à mesure qu'ils montent, etqui finissent par rendre l'ascension impossible et mettre la vie en danger. « L'augmentation de pression n'a point à agir, dans l'état de nature, sur les animaux aériens. Seuls les animaux marins sont parfois soumis à des pres- sions qui peuvent atteindre 4 et 500 atmosphères. Mais l'industrie, qui n'emploie pas l'air dilaté dans des conditions intéressantes pour nous, soumet au contraire très-fréquemment les ouvriers à de fortes compressions d'air, et cela dans des circonstances différentes: 1° le fonçage des piles de pont, le l'orage des puits, avec les tubes pleins d'air comprimé: 2° la [lèche des perles, du corail, des éponges, les sauvetages sous-marins à l'aide de scaphandres. « Enfin les médecins, qui n'ont pas songé, si l'on excepte M. le docteur Jourdauet, à employer la di- minution dépression, ont fait de nombreuses tenta- tives de thérapeutique avec l'air comprimé. Cette pra- tique, à laquelle se rattachent en France les noms de Juuod, de Praaz, de labarié, se répand beaucoup eu Allemagne, et paraît avoir donné, en maintes circon- stances, les plus utiles résultats. « J'ajoute, pour en finir avec cette énumération succincte, que les végétaux, comme les animaux, sont, sur les montagnes et à une certaine profondeur sous l'eau, soumis à des pressions barométriques variées. J'ai dû nie demander si ces variations ont de l'impor- tance sur la vie végétale; si, pur exemple, dans l'ex- plication de la diversité des flores suivant les hau- teurs, il n'y aurait pas, à côté de l'influence univer- sellement reconnue de la température, une part à attribuer à l'altitude elle-même. « Je n'insiste pas davantage; les indications suffi- sent pour montrer que l'étude que j'ai entreprise in- téresse à la fois l'histoire naturelle, la médecine, l'hygiène industrielle, l'hygiène des peuples » M. P. Bert étudie alors, avec quelques détails, les circonstances diverses qu'il vient d'énumérer et passe en revue les théories si nombreuses qu'on a invo- quées pour expliquer les accidents signalés. Relati- vement à la diminution de pression, il décrit d'abord le mal des monlaynes : k Toutd'altordlamarehedevientdifficile, les jam- bes semblent plus lourdes à déplacer; la respiration s'accélère, el sous la double influence de la fatigue et de l'anhélation, le voyageur est bientôt contraint de s'arrêter. Au repos, il se remet bien vite, et re- commence sa marche ascensionnelle. Mais les phéno- mènes reparaissent et s'aggravent; il s'y joint des battements de cœur, des bourdonnements d'oreilles, des vertiges, des nausées. Plus tard, la faiblesse de- vient telle, que la marche est presque impossible, et il a fallu aux illustres voyageurs dont les noms se rattachent à l'histoire des grandes ascensions (du Saussure, de liumboldt, Boussiugault, etc.), une Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 307 grande force morale pour triompher d'un malaise écrasant « Le repos, qui tout à l'heure faisait tout dispa- raître, nesuflit plus maintenant, et, même étendu sur le sol, le voyageur est en proie aux nausées, aux palpitations ; quelquefois même des hémorrhagies nasales viennent l'effrayer plus encore que l'affaiblir. 11 finit par être obligé de s'arrêter et de redescen- dre. j> Viennent ensuite les récits des aérouautes, et l'é- tude des conditions de la vie de ces millions d'êtres humains qui dans les Gordillières et l'Himalaya vi- vent à des hauteurs qui dépassent 2,000 mètres. Quant aux théories, M. Hcrt signale rapidement celles des Weber de I.epilem (alfaihlissement des contacts articulaires, fatigue et vertiges) ; de Lortet (refroidissement) ; de Gavarret (accumulation d'a- cide carbonique dans le sang), etc., dont les erreurs seront démontrées plus tard, pour insister plus lon- guement sur les idées de IL Jourdanet (diminution de l'oxygène et de l'acide carbonique du sang) et sur Yanoxyhémie signalée par ce médecin, chez les Mexicains des hauts plateaux. Arrivant à l'air comprimé, M. P. Bert s'arrête par- ticulièrement sur les faits observés chez les ouvriers qui travaillent au forage des puits ou à la fondation (les piles de pont, dans de l'air dont la pression a été quelquefois portée à 5 atmosphères. << Les médecins ont naturellement observé avec beaucoup de soin ces phénomènes. Voici les princi- paux parmi ceux qu'ils ont constatés. Au moment de la compression et à celui de la décompression (actes qui se passent toujours avec une imprudente rapi- dité) arrivent des douleurs d'oreilles, dues à des ten- sions inégales sur les deux faces de la membrane du tympan. La compression obtenue, les ouvriers tra- vaillent dans les tubes sans rien éprouver : comme le disaient Pol et Vatelle, on ne paye qu'on sortant. C'est alors, en effet, que surviennent fréquemment les démangeaisons violentes à la peau, des puces comme ils les appellent, ou encore des douleurs musculaires avec gonflement, des moutons. Ce n'est pas tout, ils ont parfois des vertiges, des palpitations, voire même des paralysies ; on a signalé des cas de mort plus ou moins subite. Au sortir des tubes de llayonne, M. C..., ingénieur, est frappé de perte de cjnnaissance, avec paralysie complète; il se remet partiellement, et traîne encore aujourd'hui, après cinq ans, une paraplégie incurable. A Kehl, àDouchy, des ouvriers sont tombés comme foudroyés. » Mêmes dangers menacent les plongeurs munis de scaphandres qui pèchent les éponges ou le corail. « Seulement, comme ils se risquent à aller jus- qu'à 50 et 60 mètres de profondeur, ils courent des dangers bien plus graves. Les paraplégies, s'étendant aux orgnnes du bas-ventre, sontNtrès-communes, et très-souvent elles se terminent par la mort : celle-ci survient même presque instantanément dans beau- coup de cas. Suivant M. Le Roy de Méricourt, une seule compagnie anglaise, sur 24 plongeurs, en a perdu 10, dont 5 sont morts subitement, les 7 autres après plusieurs mois do paralysie, b Mais, dit plus loin l'auteur : « Ces accidents brusques lie sont pas les seuls qui atteignent les ouvriers des tubes. Ceux qui ont tra- vaillé pendant un certain temps dans l'air comprimé, à 3 ou 4 atmosphères, prennent un aspect particulier, sont atteints d'une sorte de cachexie. Leur peau ter- nit, les digestions deviennent difficiles, des troubles circulatoires et nerveux les poursuivent, leurs forces diminuent. Chose curieuse ! au début de cet état maladif, tout s'améliore lorsque l'ouvrier rentre dans les tubes et se comprime à nouveau; mais le ma- laise est aggravé lors du retour à la pression normale. Tout cela peut se terminer par des maladies graves, quelquefois par la mort. » L'air comprimé n'est pas seulement, comme la lance d'Achille, capable de guérir les maux qu'il a produits, les médecins ont pu en tirer dans maintes circonstances un parti favorable. Les asthmatiques emphysémateux sont surtout singulièrement amé- liorés par son emploi : « Lorsqu'un emphysémateux se soumet à l'action de l'air comprimé, on voit très-rapidement sa capa- cité respiratoire augmenter dans une proportion extra- ordinaire, de plus d'un tiers parfois. Cette améliora- tion si capitale persiste après que le malade est sorti des appareils, et peut durer pendant des semaines, des mois, quand le traitement a été suffisamment prolongé, au grand bénéfice de l'asthmatique pendant tout ce temps suulagé. il La variété des théories imaginées pour expliquer ces faits curieux est mise en lumière par M. P. Bert, qui montre que quelques-unes, adoptées parles phy- siologistes allemands, sont contraires aux lois les plus élémentaires de la physique. Sans donner encore l'explication véritable, M. liert signale la confusion établie par tous les auteurs entre les accidents qui suivent immédiatement la décompression brusque, et qui surviennent parfois le premier juur du travail, avec les accidents à longue portée qui sont les consé- quences d'un long séjour dans l'air comprimé. Nous verrons que ces deux ordres de phénomènes dépen- dent de causes absolument différentes. Que si nous laissons de côté l'influence des décom- pressions soudaines, nous trouvons que M, Bert a donné de l'action des modifications hrusques, une explication tellement simple, qu'il suffit d'une phrase pour l'exprimer. Rappelons seulement d'abord un principe élémentaire de physique. La tension réelle de l'oxygène, dans l'air que nous respirons, est de un cinquième d'atmosphère, puis- qu'il entre pour un cinquième (0,21) dans sa compo- sition. Cette tension pourra être accrue en aug- mentant soit la proportion centésimale, soit la pres- sion atmosphérique, c'est-à-dire en comprimant l'air. Ainsi, de l'air contenant 42 pour 100 d'oxygène cor- respondra à de l'air ordinaire comprimé à deux atmo- sphères, etc. On peut donc désigner par 21 la tension de l'oxygène de l'air à la pression normale, par 42, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 508 LA NAÏU11E. Cette tension à 2 atmosphères, par 05, à 5 atmo- sphères, etc. Inversement, la tension à une demi-atmosphère (38 c. de mercure), sera 10,5; à un tiers d'atmo- sphère, 7, etc. Or il résulte des recherches de M. Bcrt que les changements dans la pression atmosphérique n'agis- sent nullement, comme le voulaient la plupart des théories avant cours, par quelque influence mécani- que ou physique; mais uniquement en faisant varier la tension de l'oxygène et, par suite, les conditions de ses combinaisons avec le sang et les tissus. Au-dessus d'une atmosphère, quand la pression décroît, animaux et végétaux sont menacés d'une mort qui n'est qu'une simple asphyxie par privation d'oxygène. Au-dessus, des accidents arrivent, qu'a constatés le premier notre auteur, la mort même sur- vient, et tout cela exclusivement à cause de la trop grande tension d'oxygène, lequel arrive alors à se comporter comme un poison violent. Nous verrous dans un prochain article comment ces faits ont été découverts et expliqués. I) r Z. — La suite prochainement. — -~Oo CRUYEILlllElt Cette grande intelligence vient de s'éteindre après une magnifique carrière. Cruveilhier, âgé de quatre- vingt-trois ans, est mort dans le Limousin, rapidement enlevé par une fluxion de poitrine. Suivant l'expres- sion d'un grand physiologiste, c'était le père de l'ana- tomie pathologique. Gomme Faraday, il était animé des sentiments religieux les plus ardents, mais comme le grand savant d'outre-Manche, il a conquis une place durable parmi les créateurs scienliliques. Cruveilhier était à ses débuts un des plus brillants élèves deDupuytren; il avait quitté de bonne heure Limoges, sa ville natale, pour faire ses études mé- dicales à Paris. Dans sa thèse de doctorat, soutenue à Paris en 1816, il s'était révélé comme un innovateur ; ce très-remarquable travail était intitulé : Essai d'anatomie pathologique. Après un séjourà Limoges, où des obligations de famille l'avait appelé, il revint bientôt à Taris, pour passer brillamment son agré- gation. Il fut reçu premier et ne tarda pas à se taire remarquer comme un praticien de premier or- dre. Appelé à une des chaires de la Faculté de Mont- pellier, il fut bientôt nommé à Paris professeur d'a- natomie à la Faculté de médecine, en remplacement de Béclard, qui venait de mourir, en 1825. M. Frajs- sinous, grand maître de l'Université, avait choisi Cruveilhier pour remplir ce poste important, parce qu'il connaissait les tendances religieuses du grand nnatomiste. Le nouveau professeur fut d'abord ac- cueilli avec quelque méfiance par la jeunessso libé- rale, mais il sut bientôt conquérir son auditoire par •a parole claire, éloquente, sincère et par son grand amour de la science. C'est surtout en revenant vers ses premières études, celles de l'anatomie pathologique, que Cru- veilhier se distingua. Médecin de la Maternité, puis de la Salpètrière et de la Charité, il publia son bel ouvrage, de l'Anatomie pathologique du corps hu- main, véritablemoiiument qui ne serajamais oublié. Cette œuvre de premier ordre le conduisit à la nouvelle chaire d'anatomie pathologique, créée par Dupirvtrcu en 1S35, et bientôt après, à l'Académie de médecine. Laborieux, modeste, charitable, bien- veillant et doux, Cruveilhier joignait un grand cœur à une science profonde. UNE RÉVOLUTION TIIERMOUËTIIIQUË AUX ILES FAI.KLAXD. M. G. d'Arq, gouverneurgénéraldes îles Falklaiid. vient d'adresser au Colon ial office un rapport très-inté- ressant dans lequel il apprend que la population de cet archipel s'élève actuellement à 950 habitants. La population est tiès-prospère et semble devoir s'augmenter rapidement, parce que le climat est beaucoup moins rude qu'il y a vingt ans. Ce change- ment incontestable et progressif a été attribué, par le professeur Agassi», ace que le Gulf-Streama éprouvé une déviation vers h: sud-ouest depuis ce même nom- bre d'années. Cette modification du climat ne pa- raît pas s'être manifestée seulement par une aug- mentation considérable du nombre des colons, mais par l'arrivée inattendue de perdrix, oiseaux qui sont' venus en grand nombre des côtes de Pulagunie et que l'on n'avait jamais vus dans ces parages. L'ile occidentale était absolument déserte. Il y a six ans seulement l'équipage d'un navire qui y aurait l'ait naufrage aurait été exposé à mourir de faim. Le progrès a été si rapide qu'on ne peut mainte- nant y l'aire quatre ou cinq lieues sans trouver une habitation et des vivres, en quelque point que l'on ait abordé ! Le climat, tel qu'il est actuellement, après avoir reçu cette modification inattendue, est excellent pour l'élève du bétail. Toutes les îles de l'archipel ren- ferment d'immenses troupeaux. Il n'est pas besoin d'insister sur l'importance d'un fait qui paraît se rat- tacher aux modifications analogues accomplies au- tour de nous. Il n'est guère possible d'admettre que des faits analogues constatés à plus de 60 degrés de latitude de distance n'aient point leur origine dans des causes cosmiques, comme l'illustre et regretté fonda- teur de la météorologie cosmique l'a si bien deviné- EMPLOI DE L'AIR COMPRIMÉ PODH LES SAUVETAGES MAI1IT1MES. L'impossibilité de mettre à la mer en temps utile les embarcations du bord a inspiré à un médecin Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 309 français, nomma M. Fontaine, l'idée fort ingénieuse d'employer l'air comprimé à la mise à la nier de radeaux instantanés. Au lion de se composer d'un plancher solide, qu'il n'y a plus qu'à décrocher, les radeau* instantanés de M. Foulante se composent d'un m'itclas d'air large de 8 mû très, long de \0 mètres Il i' ..! r -T-i Le radeau de sauvetage suspendu au-dessus du muv Je ljor0;iya D, tube d'iusulQuiion conduisant à une chambre où l'air est tenu sous uns pression de la atmosphères. — M, matelas à air qu'on voit dans deux pos tiens, roulé au-dessus du mur do hordsge, ou mis à la mer et ilottaiU — FF, vergues transversales. — P, tablier du itinudas. — Q, fourreaux servant à la solidarisatinn des vergues qui se trouvent placées dans le sens de b longueur. Ils sont destines à recevoir de fortes vergues bjrdées en fer.— II H, coi des servant à dérouler l'.ippaieil le long des flânes du navire. — S, robinet écrou servant à faire communiquer lo maLclas avec la chambre à air pour le gonflement. — V V, portes pratiquées dans le Siordagc pour donner accès à l'échelle. — LL, cordes attachées au-dessous du tablier, destinées à former une sorte de filet auquel les nau- fragés se cramponnent, pour que les lames ne les enlèvent point. — SS, cables de fer sur lesquels glissent les anneaux des ntlscb.es TT. — ltR, goupilles qui retiennent lo radeau et qu'il siifDl d'enlever pour opérer sa mise a la mer. lue ûli radeau de sauvetage mis a I eau. et épais de 50 centimètres. 11 est renforcé par dis vergues transversales, clouées à la face inférieure et par des fourreaux placés perpendiculairement à la direction, comme on peut le voir parles planches qui accompagnent nos explications. L'air nécessaire au eondcmetit du matelas se trouve Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 310 LA NATURE. renfermé sous forte pression dans une chambre her- métique. Lorsqu'il faut mettre le radeau à la mer, on opère le gonflement à l'aide d'un système de tuyaux par lesquels l'air comprimé s'écoule dans la capacité qui doit le renfermer. La provision d'air est accumulée dans une chambre dont la capacité est de 3 mètres cubes, où il est con- servé sous la pression de 1 5 atmosphères. Quant au radeau instantané, il est suspendu, roulé, à la place qu'occupe ordinairement une chaloupe. Pour montrer le mécanisme, nous avons enlevé une enveloppe de toile cirée dont il est garni et qui sert à le protéger. Le poids du radeau n'étant que de 2 tonnes, et son déplacement de 40, la poussée réelle est de 38 ton- nes, ce qui suffit pour faire flotter à la mer deux ou trois fois plus de passagers qu'il n'y en avait à bord ■ du fameux radeau de la Méduse, en supposant ce- pendant que, plus malheureux encore que ces der- niers, ils n'aient pas le temps d'embarquerune seule barrique de biscuit. Il reste à savoir comment l'arri- mage des provisions pourra se concilier avec les pré- cautions nécessaires pourque les toiles qui composent le radeau ne soient ni éraillées ni percées. Ajoutons cependant que le matelas est garni d'un tablier qui sert efficacement à le protéger. Il est également pourvu de cordages auxquels les passagers peuvent s'accro- cher. L'appareil a été présenté par M. l'amiral La Roncière le rSoury à la commission centrale des naufrages le 21 décembre dernier. On nous annonce que des ex- périences seront faites prochainement. Il faut at- tendre leur issue pour se prononcer sur la valeur pratique d'une combinaison à laquelle il restera en tous cas le mérite d'être une ingénieuse application de principes nouveaux. CONGRES INTERNATIONAL DE GÉOGRAPHIE. La Société de géographie a pris l'initiative d'une mesure qui peut avoir d'heureuses conséquences pour le progrès des sciences géographiques, en convoquant, pour la semaine de Pâques de l'année prochaine, un congrès international dans lequel seront discutées toutes les questions qui se rattachent à l'étude du globe terrestre. L'adhésion du gouvernement français et des gou- vernements étrangers ayant été donnée à ce projet, on s'occupe dès à présent d'étudier tout ce qui doit assurer le succès de ce congrès international, et la commission centrale a voté une somme de dix mille francs pour les préparatifs. En même temps un comité d'organisation a été nommé pour formuler le pro- gramme des questions à traiter, avancer leur solu- tion en recueillant les matériaux nécessaires à la dis- cussion, indiquer les institutions et les étrangers aux- quels doit être notifiée la réunion du congrès, et se mettre en relations avec eux. Ce comité se divise en cinq groupes scientifiques chargés d'étudier chacun une branche spéciale des sciences géographiques ; les membres ont été nom- més, et une première liste de questions leur a déjà été posée par la commission centrale. Voilà la com- position et le programme de ces divers groupes : I. Géographie mathématique, hydrographie et géo- graphie maritime. Membres : MM. Bouquet de Lagrye, de Cbnaeourtois, Germain, Mieulet, Mouchez, Per- rier, Pissis. II. Géographie physique, géologie, anthropologie, météorologie: MM. Cosson, Daubrée, Delesse ; Jules Garnier, llamy, de Quatrefages, Tarry, NI. Géographie historique et histoire de la géo- giaphie : MM. Barbier du Bocage, Deloche, Ernest Desjardius, Sagous, Vivien de Saint-Martin. IV. Géographieécoriomiqueetstatistique: MM. Ca- simir Delamarre, Charles lîerpin, Charles Hertz, Emile Levasseur, Person, Pigeonneau. Y. Enseignement et diffusion de la géographie: 51 M. Boimelbiit, Eugène Gortambert, Dupaigno, Pé- ri got. VI. Explorations et voyages: MM. Cli. Babinet, de Bizemont, Henri Buveyrier, Alfred Grandidier, Malte-Brun. Le public sera admis à assisteraux séances du con- grès avec une carte d'entrée, qu'on pourra se procu- rer moyennant 15 francs. Cette disposition libérale ne peut manquer d'être très-appréciée de toutes bis personnes qui s'intéressent au progrès des sciences géographiques. LA GASTR0T0MIE a pnoi'os nu jeune homme qui a avalé CKE FOURCHETTE. Quoiqu'on ait beaucoup parlé de ce cas singulier, un grand nombre de personnes doutent encore de sa véracité. Il est parfaitement vrai que M. F., jeune employé de commerce, a avalé une fourchette, il y a trois semaines environ ; il s'amusait à imiter les sal- timbanques qui avalent des sabres, et comme son gosier est très-large, il y faisait facilement dispa- raître une fourchette, dont il tenait une des extré- mités entre ses dents. A la suite d'un mouvement brusque, la fourchette qu'il venait de plonger dans son gosier, tomba dans l'estomac et disparut. On conduisit ce malade d'un nouveau genre à l'hospice de la Pitié, où M. le docteur Labbô essaya à plusieurs reprises de retirer, au moyen de sondes introduites par la bouche, l'objet si volumineux et si pesant qui se trouvait dans le système digestif du patient. Le sujet a été endormi au moyen du chloroforme, et ou a recommencé à plusieurs reprises cette opération de sondage, sans arriver à aucun résultat. 11 est possible que l'on soit obligé de perforer l'estomac Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 311 et d'entreprendre l'opération de la gastrotomie, mais tant que Vkomrae à la fourchette n'éprouvera pas do souffrances, et ne sera pas incommodé de ta pré- sence d'un corps étranger dans son organisme, il ne sera pas nécessaire de recourir à de semblables pro- cédés de guérison. Dans les premiers temps de son séjour à la Pitié, le sujet se portait fort bien, man- geaitet dormait dans d'excellentes conditions. 11 peut se faire qu'il vive ayee sa fourcliette, comme cela s'est déjà vu dans des cas analogues. Un chirurgien distingue, M. Samuel Cross, pro- fesseur au collège médical de Jefferson à Phila- delphie, a fort bien résumé dans son bel ouvrage A System of Surgcry les différents exemples connus dii corps étrangers dans l'estomac; nous lui em- pruntons des détails fort curieux qui sont générale- ment peu connus. Quand des corps étrangers sont accidentellement tombés dans l'estomac, ce qui se présente quelque- fois chez les jongleurs, chez les personnes ivres ou folles, les symptômes ordinaires sont, une douleur violente dans l'épigastre, s'étendant de divers côtés, une sensation de poids et d'obstruction dans l'es- tomac, la nausée, et constipation des entrailles. Quelquefois cependant le malade ne souffre pas, et alors il peut marcher, et même vaquer à ses affaires. La manière suivant laquelle ces substances peu- vent être éliminées, est variable. Des morceaux d'os, des cartilages, des épingles, des aiguilles, des pièces de monnaie, passent souvent à travers les entrailles et sont finalement rejetés avec les résidus de la di- gestion. Quand le corps étranger s'arrête, et pro- duit do la douleur et du danger, on doit l'extraire au moyen du bislouri; la place de l'incision doit être déterminée suivant la position de l'objet, qu'on peut souvent sentir très-distinctement à travers les parois de l'abdomen. Il y a quelques années un saltimbanque à Iowa, en exécutant des tours, laissa glisser dans son esto- mac une barre de plomb de m ,2o de longueur et pesant 500 grammes. M. le docteur Bell, de Wapello, arriva à extraire cette barre de plomb en faisant une incision de 4 pouces de long, depuis l'ombilic jus- qu'aux fausses côtes, à quelque distance au-dessus de la ligue médiane. L'ouverture faite dans l'estomac était juste assez grande pour laisser passer le barreau, et il n'y eut pas besoin de suture; elle se referma immédiate- ment par la conlraction des fibres musculaires de l'organe. La blessure externe fut recousue d'après la méthode ordinaire. Il n'y eut aucun mauvais symp- tôme, et l'homme fut guéri en moins de quinze jours. La faculté étonnante que possède l'estomac de supporter la présence de corps étrangers est dé- montrée encore d'une manière frappante dans les cas remarquables rapportés par Borelli, Fournie/", llarrison et autres. Les objets les plus bizarres, tels que pièces de bois ou de fer, clous, fourchettes, cuillers, couteaux, boucles, compas, gonds de portes et pièces de monnaie, ont été avalés, quelque- fois en grandes quantités, et à intervalles rappro- chés, sans pour cela occasionner de douleurs immé- diates, bien que par la suite ils aient souvent amené la mort. La gastrotomie a été appliquée d'abord par Gruger, chirurgien polonais, en 1613. Son malade, un fer- mier, avait ayalé un petit couteau, etil survécut dix ans à l'opération. Shoval la recommença en 1035. Le professeur Frisac, dû Toulouse, fit l'opération, à la fin du siècle dernier, pour extraire une lame de couteau de 2 pouces de long. Gomme moyen do prolonger l'existence, dans le cas de rétrécissement de l'œsophage pouvant amener l'inanition, la gastrotomie a vivement appelé l'atten- tion depuis ces dix dernières années, surtout eu Eu- rope. Les principaux opérateurs ont été Sédil'ot, Fenger, Forster et S, Jones ; mais les résultats n'ont pas été de nature à encourager de nouvelles études, tous les malades ayant succombé à la suite de l'opération, soit d'épuisement, soit de péritonite. Nous n'entrerons pas à ce sujet dans des détails qui nous éloignent du cas de la fourchotte. Nous avons voulu citer seulement quelques exemples d'o- pérations gastrotomiques ayant parfaitement réussi, pour l'extraction de corps étrangers contenus dans l'estomac. LA CANALISATION DE LA RIVIÈRE SONE DANS LES INDES ANGLAISES. Les Anglais, depuis de longues années accomplis- sent dans leurs possessions de l'Inde des travaux inouïs dans le but de fournir de l'eau à des contrées sèches et arides, et d'ouvrir des vçies navigables au milieu de pays jusqu'ici fermés au commerce. La canalisation de la. Sone est certainement la plus importante de ces entreprises; nous donnerons à son sujet quelques détails, de nature à mettre en évi- denco l'intérêt exceptionnel qui s'y rattache. La rivière Sone est située sur le plateau de l'Inde centrale, et coule vers le nord et le nord-est, en traversant la chaîne de Kymore sur un espace de 250 milles. Elle pénètre dans les plaines de Behar, au- près de la forteresse ancienne de Rliotas, et roule ses eaux en droite ligue sur une longueur de 100 milles jusqu'à son conlluent avec le Gange, près de Patna, Le chenal a une largeur de 2 à 2 1/2 milles, et, dans les grandes eaux, donne un débit de plus d'un million de pieds cubes par seconde, et de 4,000 pieds cubes dans les eaux les plus basses.: L'écart entre les deux niveaux est de 14 à 20 1/2, pieds. Celte énorme quantité d'eau s'écoule dans une couche généralement plus élevée que le reste de la contrée. Le fond de la rivière est de sable sur une grande épaisseur. La pente est de 3 à 1 3/4 pieds par mille. La rivière traverse les régions le? plus fertiles et les mieux cultivées du Bengale ; elle ar- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires Droits réservés au Cnam et à ses partenaires Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 314 LA NATURE. roso des plantations de riz, d'opium, d'orge, de tabac, de mais, d'indigo, de canne à sucre, de co- ton, etc. Mais dans la saison de séchere-se l'eau dis- paraît et une grande partie de la récolte est perdue. Le gouvernement anglais a voulu remédier à cet état de chose; malgré l'importance des construc- tions, il a décidé que les eaux de la Sone seraient ca- nalisées sur un espace gigantesque de 5100 milles carrés. La source de tous les canaux qui sont en voie de construction est située à Dehree, ville qui se trouve à 65 milles en amont du confluent de la Sone avec le Gange. À cet endroit on a pratiqué un barrage, pour élever le niveau des eaux pendant la saison de séche- resse. Celle digue est le plus vaste travail qui ait jamais été entrepris dans ce genre. Sur la digue même on a pris deux principaux canaux navigables et d'irrigation. Celui da droite est appelé Grand ca- nal de l'Est, et coule dans cette dernière direction sur un développement de 170 milles. 11 traverse plusieurs petites rivières sur des aqueducs, passe sous le chemin de fer des Indes orientales pour se déverser dans le Gange près do la grande ville de Monghyr. 11 a 180 pieds de large, à sa base, et sa profondeur est de 9 pieds. Il est affecté à la naviga- tion des petits steamers, et son irrigation se fait sur une aire de 3,000 milles carrés s'étendant jusqu'au Gange et dans la direction du nord; son débit est de 5,500 pieds cubes par seconde. L'autre canal prend le nom de Grand canal de l'Ouest ; il longe une chaîne do collines et se déverse dans le Gange à Mirzapore. Ses dimensions sont les mêmes que celles du premier canal. ,11 traverse aussi plusieurs petites rivières sur des aqueducs, et par une série d'écluses, il comprend une pente totale de 123 pieds jusqu'au Gange. Il est également affecté à la navigation des petits steamers, et son débit est assez considérable pour subvenir à l'irrigation de la contrée tout entière qui s'étend entre les collines et la rive droite du Gange. Les An- glais ont donc formé une voie navigable continue de Mirzapore à Monghyr, évitant ainsi les régions diffi- ciles et dangereuses dans la navigation du Gange. Le développement total de la navigation sera de 555 milles, et coûtera 4,000 livres sterling par mille. Lescanauv. pour la distribution des eaux d'irri- gation auront une longueur totale de 1,050 milles et coûteront 500 livres par mille. Le prix du travail total dépassera 4 millions de livres sterling, et il ne faudra pas moins de vingt-cinq ans pour le ter- miner complètement. On construit actuellement le grand barrage, destiné à fournir les eaux à une série de canaux navigables de 180 milles de longueur, sur les deux rives de la rivière. L'année dernière on a employé à cette construction 40,000 ouvriers. Ou a établi une double ligue de railways sur une longueur de 10 milles pour aller chercher la pierre extraite dans les collines de Debree, de carrières situées du côté du barrage. Les travaux sont placés sous la haute direction de M. H. -G. Levinge; cet in- génieur a sous ses ordres vingt autres ingénieurs et un personnel décent employés. Après ces aperçus préliminaires nous allons pnrlei du mode de construction du yrand barrage que l'on nomme annicut dans les Indes. Il a été indispensable de recourir à une maçonne- rie au travers d'une rivière sujette à changer de lit. Le plus bas niveau , ou niveau d'été, de la rivière Sone à Debree, est de 320 pieds au-dessus du niveau de la mer, à mi-marée. Il est nécessaire de réserver une profondeur minimum de 8 pieds au-dessus des seuils d'écluse?, pour permettre l'accès des bateaux. 11 est donc évident qu'il faut élever de 8 pieds le ni- veau d'été, pour le porter à 334 pieds au-dessus du niveau de mi-marée. C'est ce que l'on obtient parle grand barrage. L'excès de 1 eau passera par-dessus celui-ci. Sur les deux rives et immédiatement à la hauteur du barrage seront pratiquées des écluses, munies Je vannes pour ouvrir à l'eau l'accès des canaux. Pour prévenir l'obstruction des écluses et des vannes dans une rivière rapide et charriant par- fois du sable et d'innombrables détritus, on a mé- nagé des écluses dû chasse, à chaque extrémié du barrage, et contre chaque rive. Lorsque ces écluses son l ouvertes, elles livrent passage, sous une forte pression, à une masse énorme d'eau qui entraîne les alluvions. Le mur du barrage a 2 1/3 milles de long; dans le centre il est traversé par une autre écluse, qui a été pratiquée dans le but de prévenir, au milieu du cours de la rivière, la formation d'une île d'alluvions. Le grand barrage dont nos gravures montrent la construction au commencement de l'an dernier, se compose de trois murailles parallèles sur un écart de 30 pieds l'une de l'autre. La hauteur de la pre- mière muraille est de 8 pieds ; celle des autres est un peu moindre. Les murs sont formés de véritables caisses en béton, de 8 ou 10 pieds de profondeur et que l'on remplit ensuite de pierres et de ciment. On voit sur notre première gravure les lignes do caisses enfoncées dans le sable de la rivière. Les inter- valles sont comblés de rocailles, et la surface est formée de gros moellons, de laçon à résister aux efforts des grandes eaux. L'amont du barrage a son côté protégé de même par un remblai de 1 sur 3 de pente. Toutes les murailles sont recouvertes d'une maçonnerie de moellons de 2 pieds de hauteur. La principale muraille a 5 pieds d'épaisseur, chacune des deux autres a 4 pieds. Pour remplir les coffres de béton et les intervalles qui les séparent, les Ou- vriers puisent le sable au moyen de cuillers qu'ils font mouvoir par des leviers, attachés à un système de charpente fort simple, comme le montre notre deuxième gravure. " , Une grande difficulté réside dans la pose des coffres de béton qui doivent être enfoncés à 12 pieds dans le lit de la rivière, profondeur jugée nécessaire pour donner au barrage assez de résistance contre l'effort de l'eau. L'ingénieur directeur des ateliers Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 31a de Dehree imagina un procédé très-ingénieux, par le moyen duquel la sable est retiré rapidement du fond de la rivière et à la profondeur voulue. Ce pro- cédé permet de po^er un coffre dans le sable en neuf heures. D'après l'Engineering, à qui nous emprun- tons les documents qui précèdent, le chiffre des cof- fres poses en 1873 était de 4,000 ! LES TAPIRS Il y a peu de temps, le Jardin zoologique de Régent' s Park reçut, à Londres, deux tapirs indiens malais, du plus haut intérêt, et assez différents du tapir brésilien anciennement connu, l.a forme des nouveaux venus s'éloigne cependant moins des an- ciens que leur couleur. Le tapir américain commun est caractérisé d'abord par une crinière courte et hé- rissée, naissant sur les apophyses des vertèbres cer- vicales, puis par sa tète courte ainsi que la trompe. Le tapir malais, ou (apir à dos blanc, fut décou- vert en 1772, disent les Anglais, par Whalfold; dans tous les cas, la découverte fut bien incomplète ; ce ne fut probablement qu'un ouï-dire rapporté par les naturels. Comme forme générale, il n'est pas plus élancé que son confrère; au contraire, il semble plus lourd et plus massif. Ses yeux sont petit-; et ses oreilles rondes bordées de blanc. Il ne porte aucune crinière ; sa peau épaisse et dure est parsemée de poils courts ; la queue est très-courte et nue. Son nom lui vient du singulier plastron blanc qui lui couvre seulement le dos jusqu'aux épaules et la moi- tié des flancs par en haut, se découpant nettement en clair sur le reste de la peau d'un noir foncé. Dans leur jeunesse, jusqu'à quatre ans, ces ani- maux sont noirs, marqués régulièrement de taches et de raies fauves au-dessus, blanches en-dessous ; mais, à cet âge, la couleur change, les taches et bar- res disparaissent , et à six mois, les jeunes se montrent revêtus de la livrée de leurs parents. Ce tapir est un animal aussi doux et aussi facile à apprivoiser que possible; il devient aussi familier qu'un chien, attendant l'heure du repas pour rece- voir du paiu, des gâteaux ou toute autre chose sem- blable, quoique sa nourriture ordinaire consiste en végétaux de différentes espèces. Les naturels de Sumatra chassent volontiers le ta- pir à do-; blanc, parce que sa chair est fort bonne. Outre l'espèce commune du Brésil dont nous parle- rons un peu plusloin, il ne faut pas oublier qu'on n'en coimait plus qu'une troisième qui a été très-derniè- rement signalée dans l'isthme de Panama et sur la- quelle nous reviendrons aussi. Ainsi donc trois espè- ces eu tout habitent notre monde aujourd'hui. C'est évidemment tout près des cochons que se pla- cent les tapirs par leurs rapports de première vue, et c'est encore près d'eux que les rangeront leurs usages lorsque l'acclimatation en sera tentée. Daubenton a été le premier qui ait reconnu cette utilité du tapir, quand il a dit, eu 1801, à sa première leçon à l'École normale: a Si l'on naturalisait cet animal en France, nous aurions non-seulement une nouvelle viande de boucherie, mais encore un nouvel objet de commerce, parce que le cuir du tapir est meilleur que celui du bœuf. » Ce ne fut pas tout. Isidore Geoffroy Saiut-IIilairc, dans ses Essais de zoologie générale, juge bien ce qu'on pourrait tirer de cet animal, quand il dit : « La chair du tapir, améliorée par un régime convenable, fournirait un élément à la fois sain et agréable. En môme temps, d'une taille bien supérieure à celle du cochon, le tapir pourrait rendre d'importants ser- vices, comme bête de somme, d'abord aux habitants de l'Europe méridionale, puis, avec le temps, dans tous les pays tempérés. » On est porté à craindre, en effet, que cet animal ait besoin d'une température élevée. Cela pourrait cire vrai pour le tapir indien et pour le tapir améri- cain ; il n'en serait pas de même pour le tapir pincha- que qui habite des régions tempérées et même froides des montagnes. Ce ne serait pas d'ailleurs la pre- mière fois qu'un animal des pays chauds se serait plié peu à peu, parla domestication, à vivre sous des latitudes tempérées. Tout fait supposer que notre chien et notre boeuf, indiens d'origine, sont dans ce cas. Nos poules, pour ne citer qu'un exemple der- nièrement mis sous les yeux de nos lecteurs et pris parmi les oiseaux, viennent des parties chaudes de l'Inde et des îles voisines, et cependant nous les voyons prospérer sous nos climats et même remonter bien plus haut que notre France sous les latitudes froides. De ce coté, l'acclimatation, la domestication même ne nous semblent point impossibles. Quelle est donc la cause qui fait que le tapir ne re- produit point chez nous ? Nous serions fort embarrassé do la définir exacte- ment, car le tapir y vit facilement et longtemps. Ce- pendant, on peut soupçonner que la rareté de l'ani- mal, le peu de temps depuis lequel il est bien connu et les conditions dans lesquelles on l'y fait vivre ne sont pas sans influence sur cette anomalie. Il laut se rappeler que le tapir américain, le .plus ancieuue- meiitconnu, avons-nous dit plus haut, le plus souvent amené en Europe, n'est connu de nous Européens que depuis le seizième siècle. Si on en voit assez souvent aujourd'hui dans nos ménageries, sou organisation et son système dentaire ne sont bien déterminés que depuis les travaux de Cuvier et de Blaiuville, c'est-à- direpresquede nos jours. En 182 5, le tapir était encore une bêle curieuse dont Cuvier a pu observer au Mu- séum les mœurs inconnues. Quant au l'inchaque, c'est bien autre chose: c'est M. Houliu qui l'a découvert parmi les hautes monta- gnes de la Nouvelle-Grenade, il ya quelque vingt cinq ou trente ans ; il se distingue à première vue par sa toison abondante. On n'en connaît, en France, que deux crânes et une peau montée pour les galeries du Muséum! Tout cela ne suffit-il pas pour expliquer que, ne sachant guère placer l'animal dans un milieu qui lui convienne, ne le possédant peut-être pas en Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 51 li LA NATURE. quantité assez grande, s'il aime la compagnie des siens à certain moment, nous ne devons pas nous étonner qu'il ne reproduise pus parmi nous. Si maintenant nous arrivons au tapir à dos blanc, de l'Inde, il est encore bien plus récemment connu, malgré la prétention des Anglais, puisque c'est. Diart, en 1825, qui le vit pour la première fois à Barokpoor, près Calcutta, où on l'apportait do Sumatra pour le marquis d'Ilastings, gouverneur do l'Inde anglaise! Or, si on l'a vu plusieurs fois depuis ceLte époque, si l'on eu possède deux aujourd'hui à Londres, on est loin de le connaître à fond, quoique l'on sache main- tenant que, dans son pays, il est aussi commun que l'américain dans le sien. Tf'tc de tapir du Brésil. Tous les tapirs, du reste, sont des animaux fores- tiers, sauvages, de mœurs un peu brutales peut être mais absolument sans férocité. N'ayant pas les fortes défenses des sangliers, il sont beaucoup moins dange- reux malgré leur taille supérieure. Plutôt nocturnes que diurnes, ils vivent do branchages, de fruits tom- bes, de graines, aimant les endroits frais et humi- des, cherchant sans doute aussi quelques bulbes sous terre, au moyen de leur nez, qui tout en rappelant une petite trompe, n'est absolument qu'un groin moins puissant que celui du coclion. Le jour, ils se retirent eu une bauge au fourré. Pris jeunes, les tapirs semblent véritablement pré- destinés à la domesticité. Ils s'apprivoisent dès le premier jour et vont par la maison sans essayer de fuir; même devenus adultes, ils conservent leurs habitudes familières, ne mordent jamais, et se lais- sent toucher, caresser et gratter par tout le monde. Comparé aux cochons, le tapir est propre ; au bois de tfoulogne, ceux qui y vivaient se montraient fort tranquilles, familiers mena;) avec les enfants et les promeneurs, Dans leur pays d'origine, les tapirs ne doivent pas faire par an plus d'une portée de 1 à deux petits, au plus, cène sera donc jamais une multiplication égale en nombre à celles du cochon qu'il faut attendre de lui ; heureusement sa taille rachètera la différence, si jamais on vient à employer l'animal selon ses moyens. Si, maintenant, nous considérons en lui-même le tapir, il nous est impossible de ne pas voir en lui un témoin oublié, sur notre terre actuelle, des âges écoulés. Cet animal qui, sous de lointaines assimila- tions, ne ressemble à personne, ne se rattache qu'à lui-même ; certaines races isolées eu des points éloi- gnés les uns des autres sur le globe, circonscrites sur de petits espaces, les unes sur les îles de la Sonde, l'autre dans les hautes montagnes, la troisième sur une quinzaine de degrés de latitude qu'elle ne dé- passe pas, depuis l'Oréuoque jusqu'à la Plata ; tout cela reporte l'esprit auv nombreuses autres races qui peuplaient le monde aux époques anté-historiques, et dont nous ne retrouvons plus les vestiges que fossilisés au sein de la terre. Ces trois représentants, survivant à leur famille immense, sont là, isolés comme sur des écucils loin- tains, pour attester la splendeur et l'ubiquité de leur type d'autrefois. L'Europe tertiaire, si merveilleuse en sa faune, possédait, dans notre, pays, non-seulement des tapirs gigantesques, mais elle les voyait paître au milieu des mastodontes, des dinotliériums et des rhinocéros; ils y étaient accompagnés d'autres espèces depuis long- temps éteintes, mais voisines de leur organisation et formant avec les tapirs un grand groupe d'ètres ana- logues. Pour établir les affinités zoologiques des ta- pirs actuels, il faut donc tenir compte des animaux disparus. Telle qu'elle est, d'ailleurs, la petite famille des tapirs vivants est, ainsi que nous l'avons vue, étroi- tement liée. Ce sont bien tous les mêmes pachyder- mes, mais ce no sont ni ceux de la famille des co- chons, ni ceux de la famille des hippopotames, ni ceux de la famille des chevaux ; on ne peut davan- tage les rapprocher des damans et des rhinocéros. Ils seraient donc isolés si l'on n'avait reconstruit les lophiodons, les paléothériums, les tapirothériums, et même les dinotliériums qui établissaient proba- blement le passage vers les proboscidiens : élé- phants, etc. 11 n'est pas possible de développerici, comme elles le mériteraient, ces affinités si réelles, si intéressan- tes au point de vue philosophique, de la classification générale des êtres; bornons-nous à rappeler que les tapirs ne sont pas seuls survivants des mondes écou- lés. La faune actuelle nous offre un assez grand nom- bre de types isolés qui ont besoin d'exhumer des chaînons éteints pour se rattacher aux familles vi- vantes du monde moderne. II. DE LaBlAKCHÈRE. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 517 LA RÉUNION DES SOCIÉTÉS SAVANTES Sëavces du S, 9, 10 et U avril 1874. La réunion des délégués des Sociétés savantes a eu lieu les 8, 9, 10 avril à la S.irbonne el s'est terminée par la séance solennelle de distribution des prix. La section des sciences s'est partagée en trois commis- sions, qui ont procédé à la nomination de leur bureau. La section des sciences mathématiques a nommé pour président M. Dieu, de l'Académie de Dijon; pour vice-pré- sident M. l'abbé Aoust, de l'Académie de Mnr.-eille, et enfin pour secrétaire, M. Allegret, de l'Académie de Cler- mont-Ferraod. La section des sciences physico-chimiques a nommé pour président M. Isidore Pierre, doyen de la Faculté des sciences de Caen, chimiste, et M. Marchand, de Fécainp, également chimiste. Les sciences phvsiqucs ont été représentées par 31. Fron, de l'Observatoire natio- nal qui a été nommé secrétaire. La troisième commission (Sciences naturelles) a nommé comme président M.Duval-Jouye, del'Acadcmie deMontpel- lier; M. Mortier, de la même Académie, et eufiuM. Garrigou, de la société d'Histoire naturelle de Toulouse. Les délibé- rations et les communications ont immédiatement com- mencé dans chacun de ces (rois groupes. Nous donnerons successivement l'analyse de toutes celles qui nous parais- sent de nature à intéresser nos lecteurs, en regrettant qu'il ne nous soit pas permis de leur donner tout le déve- loppement qu'elles méritent. Les réunions générales se tenaient tous les soirs, à partir de deux heures, dans le grand amphithéâtre de la Faculté des sciences, où leur présence attirait un public nombreux et attentif auquel on avait réserve les bancs supérieurs. M. le ministre, accompagné de M. Cerveau, chef de la division des Sociétés savantes :iu ministère de l'instruction La réunion îles Sociétés ftiivaotes dans le grand arnphilljtiùlre de la Sorbonric. publique, a visité la réunion jeudi. lia assisté à la com- munication de M. Faivre et a prononcé quelques paroles émues pour donner aux délégués l'assurance du sympa- thique concours du gouvernement, JIM. les délégués étaient au nombre de trois cents. Nous citerons MM. Allegret, Alluard, Aoust, Barbier, Ba- rillard, Beaurepaire, Bésier, Bourlot, buisson, Aldarict Caumont, Choroin, Cbotard, Combaut, Contejean, Croulle- bois, Duchartre, Duval-Jouve, Faivre, Filhol, Finncs, Front, Garrigou, ïïérouard, Jouan, Leguay, Ollier, Or- tolan, Isidore Pierre, Poincarré, Raulin, Sabatier, Siro- dot, Slcphan, Tai dy, Tremeaux, Truchot, Trutat, Vicaire, de Verly, etc., etc., parmi ceux dont les noms sont les plus familiers à nos lecteurs ; outre les principales facultés de province, un grand nombre de Sociétés savantes avaient été représentées. Nous citerons parmi celles qui l'étaient le plus largement, les Académies d'Amiens, Lyon, La Rochelle, Montpellier, Stanislas de Nancy, de Savoie, de Marseille, de Caen, de Toulouse, les Sociétés académiques de Saint-Quentin, du Puy, de Noymi, de Chainbéry, de Scmur, de l'Aveyron, la société Ramond, les Sociétés d'é- mulation du Doubs, du Havre, de Lisicux, les Sociétés linéennes du nord de la France, de Caen, de Normandie, de Bordeaux ; les Sociétés d'histoire naturelle de Toulouse ; les Sociétés pbilomatiques de Bordeaux; les Sociétés ar- chéologiques d'Eure-et-Loir; la Florimontane d'Annecy; la Société entomologique de France ; la Société d'agricul- ture de Yesoul, de Poligny, la Société de médecine de Nancy, le Comité médical de Marseille, Société des arts de Vitry-le-Français; Société de pharmacie de Bordeaux; So- ciété du musée de Ilinm, etc., etc. Le vendredi soir les délégués ont été invités à se rendre à l'Observatoire, dont M. et madame Leverrier leur ont fait les honneurs. La réception a eu lieu dans les salles du premier étage. M. Wolf a fait une conférence accompagnée de nombreuses expériences. Il était assisté par M- Duboscq, qui projetait sur un écran, les phénomènes de polarisation à l'aide de la lumière électrique, La partie supérieure de l'édifice avait été consacrée à une exposition d'appareils de physique en action. Nous y avons remarqué les principales nouveautés que (a Natwt a eu à décrire depuis sa fondation, et qui se trouvaient pour la première fois réunies devant un public composé de savants et de dames auxquelles les études scientifiques sout familières. Les tubes à ulïluve de M. Thénard laissaient passer l'électricité produisant la décomposition de l'a- cide carbonique. L'administration des lignes télégraphiques avait exposé lo système atmosphérique ainsi que les apoa- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires ZiS LA NATURE. reils présentés récemment à l'Académie des sciences par M. lîonlemps pour démontrer l'influence de la température sur les mouvements de l'air dans les tubes. M. Planté avait exposé ses piles à polaris^teur à lame de plomb dont l'efficacité était démontrée par l'incandescence d'un fil de platine. Un pe- tit appareil, très-ingénieusement disposé, permettait d'allumer une bougie. Deux piles thermo-électriques chauffées au gaz faisaient marcher des tubes de Gcissler, à l'aide d'une machine de Gramme; deux autres de ces appareils donnaient le mouve- ment à un moteur électro-magnétique doué d'une force de traction fort appréciable, que nous n'avons pas évaluée à moins d'un dixième de kilogrammètre. Lue autre ma- chine de Gramme était employée à faire marcher des tubes de Geissler prépaies par M. Alverjrnat. EDe se trouvait en concur- rence avec des piles au bichromate di 1 po- tasse, système tirenet. Un de ces tubes avait été disposé de manière à mettre en évi- dence le pouvoir des pointes et à montrer que le courant électrique possède un véri- table sens dans lequel la propagation a lieu d'une façon plus facile, G est la pre- mière fois que cette disposition figurait dans une exposition publique, 11 en est de même du télégraphe de M. lleyer, qui a trouvé le moyen de faire servir le même lil électrique à la réception simultanée de qua- tre dépèches. Ces intéressants appareils de- vant figurer devant nos lecteurs, on nous permettra de n'en pas dire plus long à cet égard. Nous citerons encore un télégraphe de campagne pesant à peine une dizaine de kilos et marchant sans le secouis d'aucune pile; des tuyaux acoustiques, disposés par SI. Bourhouze, etc., etc. La salle où avait lieu cette intéressante exhibition était éclairée à la lumière élec- trique. Les équatoriaux et la salle méri- dienne avaient été mis à !a disposition du public; mais le mauvais temps avait été trop docile aux prévisions de M. Charles Sainte-Claire Deville pour qu'il fût possi- ble de songer h s'en servir. La terre of- frait tant de merveilles qu'on oubliait faci- lement la rigueur dont le ciel avait fait preuve; malgré ce contre-temps, la fêle a été aussi charmante qu'instructive. i\ous avons remarqué 11. le ministre de l'instruc- tion publique, M. le préfet de la Seine, et quelques personnages officiels. Chacun d'eux a rendre compte des progrès de la science française. Jeudi toir, les membres de l'Association scientifique de France, dont M. Levcrrier est le président, avaient tenu leur séance annuelle pour la nomina- tion de leur Lureau. La salle de la Société d'encouragement avait été mise à leur disposition comme les années précédentes. L'exposition des comptes et le dépouillement du scrutin ont été précédés par des démonstrations scientifiques. M. Paul Bert a exposé les théories sur l'influence de Appareil CrouiUebois pour iî- terminer la itensilé des va- peurs décomposaltles à l'nir pu se Détail de l'&mpouie de verre contenue dans la ballon A et renier niant la sulisiance à essayer. l'oxygène dans la respiration il appuyé ses explications à l'aide d'un oiseau enfermé dans une cloche. Le patient est revenu facilement à lui à l'aide d'oxygène pur sous une pression réduite à quelques centimètres de mercure. Un compte-rendu sommaire des com- munications a été inséré au Journal offi- ciel. Nous donnerons quelques développe- ments sur celles qui nous paraissent plus particulièrement de nature à intéresser nos lecteurs. Appareil CrouiUebois pour les densités de vapeur. — Les critiques émises par M. Henri Sainte-Glaire Deville lors de la présentation a l'Institut du mémoire de l'hahile professeur de la faculté de Mar- seille, ont été reproduites par M. Mascard, professeur de phvsique an collège de France. L,i question d'inconvenance vis-à- vis de la mémoire de Gay-Lussac n'a point, il est vrai, été traitée. )1. Mascard a insisté sur fa difficulté de faire varier le volume du gai renfermé dans le billion A une fois le vide effectué sur la cuve à mercure, que M. Croullebois a disposée comme on le voit dans notre figure. Le ballon A est en effet rempli de mer- cure, avec une petite ampoule de verre contenant la substance à essayer. On le re- tourne sur une cuve à mercure, et cela fait, on brise l'ampoule au moyen d'un fil de platine dont le détail est représente sur notre deuxième diagramme. M. Mascard a également insisté sur la difficulté de retourner le ballon une fois qu'on l'a rempli de mercure, et de le met- tre eu place pour procéder au brisement de l'ampoule. Cette opération se fait à l'aide d'un Çl qui suit lo tube et en sort par l'extrémité inférieure. M. CrouiUebois ré- pond par des nombres d'expériences rela- tifs à la densité de vapeur du chlorure de phosphore. Il ne présente pas sa méthode comme parfaite, mais il l'applique à un cas dans lequel la méthode do Gav-Lussac ne serait d'aucun secours. Lus recherches dés densités de vapeur sont dureste des opéra- tions pénibles, même avec des substances plus maniables que le chlorure de phos- /pliore. Le déhat se dénouera dans le sein de la commission académique. La dépopulation des îles Sandwick. — M. le capitaine Jouan a donné de très-inté- ressants détails sur l'état actuel des îles Sandwich qu'il a explorées dans toutes leurs parties. Les idées qu'il a émises sur les causes de la dis- parition rapide de la race indi- gène sont dignes de frapper l'attention du philosophe. Il at- tribue en grande partie celte extermination a l'influence du futalismc qui fait la base de la religion des Polynésiens, reli- gion que les efforts des mission- naires a subalternisée, mais qui subsiste encore sous les couleurs du christianisme. Le goût du luse qui est général chez ces populations naïves est eneore une Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 519 cause de décroissance. Enfin, il n'est pas jusqu'à l'usage de nos vêtements qui ne leur soit certainement nuisible. Quand il pleut, hommes et femmes se mettent tout nus pour ne point gâter leurs effets, ce qui engendre des pleurésies et des fièvres que les indigènes no savent point guérir. L'hygiène est une science dont ils ignorent com- plètement les éléments les plus simples. S'ils se sentent dévoies par la lièvre, ils se plongent dans un ruisseau d'eau fraîche. Les Européens leur ont apporté des maladies con- tagieuses telles que la petite vérole, et des animaux para- sites ou nuisibles. La population de l'Archipel que Cook évaluait à 400,000 individus, est réduite à 00,000 d'après les derniers recensements. Création d'un Observatoire météorologique sur le pic du Midi de Bigarre, par M. Frossaud, membre de la So- ciété Ramond. — La leciure est faite par un savant ingé- nieur appartenant égali'inent à la société créée eu l'honneur de cet infatigable observateur, laquelle va être prochaine- ment reconnue d'utilité publique. La création de cet ob- servatoire sur un sommet isolé de 2,800 mètres ne tar- dera pas à être un fait accompli grâce à la svmpathie que la Société fîamond a trouvée dans les départements voisins. Les éloges les plus grands sont dus au général de Nansouty, commandant du département, qui a pris la présidence de !a commission d'organisation, et qui a passé plusieurs jours au summet du pic pour constater dans quelles conditions de bonnes observations pouvaient s'y faire. Des conférences publiques ont servi à recueillir les fonds nécessaires. Cette création marchera de pair avec celle de l'Observatoire sur le sommet du Puy-dc-Dômc. Excepté dans les jours où il vient de tomber in la neige fraîche, le pic du Midi de Bi- gorre est accessible tous les jours, même en hiver. Nouvelle mctliade d'essai des généraleum de vapeur, par M. Outolan, mécanicien en chef de la marine (meui bre de la Société académique de Brest). — L'auteur rem- plit les chaudières avec de l'eau, dont le coefficient de dilatation est suffisamment énergique pour que la pro- duction d'un nombre considérable d'atmosphères soit exces- sivement simple. Son procédé a l'avantage de ne produire aucun ébranlement mec, inique, Étude des quantités de Uthine contenues dans lesplan- tes de la Limagne, à l'aide de l'analyse spectrale, par M. P. Truchot, directeur de la section astronomique du Centre, à Clermont-Ferrand. — L'auteur emploie, pour la détermination de la quantité de litliine, la raie rouge qui distingue cette substance. Il apprécie, à l'aide de solutions titrées de chlorure de lithium, la quantité do lilhine cou- tenue dans les sels auxquels il a affaire, et arrive très- facilement à une précision supérieure à celle qu'il obtien- drait avec les procédés ordinaires. La lithine donne une raie rouge ni intense, qu'elle atteint son maximum dans une solution contenant 20 ou 25 milligrammes par litre. On peut obvier à cet inconvénient en étendant d'eau les li- queurs trop riches. Dissolution de lakouille. — M. Godefroy, professeur de physique au lycée de Sens, est parvenu à l'obtenir d'une façon complète à l'aide d'acide nitrique et sulfurique, par l'intermédiaire d'une chaleur prolongée pendant plusieurs jours ; le temps est un élément indispensable du succès de la méihode, à l'aide de ce procédé, M. Godefroy arrive à analyser la houille. 11 en tire un grand nombre de subs- tances. Les recherches seront continuées et communiquées dans la session de 1875. \V. de Fohviuiie. — La suite prochainement. — CHRONIQUE Qualités morales nécessaires aax savants. — M. Francis (laiton, membre de la Société rovale de Lon- dres, démontra dans un cours qu'il fit dernièrement, qu'il était possible de définir les qualités requises pour les gens de science. Il adressa à 180 de ses collègues un question- naire sur leur état moral. Après avoir collationné et inter- prété de différentes manières leurs réponses, il en conclut que les principales qualités doivent se résumer à six: 1* Force intellectuelle et physique; 2" Bonne sanls; 3° Grande indépendance de caractère; A° Ténarité dans les entreprises ; If Aptitude aux affaires; 6" Qualité indis- pensable. : goût prononcé pour les sciences en général ou une science en particulier. Une bonne éducation scienti- fique doit comprendre : les m;i thématiques, la logique, une branche de science d'observation ou expérimentale, le dessin, l'habileté du travail manuel. Celui qui se prépare à l'étude des sciences doit se former par la lecture de bons livres, la culture d'une ou deux langues étrangères. Ce- pendant l'éduralion scientifique ne doit pas être conduite comme l'instruction élémentaire; il faut laisser une très- large part à l'initiative, pour permettre le développement des aptitudes et des goûts. Nouveaux produits de l'art prélijgforiuue. — Des paysans qui estruyaienf de la terre phosphatée desti- néeaui amendements, ont découvert àThaoningen, canton de Schaffouse, un os sur lequel un artiste prehisloriqua avait gravé un magnifique renne. La grotte où cette trou- vaille s'est i'aite a été achetée par le gouvernement, après avoir été déclarée d'utilité publique. On l'a murée en al- temiant le moment où elle sera soumise à une inspection minutieuse ; c'est le seul moyen d'éviter le soupçon que des objets modernes fabriqués par des faussaires, imités des artistes de l'âge du renne, ont été introduits subrep- ticement. M, Mortillet a développé devant la Société d'ar- chéologie les raisons qui lui font suppuser que col objet est contemporain de ceux que l'on a découverts dans la grotte de la Madeleine. Le musée des antiquités nationales de Saint-Germain vient de s'enrichir d'une omoplate de bœuf, découverte dans une des grulles de la Durdogne. Co curieux objet porte, d'un cùlé, le portrait d un elephas primiqenius et de l'autre celui d'un mammouth. Un chemin de fer sur le Vésuve. — Une sociéfè romaine se propose d'élablir un chemin de fer, de iNaples au cralère du Vésuve. Le modèle est une petite machine à vapeur roulant sur un plan incliné d'environ 35 p. 100. Ce système ayant été expérimenté avec succès, la société en a demandé la concession au gouvernement. L'ingénieur Gallanti a fait les essais avec des roues à engrenages em- ployées sur le flighi.Le sysIèmeTidl est aussi mis a l'étude. On partira de flapies en train ordinaire. Depuis la station de San Giuseppe, le système funiculaire sera employé. La distance à parcourir est de 26 kilomètres ; le trajet se fera en une heure et un quart. La ligne coûtera de 3 à i mil- lions de francs. Un bonle-dogue héroïque — Un chien, dont le museau portait déjà des marques glorieuses, dit le Jour- nal officiel, accompagna pendant toute la campagne contre les Asbantis, son maître, qui avait la poitrine déjà ornée do la croix de Victoria. De la race des boule-dogues et par cela même, naturellement porté a se battre, ce chien se distingua dans diverses occasions durant la guerre. Daua Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 320 LA NATURE. une circonstance, il se nia vers les rangs ennemis, et, s'a- charnant après un des sauvages adversaires des Anglais, il le mordit avec tant de violence qu'il le mit hors de combat, le fil prisonnier et le a rapporta j> an camp en triomphe. Ce chien était tellement aimé des soldats, que pendant un engagement très-sérieux, le feu fut suspendu quelques in- stants afin de le> donner le temps de battre en retraite et de cesser un de ses assauts habituels et les plus désespé- rés. Cet animal extraordinaire jouit en paix des honneurs et des faveurs- qui lui sont décernés de Ions côtés, et est en ce moment le favori de l'aristocratique quartier de BeU gravia. Associations pour le reboisement. — Tout le monde est d'accord sur l'utilité, on pourrait dire la néces- sité de multiplier en France la production des bois, en pré- sence de l'insuffisance croissante de nos produits forestiers qui est pour !a France un appauvrissement sérieux. L'Echo forestier publie unelettrc dont l'idée mériterait, selon nous, d'être prise en sérieuse considération. L'au- teur propose de former une association entre tous les mem- bres des Sociétés d'agriculture de Franco ou autres pro- priétaires qui, sans cotisation aucune, prendraient renga- gement d'Iianncur de planter cliaque année au moins dis plants d'essence forestière de quelque essence que ce soil, ou d'ensemencer au moins un are par an des mêmes es- sences. Rien n'est pins facile ; celte œuvre ne demande ni de grandes dépenses, ni de grands travaux. Chaque année, un ou plusieurs commissaires pourrait visiter, au nom de cha- que Société, les semis; ils en foraient un rapport, et des récompenses honorifiques seraient accordées à ceux qui auraient le mieux répondu au vœu de l'association. L'administration forestière pourrait être d'un grand se- cours pour ces associations en leur distribuant des plants soit gratis — soit à prix réduit. Exposition universelle de Philadelphie en ISSC. — Après l'exposition de Vienne, voici venir celle de Philadelphie : où s'arrêteront ces immenses foires des temps modernes, rendez-vous étonnants de tous les peu- ples civilisés? C'est ce que nul ne peut savoir. Les ama- teurs de statistiques et de probabilités pourront peut-être résoudre cette question en jetant les jeux sur le tableau suivant que nous empruntons au Journal c,f the Society of arts : L'eiposilion de Londres en 1851 , couvrait une surface de 74,704 m. c. Celle de Paris, en 1855 91,458 — — Londres, en 1 8112 170,452 — — Paris, en 1867 404,400 - — Vienne, en 1873 2,125,530 — — Philadelphie, en 1876, cou- vrira une surface de. , . 2,578,800 — La superficie occupée par l'Kxposition universelle de Philadelphie dépassera celle qu'occuperaient cinq champs de Mars comme celui de Paris ! Plaignons les inlorlunés vi- siteurs. ACADÉMIE DES SCIENCES Séance du 13 avril 1874. ~ Présidence de M. Bertrand, Jubilé scientifique de M. Becquerel. — L'événement de la séance a été la remise à M. Becquerel d'une mé- daille commémoralive de ta cinquantaine académique. Le célèbre physicien n'appartient, il est vrai, à 1 Institut qui; depuis quarante-cinq ans, mais, comme l'a dit M. le pré- sident, l'historien de la science qui aura plus tard à faim l'exposé des progrès dus à M. Becquerel ne distinguera pas entre les travaux antérieurs et postérieurs à l'élection de 1829. Tous ces mémoires sont de la même main, dans tous brillent la même méthode et le même amour de la physique. Après le président, le secrétaire perpétuel, M. Élie de Ileaumoiit, a rappelé les titres de M. Becquerel à la dis- tinction que ses collègues lui décernent. C'est le 16 juin 1823 que 51. Becquerel, ancien chef de bataillon du génie, éloigné du service militaire par d'honorables blessures, lisait à l'Académie son premier mémoire scientifique. Dans ce mémoire se trouve formulée la doctrine de l'unité des forces physiques quant aux causes qui les produisent, doc- trine qui a déjà porté tant de fruits. En recevant la médaille, M. Becquerel a protesté de ses sentiments de profonde reconnaissance et la séance s'est trouvée suspendue de fait pendant quelques minutes. Imitation des bronzes japonais. — Comme il l'avait annoncé la dernière fois, M. Dumas présente aujourd'hui un important travail de JIM. Christofle et Bouillet relatif à la reproduction de quelques-unes des colorations que les Japonais savent faire revêtir au cuivre et au bronze. De quelques-unes, disons-nous, car il en est encore un nombre considérable qui ont délié les efforts de nos chercheurs les plus laborieux. Jusqu'ici, les orfèvres français n'ont ob- tenu de succès complet que pour le noir et deux tons de rouge. Le noir est constitué par du sulfure de cuivre, et les rouges par du protoxyde du même métal, C'est par suli'uratum ou oxydation directe qu'on les obtient, et leur beauté dépend surtout de la lenteur avec laquelle tes opé- rations sont conduites. Étude optique des tuyaux sonores. — Nos lecteurs sa- vent comment JI. Konig, par un artifice ingénieux, est ar- rivé à rendre possible, pour un auditoire tout entier, l'é- tude des tuyaux sonores : une petite capsule de caoutchouc transmet les ondulations qu'elle éprouve dans les diverses régions du tuyau à. une petite flamme de gai dont les mou- vements sont rendus visibles par le miroir tournant. Un de nos plus ingénieux physiciens, M. Bourbouze, est arrivé à faire bien mieux encore. Il promène sous le tuyau un petit tambour cvlindrique dont les bases sont formées de mem- branes de caoutchouc, et qui porte sur l'une de ces mem- branes un petit miroir argenté très-léger. Si l'on fait ré- fléchir sur le miroir les rayons partis d'un point lumineux et qu'on en projette l'imago sur un écran, avec une len- tille, on voit cette image s'allonger comme dans les expé- riences classiques de M. Lissajous. Elle a sou maximum d'allongement quand le tambour explorateur est dans un nœud ; elle se rapproche de l'immobilité et s'y maintient quand le tambour s'éloigne du nœud pour se placer sur un ventre. Cette méthode permet donc d'étudier, par la mé- thode optique, l'état de l'air dans les tuyaux ouverts. On peut aussi,en agissant comme M. Lissajous le fait pour des diapasons, étudier les figures acoustiques qui résultent de deux mouvements vibratoires rectangulaires; et le même mécanisme peut être adapté aux résonnateurs Hclmhollz, Nous devons féliciter l'auteur de son heureuse invention. Stanislas JIluniee. Le Prupriétaire-Gêrant : G. Tissandish. ftiiitu— Typ. el lier, do fiai™ Droits réservés au Cnam et à ses partenaires N' 47- - 23 AVRIL Is7f LA NATURE. m*. ESSAI DES ALLIAGES D'OR ET D'ARGENT [>E LA MONNAIE DE LONDRES, PAU LAXAi.YiE al'EC MAL t. Jusqu'à ci; jour, beaucoup de savants se sont pré- occupés des moyensd'utiliser le spectroseopeà l'ana- lyse qualitative, niais il restait à faire do ce, mer- veilleux instrument nu appareil d'analyse quantita- tive. Ce problème n'est point insoluble, car la largeur et la longueur des raies varient ûr d'origue volcanique, parait donc être dans Mitaines circonstances, en corrélation avec l'éruption de volcans en activité. Ilans d'autres cas, comme Lela a lieu dans les con- trées récemment découvertes dTAmérique, ces phé- nomènes naturels semblent être le symptôme d'une action volcanique à sou déclin. Taudis que, dans les volcans de boue, la vapeur d'eau désagrège les roches eiiviroimriii'es et entraîne ainsi ces matières en suspension ; l'eau, au contraire, dans le* geysers, abandonnant peu à peu la silice qu'elle contient, construit ce tube qui lui sert de Le bassin du {■[■and gej^ei' américain. .D'après rme plioLngrajiliK:.) passage, l'enduisant d'une couche de silice quelque- fois assez épaissi; pour résister aux coups répétés du niarte.au. fendant longtemps on a eu peine à comprendre I que l'eau des geysers pût (ontciiir en solution cette quantité énorme de silice; mais depuis, M. Frémy a montré que le fluorure de silicium qui se dégage dans les éruptions volcaniques, peut être décomposé par l'eau, en silice et en aeide hydro-fluosilicique. La si- lice est alors dissoute, dans l'eau, à la faveur d'une petite quantité de potasse on de soude. Il résulte en effet des analyses do Black, que l'eau des geysers d'Islande contient en moyenne un dix-millième de soude, et que cette soude peut dissoudre jusqu'à six fois son poid , de silice, ce pouvoir dissolvant étant encore augmenté par l'élévation considérable de la température. L'eau du geyser a déposé peu à peu la silice qu'elle contient sur les parois du tube. Ce dépôt n'a pas ou lieu après coup ; le gevser est en effet lui-même l'ar- chitecte de sa canalisation. Lorsqu'on laisse séjourner, au contact de l'air, un liquide tenant en suspension de l'eau chargée de si- lice, ce corps se dépose à la partie périphérique du vase qui le contient, tandis qu'au centre du vase, le liquide reste clair et n'est le siège d'aucune cristal- lisai ion. — Peu à peu, l'anneau extérieur va en aug- mentant et peut prendre une grande épaisseur, si l'on a soin de renouveler la solution siliceuse. lien est de même pour le geyser; un premier an- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 526 LA NATURE. neau se forme à la basn de h colonne jaillissante ; puis cet anneau s'accroît à mesure que l'eau se dé- versant à sa surface augmente la couche de silice. On peut encore assez bien se rendre compte do ce phénomène en le comparant à ce qui a lieu on hiver pour nos fontaines publiques : l'eau, soumise à une basse température, se congèle, mais n'obstrue jamais l'orifice de la conduite ; il se forme un cylindre creux de glace, véritable tube de geyser, qui laisse le passage libre à l'eau, et qui peut s'accroître consi- dérablement si les froids sont rigoureux cL sévissent longtemps. Nous avons été à même d'observer plu- sieurs fois à Paris un phénomène de ce genre, pen- dant les hivers rigoureux : les deux dragons de la fontaine Saint-Michel, qui soufflent l'eau dans la vasque, avaient ainsi la bouche ornée d'une véri- table conque de glace formée par l'abaissement con- sidérable de température. Si nous avons ainsi donné des raisons suffisantes pour expliquer le dépôt do silice et la construction du tube du geyser, il nous reste encore à nous ren- dre compte des intermittences de la source. — L'ex- plication élégante qui va suivre est duc à M. Bunsen, et a été exposée par M. Tyndall, dans ses leçons sur la chaleur. M. Bunsen a déterminé avec soin les températures des divers points du geyser. En A (voy. la figure ci- dessous), à 9 mètres du fond la température observée est 121°,8. Si l'on calcule maintenant la température à laquelle l'eau peut bouillir dans le tube sous l'influence de la pression de l'eau et de l'atmosphère, on trouve qu'eu A cette température est de 123°, 8, et eu B de 120", 8. — Supposons que l'eau soumiseà Ja pression interne monte de C en A , la tem- pérature du liquide n'est pas encore suffisante pour qu'il entre en ébul- lition, puisque cette température devrait être, d'après le calcul, de 123°, H ; mais il n'eu est plus de même en B ; l'eau en passant de A en B a donc pu bouillir. A ce mo- ment, il se forme une quantité considérable de vapeur; Ja pression de cette vapeur soulève la colonne d'eau, et le liquide inférieur ne sup- portant plus cette pression, entre aussitôt en ébullition; il y a alors projection de li- quide au dehors. — L'eau refroidie par le contact de l'air retombe dans le bassin et remplit de nouveau le tube ; l'éruption cesse, et elle ne reprendra que lorsque la température de l'eau s'écbauffant progres- sivement sera devenue suffisante pour que les mêmes phénomènes se reproduisent. Cette théorie a été vérifiée expérimentalement par M. Tyndall, au moyeu d'un long tube en fer rempli d'eau. Cet appareil était chaulfé à la partie inférieure; vers le milieu, on surchauffait la colonne liquide au moyen d'un fourneau annulaire, de manière à dé- terminer une formation plus abondante de vapeur en ce point ; on imitait ainsi ce qui se passe dans le geyser entre les espaces que nous avons désignés par les lettres A et B. En peu de temps, des phénomènes identiques à ceux que nous venons de décrire se produisaient, et l'eau bouillante jaillissait de l'appa- reil. — En fermant le tube par un bouchon, c'est-à- dire en augmentant momentanément la pression exté- rieure ou déterminait instantanément l'éruption du liquide. Cette dernière expérience donnait l'explication de ce qui se passe pour une autre source fameuse de rislan.'.e, le Slrokkur : ce geyser possède en effet la singulière propriété de faire explosion lorsqu'on ferme son orifice avec des moites déterre. En variant ces e\périr,nccs, M. Tyndall a pu réa- liser différentes actions intermittentes et donner l'ex- plication des divers phénomènes qui accompagnent ces éruptions. Il n'est doue plus besoin de re> -ourir à des causes mystérieuses pour expliquer l'action si bizarre des geysers, en même temps qu'il est permis do rapprocher de ces productions naturelles l'origine et le mode d'action des volcans de houe. Ces derniers ne paraissent être, en effet, que des geysers jaillis- sant au milieu do masse argileuse, qu'ils transfor- ment peu à peu en une matière boueuse, sous l'action incessante de leurs eaux portées à une température élevée. Ed. Lasduis. LES ASCENSIONS AÉROSTATIQUES A GIIANDE HAUTEUR. Après les magnifiques voyages aériens, de Biot, de Gay-Lussae, do MM. Barrai et Bixio, en France, de de M. Glaisher, en Angleterre, l'ascension exécutée par Mil. Croc.é-Spinelli et Sivel, restera comme un fait important dans l'histoire de l'investigation at- mosphérique. Les ressources que ces derniers aéro- uautes ont trouvées dans l'inhalation de l'oxygène, ouvrent à la science de nouveaux horizons : il est in- dispensable que l'observateur conserve toutes ses facultés, pour gravir avec fruit les hautes régions de l'atmosphère, il est de toute nécessité que les effets de la raréfaction de l'air et du froid soient combat- tus par des moyens efficaces, si l'on veut attendre de semblables explorations, des observations précises et des résultats féconds. On ne saurait trop se féliciter de voir l'Académie des sciences et le ministère de l'Instruction publique encourager les voyages aériens exécutés par des hommes de science, capables de mener à bien les expériences qu'ils entreprennent, et donner leur appui à des investigations d'un si haut intérêt au point de vue de la météorologie et de la physique du globe. Espérons que de tels encoura- gements, joints aux efforts des explorateurs aériens, feront enfin de l'aérostation un des plus riches fleu- rons de la science moderne. A peine les ballons étaient-ils créés, que l'on son- gea à utiliser ces merveilleux véhicules aériens, à l'é- tude de l'air, au fond duquel nous sommes plongés. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 527 Nous crnyons que nos lecteurs accueilleront avec quelque intérêt le résumé des belles entreprises, exécutées dans le passé, pour atteindre les plages élevées de l'atmosphère, au moment où le voyage, île MM. Crocé-Spinelli et Sivel a si vivement attiré l'attention du monde savant, et du publia. C'est le '20 août 1 80 1 que Biot et Gay-Lussac partirent du Conservatoire des Arts et Métiers, dans un ballon de soie gonflé à l'hydrogène pur. « Depuis que l'usage des aérostats est devenu facile, dit liiot dans le récit qu'il fait de son voyage, les physiciens désiraient qu'on les employât pour l'aire les observa- tions qui demandent que l'on s'élève à de grandes hauteurs loin des objets terrestres. » Le but principal de ces deux il lustres savants était d'examiner si la propriété, magnétique éprouve une diminution quand on s'élève dans l'atmosphère. Ils voulaient vérifier les assertions de Robertson et de Siiecharniï, qui venaient d'entreprendre de belles expériences aérostatiques en Russie, et qui affirmaient l'affaiblissement de l'action magnétique du globe ter- restre. Biot et Gay-Lussac se proposaient encore d'observer la différence d'électricité des différentes couches atmosphériques, do puiser de l'air à une grande hauteur pour en faire l'analyse à leur retour à terre, et d'entreprendre pendant la durée de leur ascension les observations barométriques, thermo- métriques et hygrométriques, qui doivent toujours constituer la base des ascensions aérostaliques. Les explorateurs atteignirent, dans ce premier voyage, l'altitude de 4,000 mètres 1 . Le mois suivant, le 20 septembre 1R04, Gay-Lus- sac exécuta, seul cette fois, une nouvelle et mémo- rable ascension; il s'éleva jusqu'à 7,016 mètres! Jamais l'homme ne s'était jusque-là autant éloigné de la surface terrestre! u Alahanteurde 6,561 mètres, dit le grand physicien, j'ai ouvert un de nos deux ballons de verre, et à celle de 6,636 j'ai ouvert le second, l'air y est entré dans l'un et dans l'autre avec un sifflement. Enfin à 3 h. il secondes, l'aérostat était parfaitement plein, et n'ayant plus que 15 kilo- grammes de lest, je me suis déterminé à descendre ; le thermomètre était alors à 9°, 5, au-dessous de la température de la glace fondante et le baromètre à 32,88, ce qui donne pour ma plus grande élévation au-dessus de Paris, 6,977 mètres ou 7,016 mètres au-dessus du niveau de la mer. Quoique bien vêtu, je commençais à sentir le froid, surtout aux mains, que j'étais obligé de tenir exposées à l'air. Ma respi- ration était sensiblement gênée; mon pouls très- accéléré... Ce sont là toutes les incommodités que j'ai éprouvées, n Après ces belles tentatives, presque un demi-siècle allait s'écouler avant que quelque fait mémorable dût être inscrit dans les annales de la météorologie aérostatique. En juin et juillet 1850, MM. Barrai et 4 La çravarc représentant, d'après une estampe du temps, l'expédition de 51. Uiut et Gay-tnssiie, est empruntée au bel ouvrée ^e M. Louis Figuier, les Merveilles de la science. — l'urne, Jumetet O, l'une. flixio exécutèrent deux ascensions en hauteur, dont la seconde surtout offrit aux voyageurs des sur- prises inattendues. A l'altitude do 7,004 mètres, le thermomètre s'abaissa subitement à 39° au-dessous de zéro; à un niveau un peu inférieur, les aéronau- tes traversèrent un nuage de glace, qui excita parti- culièrement à cette époque l'attention des météoro- logistes. Nos lecteurs se rappellent peut-être que nous avons observé, dans un de nos récents voyages aériens, ce phénomène curieux, qui est actuellement parfaitement connu 4 . MM. Barrai et Bixio eurent à souffrir de l'action d'un froid si brusque et si in- tense, mais il serait facile, comme nous le dirons dans la suite, de se protéger d'une façon efficace des atteintes do la température. Dix années se pissèrent depuis lors, sans que la science ait eu à enregistrer des explorations aérien- nes à grande hauteur. En 1861, M. j.unes Gl.iisher, directeur de l'Observatoire météorologique de Greeu- wich, commença, sous les auspices de l'Association britannique, une série d'ascensions qui devaient le conduire à plusieurs reprises à des hauteurs bien supérieures à celles que ses prédécesseurs avaient at- teintes, et qui allaient faire de lui le maître dé l'aé- rostation scientifique. M. Gla.ish.er a exéeuté trente voyages aériens, pendant lesquels il s'est peu à peu aguerri à affronter les efi'ets do la raréfaction de l'air et de l'abaissement de température. Comme nous l'a dit souvent l'illustre savant anglais, il est bon de s'entraîner par des tentatives préliminaires quand on a ramhitioa. de planer dans les régions aériennes éloignées du sol; il est utile de procéder par phases successives, de s'habituer peu à peu à vivre dans des milieux où la pression baromé- trique est de plus en plus faible. C'est ainsi que M. Glaisher a pu dépasser à trois reprises différentes dans ses voyages, de Wolverhampton à Solihull, de Cristal-Palace à New-IIaven et de Wolverton à Ely, l'altitude de 7,000 mètres, où Gay-Lussac n'avait conduit son ballon qu'une seule fois avant lui. Mais le véritable titre de gloire du savant anglais, est son ascension du 5 septembre 1862. exécutée avecM.Cox- well. Les deux intrépides explorateurs lancèrent leur esquif aérien jusqu'à plus de 10,000 mètres au-des- sus du niveau de la mer ; il faillirent payer de leur vie cette magnifique hardiesse a Tout à coup, dit M. Glaisher, je me sentis incapable de faire au- cun mouvement. Je voyais vaguement M. Coxwull dans le cercle, et j'essayais de lui parler, mais sans parvenir à remuer ma langue impuissante. En un instant des ténèbres épaisses m'envahirent; le nerf optique avait subitement perdu sa puissance. J'avais encore toute ma connaissance, et mon cerveau était aussi actif qu'en écrivant ces lignes. Je pensais que j'étais asphyxié, que je ne ferais plus d'expériences et que la mort allait me saisir... D'autres pensées se précipitaient dans mon esprit, quand je perdis subi- tement toute connaissance, comme lorsque l'on s'endort Ma dernière observation eut lieu à 1 h. 1 Voy. ta Uible de la première amn'e ; Dans les nuages. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 328 LA NATURE. 54, à 9,000 mètres d'altitude. Je suppose que une ou deux minu lis. s 'écoulèrent avant que mes yeux corsas- sent de voir les petites divisions des thermomètres et qu'un même laps de temps se. passa avant mon éva- nouissement ; tout porte à croire que je m'endormis ùl li. 57 d'un sommeil qui pmivaitêlre éternel. » Pen- dant ee moment si tragique, si terrible, M. (iowvel), voulut s'efforcer d'arrêter la marche de l'aérostat, qui montait toujours vers des régions pi us élevées. Il se lusse dans le cercle pourtirer la corde delà soupape; il s'aper- çoit avec effroi queses mains deviennent noires, comme celles d'un cholérique, que des cristaux de glace se déposent partout autour de l'orifice de l'appen- dice, et que se- forces l'abandonnent. Il veut lever 1rs .;:«■:: Hiot pX Cay Lus^ic exi'Lutaiit des ii.\rjûnences ù l'yUUljde de 4,01X1 rinHres. — 20 .^pLumbi-e ItiUï, liras, mai» ses membres sont inertes. Heureusement que sa tète et son corps sont encore doués de la fa- culté de se mouvoir ; dans un effort suprême, il sai- sit avec ses dents la corde de la soupape, la tire avec violence, et fait ainsi échapper une quantité de gaz suffisante pour que l'aérostat revienne bientôt vers des niveaux inférieurs ', On voit, d'après ces récits, que les explorateurs des * So«i empruntons les renseignements qui précédent ainsi que la gravure représentant M. Glaislier, i l'ouvrage de hautes régions de l'air ont à combattre deux ennemis : la mal des montagnes, redoutable adversaire, né de la rarélaetion de l'air, qui anéantit l'homme le plu-i robuste, l'engourdit peu à peu, lui ôte ses facultés et le rend inerte ; le froid, non moins terrible, qui paralyse les membres, engourdit les mains et cause de cruelles souffrances. D'après les belles théories de M. P. Bert, la torpeur du mal des montagnes est MM. Glai^her, Fonvielle, Flammarion et TissanJier, Voyagci aériens. — !.. Hachette et C'\ Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 329 due non pas à la diminution de la pression atmo- sphérique, mais à l'insuffisance d'ovjyènc dans le vo- lume d'air où est plonge l'explorateur. Le savant pro- fesseur de la Faculté des sciences a trouvé, dans l'expérience de MM. l'rocé-Spinelli et Sivel, la con- firmai ion de ses travaux. Il paraît démontré que ,,-V iV: _*~^==^V; s ;s * m- ï'. , v '" la M. Glaisher, é>anoui dans aa nacelle, à l'altitude de 10, (WO nittrea. — ^î septembre 180i. grâi'.e à l'inhalation du {, r az comburant, l'aéronaute peut désormais braver la raréfaction de l'air dans les liantes régions de l'atmosphère. Quant au froid, il serait facile d'en éviter les atteintes en se pourvoyant île moyens de chauffage, non pas des moyens de combustion avec tlamme usités à terre, mais de ceux qui consistent à produire de la chaleur sans feu. On sait très-bien qu'il suffit de verser de l'eau Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 330 LA NATURE. sur de la clmux vive pour qu'une vive réaction se produise cl qu'une grande quantité de chaleur se dé- gage, par le fait de la combinaison des deux corps. Il n'y a là ni étincelle, ni (lamine, rien qui puisse faire craindre de mettre le feu. à la masse de gaz combustible qui entraîne avec elle l'aéronaute et sa fortune. Il serait facile de construire des récipients métalliques à minces parois, dans le sein desquels on aurait emprisonné de la chaux vive avant le dé- part. Pour chauffer ce poêle d'un nouveau genre, il suffirait d'y verser de l'eau. Quand la chaux éteinte serait refroidie, on s'en servirait en guise de lest, et on la jetterait par-dessus bord. M. Henri Giff.ird, que nous avons déjà appelé le Mécène de l'aérostation, a bien voulu, l'an dernier, faire construire à notre usage un petit appareil do ce genre dont nous nous sommes trouvés fort bien à l'altitude de 2000 mètres. 11 ne faisait pas chaud dans ces régions, et nous avons été très-heureux de pouvoir nous chauffer les mains au milieu de la tiède et douce vapeur qui s'élevait de notre petite chaufferette de chaux vive. Nous recom- mandons ce procédé simple et économique à nos col- lègues aériens. S'il est possible d'arriver ainsi à supprimer le mal des montagnes par l'oxygène, et le froid par on ap- provisionnement, de calorique, les voyages à grande hauteur pourront s'exécuter d'une façon pratique, sans périls et sans souffrance. Avec un aérostat bien construit, bien imperméable, de 5000 ou 4000 mè- tres, rempli d'hydrogène pur, on dépasserait la limite des ascensions de M. Glaislier; et là, dans ces soli- tudes aériennes, au milieu du silence imposant qui règne dans les plages de l'air, le physicien et le chi- miste exécutant leurs observations et leurs expé- riences, rapporteraient à terre, la persévérance et le travail aidant, une belle moisson de faits nouveaux. Espérons que le mouvement salutaire imprimé depuis quelques années à l'aérostation scientifique se continuera; faisons des vœux pour que la pratique du ballon devienne un des moyens habituels de l'é- tude de l'atmosphère, et que les savants ne craignent pas do se confier aux flots aériens. Par un inconce- vable préjugé, un grand nombre de personnes voient encore aujourd'hui dans l'aérostat un engin dange- reux, dans le voyage aérien une expédition périlleuse ; il n'est pas rare même d'entendre parler des aéro- n autos comme d'audacieux explorateurs, qui font le sacrifice de leur vie chaque fois qu'ils mettent le pied dans leur nacelle. Rien n'est plus contraire à lu vérité que cette opinion, certainement due au petit nombre des ascensions. Si l'on voyait s'élever des ballons tous les jours, comme ou voit partir des na- vires de nos ports, personne ne parlerait plus des dangers de l'aérostation; car le voyage aérien — qu'on le sache bien — est moins à craindre que le voyage en mer. Sur 1000 ascensions, on compte les accidents, et encore ceux-ci ne sont-ils dus qu'à des imprudences ou des impérities ; sur 1000 voyages en mer, le nombre des sinistres est considérable. Le vieil aéronaute Green a exécuté plus de 700 ascen- sions, il a enlevé avec lui plus de 000 voyageurs, dont 100 dames environ, il ne lui est jamais arrivé aucun malheur. Les frères Godard ont peut-être exé- cuté, à eux trois, 2000 ascensions; ils ont encore leurs membres au complot. Celui qui écrit ces lignes est loin d'être aussi riche en expéditions aériennes, mais il a cependant déjà accompli près de vingt vo\ a- ges en ballon, de jour, de nuit, et même au-dessus de la mer, sans avoir eu à affronter des périls com- parables à cous qu'ont, subis les passagers de la Villc- ilu-Ilavre, du NU ou de l'Europe. Gaston Tissaniheb. »4~ LE CHEMIN DE FER DES ANDES Ce chemin de fer, qui doit mettre en communica- tion les deux rives orientales et occidentales de l'Amé- rique du Sud, est certainement une des œuvres les p] us importantes et les plus colossales des temps moder- nes. On va en juger par les renseignements que le Courrier des États-Unis publie à ce sujet, d'après une feuille cubaine publiée à New- York '. La ligne commence àCallao, sur la cote du Pérou, et après avoir pa«ouru 10îi milles jusqu'au Summit Tunnel, qui est à 15,000 pi ils au-dessus du niveau de la mer, elle descend jusqu'à 51 milles plus loin, à la Croyat, sur le versant oriental, d'où elle continue jusqu'au point où la navigation cornriience sur l'Ama- zone. En quittant Callao, le chemin de fer suit la fertile vallée de Ri mac, petit cours d'eau qui descend des montagnes. A 30 milles au-delà, les montagnes se rejoignent; sur leurs pentes, on voit les ruines de terrasses et de murailles du temps des Incas, mar- quant la place d'antiques et populeuses cités. Un peu après, la voie ferrée passe à San Hartlio- lome, à 47 milles de Callao, près de 5,000 pieds au- dessus du niveau de la mer. De là, elle traverse le viaduc de Verrugas, puis arrive à Bureo, à iiG mille-; de Callao et à 5,063 pieds d'élévation, à travers une grande variété de paysages grandioses et terribles. La voie traverse, sur un pont de 524 pieds de long et de 120 pieds de haut, le ravin deChallapa. Ce pont est de fabrication française. Dans cette partie du tracé, entre Tamho-Yiso et Cliicla, il y a tbficreiils sites véritablement effrayants ; la vue se trouble en contemplant ce spectacle gigan- tesque et désordonné de la nature, et l'esprit de- meure étonné à la pensée qu'une locomotion doive bientôt franchir ces terribles défilés. Aussi quelles ont été les difficultés vaincues! Il serait impossible de les suivre pas à pas sur la ligne et de décrire les hautes tranchées et les remblais que l'on a dû établir pour aplanir le terrain et lui donner la pente uni- forme nécessaire à la voie, Il n'a pas fallu moins de trente ponts ou viaducs * La Indepemlencia , organo (te los pueblot his}mna- americauns. . . . Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 3.11 qui, ajoutés „ un à l'autre, figurent une longueur de plus de 1 kilomètre, et trente-cinq tunnels, repré- sentant ensemble 5 kilomètres, au nombre desquels il f;rat compter celui du sommet de la Cordillière, long de l,173mètrcs. Au milieu de tant d'obstacles, et avec l'inévitable nécessité de monter toujours, on ne fût jamais arrivé jusqu'au sommet, sans les nom- breux détours qu'il a fallu faire et que facilitaient du reste les petites vallées latérales ; en certains endroits, la gorge est même si étroite, que, le détour en courbe devenant impossible, il a fallu employer le zigzag en forme de V, condition toujours défavorable pour les mouvements de la macbine et que l'on évite eu gé- néral dans dos pentes aussi fortes. En sortant de Mantucana, la ligue poursuit diffici- lement son chemin sur la rive gauche en côtoyant le pied des montagnes, passe devant l'effrayante gorge do Chacnhuaro, entre dans le déliié et vient croiser le Rumacun peu en aval de Tambo-Viso. Tout à coup la vallée se resserre, disparaît, et l'on n'a plus devant soi qu'une vaste fente, profonde de quelques centaines de mètres, au fond de laquelle la rivière coule majestueusement comme dans un gouf- fre; les bords en sont coupés à pie et Tonnent comme deux murailles. Au loin on entend déjà le bruit de la cascade dont l'écume blanchâtre frappe le regard, le sentier taillé dans le roc vous y conduit à travers mille détours, suspendu dans l'abîme en dessus et eu dessous des masses de porphyre et de trachytes à moitié en équilibre et qui menacent de vous écraser. C'est la célèbre gorge de Ylnfernillo, la plus belle peut-être, en tout cas la plus saisissante, de toute la Conhllière. Le Riinac, large environ de 40 mètres, s'y précipite du haut d'une cascade de ;i0 mètres et poursuit impétueusement sou cours au milieu des rochers. Conduire un chemin de fer à travers un semblable défilé, c'était chose impossible; fort heureusement les larges versants de la quebrada du Parae ont per- mis de gagner une hauteur considérable, et c'est au moyen d'un tunnel que la voie aborde l'obstacle et se lance sur la rivière, qu'elle domine verticalement sur un pont à 60 mètres de haut; puis elle rentre de nouveau sous terre et réapparaît à une distance con- sidérable, continuant toujours son interminable ascen- sion. Après un petit détour sur la rive droite, elle rencontre bientôt la quebrada du Rio Blanco, dont elle contourne quelque temps les deux rives, et par- vient à Chicla après avoir croisé de nouveau le Rimac sur un beau viaduc de 100 mètres de long, élevé de 80 mètres. Cette région est assez riche en minerais do différentes natures et ressemble eu cela du resta aux autres points que va parcourir la ligne jusqu'à la Ûroya; l'exploitation de ces richesses, aujourd'hui eu soulfrance, ne devra pas tarder à se relever, dès qu'une voie, ferrée procurera de faciles moyens de transport. Les principales difficultés du tracé sont maintenant vaincues, et le reste du trajet jusqu'à la cime ne pré- sente plus que des obstacles de moindre importance. La vallée est assez large; toutefois, comme la pente y excède 4 p. 100, trois détours ont encore élé né- cessaires, le premier à Bolla-Vista, village minéral voisin de Chicla; l'autre, plus petit, au hameau de Casapalea; le troisième enfin, plus longqueiesautrcs, puisqu'il mesure 7 kilomètres, dans la quebrada de Chiuchan. Au sortir do ce déliié, les montagnes ont pris un aspect plus grandiose, tout est morne et t 1 iste; le Rimac n'est plus alors le torrent impétueux que nous voyions tout à l'heure, c'est un misérable ruisseau dont les divers filets découlent silencieuse- ment des hauteurs environnantes; au fond de la vallée apparaît la cîme avec ses pies éblouissants do neige, mais les yeux peuvent à peine en supporter la lumière; la respiration devient haletante; les voya- geurs sont vivement incommodés par les effets de la raréfaction de l'air. A gauche, sur l'escarpement do la montagne, la ligne se voit toujours, à une hauteur considérable, tantôt taillée dans le rocher, tantôt dans une argile rougeàtre; bientôt elle atteint Antarangra et dispa- raît sous terre; c'est le dernier tunnel, celui qui marque le point culminant de la ligne et de la sépa- ration des eaux pour les deux océans. La Cordillièrc est désormais franchie à 4,800 mètres au-dessus du niveau de la mer. Sur les hauts plateaux des Ande-, la voie développe maintenant tout à l'aise ses courbes à largos rayons, la pente est douce et facile, et sans difficulté d'aucune sorte elle arrive à la Oroya, qui marque le terme de sa laborieuse carrière. Le misé- rable village qui a donné son nom à une œuvre auss colossale est situé à 218 kilomètres de la mer et à 5,700 mètres d'élévation; il n'a d'autre importance que celle qui résulte de sa position, point de réunion des deux routes de Jauja et de Tarma conduisant à Lima. Le pays est toujours aussi laid, les montagnes aussi désolées; la déception est grande, le tableau qui s'offre au regard ne répond en rien à ce qu'on at tendait. , Telia est la ligne transandine jusqu'au point qu'oi't atteint aujourd'hui les travaux. C'est, on le voit, la ligne de beaucoup la plus élevée qu'il y ait au monde, puisque celle qui vient après elle, le chemin du Pa- cifique américain, ne s'élève point au delà de 1,800 mètres. Le chemin de fer ouvrira une voie de communica- tion pour les produits de ta région agricole qui s'étend du versant dos Andes jusqu'aux villes maritimes du Férou, et permettra l'exploitation des riches dépôts de minerai qui existent au sommet des Andes; leur isolement a jusqu'ici empéVhé d'en tirer parti. Ce voyage fatigant, qui exigeait auparavant huit jours, se fera aisément en une seule journée. Cette voie est une entreprise du gouvernement et apparte- tient au Pérou; elle a coûté des sommes considéra- bles. N'est-ce pas une grande œuvre que celle de ces voies ferrées qui, découpant bientôt tous les pays du monde, sont appelées à changer la face de la civili- sation? Droits réservés au Cnam et à ses partenaires f.?2 LA NATURE. UN.OCTOPODE GIGANTESQUE DANS LES MERS DU JArOK. Un naturaliste anglais rient de publier, dans thc Fidd, un travail très-intéressant sur une colloctinii considérable d'ouvrages illustrés d'histoire naturelle publiés par les Ja- lon ai s. L'auteur in- ristospécialcmentsur un remarquable livre intitulé Produits du sol et de la mer, par Ki Konc. Cet ouvrage est principalement consacré à des des- criptions de pêche- ries et de pisciiul- turcs de la contrée. [.es détails de cliaijue pêcherie, depuis les procédés de capture, jusqu'à tous les pio- c'dés subséquents de débarquement, de nettoyage , de cuis- son, de dessèchement du poisson, sont don- nés minutieusement et avec le plus grand soin. Plusieurs plan- ches, ehacune de m 36 de longue nr sur L1 24 de largeur, sont réservées à chaque pèche. Un grand nombre sont beau- coup plus petites. 11 nous a paru in- téressant de publier en France un fac- similé de ces gravures charmantes qui don- nent une haute idée du goût et du savoir faire des Japonais. Notre premier dessin nous montre le com- bat entre un pêcheur et mi octopode des mers du Japon; le second représente une boutique de poisson avec les deux, tentacules gigantesques à vendre. D'après l'altitude des personnages du premier plat., on voit que ces tentacules doivent être de dimension extraordinaire. Le bonhomme de gauche, qui porte une espèce de hotte sur le dos, dans le mouvement de son bras, exprime à n'en pas douter soii étonne- ment; l'attention du personnage de droite est solli- citée par son voisin, qui, de la main, montre les ten- tacules du monstre. Mutatis mut/mdis, ce groupe Tentacule 1 ) île l'octopede chez mi marcluint i1c poissons. Fac-similé (in [liîux ^raverc-; d'un livre japonais. fait penser à des flâneurs de la rue Vivienne en extase devant un saumon gigantesque exposé chez Chabot. Los gravures ci-contre sont, nous le répétons, des copies très-fidèles des originaux, mais elles ont dû perdre nécessairement quelque chose du moelleux des dessins sur lesquels elles ont été prises. Les Ja- ponais impriment sur du papier Irès-niince, très-ve- louté, à gros grains. Leurs planches en bois ne sont pas gravées comme les nôtres. L'intérêt qu'a excité la récente relation sur le mon- ilrueux céphalopode de Terre-Neuve nous a suggéré l'idée de donner aujourd'hui ces curieux croquis. Mais ceux qui abon- dent dans le bel ouvrage japonais, ne sont pas moins di- gitesd'admiration.Lu première planche no- tamment, placée, comme on le sait, à l'endroit qui, pour nous autres Euro- péens, est la fin du livre, est très-remar- quable. Elle repré- sente une quantité de bateaux plats , chacun de huit ou dix pêcheurs, occupés à capturer un énorme | oisson , au moyen d'hameçons et de lignes. La seconde gravure représente l'arrivée du colosse des mers dans un grand hangar, où une quantité d'hommes, aux bras et aux épau- les nus, travaillent à le décapiter. D'autres le coupent eu por- tions ; d'autres enfin recueillent ceux-ci et les placent dans des paniers. Une troisième planche nous montre ces paniers plongeant avec leur con- tenu dans de grandes chaudières, remplies d'eau el chauffées sur de vastes foyers. Toutes les illustra- tions paraissent très-sérieusement exécutées, et affir- ment un talent réel de la part de leur auteur. Celles que nous reproduisons prouvent d'une façon mani- feste qu'il y a de grands octopodes dans les mers du Japon, et qu'ils sont même parfois de redoutab'es ennemis pour les pêcheurs. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. JUPITER ET SES SATELLITES LE 25 MARS 1874. Le 25 mars dernier, Jupiter offrait un aspect cu- rieux dans le champ du télescopa. Il no paraissait eseoité d'aucun satellite. Le 4" se trouvant à sa plus grande élongatioii était loin hors du champ. Le ['* était caché derrière le disque de la planète. Le 2 e 1 1 le 3° passaient ensemble sur ce disque, accompagnés de leur ombre. En commençant l'observation, à 8 h. 4,"i m., mou attention fut tout de suite frappée par la présence d'une tache ronde absolument noire cl parfaitement définie, située à une faible distance du bord gauche ou oriental de la planète, vers le 45" degré de latitude supérieure (image droite), et qui se dessinait admira- blement sur le fond blanc du dis- que. Le disque était, comme d'habitude , par- tagé en zones pa rullèles. La plus marquée et la pliisfoueéedeces zones s'étendait au-dessous de l'é- quateur sur une largeur de 20 de- grés environ ; une autre, beaucoup plus large et jau- nâtre , se dessi- nait au-dessus de la précédente, prenant l'éqnateui' cl s'étendant comme une large, ceinture, jusqu'à 15" de part et d'autre. Au-dessus de cette bande jaunâtre s'étendait une région blanche, jusque vers le M" degré de latitude supérieure, où commençait une bande grise, large de 15° environ. C'est sur la région blanche que se projetait la tache ronde noire dont je viens de parler (fig. 1 n° ]). Juxtaposé à ce cercle noir, et au-dessous, ou en distinguait un second, non plus noir connue le pré- cédent, mais gris, quoique ressortant sur le même fond blanc (fig. 1 n" 2). Une troisième tache, moins bien déiinîc que les deux premières, et difficile à distinguer, se montrait à sa droite, vers le méridien central et plus près du pôle sur la limite de la bande grise supérieure (n° 3). Après quelques minutes d'observation, on ne tarda pas à voir ces trois taches marcher sur le disque, de gauche à droite, déplacement rendu sensible surtout par la tache noire à cause de son évidence. A 9 h. 50 m., la double tache s'était avancée jusqu'au mc- . ridieu central, et la 3* approchait vers le bord. La se- conde tache grise s'était insensiblement séparée de la noire et marchait un peu plus vite. Jli^.lC!' il >l: A 10 h. 29 m. le spectacle changea de face. Deux points lumineux brillants se détachèrent du bord occidental du disque, tandis que la tache il 1 et la tache n° 2 restaient distinctes en s'approeliunt du bord. En même temps, un autre point brillant émer- geait à l'opposé, à gauche du disque (Y. la fig 2). Cette observation montre : Que la tache noire n u 1 était l'ombre du troisième satellite. Que la tache grise n° 3, à peine visible sur une zone grise, était ce troisième satellite lui-même pas- sant sur la planète et plus petit que son ombre. Que la tache grise ri 2, d'abord eu contact avec la première, était l'ombre du deuxième satellite, pas- sant aussi sur lu planète. Qu'il y avait par conséquent, le 25 mars, deux éclipses totales dj soleil simultanées et cnutiguës sur Jupiter. — Les teintes observées ont montré que : l-'Ledeuxième EH satellitcétaitplus i lumineux que le troisième puis- qu'il est resté ina- perçu sur la zone blanche du dis- que de Jupiter, tandis que le troi- sième était plus foncé que la zone grise sur laquelle il se détachait. 2" Le troisième satellite était à | ciue plus lumi- neux que l'ombre du deuxième. 5° L'ombre du troisième satellite était plus noire que celle du deuvième. Pourquoi? Est-ce parce qu'elle mesu- rait 1"5 tandis que sa voisine n'était que de 1"0? Celle différence ne changerait pas la teinte d'un dis- que bien défini. Est-ce à cause de la pénombre? Pas davantage, car cette pénombre est à peu près nulle. Nous disons qu'il n'y a pas de pénombre dans les éclipses de toleil sur Jupiter. En effet, un astronome plaie sur Vénus pourrait à peine distinguer le pas- sage de l'ombre de la lune à la surface delà terre, pendant une de nos éclipses totales de soleil ; car, à cause do notre proximité relative de cetaslre et de la grandeur de son disque, le cône d'ombre lunaire se termine en pointe à une laible distance de la lune, si bien que son extrémité n'atteint même pas la terre dans les éclipses annulaires, el ne couvre qu'une si faible surface dans les éclipses totales, que le cercle noir ainsi produit serait presque imperceptible à la distance de Vénus, malgré l'extension due à lapé- nombre, bordure d'ombre légère s'étendant sur les pays pour lesquels le disque solaire n'est que par- tiellement éclipsé. Mais Jupiter est si éloigné du so- klhliis, le i'J mais 1SU. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 334 LA NATURE. Icil, que les ombres de ses satellites forment des cônes beaucoup plus allongé.-:, et arrivant à sa surface sans rétrécissement, vo; agent sur elle comme des cercles noirs parfaitement ronds et homogènes. Cependant l'ombre dn deuxième satellite n'était pas noire dans l'observation ci-dessus, quoique voyageant sur la même zone blanche que l'ombre noire du troisième. Cet effet ne s'expliqurrait-il pas par îles réfractions produites à travers une atmosphère considérable dont ce deuxième satellite serait enveloppé? On sait que, dans certaines éclipses de lune, les réfractions pro- duites par l'atmosphère terrestre sont si considéra- bles, que la région centrale même du disque lunaire n'est pas obscurcie et reste rouge comme la lune en- tière. Le troisième satellite étant ordinairement blanc (comme les autres) lorsqu'il passe sur la planète, et ayant paru foncé le 25 mars, doit, ou bien varier d'état physique dans son atmosphère, ou bien tourner sur lui-même, en ne présentant pas, comme la lune, la même face à sa planète. Le 28 janvier 1848, ce même satellite observé par Bond à Cambridge (Etats- Unis), dans une circonstance analogue (il passait de- vant le disque en même temps que le premier) a paru comme une tache noire entre les deux ombres noires et. n'en différant pas. Dawes, Lasse] et Secchi ont distingué assez nettement des taches sur ce troisième satellite pour pouvoir les dessiner et constater leur variation. Le point lumineux, sorti sur la gauche du disque à 10 h. 30 m. 20 s. (Gg. 2, n° 5), était le premier satellite émergeant de l'ombre de la pla- nète. Le deuxième et le troisième satellites devin- rent visibles et blancs en approchant du bord de Jupiter, et sortirent en même temps à 10 h. 29 in. En résumé, eelteobservationmontre que le 25 mars dernier les habitants de Jupiter ont eu à la fois deux éclipses totales de soleil, que nous avons pu observer d'ici et comparer l'une à l'autre. De cette compa- raison semble résulter que le deuxième satellite est environné d'une vaste atmosphère transparente pou- vant réfracter les rayons du soleil sur l'ombre qu'il produit, ctquecc satellite est plus lumineux que le troisième, quoique plus petit; enfin, que le troisième satellite a des taches foncées et tourne sur lui-même, non comme notre lune, niais en une période différente de sa révolution autour de la planète. Dans le chapitre qu'il a consacré à Jupiter, dans son grand ouvrage sur le Ciel, M. Guillemin nous dit que William Ilerschel, Bcer et Mtrdlcr ont observé que le mouvement de rotation et de translation pa- rait être isochrone pour le premier, le deuxième et le quatrième satellite ; il nous apprend que pour le troisième ils n'ont rien pu dire de précis ; et que le docteur Secchi a cru remarquer, par les taches de ce troisième satellite, un mouvement de rotation rapide, diiléreiit beaucoup de son mouvement de ré- volution. L'observation du 25 mars confirme cette particularité pour ce troisième satellite. Jupiter est actuellement dans les meilleures con- ditions d'observation, Son opposition a eu 1 eu le 17 mars, c'est-à-dire que ce jour, il s'est trouvé juste à l'opposé du soleil relativement à la terre, et est passé à sa plus courte distance (log.: = 0.04821 G9) soit à 4,44854 fois le rayon de l'orbite terrestre, c'est-à- dire à 10,459,580 lieoes de nous. Il est visible tous les soirs au sud-e^t, comme une brillante étoile de première grandeur, sans rivale dans le ciel entier. Camille Flujbaiuok. -><■ CHRONIQUE I.» grande marée du 80 mars tSÎ4, — Les prandes marée* ele la Tamise ont été marquées avec soin depuis 1827. Voici quelles sont les principales, ainsi que leur élévation au-dessus du niveau moyeu des grandes «aux: 27 octobre 1827 55 pouces. ai novembre 1827 58 — 18 octobre 18 il 7,0 — 12 décembre 18 là 40 — 21 janvier 1850 40 — 12 novembre 1832 43 — 15 novembre 1854 il — 22 décembre 18112 45 — 2i novembre 1SGG 40 — 8 février 18G8 50 — 4 mars 1809 40 — 20 mars 1874 32 — La différence est donc de pouces au-dessus de la plus forte marée connue jusqu'à ce jour. L'accroissement île la marée a été en augmentant rapidement à mesure que les mesures étaient prises loin de l'embouchure. Ainsi, à Gravesend, la bailleur n'était que de 44 pouces; au dock, de Londres elle était du 48 pouces, au pont de Londres de SI, et au pont de Westminster de 54 pouces. L'augmentation a été de 10 pouces sur un parcours de 20 kilomètres (10 pouces — 27 cent.). 52 pouces représentent le niveau moyen dans la traversée de Londres. I-.es moutons bëte*! de Nninme. — Un voyageur venant du Ynrkund raconte que les pasteurs di 1 ces ré- gions ont l'habitude de se servir de leurs moutons comme, de bêtes de somme. Chacun de ces animaux porte sur le dos un poids de 8 kilos, ce qui ne laisse pas que de pro- duire un effet notable, quand le troupeau est nombreux. Malheureusement les moutons ne font pas plus de deux ou trois lieues par jour. LA RÉUNION DES SOCIÉTÉS SAVANTES (Suite.— Viij. p. 317.) Tube de M. Alvertjnat. — Cet ingénieux appareil est lesliné, comme nous l'avons indiqué dans notre article, à montrer que le courant électrique ne se propage pas éga- lement bien dans les deux sens. Les pointes des petits tubes de. verre étant tournés en sens inverse dans chacune eles deux branches, l'effluve ne prend jamais qu'un des deux chemins qui lui sont offerts. L'effluve choisit constam- ment la route telle, quu les pointes soient dirigées vers le pôle négatif. On s'on assure en faisant jouer le conimula- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 53D leur. Le tubo dans lequel l'expérience est faite a été rem- pli avec du gaz hydrogène. On sait que, grâce à son exces- sive mobilité, ce gaz met en évidence d'une fj(;on très- rctnarquable les oscillations des zones lumineuses. Appareil de Daniel peur montrer l'influence des courants d'induction. — Cet appareil, exposé chez M. UuhuiUorff, se compose d'un aimant enfer à cheval formé par un morceau de fer doux. Le courant passe dans un fil de platine qu'il rnugit. Au moment cù l'on met le morceau de 1er doux en contact il se produit un courant qui fait pâlir la spirale. En arrachant ce morceau de 1er doux avec un levier on voit au contraire la teinte du (il de platine augmenter d'éclat. C'est la démonstra- tion élégante d'un fait connu, mais dont l'importance théorique est ex- trême. L Observatoire du Puy-de-Dôme, par M. ÀLitJsRo, professeur à l'Académie de Clermonl-Ferrand. — L'auteur annonce que l'observatoire, dont l'idée remonte à l'année 1SC0, va être terminé. L'inau- guration solennelle nura lieu au mois de septembre. Le programme de la so- lennité, qui durera trois eu quatre jours, sera prochainement publié. Cet établissement hors ligne, unique dans son genre puisque l'observatoire du l'ny-de-Dônie sera relié télégraphique- ment avec celui de Clermont-Ferrand, est déclaré monument départemental. Mais l'Etat et la ville ont souscrit éga- lement pour sa construction. Tous les ministres qui se sont succédés, tant sous l'empire que sous la république, ont tenu à honneur de contribuer à l'édification d'un établissement aussi utile. Il est bon de remarquer que le Puy-de-Dôme est célèbre par les im- mortelles observations faites par Per- ricr, à la sollicitation do Pascal, son beau-frère, pour vérifier la pesanteur de l'air. Dans les travaux pour les fon- dations de l'observatoire ou a décou- vert les restes d'un \asto monument avant une façade longue de 70 mètres. L'origine en est complètement incon- nue et personne ne s upeonnait son existence. On j a trouvé en abondance des médailles romaines. Suivant toute apparence c'était en même temps un camp et un temple. Cette étude archéolo- gique aura lieu ultérieure ment, et des fouilles spéciales ne seront pas un des moindres attraits de la grande cérémo- nie de septembre. L'observatoire de Clermont-Ferrand est d jà en fonction régulière. Les travaux de l'observatoire do la montagne seraient beaucoup plus avancés si l'on n'a - vait pas été arrêté par les nombreuses expropriations qu'il a fallu faire, car ce terrain inhabile et incuite, situé à 1,100 mètres au-dessus de la plaine, était partagé entre un nombre considérable de possesseurs. L'observatoire communiquera par une galerie également souterraine avec le logement du gardien, auquel sera attenant une petite hôtellerie afin que les savant» étrangers puissent venir y habiter. On y fera des éludes sur tous les grands phéno- mènes de la physique du globe. Nouveau moyen pour sonner les cloches, pur M. l'abbé E^illos, de la Société de Kiom. — La mode de suspen- [Souvitau tube Geisiler de II. AlvergiiÊt. sion permet de mettre en mouvement des poids considé- rables avec une force insignifiante. Le battant frappe la cloche en plein mouvement au lieu de se laisser rencon- trer par elle. L'auteur croit qne son appareil contribue à empêcher le mouvement des cloches d'ébranler les clo- chers, ce qui arrive souvent, car on connaît des exemples, dans les villes du Nord, de beffrois qui se sont éboulés, de sorte que les cloches tombant sur les maisons situées au pied les ont écrasées, comme l'auraient fait d'énormes bombes. L'auteur présente ses explications à l'aide d'un petit modèle qui figurait à la soirée de l'Observatoire. W. DE EOKVILLLE. — La suite proctitiiiieintriil. — ACADEMIE DES SCIENCES Séance du 20 avril 1S74. — Présidence de M. Blntuanb. Origine du phylloxéra en France. — Mous en appre- nons de belles aujourd'hui : le phylloxéra en France est l'œuvre d'un viticulteur, honorable d'ailleurs, des envi- rons de floquemaure. 11 ne faut rien moins que la pureté de ses intentions pour qu'on le tienne quitle des désastres dont il est cause. Le secrétaire perpétuel a dit son nom, mais nous ne voulons pas être accusé d'avoir contribué à le signaler aux vignerons phylhxérés, lesquels sont bien capables d'aller lui chercher pouille ; nous ne la répéte- rons donc pas, d'autant plus que nous l'avons très-mal entendu. Voici comment ce fait grave a été découvert, M. Plan - thon, qui fait du phylloxéra son occupation exclusive, re- marquant que les vignes américaines supportent, sans trop souffrir, le parasite qui tue si rapidement les vignes françaises, se demandait si on ne parerait pas au mal en substituant à nos cépages des pieds d'oulre-mer (rien de commun avec M. Guimet). La question était de savoir si, après quelques années de séjour en France, des vignes, d'abord robustes, ne finiraient pas par perdre leur résis- tante. L'expérience devant nécessairement être très-lon- gue, M. Pianchon a pensé qu'elle avait pu être faite anté- rieurement dans quelque autre but, de façon qu'il n'y aurait qu'à en observer aujourd'hui les résultais. En effet, il découvrit, aux portes même de Hoqueinaure, une plan- tation de 154 ceps américains remontant à l'année 18G2. Or, quoique depuis ces douze dernières années toutes les vignes du pays aient été à peu près anéanties, celles-ci sont restées parfaitement saines. Leurs ratines sont, il est vrai, couvertes de phylloxéras, mais cela ne les empêche pas de produire des feuilles très-convenables et des rai- sins également très-convenables, selon l'expression de M. le secrétaire perpétuel. A ce point de vue la réponse que cherchait M. Pianchon est donc satisfaisante. 11 parait bien que des vignes américaines conservent en France leur résistance à l'égard du phylloxéra, et présentent par consé- quent un moyen de salut qu'on sera peut-être bien aise d'utiliser. C'est en étudiant ces faits que M. Pianchon a reconnu que l'explosion du phylloxéra, soupçonnée dès 1803 et démontrée en 18flû, a pris naissance précisément à Mo- quemaure, et s'est étendue progressivement tout autour de ce point, de façon qu'il est certain que ce sont ces vignes américaines qui ont introduit chez nous ce fléau, dont la destruction semble devoir défier tous les efforls des hommes. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 336 LA NATURE. Respiration des plantes. — Signalons la conclusion d'un important travail de JJ. Dehérain sur la respiration des plantes. Dans l'obscurité les végétaux exhalent, comme on sait, de l'acide carbonique, et si l'on compare leur masse à celle des animaux à sang froid, on trouve que haïr énergie exhalaloire est tout à fait semblable à celle de ces derniers. Voilà encore un de ces faits dont les progi es de la science multiplient sans cesse le nombre, et qui font disparaître de plus en plus la. distinction, en apparente si nette, établie entre les deux règnes organisés. Régulateur du gaz d'éclairage. — On remarque sur le bureau un petit appareil soumis à l'Académie par M. Gi- roud. C'est un ingénieux régulateur pour le gai d'éclai- rage. Jusqu'ici on avait seulement des régulateurs de pres- sion, dans lesquels la dépense dépend de la grandeur de l'orifice. Avec le nouvel appareil au contraire- la dépense est réglée, quelle que soit la grandeur de l'orifice ei quelle. que soit la pression da courant gazeux. Il se compose d'une petite boîte cylindrique, de 15 cen- timètres de large, dans laquelle le gaz pénètre par un ori- fice percé dans la paroi mféneiue. Le gaz arrive ains sons une petite cloche métallique plongeant dans de la glvcérine et qui se soulève sous iirilluence de la pression. Celte cloche portant un trou, le gaz suri par la partie supé- rieure, pour se rendre dans le bec où il brûlera. Or la vitesse avec laquelle il soit de cette cloche ne dépend pas de la pression du gaz, mais sunplememl de la différence de pression que Ce gaz supporte sous la cloche cl au-des- sus d'elle ; et l'on voit bien que celle différence est con- stante, puisqu'elle dépend exclusivement du poids de la cloche. lien résulte que le débit est parfaitement régu- lier. Les applications de cet instrument sont nombreuse.*. L'éclairage des villes qui exige un volume déterminé de gaz par heure et par bec; celui des particuliers qui ré- clame la disparition de la fumée, la fixité de la lumière, la conservation des dorures et des peintures aujourd'hui noircies; le chauffage des etuves et des bains d'huile dans les laboratoires, elc, peuvent être cilés comme exem- ples. Pile thermo-électrique. — L'industrie s'est déjàempurée d'une invention qui, plus heureuse que beaucuup d'autres, a rencontré dés son berceau l'accueil le pins empressé. C'est la pile thermo-électrique de M. Claïuond, qui avant même d'être présentée à l'Académie, s'est vue adoptée à l'impri- merie de la Banque de France, pour la gravure galvano- plastique des planches à billets, et par les ateliers de la maison Goupil. Un élément de cette pile se compose d'un lingot formé par l'alliage du zinc avec l'antimoine, soudé à des lames de fer. De pareils couples sont disposés en couronnes superposées les unes aux autres en forme de cylindre qu'on chauffe, suivant sou axe, au moyen d'un bec de gaz. Comme il importe d'avoir une température bien égaie, le régulateur Giroud trouve ici, comme en tant d'autres circonstances, son application tout indiquée. Ce qui caractérise surtout la pile de 51. Clm.oiid c'est sa constance, on peut dire absolue. Après six mois d'expé- rience l'intensité du courant n'a pas subi la moindre mo- dification. Électro-chimie. — M. Becquerel donne à ses intéres- santes réactions électro-capillaires une forme très-remar- quable, lin tube de verre est fermé à l'une de ses extré- mités par une membrane de collodion. On met dans ce tube du sulfate de cuivre et on le fait plonger dans du monnsulfure de sodium. D'après ce qu'on sait déjà, il se dépose sur la membrane, à l'intérieur du tnhe, du cuivre cristallisé, et au-dehors du sulfure de cuivre. Hais en même temps, la membrane se dissout et disparaît. Le phé- nomène de dépôt continue néanmoins. La croûte cristal- line qui a pris la place de la membrane a pris en même temps ses fonctions. Mlle augmente constamment d'épais- seur, le cuivre métallique se déposant d'un côté et le sul- fure de l'autre. Il y a là, au point de vue minéralogique ei géologique, des applications sans doute fort imporlm- Imîes. Staxisias Meunier. CORRESPONDAIS' C.K îioniFlcATioa nti cratère du vésuvK. Portii 1,2 avril 1S71. Monsieur, Je lis dans un des derniers nuni rus de la JSnUn'c, page '2j1, que le Vésuve vient (rentier en éruption et a fortement endommagé l'observatoire de )\. l'abnîeri. Cette nouvelle donnée par le Times est entièrement fausse; de- puis l'éruption de 1 8 7 L J le Vésuve est demeuré complète- ment tranquille. Ces jours derniers seulement, une mo- dification a eu lieu dans le cratère sans aucune autre manifestation extérieure que l'agitation des instruments si parfaits installés par M. Palmicri à l'observatoire. Je vous envoie la traduction d'une lettre, du savant directeur, ren- dant compte exae.ti ment [Je ce qui vient de so passer dans le. cratère. Les détails qu'elle contient me paraissent de nature à intéresser les lecteurs de votre excellent journal. Recevez, monsieur, etc. KjlILK DE BillHAu. Lettre de M. Palmicri du 13 mars 187t. « Après la mémorable et désastreuse éruption du 2(1 avril [iïl'2, il restait au sommet du Vésuve un large et profond cratère, divisi'i eu i\rAi\ compartiments par une espèce ils mur cyclopéen, formé de gros blocs du lave compacte alternant avec des couches minces de scories. Le diamètre moyen de ce iluuble craLèro était d'environ 301) mètres, tt sa profondeur de 2bU mètres; il avait donc une capacité d'à peu près 17 millions de mètres Cubes. La partie supérieure des parois était composée de matières fragmentaires, lancées par la force de l'éruption, et les parties inférieures étaient compactes. Des bords du cra- tère se détachaient souvent des scories et des pierres (la- pilli) qui, jusqu'ici, n'avaient pas diminué sensiblement la profondeur de cet immense gouffre. En quelques jours, le mur cyclopéen n disparu et le cratère est presque comblé, sans qu'aucun phénomène d'éruption se soit ma- nifesté. — Y a-t-il eu ébauleuient des parois disloquées dans le cratère, ou un soulèvement du fond? — La fumée et le mauvais temps n'ont pas permis de faire des explora- tions suffi santés pour résoudre la question. S'il était prouvé qu'il y a eu un soulèvement du fond du cralère, cela indi- querait un effort éruptif, tandis qu'un simple éboulemenl n'aurait pas de signification certaine. « Les étrangers qui désireraient maintenant entrer dans le cratère pourraient se faire conduire, non plus par le sentier ordinaire, mais par le coté N.-O., où la grande- pente de 1872 leur offrirait un ample passage. • Le Propriétaire-Gérant : G. Tissa:,dier, Ci'iiiïit. — Ivp, et stér, deOuTi Droits réservés au Cnam et à ses partenaires V 48. 2 MAI 1874. LA NATURE. 531 UN AQUARIUM MICROSCOPIQUE Notre gravure représente un aquarium microsco- pique, tel qu'on lu verrait, si l'on pouvait embras- ser avec l'instrument, sous un même coup d'œil, la plupart des sujets qui s'offrent à l'observateur micrographe quand il étudie les merveilles du monde inlmiment petit des eaux douces stagnantes. Cette représentation, à l'apparence fantaisiste, n'est, PLunteB micrùsCQuiquciâ dans l'état où elles se trouvent au sein des eauï atagnaulcs : nydradicUic3j Conferves, Diatomées, Cbar&téea et luruaulrea divers. que la traduction réelle d'observations séparées. Tous les sujets qui s'y trouvent ont d'abord été des. sinés sous le champ du microscope et ensuite grou- pés, disposés, pour miou», les placer dans la position i? année. — i VT stmtilre, qu'ils occupaient .au moment do leur croissance. Tous ont leurs noms. On voit à la partie supérieure l'exfrémtté d'une lige do roseau, une brindille comparable à un fétu 22 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires '538 LA NATURE. do paille, au-dessous do laquelle une foule de Con- ferves sont venues chercher abri contre les agitations de l'eau. La vie parasite leur convient, à cause de leur extrême délicatesse. Les Diatomées, qui ont leur place à côté des Confervcs, sont représentées dans leur état naturel, c'est-à-dire pendantes en grappes; cette Diatoma viilgaris formant paquet | sous la tige de roseau, se trouve quelquefois en si grande abondance, qu'on pourrait dire sans exagéra- tion qu'il y en a des centaines de mille, dans un seul groupe. Les Diatomées se propagent par cha- pelets indéfinis, agrafées les unes aux autres par une petite membrane très-résistante placée à un angle. Au bas de l'aquarium on voit des Confervcs moins élémentaires que dans le haut ; celles-ci ne vivent pas en parasites ; elles ont quelque rapport avec les végétaux aériens. Telles sont les Characées, les Jïatraoliospcrntécs, et toute la pléiade d'algues que l'on prendrait pour de simples moisissures, si elles n'étaient connues des micrographes. Au milieu de toute cette végétation, qui semble appartenir à un autre monde, s'agitent des infusoïres de tonte taille, depuis le prêtée, simple masse gélatineuse, jusqu'au* infusoircs supérieurs munis de membres extérieurs. Quand on se promène le long des rivières ou bien îu bord de petits fossés remplis d'eau stagnante, si ou regarde avec attention au milieu des nombreuses formes qu'affectent les végétaux, aquatiques, ou verra que les tiges de roseaux, les simples brins d'herbe, tous les organes végétaux vivants ou morts, sont recouverts d'un léger mucilage brun et adhé- rent. Cette couche est composée d'une foule de Con- fervcs. Prenez quelques-uns de ces brins d'herbe, mettez-les dans un petit llacon avec un peu d'eau, pour que les sujets délicats qu'ils portent gardent leur état primitif sans détérioration. En soumettant au retour cette récolte au mi- croscope, ou verra, si l'opération est bien conduite, la plupart des espèces représentées sur la gravure. Tantôt c'est un Spirogyra avec ses ponctuations hélicoïdales d'un vert brillant, tantôt quelques Dia- tomées égarées attirent l'attention par leur struc- ture géométrique. Quelquefois surgit tout à coup un hideux infusoire, masse informe et gélatineuse, au milieu de laquelle ou distingue quelque chose qui ressemble à des viscères. La première ibis qu'un monstre de cette nature se présente à l'œil de l'ob- servateur, il éprouve un dégoût irrésistible de sentir si près de l'œil un être si étrange. il existe tout un monde dans une goutte d'eau ; non pas dans la traditionnelle et classique goutte d'eau, mais dans celle où l'on sait choisir avec un peu de patience les étonnants sujets qu'elle ren- ierme. Aussi les révélations microscopiques portent autant à la contemplation des sublimités de la na- ture, que les merveilles de l'espace céleste. Natura, , .misfjuMn -magis quant in minimU, tota est. - , . , J. GinAUD, DES MONSTRUOSITÉS (Suite et tin. — Voy. r . 209, 2i3 et ÏÏ3.) iv. — m.s monstres noum.F.s. Que le lecteur jette les jeux sur les gravures qui accompagnent cet article, il lui sera facile de vérifier les trois lois que voici : 1" Les monstres doubles sont, dans leur ensem- ble, symétriques par rapport à leur axe d'union, absolument comme les individus normaux le sont par rapport à leur plan médian. De cette loi dérivent les deux suivantes : l 2° Les sujets doubles se relient par leurs parties homologues; dos à dos, ventre à ventre, face à face, etc. Donc, on ne verra jamais le ventre de 1 un soudé au dos de l'autre, par exemple ; 3° Les sujets formant les monstres doubles sont toujours de même sexe. Ces trois lois, qu'il est très-facile de vérifier, do- minent toute l'histoire des mon.-tres doubles, et jet- teront sur leur description une grande clarté. Quoi- qu'elles soient dues toutes trois à. Geoffroy Saitil- llilaire, il semble que les anciens les aient quelquefois pressenties. Voici deux vers latins bien ingénieux, faits en 1750, sur un monstre double, sans dou'j xyphopage : Oppnsitu opposilis sppctilïïtes orilms ura ÀltEiniasque maiiuK, ulLiuaiaquc ■ IJ'J, ii» 34, 24 janvier 1874. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires I.A NATURE. 339 — C'est la désinence adelphe («'jsltpo;, frère) qui distingue les monstres de cette trilin. Revenons aux monstres dans lesquels les deux in- dividus soudés ont conservé tous leurs organes, et Fij. 1. — EiloïKige, d'apiès un dc^in de demi Uc^n;uiit. décrivons les espèces les plus intéressantes de celte tribu. Nous no nous occuperons plus des pygopages dont nous avons suffisamment parlé dans notre arli- Fis. S. — Isclu'odeljihe (Ritta et Ciislina), d'après Isidoie Geoffroy-Sainl-Hilaire. clc sur llillie-Christiue 1 , et nous abordons immédia- tement l'étude des monstres soudés par la tète (céphalopages) ; celte suture peut se faire par le sommet de la tète ou par le front. Examinons suc- cessivement ces deux genres : En novembre 1829, naquirent à Paris deux petits 1 Yoy. p. Où, n« 31, 3 janvicr1874. garçons soudés en sens inverse par le vertex. Ces deux malheureux qui moururent, fort heureusement pour eux quelques heures après leur naissance, fu- rent décrits et disséqués avec beaucoup de soin; on trouva, comme on s'y attendait, que les deux boîtes crâniennes communiquaient largement l'une avec l'autre, mais que les deux cerveaux, séparés par les méninges, étaient parfaitement distincts. Le Muséum possède le moule d'un semblable céphnlopage (éti- queté très-improprement épicome), Quoique la science possède plusieurs exemples de cépbalopa- gie, et qu'aucun de ces monstres n'ait vécu, on peut assurer qu'ils sont assez bien organisés pour vivre longtemps. L'exemple récent du céphalopage né à Versailles en 18G1, et dont la vie se prolongea huit jours, appuie jusqu'à un certain point celte opinion, mieux confirmée par l'exemple suivant. Via. Couru lr;nisvQrsalo d'un slernopnge. A la fin du seizième siècle naquit près de Mayence un monstre composé de deux tilles soudées par le front (métopage : ui™?:?;-.;, front 1 ), qui jouit alors d'une très-grande réputation. Ces deux tilles vécu- rent jusqu'à l'âge de dix ans dans une position ex- trêmement incommode, puisqu'elles étaient sans cesse nez à nez, et qu'elles ne pouvaient voir les objets extérieurs, qu'en regardant de côté. On rap- porte que, l'une d'elles étant morte, on sépara son cadavre du corps encore vivant da sa sœur, opéra- tion qui, naturellement, n'eut aucun succès. Un autre métopage bi-femelle, dont un dessin fort imparfait est conservé à Londres, naquit à Gruges en 168'2, et mourut peu de temps après sa naissance. Deux sujets peuvent aussi être soudés par le tho- rax, et cette suture peut être plus ou moins in- 1 II serait plus correct, sinon plus euphonique, d'écrire mè- topopage ; mais les pavants eux-mêmes ont reculy devant un moL aussi rébarbatif. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires MO LA NATURE. lime. Chez les sternopages, elle l'est au plus liant deeré. Noire figure 5 représente une coupe transver- sale d'un semblable monstre. Pour que le lecteur put distinguer plus facilement ce qui appartient à cha- cun des deux sujets, nous avons accentué les traits de l'un plus que ceux de l'autre. A et A' sont leurs colonnes vertébrales, et ec, c'e' leurs parois costales respectives. La paroi costale c se termine par une moitié de sternum s qui se relie aune autre moitié de sternum s' appartenant à A'. Ainsi le monstre, dans son ensemble, a deux sternums, mais chacun de ces os appartient par moitié à chacun des deux sujets, Ln sternopage remarquable est conservé dans l'alcool an Muséum. Comme tous les autres de son espèce, il est mort en naissant. Cette non-viabilité des sternopages vient de ce 'que leurs deux cœurs se confondent toujours plus ou moins, et sont par suite, très-mal conformés. Bien différents des sternopages étaient ces fameux Irères Siamois que tout Paris connaissait déjà de ré- putation avant leur arrivée en France qui eut lieu en IRfio et qui mit le comble à leur réputation. Chang-Eug étaient xyphopages, c'est-à-dire que leurs squelettes étaient soudés par cette extrémité mobile (appendice xyphoïde), qui termine inîérieurement le sternum ; l'autopsie, dont la relation vient d'arriver en Europe, montre qu'en outre leurs foies étaient soudés l'un à l'autre. La Nature ayant récemment donné une description des frères Siamois, nuus n'ajouterons qu'une seule remarque relative à leur moral, qu'on a eu tout loisir d'observer, puisqu'ils ont vécu soixante-trois ans. La vie qu'imposait aux frères Siamois leur posi- tion vis-à-vis étant peut-être plus commune que celle de Miliie-Christinc, il en résultait que leurs caractères avaient plus d'uniformité encore. Tandis que les deux sœurs, cédant à l'humeur loquace qu'on attribue généralement aux femmes, no cessent de causer entre elles, les Siamois n'ayant rien à s'ap- prendre ne se parlaient presque jamais. — Ciunig et Ëng avaient l'un pour l'autre la plus tendre amitié: « Telle est la force de leur mutuelle affection, qu'ils ne croient pas acheter trop cher, au prix de la gène constante de leurs mouvements, le bonheur de se sentir sans censé l'un près de l'autre, et de réaliser à la lettre cette belle image de l'amitié : « Tous « deux ne sont qu'un, et chacun est deux ! » Les frères Siamois ne sont pas les seuls xyphopa- ges qui aient vécu ; mais à côté d'eux, les sœurs in- diennes qui naquirent en 1807, et le xyphopage de Dorsten et Valentin, offrent peu d'intérêt. Ajoutons que Kcenig, dans une observation fort incomplète, rapporte qu'on aurait réussi à séparer les deux sujets d'un xyphopage né au commence- ment du dix-septième siècle. Notre figure 1 reproduit un ectopage (soudé par le côté), tel que l'a dessiné le peintre Regnault. Ces jumeaux moururent dès leur naissance, ce que ne ferait guère supposer l'air assez gaillard que leur a donné l'artiste. Un autre ectopage, né eu 1 5G9 et envoyé au roi, fut disséqué par Jacques Roy; mais ce chirurgien, au lieu d'une observation, nous laissa sur eux trois sonnets, et une epigramme anlîthe'sique qu'on trouvera sans doute assez bizarre: S'eutraccolants vous voves ces jumeaux Ayant vn corps, deux cœurs et deux ceni:iut I/vn prremour.mt, sans bnptesmc est vaincu A qui l'autre a, bapLi>é, suruescu. spectateurs, sont deus religions, La Catholique, et l'IIuguenotle aussi, Conduire fault, que mal^rr- la canaille Des Huguenots et leur rébellion, Leur naissante et faulse religion Succombera bientost; et quoy qu'il larde Luy donnera l'Église ta na/arde [la mort;, l'our l'enuoyer sus diatiles inlernaulï.. Voilà le sens piogtiustic des iumeaux. Et. voilà, ô lecteurs, ce qu'était une observation scientifique dans les siècles passés! Les ectopages ont d'ailleurs eu la fortune d'inspi- rer d'autres poètes mystico-savants. En lf'05, naquit rue de la lîùcherie, à l'enseigne du l.ian ferré, un ectopage bi-fcmelle, qui fut disséqué par plusieurs chirurgiens, entre autres, par les deux Uiolan. Voici ce que le poète fait dire au médecin : Rien de plus tu n'auras de moy qui ne dois pis Kntbncer les secrets d'un tant étrange cas. Mon voisin' te dira ce qu'il le convient croire, Présagé sous l'cfiect d'un si caché invsLère, Et maintenant, voici ce. que, d'après le théologien, « il nous convient croire: » Je tiens que ces deux fionts, celle face jumelle, Sont deux relliginiis, dont Tune est qui s'appelle. Papisme, et sou autheur ai l'Antéchrist rumain, Et l'autre est Maliumel avec son Alcorii'ii. Passons rapidement sur tous ces monstres hideux de la deuxième, tribu, qui pour deux corps n'ont qu'une tète plus ou moins composée, ■/(inique bifi'ontis imago L'image de Janus avec son double front. Car les tératologistes ont gardé pour ces monstres à deux visages soudés sur utie seule tête, le nom du dieu romain (flg. 4). La dernière tribu offre plus d'intérêt, puisqu'elle comprend des êtres susceptibles de vivre longtemps. Telles étaient Philomène et Hélène, ischiadclpbe (d'autres disent isebiopage) célèbre , que Serres a décrit et dessiné avec soin 1 . Philomène et Hélène vécurent huit mois hors du sein maternel ; le Mu- séum posséda leur moule et leur squelette. Telles étaient aussi les jeunes Ritta-Cristina, mortes de froid (c'est-à-dire presque par accident), à l'âge de liait mois et demi (12 mars-25 novembre 1829). Ces deux sœurs, dont nous donnons une gravure exacte 1 Slémoii-cs de l'Académie des sciences, t. XXV, 18C0. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 3il (fig. 2), et dont lu moule et le squelette sont exposés dans les galeries d'anatomie du Muséum, étaient nées en Sardaigne, de parents asseï pauvres, qui crurent fort habile de venir exposer leur enfant à la curiosité des Parisiens. La police, toujours ingénieuse quand elle veut être philanthrope, refusa l'autorisation par humanité. Cette décision charitable fit tomber les pa- rents de Ritta-Cristina dans la misère, et leur dou- ble fille mal vêtue, mal nourrie et surtout mal logée, tomba malade, et mourut dès les premiers froids du l'hiver. Ritta-Cristina furent très-soigneusement observées par Martin Saint-Ange. Serres et Is. Geolfroy Saint- Hilairc, et présentèrent plusieurs particularités cu- rieuses. Ainsi, leurs individualités étaient très-dis- tinctes; l'une souriait à sa mère tandis que l'autre pleurait; l'une dormait tandis que l'autre prenait Fiy.- A- — Janiceps. le seul de ta nourrice. Pinçait-on la jambe droi- te, liitta (sujet de droite) seule le sentait, et de même Cristina seule percevait les sensations de la jambe gauche. Mais les sensations étaient communes sur la ligne médiane du corps. Les deux sœurs étaient de santés bien différentes : tandis que Cristina avait vivacité et gaieté, belle apparence et bon appétit, sa soeur Ritta était maigre, sans appétit, et paraissait toujours souffrante ; enfin un arrêt de développement du cœur dans le genre de ceux dont nous parlions dans notre premier arti- cle, donnait à sa peau une teinte violacée. Aussi ce fut Ritta qui, par sa mort, causa celle de sa sœur. Placée dans les conditions misérables que nous avons dites, elle contracta une bronchite intense qui l'emporta en trois jours ; elle agonisait depuis plu- sieurs heures, que sa sœur ne ressentait encore qu'un très-léger malaise; « et celle-ci venait de prendre le sein, quant tout à coup, sa sœur expirant, elle ex- pira aussi. > A l'autopsie, qui fut faite avec beau- coup de soin par Serres, on trouva le rudiment de deux membres mfén'ïurs confondus eu un seul, cl tellement atrophiés qu'on n'en avait pas soupçonné l'existence pendant la vie. 11 est clair que sans la persistance du trou iriteraurioulaire chez Ritta et surtout sans les déplorables conditions hygiéniques où se trouvaient les deux sœurs, elles auraient pu vivre longtemps. C'est d'ailleurs ce que démontra l'histoire d'un xyphadolplie mâle, né en Ecosse. Élevé avec soin par ordre exprès du roi Jaques IV, il apprit plu- sieurs langues, devint Loti musicien, et vécut vingt- huit ans. a Tantôt, les deux frères se querellaient quand une chose plaisait à l'un et déplaisait à l'au- tre, dit le poëtc Iiuchanan, qui nous a rapporté leur Fig. 5. — L'ëpicome du Bbh^Ic, il'aprèa Home. histoire, et tantôt ils consultaient ensemble, » in- térim litigabant, quum aliud aliiplacerel; intérim veiut in commune consultabant. On cite encore plusieurs autres xyphadelphes qui ont vécu plusieurs mois, plusieurs années, même plus de soixante ans. Mais tous ces faits manquent d'authenticité. Nous ne décrirons pas en détail les monstres pa- rasitaires. Qu'il nous suffise de citer un Chinois, affecté de cette monstruosité, et d'autant plus re- marquable qu'il sentait les actions exercées sur l'in- dividu qui lui était soudé. On verra que les lois posées au commencement de cet article sont applica- bles aux parasitaires comme aux autositaires. il peut se faire que l'individu parasite ait un corps et un bassin tout à fait rudimentaires, tandis que ses membres ont au contraire un développement consi- dérable ; on a alors des êtres à quatre jambes ou à Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 542 LA NATURE. quatre bras. Nous n'insisterons pas davantage sur les polymétiens dont l'élude présente pourtant un liaut degré d'intérêt, et dont j'ai vu dernièrement un curieux exemple. Nous ne parlerons pas non plus des foetus inclus, sortes de tumeurs contenant des débris de fœtus que l'on tiouve parfois sur des individus bien con- formés d'ailleurs. Ces tumeurs fœtales ont pourtant une guindé importance théorique; mais nous avons bâte de parler d'une monstruosité dont on ne con- naît que deux spécimens, trop intéressants pour qu'on les passe sous silence : c'est Vépicomie, dont nous donnons (fi g. 5) un dessin fait d'après une gra- vure de Home. On y voit que ces monstres sont formés d'un individu bien conformé d'ailleurs, mais présentant sur le haut de la tête une seconde tête et un second visage tourné sens dessus dessous. C'est Everard Home qui observa le premier épi- corne au Bengale. Ce monstre, né en mai 1783, pa- rut tellement épouvantable à la sage-femme qui le reçut, qu'elle voulut tout d'abord purger la terre de sa présence, et le précipita dans le feu. On l'en retira, mais il conserva des traces de brûlure pendant toute sa vie, qui dura cinq ans; encore ne se terminâ- t-elle que par accident, un serpent à lunettes l'avant mordu pendant l'absence de sa mère. La tête accessoire tournait sa face sur le côté droit de la tète principale, et elle était assez incomplète- ment conformée : point d'oreilles; une petite mâ- choire inférieure et une langue assez imparfaite; les yeux étaient bien conformés, mais insensibles à la lumière qui ne resserrait pas leurs pupilles. Donnait- on le sein à cette bouche mal conformée, on lui voyait faire d'instinct quelques vagues mouvements du succion. Mais ce qui est plus bizarre, c'est que ce visage surnuméraire, qu'on pouvait chatouiller, pincer et piquer sarrs que le sujet principal en eût seulement notion, ce visage, qui n'avait pas de sen- sations propres, participait aux joies et surtout aux douleurs de la véritable tète; il s'épanouissait et perdait de la salive quand l'enfant tétait; il s'assom- brissait au contraire, quand l'enfant pleurait. On demandera sans doute ce qu'était devenu le corps de cotte tête surnuméraire; si ce monstre avait été disséqué, on aurait sans doute trouvé les rudi- ments de ce second corps dans une tumeur arrondie cachée par le menton sur notre gravure. C'est du moins ce qui existait chez un épicome qui vint au monde mort-né en 1828, près de Liège; il était à peu près semblable à celui-ci, mais bien moins inté- ressant, car le second visage était tout à l'ait atrophié. L'autopsie, qui fut faite avec soin, montra que les deux boîtes crâniennes communiquaient largement, mais contenaient des cerveaux insuffisants pour per- mettre à la vie de se prolonger. Nous avons terminé cette revue, un peu longue peut-être, mais encore bien incomplète, des diverses monstruosités qui peuvent affliger nos semblables. Jugeant celles qui sont compatibles avec la vie plus intéressantes que les autres, nous nous y sommes arrêtés davantage ; pourtant ce sont les moins nom- breuses ; la plupart ne permettent pas à l'existence de se prolonger, et à première vue, il semble qu'il faille s'en réjouir. Cependant n' avons-nous pas vu Millie-Chrisline heureuses de vivre ; les frères Sia- mois satisfaits mémo du lien indissoluble qui les unissait; bien plus, n'avons-nous pas vu ce bateleur qui n'avait qu'un pied, souhaiter à ses enfants une difformité semblable à la sienne? Qu'on nio. rende impotent, Cul do jatte, goutteux, manchot, pourvu qu'eu somme Je vive, c'est assez, je suis plus que content, Ke viens jamais, û mort! on t'en dit tout au:anl. Bkrtillos. LES GELÉES DU PRINTEMPS BIOÏKNS D'EN PRÉVENIR LES EFFETS. Les gelées du printemps ont déjà menacé nos jar- dins et nos champs, il est donc utile de savoir s'en préserver le plus possible, mais pour cela il faut bien connaître comment se forme la gelée blanche; on l'a appris sommairement dans les ouvrages de physi- que et de chimie, néanmoins, faute d'en bien saisir toute la théorie, on néglige d'employer des moyens simples et peu coûteux qui peuvent sauver des ré- coltes entières de fruits. C'est pourquoi nous redirons comment se produit la gelée blanche. Fendant la nuit, lorsque l'atmosphère est caimeet le ciel sans nuages, les plantes se refroidissent et acquièrent bientôt une température inférieure à celle de l'air qui les environne. Puisqu'un corps émet continuellement de la cha- leur, sa température ne peut rester stationuaire qu'autant qu'il reçoit, des objets environnants, une quantité de calorique précisément égale à celle qu'il perd par sa surface. Dès que les échanges instanta- nés ne sont plus dans cette conditioud'égalité, la tem- pérature du corps varie ; il peut même éprouver un refroidissement considérable, s'il est exposé durant une belle nuit dans un lieu découvert. Dans une semblable situation, un corps envoie vers toutes les parties visibles du ciel plus de chaleur qu'il n'en reçoit, car leshautes régions de l'atmosphère sont très-froides. La température intente du globe qui pourrait tendre à compenser la déperdition éprouvée par le corps rayonnant, atténue à peine le refroidis- sement, parce qu'elle ne se propage qu'avec une ex- trême lenteur, à cause de la faible conductibilité des matières terreuses. L'air enfin qui environne le corps, ne l'échauffé qu'infiniment peu, et plutôt encorepar le contact qu'en envoyant des rayons de chaleur, car les gaz n'ont qu'un pouvoir émissif très-borné. M. Boussingault a démontré qu'un thermomètre couché sur la terre accuse toujours une température inférieure à celle qu'indique un thermomètre sus- pendu dans l'air. La différence est d'autant plus forte que la faculté rayonnante des corps exposés est plus Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE 543 prononcées et qu'elle peut s'exercer sur une plus grande étendue du ciel. Toutes les causes qui trou- blent sa transparence, qui masquent ou rétrécissent le champ de l'hémisphère visible, nuisent au refroi- dissement nocturne. Un nuage, comme un écran, compense, en tout ou en partie, selon sa température propre, la perte de chaleur qu'un corps eût éprouvée en rayonnant vers l'espace. Le vent, eu renouvelant incessamment l'air en contact avec la surface des ob- jets qui tendent à se refroidir, amoindrit toujours d'une certaine quantité les effets du rayonnement. C'est donc alors que le ciel est pur, l'atmosphère calme, que le refroidissement nocturne atteint son maximum et qu'il est le plus nuisible aux cultures. C'est surtout au printemps et en automne que les effets nuisibles du rayonnement sont le plus à crain- dre pour les plantes, parce que le refroidissement nocturne amène assez fréquemment leur tempéra- ture à plusieurs degrés au-dessous de zéro. M. Iîoussingault dit qu'on peut établir d'une ma- nière générale que, sur les plateaux assez élevés pour posséder une température moyenne de 10" à 14°, les cultures sont exposées à souffrir de la gelée II arrive assez souvent qu'une récolte de blé, d'orge, de maïs ou de pommes de terre, donnant les plus belles espérances, est détruite dans une nuit par l'effet du rayonnement. Cette année nous n'avons pas encore eu trop à souffrir des gelées de printemps. Cependant nous avons remarqué dans la plaine que les luzernes étaient le matin couvertes de gelée blanche, et quel- ques heures après le lever du soleil, les feuilles étaient comme frisées et un peu jaunies, sans qu'il y eût cependant grand mal de produit. 11 est impos- sible, dans la grande culture, de préserver les plantes de la gelée blanche, mais il n'en est pas de même dans les jardins. Le plus petit abri au-dessus des ar- bres en espalier suffit pour les préserver, c'est ce qu'on pratique avec beaucoup de succès à Montreuil au-dessus des pêchers. La moindre planche, ou même une claie de paille, une simple toile posée au-dessus de ces arbres les garantit complètement ; cola s'ex- plique parfaitement parles expériences de Wells : un thermomètre posé sur une planche d'une certaine épaisseur, à un mètre au-dessus du sol, indique quelquefois, par un temps calme et serein, 5 degrés de moins qu'un second thermomètre (ixé sous la face inférieure de la planche. Avant qu'on sût que les corps placés à la surface de h terre deviennent, pendant une belle nuit, plus froids que l'air qui les entoure, on n'apercevait pas la raison de cette pratique, car il était réellement im- possible de concevoir que d'aussi minces écrans pus- sent garantir une plante de la basse température de l'atmosphère. L'emploi des nuages artificiels, mis à la mode de nos jours, se base sur la théorie que nous venons d'exposer. Déjà, M. Doussingault avait signalé, il y a vingt-cinq ans environ, ce moyen. « Quand ou réflé- chit, dit-il, dans sou Economie rurale, sur les nertes qu'occasionne aux cultivateurs la gelée causée par le refroidisse ruent nocturne, aux époques ou. les plan- tes ont déjà une végétation avancée, on se demande s'il n'existe pas un moyen praticable de préserva- tion? Je vais faire connaître une méthode suivie par les Indiens. u Lorsque les Indiens voyaient, à la nuit tombante, le ciel découvert et sans aucun nuage, craignant alors la gelée, ils brûlaient du fumier afin de produire de la fumée, et chacun d'eux en particulier tachait de faire de la fumée dans la cour, parce qu'ils disaient que la fumée empêche la geléo en faisant comme les nuages l'office do couverture, » Cette pratique est décrite par l'Inca Garcilaso de la Vega, dans ses Commentarios reaies del Pérou. Garcilaso était né dans la ville impériale do Cuzeo, et, dès son enfance, il avait vu maintes fois les In- diens faire de la fumée pour préserver leurs champs de maïs de la gelée. Les heureux effets de la fumée pour prévenir la congélation nocturne sont aussi signalés par Pline le naturaliste. Les expériences de nuages artificiels faites, l'année dernière, pour préserver les vignes ont donné des résultats satisfaisants. Dans certains pays on a l'habitude de faire usage de branchages de pins, de sapins, de petits fagots de sarments, d'herbages, de roseaux et, au besoin même, on emploie des paillassons appropriés à cet usage. Les toiles, soit simples, soit surtout légèrement gou- dronnées sont également en usage. Un des meilleurs moyens, c'est l'emploi des vol i - ges de bois blanc, tels que peuplier, sapin, saule, etc., lorsqu'on peut s'en procurer assez facilement. Pour garantir les vignes en plein champ, il esLiu- dispensable qu'elles soient plantées en ligne et que les ceps soient le moins élevés possible. Quant aux abris dits brise-vents, placés à des dis- tances plus ou moins rapprochées, on n'est pas d'ac- cord sur le rôle qu'ils jouent. Nous inclinons à croire qu'ils sont plus nuisibles qu'utiles. En effet, brisant le vent, ils arrêtent et paralysent son action qui met obstacle au pouvoir rayonnant des plantes et par conséquent à leur refroidissement. On a remarqué aussi que les surfaces, récemment remuées, rayon- nent davanlage et par conséquent se refroidissent beaucoup plus que celles qui sont dures et moins divisées; de là le conseil qu'un a donné de ne point façonner le sol des vigrres lorsqu'on doit redouter l'action du refroidissement. Ainsi, on voit combien est féconde en enseignements la théorie du rayon- nement des plantes. Erhest Hérault. — <*— LA GUERRE DES ASHANTIS -, LES FANTIS, Nous croyons devoir donner à nos lecteurs une 3 idée des peuplades singulières dont le nom était Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 344 LA NATURE. piesque inconnu cji Europe avant les événements de la côte d'Or. 3Nous parlerons aujourd'hui des Faillis, ces ennemis traditionnels des Ashantis, qui ont donné aux Anglais un contours plus utile peut- être que volontaire. Les Fantis, moins braves et plus dociles que les Ashantis, sont gouvernés par une multitude de petits roitelets qui forment une sorte de confédération grossière, placée sous le protecto- rat, c'est-à-dire sous la domination de l'Angleterre. Xotie première gravure, exécutée comme les au La coiffure d'une femme fonds. très d'après les croquis d'un membre de l'expédition anglaise, représente une scène très-commune dans le château du rat» Corse, capitale des établissements anglais. Une négresse se fait arranger, en pleine rue, son chignon par une sorte de coiffeuse, pendant qu'une femme du commun admire rédilice capillaire ^^S^œ^Hpi^^^ri Ilnnsc sacrée jVa femmes fautis- dressé avec tant d'art. Celle-ci porte sur sa tète, ce qui est la coutume du pays, une lourde caisse destinée à l'armée, mais dont le poids ne l'empêche pas de prendre intérêt à ce qui se passe. L'attention du groupe féminin est tellement absorbée qu'aucune de ces trois grâces nègres ne s'aperçoit que deux ca- nards cherchent à s'emparer d'une couleuvre. L'é- légante du château du cap Corse tient sur ses genoux un négrillon, et dans sa bouche une pipe culottée, dont elle ne consentirait point à cesser de faire usage. [.es plumes qui sont placées au sommet de la tète sont très-élégantes, très- soyeuses et teintes par la nature des couleurs les plus vives. Elles ne seraient déplacées sur la tête d'aucune de nos élégantes. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 315 Nous montrons aussi les femmes fantis exécutant une sorte de danse sacrée, en l'honneur des mânes des soldats Lianes que les Ashaatis ont tués dans la tiches le paradis des braves. Ces quatre femmes tiennent à la main des palmes et portent sur le corps des fé- guerre. Ces contorsions; dont nous devons renoncer à donner une idée, ont pour but d'ouvrir à ces héros Le principal rôle des Fantis, pendant la guerre, a été de servir de domestiques et de guides aux blano ■ MÉTÉOROLOGIE GÉNÉRALE M. le général Myer, directeur du Chief signal Office of ifie Army à Washington, vient de s'adres- ser à l'Observatoire de Jlonlsouris pour lui deman- der son concours dans le grand travail entrepris par l'Institut météorologique central des Etats-Unis, sur l'état simultané du temps à la surface de l'hémi- sphère nord. 11 serait utile pour le succès de l'en- treprise qu'un certain nombre de stations françaises y contribuassent par l'envoi de leurs documents : il nous paraît donc utile, dans l'intérêt de la science, de publier la circulaire américaine que nous com- munique l'Observatoire de Montsouris, afin de 1a mettre sous les yeux des météorologistes français. Ifs y verront d'ailleurs un exemple des efforts qui se font dans les divers pays pour l'avancement de la Météorologie au double point de vue théorique et pratique: _ « Les Etats-Unis prennent un intérêt spécial aux rapports et échanges internationaux au sujet d'ob- servations météorologiques simultanées, en raison de l'utilité pratique du travail qu'ils ont entrepris. On espère qu'un développement suffisant de ce système amènerait la solution satisfaisante de nombreuses questions qui, de temps en temps, surgissent d'elles- mêmes dans notre Office sans trouver de réponse jus- qu'à présent. Nous demandons en conséquence qu'il s'établisse entre l'Observatoire de Jfontsouris, à Pa- ris, et le Chief signal Office, à Washington, un 1 Yoy. n» 31 et 5J, p. 75 et 106. échange régulier de rapports uniformes dressés d'a- près les observations simultanées faites à autant de stations que possible parmi celles qui vous sonteon- fiées,"ou qui voudruut librement fournir leur contin- gent. a Les rapports embrasseront au moins la pression barométrique réduite à zéro, la température, le vent, la pluie, l'humidité relative et les nuages. Les ob- servations seront faites à 12 h. 52 m. 30 s., temps moyen de Paris, et expédiées parla poste le la et ie dernier de chaque mois. On remarquera que le tra- vail de nuit retombe, par cet arrangement des heures sur notre Office qui l'accepte avec plaisir. En retour de ces envois, on propose d'adresser par courrier à votre Observatoire le lo et le dernier de chaque mois le compte rendu des observations simultanées, pré- paré à cet effet dans la forme dont vous trouverez ci- inclus un spécimen correspondant à un seul jour. Les données à échanger sont destinées à subir, de la part de chaque office, telle applica:ion qu'il lui plaira. » On ne saurait trop applaudir à cet échange de documents entre les deux continents. La météoro- logie sera vraiment créée le jour où les observations de la surface entière du globe seront coordonnées et centralisées. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES sch l'influence que les modifications dabs LA PRIÏ5- SION BAnOMÉTniQUB EXEttCEHT SDH LES PHÉNOMÈNES DE LA Vit). (Suite. — Yoj. p. 306.) LA DIMInUTION DE PHESSI05. Nous aurons maintenant, après avoir montre l'im- portance et la variété des problèmes dont JI. P. Bert s'est occupé, à faire connaître à nos lecteurs les ex- périences par lesquelles il les a résolus. Ces expériences ont nécessité la construction de vastes et coûteux appareils, où des animaux d'assez grande taille ou des hommes mêmes, peuvent séjour- ner sous des pressions variables. Si M. Bert a pu les exécuter, c'est grâce à l'intervention généreuse d'un savant médecin, IL le docteur Jourdanct. Nous sommes heureux de signaler ce fait, si fréquent dans les pays anglais, si rare en France. Il est bon de noter que M. Jourdanet n'est point simplement un protecteur de la science. La question de l'iuihieucc longuement prolongée des faibles pressions barométriques, l'avait beaucoup occupé pendant un séjour de plusieurs années sur les liants plateaux du Mexique. 11 avait cru reconnaître, chez les habitants de ces régions élevées, à l'état de santé comme à l'état de maladie, des dispositions anémi- ques, qui s'expliquaient, selon lui, par la faible pression bareiné trique. Il admettait, eu effet, que, dans cette condition, il pénètre, il existe dans le sang moins d'oxygène qu'à l'état normal, d'où résnl- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA MATURE. terait un affaiblissement dans l'énergie des actes chimiques du la nutrition, une sorte d'anémie d'une espèce particulière, due non pas, connue celle de nos pays, à une diminution du nombre de globules con- tenus dans lo sang, niais à mie diminution de la quantité d'oxygène lixée à ces globules; cette ané- mie, il l'appela du nom un peu rébarbatif d'ano.ry- kemîe. Si nous insistons sur ces idées de JI. Jourda- net, c'est parce qu'elles ont été attaquées avec une étrange violence par quelques médecins du corps expéditionnaire mexicain, et surtout parce que les expériences de M. Rert sont venues en donner des preuves éclatantes. M, Beit a montré, en effet, par de nombreuses analyses du sang artériel de chiens soumis à diverses dépressions, que plus fortes sont celles-ci, moindres sont les quantités d'oxygène contenues dans un mémo volume de sang. Les expériences ont été faites dans le grand appareil représenté fig. 1. Ce sont, comme ou le voit, deux cylindres métal- liques, éclairés par des hublots de verre, et dans lesquels une pompe mue par la vapeur, permet d'ob- tenir de très-laibles pressions. Dans l'expérience sur les gaz du sang, un chien est lixé sur une sorte de cadre demi-circulaire (fig. 2), qui s'applique exactement sur la paroi interne de l'un des cylindres. De son artère carotide mise à nu sort un tube métallique qui traverse les parois du cylindre et débouche au dehors. Lue disposition simple et ingénieuse, sur laquelle nous ne pouvons y , f *ï ■■ «le pression aliiioiplieri.jue Fig. i. — Appareil de M. I 1 . Borl jiour l'ctuJfi de l'influence exercée p ir le 1 : diminutions .sur les LUii^ vivuuls. A, A'. Cylindres en tnle Loulonnéo, nvee Inildofs m verre. — B. Cylindie où l'on peu! faire à l'avance ht vide j 7 ccutiineh'es. — (!. Claude eloclic de verre eu peut rire lait, }j;if l'intrrmi'-dLdre du cylindre H, un vide m~tant:mé. — B, R'. Uol'iiu [s qui (■oniniumqueuL clniein avec l'un des cliudre- A, A', que sépare une poite niti'irie-ure, m ut|!3cc en piiinti.lé- — p. Holdnet de <: HTimiihiiailion avec C. — r, r\ d, d' , s, s', s". OuverLurca et roliineU pour prendre de l'uii' des cylindres, est rai le le san^, etc. — a, a'. Theiinnniôue». — m, ni'. M iu- inètrËS. insister ici, permet, tout en évitant la formation dos caillots, de prendre lo sang au moment voulu, sans laisser l'air extérieur rentrer dans l'artère, ce qui occasionne souvent de très-curieux accidents. L'opé- rateur, placé au dehors de l'appareil, tire le sang avec une seringue graduée, et en extrait les gaz à l'aide de la pompe à mesure, instrument des plus intéressants, que nous décrirons dans une de nos prochaines livraisons. Or il résulte des nombreuses analyses de M. P. Bert que, dès la pression de 55 cent, (à peu près celle de Mexico), on trouve constamment diminuée lariebesse en oxygène du sang; l'appauvrissement fait bientôt des progrès bien plus rapides. Les moyennes mon- trent que la quantité d'oxygène contenue dans 100 Yolumesde sang artériel étant enviinn '20 volumes, elle devient à peu près 18 à 56 cent., 16 à 45, 12 à 55, 10 à 25, 7 à 17 cent.; c'est-à-dire que le sang artéiicl est, à partir de f>0 centimètres, plus pauvre en oxygène que du sang veineux ordinaire. L'acide carbonique du sang diminue dans des proportions à peu près semblables; mais n'insistons pas sur ceci. Il résulte des faits que nous venons de résumer en quelques ligues, que sous l'influence de la dé- pression, les animaux sont privés d'oxygène comme dans l'asphyxie. M. Rert a poussé très-loin, expéri- mentalement, ce parallèle curieux. Il est fort simple de comprendre après cela les troubles soudains et violents du mal des montagnes, les accidents lents et durables qui menacent les habitants réguliers des hauts lieux. Mais les analyses des gn.n du sang ne pouvaient Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 357 montrer si, oui ou non, quelque nuire influence viendrait se mêler à celle du la diminution d'oxy- gène. La diminution de la pression baroméli ique agirait-elle en outre comme phéuomèii" d'ordre mécanique, aius-i que l'ont voulu tan I, de, médecins et de voyageurs, heureux d'expliquer si aisément lu rougeur turgescente de la l'ace, les congestions, les hémorrliagics, qui frappent les aérouautes et les vovageurs eu montagnes, ii. l'crt a prouvé' péremp- toirement, et par des méthodes expérimentales mul- tiples, qu'il n'en est rien, et que l'action de la diminution de pression n'est rien autre chose que celle de la diminution d'oxygène dans le sang. Nous :e..:<>uoiiandons à nos lecteur» le premier chapitre du mémoire de M. P. lîcrt, dans lequel se trouvent étu- diées les conditions de la mort d'animaux soumis et maintenus en vases clos à des décompressions di- verses. Rien de plus curieux que cette formule simple, embrassant des centaines de résultats : la mort survient lorsque le produit de la pression baro- métrique par la proportion centésimale de l'oxygène contenu dans le milieu gazeux, arrive à égaler un certain nombre, un nombre constant (5, 5 pour les moineaux). Mais nous ne saurions nous appesantir sur ces laits. Une expérience fort saisissante et très-facile à ré- péter, met en lumière l'influence prépondérante de la tension de l'o^y^èiie dans les phénomènes de la iÇ| fig. 2. — Supporl (!r, tiar à rnsporimentalinn sur un chien. dépression, et l'action presque nulle de la pression Lirumétrique elle-même. Un moineau fut placé sous une cloche, où une ma- chine pneumatique opère une dépression graduelle. L'oiseau très-malade vers 25 cent. , se renversait mou- rant à 20 cent.; on rétablit alors la pression nor- male, en faisant rentrer dans la cloche non de l'air ordinaire, mais de l'oxygène. L'oiseau étant bientôt remis, on recommença à décomprimer, les accidents n'apparurent alors que vers 18 ou 15 cent.; une nouvelle rentrée d'oxygène augmenta encore la tolé- rance, et on put arriver jusqu'à 7 ou 8 cent, sans tuer l'animal. Mais rien ne saurait remplacer en des matières où il faut pouvoir se rendre compte de sensations que les animaux ne sauraient exprimer, l'expérience faîte sur l'homme. M. P. Bert l'a compris, et il s'est sou- mis lui-même à des épreuves à la hardiesse de-quelles il faut rendre hommage. Nous n'en citerons qu'une, la plus remarquable, il est vrai. L'expérimentateur se plaçadansles grands cylindres figurés plus haut. La pompe à vapeur faisait le vide. Vers la pression de 45 cent., commencèrent les phé- nomènes du mal des montagnes : nausées, dégoût, faiblesses, etc.; le pouls était monté de GO à 85. A ce moment, M. Bert se mit à respirer un air arti- ficiel, où l'oxygène se trouvait à la proportion de 75 cent., air contenu dans un ballonnet. Instantané- ment, les malaises disparurent et le pouls retomba à sa valeur première. Et cependant le baromètre baissait toujours et atteignait après plus d'une fleure le niveau de 25 cent, correspondant à 8,850 mètres. C'est à cette hauteur que M. Glaisber, dans la célèbre ascension avec M. Coxvrell, tomba sans connaissance Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 358 LA NATURE. dans le fond de sa nacelle (Voir ta Nature du 25 avril 1871, p. 526). Cette hauteur est égale à celle du plus élevé des [lies terrestres, le Gaourichnika du Népaul, qui devient, ainsi accessible, au moins théo- riquement. Ainsi, selon lajusteexpressionde M. Bert, on peut dire que « désormais la terre entière appar- tient à l'homme. » Cette expérience saisissante renferme et résume, en quelque sorte, toutes les autres 1 . Nous renvoyons au mémoire déjà cité pour l'étude approfondie, l'ex- plication complète et minutieuse des phénomènes que présentent les aéronautes qui s'élèvent tans fa- tigue dans les airs, les voyageurs qui gravissent, pé- niblement le flanc d'une montagne, les hommes qui habitent régulièrement les régions élevées du globe. Grâce à celte a vue simple et supérieure » de la désoxygénalion du sang, tout s'éclaire, et l'accéléra- tion du pouls, et la rapidité respiratoire, et la fai- blesse musculaire, et les troubles nerveux, médul- laires, cérébraux, et l'abaissement de température, et la moindre proportion d'urée formée. Nous devons nous conteiilerde cette indication, et passer à l'étude de l'augmentation de pression, qui a fourni à M. P. Bert l'occasion d'une découverte, selon nous, bien plus intéressante encore. D' Z. — La suite prochainement. — ACHROMATISME OPTIQUE ET ACHROMATISME CHIMIQUE. (Suite et fin. — Voj. p. 353.) II Si, dans une chambre noire, après avoir déterminé la position d'un écran, de telle sorte qu'il s'y forme l'image nette de certains objets extérieurs, on place au même point une plaque daguerrienne sensible, ou un papier photographique sensible, on sait qu'on obtient, sur la plaque ou le papier, après diverses manipulations, la représentation exacte de l'imago, le portrait do l'objet extérieur. Sous l'influence de la lumière, la couche sensible, quelle qu'elle soit, a subi une décomposition limitée en certains points et nulle en d'autres ; la décomposition correspond aux points où les rayons lumineux formaient un foyer, et ne se manifeste pas aux points sur lesquels ne tombe pas de lumière. Tel est le principe général sur lequel sont basés le dagucrréolvpc et la photo- graphie ; nous avons maintenant à l'étudier avec quelques détails au point de vue optique. En taisant arriver, sur une plaque sensible, les rayons qui constituent un spectre solaire, on est frappé, particulièrement par les deux faits suivants: la plaque n'est pas également impressionnée dans toute l'étendue de ce spectre, les parties correspon- ' Nos lecteurs connaissait déjà l'application qu'ont faiie, dan» leur ascension désorniais célèbre, JIM. Crocfi-KpinelLi cl Sivel, de la découyerte de M. Bert. (Voy. p. 302 et 32B.) dont au violet produisent un maximum d'impres- sion, et le rouge donne, sinon une action nulle au moins un minimum; d'autre part, la plaque a été impressionnée au delà du violet, dans une partie où l'œil ne distinguait aucune lumière. Ces remarques conduisent à admettre que les di- vers rayons solaires, rayons qui nous procurent des sensations différentes de couleur, et qui, physique- ment, sont caractérisés par dos indices de réfraction différents, possèdent des actions différentes au point de vue des décompositions chimiques (comme on sait d'autre part que cela se manifeste pour les phé- nomènes calorifiques), en outre, il y a des rayons plus réfraugiblos que le violet, qui, pour une cause quelconque , ne sont pas appréciables par noire œil, mais qui possèdent à un haut degré la faculté de produire des actions chimiques. Bien que ces rayons ne soient pas les seuls qui agissent chimiquement, nous désignerons particulièrement sous le nom de rayons chimiques les rayons invisi- bles et susceptibles de décomposer certains corps tels que les sels d'argent. Les rayons les plus énergiques au point de vue chimique se trouvent dans la région bleue ou violette du spectre, ou même au delà danslapartieiuvisiblo, il n'y a là rien d'absolu, du reste, et la nature de la source lumineuse a une influence considérable. Quoiqu'il eu soit, dans le cas de la formation d'une image daguerrienne ou photographique, c'est pur les rayons chimiques que se produisent les images sur la plaque sensible. Comme ces ravons ont un indice de réfraction propre, ils donnent après leur passage dais les lentilles un foyer qui ne se confond avec aucun des fovers des diverses couleurs, mais qui se trouve plus près de la lentille que le foyer violet. ; c'est-à-dire que lorsqu'un écran est mis au point pour les rayons rouges, bleus, violets, il ne l'est pas pour les rayons chimiques. Si l'on emploie une lentille achromati- que, on aura bienfait coïncider les fo\crs orangés et bleus, mais non pas les autres, et particulièrement le foyer chimique; autrement dit, en mettant au point, avec une lentille achromatique, on obtient une image sensiblement nette ; mais elle cesserait de l'être si les rayons chimiques devenaient visibles taudis que les rayons lumineux deviendraient invisibles; donc l'image produite par la décomposition de la couche sensible sous l'influence de ces agents chimiques ne sera pas nette dans ces conditions comme elle le se- rait si la plaque était au foyer des rayons chimiques. Le manque de netteté auquel nous faisons allu- sion est faible, c'est peu de chose et l'on peut, en gé- néral dans la pratique, le négliger; on se contente de mettre au point pour que l'image visible soit nette et l'on met la plaque sensible à l'endroit ainsi déter- miné. Les petites différences que nous signalons dis- paraissent en général et l'on peut par cette méthode obtenir de très-belles épreuves photographiques ; mais, dans quelques cas rares, la précision ainsi ob- tenue est insuffisante. C'est ce qui arrive, par exem- ple, dans le cas où l'on veut prendre des images Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 559 photographiques du soleil ; c'est le cas surtout lors- que ces images doivent servir ultérieurement à pren- dre des mesures précises qui seront le point de dé- part de calculs importants, de déterminations capi- tales ; c'est, par exemple, le cas de l'observation photographique du passage de Vénns sur le disque du soleil, passage d'autant plus intéressant qu'il est plus rare ; ce n'est pas ici d'ailleurs qu'il convient de traiter cette question. Il nous sulfira de dire que l'une des méthodes d'observation que l'on se propose d'employer consiste dans l'obtention d'images photo- graphiques du soleil, images qui correspondront à des instants éloignés seulement de quelques secondes et telles que chacune sera effectuée en quelques mil- lièmes de seconde. On peut concevoir le degré extrême de précision qu'il faut s'imposer dans de semblables recherches: les procédés ordinaires ne présentent pas une exacti- tude suffisante. Le problème consiste évidemment à pouvoir mettre une plaque sensible exactement an foyer des rayons chimiques, en connaissant le foyer (supposé unique pour l'emploi d'une lentille achro- matique), des rayons lumineux, foyer qui est visible et qui donne une image appréciable. Le problème a été résolu d'une manière très- élégante par M. A. Cornu qui, dans la commission du passage de Vénus, était plus spécialement chargé de la partie physique : il a montré que l'on peut, dans le cas d'un système convergent formé de deux lentilles et achromatique dans le sens ordinaire du mot, après avoir mis un écran au point quant à l'image lumi- neuse, faire qu'il soit au point également pour les rayons chimiques. Il suffit, pour atteindre ce résultat important, d'écarter l'une de l'autre les deux len- tilles qui constituent le système, le degré d'écarte- ment devant varier naturellement avec les conditions de l'expérience. Ce simple changement qui peut très- lacilement se réaliser dans la pratique, suffit pour donner une image photographique ou daguerrienue. Le moyen indiqué par M. A. Cornu ne passera pas certainement dans la pratique journalière de la pho- tographie; les procédés employés actuellement sont bien suffisants dans ee cas ; mais nous ne serions pas étonnés qu'ils étendissent le nombre des cas dans lesquels l'observalion photographique est substituée à l'observation directe. Les photographies reprodui- sant des objets vus au microscope, pourront sans doute être obtenues nettement d'une manière sim- ple par l'emploi de cette méthode qui évitera des tâtonnements, des essais, des pertes de temps par suite. Mais quand bien même l'achromatisme chimi- que ne serait pas susceptible de nombreuses applica- tions, et que son emploi serait réellement restreint à quelques observations astronomiques ne se reprodui- sant que de loin eu loin, il nous paraît que ce nou- veau travail de M. A. Cornu méritait d'être au moins signalé rapidement. Indépendamment de l'intérêt incontestable qu'il présente, il aura fourni l'occasion d'appeler l'attention sur quelques points de l'optique dont la connaissance peut n'être pas sans utilité et qui donnent l'explication de certains phénomènes sur lesquels nous nous proposons de revenir une autre fois- C.4I. Cariel. U TERRE DE FEU Nous avons déjà entretenu nos lecteurs de la belle expédition de M. Pertuiset, dans l'archipel de Magel- lan, ouest située cette curieuse Tcrre-de-Feu, dont le sol dénudé et le climat très-froid et très-rigoureux, ont toujours éloigné les voyageurs. Découvert par Magellan en 1520, ce pays fui. visité, en 1768, par Cook, mais les- renseignements fournis jusqu'ici à son égard, ont toujours été très-vagues et très- incomplets. M. Pertuiset a adressé récemment un rapport sur les résultats de sou voyage, à Son Exe. M. Hauez, ministre des relations extérieures du Chili. L'illustre voyageur français a eniluré de grandes fa- tigues, affronté bien des périls, pour parcourir de tristes régions, qui n'en offrent cependant pas moins des renseignements rie toutes sortes, dignes d'être enregistrés dans les annales de la science : « Au point de vue géologique, dit M. Pertuiset, la Terre-de-Feu n'est pas d'un grand intérêt; partout des terrains d'alluvion, des marnes ou des sables : or ces terrains no renferment aucune richesse miné- rale. Un instant nous avons cru à un changement dans la constitution du sol. La terre était légèrement rougeâtre, sa couleur semblait promettre du mercure ou tout au moins du fer, mais il n'en était rien. En effet le lendemain, dimanche 28 décembre 1873, j'or- donnai des éludes; le résultat de nos sérieuses re- cherches ne fut pas celui que nous espérions. Nous étions en présence de simples marnes- calcinées. Comment expliquer leur existence ? Bien des suppo- sitions peuvent être faites ; le sud de l'Amérique est certainement un des points où la croûte terrestre a été plus tourmentée, et les volcans ont été très- nombreux dans les pays du détroit de Magellan. C'est sur ces considérations que nous nous sommes basés pour rattacher ces marnes à une éruption volca- nique. « Le mercredi 31, nous avons eu encore des es- pérances : ayant trouvé sur notre route du minerai de fer, je fis prendre quelques échantillons ; leur richesse était incontestable; des fouilles furent faites le l 8 ' janvier. Nous n'avons obtenu que de la marne et du sable ; cependant, sur un grand espace, ta surface du sol est couverte de minerai. Malgré ces apparences, la nature du sol ne présentant aucune modifiealion, ne sommes-nous pas autorisés à attribuer la présence du minerai aux mômes causes qui nous ont donné pré- cédemment les marnes calcinées? Sur cette partie de mon rapport, je conclus néanmoins que l'on peut faire des découvertes, mais à la condition d'exécuter des travaux que leur importance nous rendait im- possibles, « Je passerai sous silence les terrains parcourus jusqu'au 6 janvier; ils sont tous comme les préeé- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 300 LA NATURE. dénis. A partir de cotte époque nous longeons la côte sud de la baL' Inutile, et le sol prend une apparence schisteuse qui se prononce rie plus en plus à mesure qu'on s'avance sur l'ouest. « La richesse agricole présente des résultats dif- férents. Ce n'est pas cependant que nous avons ren- contré des terrains cultivés, quoiqu'en de nombreux endroits, la pomme de terre, l'avoine, le seigle et autres denrées puissent parfaitement réussir. Ln flore n'offre guère d'autres plantes que celles qui viennent naturellement, dans le sud de la Patagonie et dans le nord de l'Europe. Le pays même n'est pas riche en bois, à part quelques collines exposées au nord. Il en est autrement quand on passe du côté sud de la baie Inutile. Alors, avec le nouvel aspect des terrains, on doit constater une nouvelle, végétation riche et assez vigoureuse. Plus de mauvaises broussailles et de petits bois isolés, mais des arbres bien venus, des i'orèts vierges immenses remplies d'aubépines, de lauriers, de fuchsias ; nous avons même trouvé des cannelles, des cinéraires, quelques ebétifs cauiel- lias, etc., etc. « Toutes les vallées que nous avons traversées, val- lées immenses, que rarement nous avons pu parcou- rir en entier, sont fertiles en gras pâturages. Nos chevaux s'y plongaiont. jusqu'au poitrail et parais- saient apprécier la qualité du fourrage. Ce^ vallées ont été, par leur situation abritée, jugées favorables pour l'élevage. La température que l'on croyait mau- vaise nous a donné à midi une moyenne de 1G à 20 degrés centigrades. « Quant àce qui concerne les habitants de laTerre- de-Feu, nous n'avons vu que très-peu de naturels ; épouvantés par la vuede nos chevaux (ils paraissaient connaître nos fusils, nos revolvers les étonnaient), les Feugiens se tenaient à deux ou trois journées de notre colonne. Très-difficilement on a pu les appro- cher: en somme, nous ne les avons surpris que trois fois ; à la deuxième fois, ils étaient au nombre de '-'0 ou 30. « Dans chaque rencontre, nous avons jugé que leur type n'est pas aussi repoussant qu'on l'avait supposé; il est même beau et bien certainement su- périeur au type patagon, auquel ou doit les rattacher. Les Feugiens sont de belle taille, bien membres ; leur teint blanc est brûlé par les vents de la côte. La saleté de toute leur personne ferait presque dou- ter de leur couleur. « Les hommes ont la chevelure très-épaisse et ils la portent à la façon, des Patagous ; les femmes se coupent les cheveux au-dessus de la tête et laissent, tomber deux nattes à droite et à gauche. Lcshnmmes sont imberbes ; à peine sur quelques-uns remarque- t-on un poil follet très-peu abondant. « Des peaux d'animaux, qu'ils jettent sur leurs épaules, les protègent contre le froid. A l'eneontre des l'atagons, ils laissent la fourrure tournée en dehors. Quelques-uns portent des chaussures en peaux de rats, et rehaussent leur costume par une peau de guanaco ou de goëland, de forme triangu- laire, qui retient leurs cheveux: les femmes portent, en général, pour cacher leur nudité, une petite peau de rat, que nous n'avons vue sur aucun homme. Flics se parent de colliers et de bracelets fabriqués avec des coquillages. « Le langage de ces habitants se rapprocherait du patagon sans être le même; leur nourriture consiste en moules, en poissons ; ils mangent aussi des rats, des oies et des canards sauvages, et des guanacos qu'ils chassent à l'affût. « Comme armes, ils ont des flèches en bois durci au feu avec une pointe en silex ou en verre (débris de bouteilles rejetés sur le rivage) ; ils les lancent au moyen d'un arc en bois que sous-tend une corde tressée de boyaux d'animaux ; ils ont aussi des frondes qu'ils manient, avec une grande habileté. En somme, ils sont très-inof'fensifs. > LES POISSONS FOSSILES DE PUTE AUX Au commencement de -1 872, des ouvriers exploi- tant à la porte même de Paris le calcaire grossier de l'uteaux, rencontrèrent un banc qui contenait d'in- nombrables empreintes de poissons fossiles. Immédiatement prévenu, je me rendis sur les lieux, et je pus admirer, enepre en place, la merveil- leuse trouvaille qui venait d'être faite. Les pois- sons, conservés jusque dans les moindres détails de leur squelette et de leur tégument, étaient accumu- lés les uns sur les autres et semblaient avoir succombé à la suite d'une action violente. Ou aurait dit qu'un c:itaely»inc local avait subitement desséché la mpr qu'ils habitaient ou que l'arrivée d'émanations em- poisonnées en avait tout à coup rendu les eaux mortelles, Du moins n'expliquerait-on pas aisément d'une autre manière les contorsions que présentent souvent ces animaux et qui rappellent les allures tourmentées des poissons fossiles du Mansfeld et d'ailleurs. Je pris parmi les débris entassés par les carriers un certain nombre de morceaux bien conservés qui furent déposés dans la collection du Muséum, et leur étude montra que l'animal dont les vestiges étaient ainsi retrouvés n'est autre que Vhemirhynchiis Des- kayesi, d'Agassiz, poisson rarissime jusque-là. Quand il créa le genre hemirhynchus, Agassiz n'avait à sa disposition qu'un échantillon incomplet. Aussi écrivait-il : « Il est à regretter que cette es- pèce si importante en ce qu'elle établit un passage entre deux types assez différents ne soit pas connue dans tous ses détails. Nous n'en connaissons jusqu'ici que la tête et une partie de la colonne vertébrale, mais à en juger par sa physionomie générale il pa- rait que c'était un poisson très-allongé. » Depuis cette époque, M. le professeur Paul Cervais a inséré dans son bel ouvrage, Zoologie et paléontologie fran- çaises, une ligure d'un échantillon beaucoup plus complet de l'hémirhynchus, ou, peut-être, d'un pois- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 502 LA NATURE. son mi peu différent qui, ayant les deux mandihiiles sensiblement égales, doit se ranger dans le genre palœorhynchus de Blamville. En 1855, M, Hébert retrouva trois échantillons incomplets de Vliemi- rhynchus à IVanterre, et montra que réellement les mâchoires sont inégales, comme l'avait signalé Agas- siz, en asseyant sur ce fait le caractéristique du genre qu'il eréait. Enfin, l'année dernière, M. Van Beneden signalait dans le terrain hruxellien un frag- ment dfi poisson, qui paraît appartenir à l'hémi- rliyuchus et dont les vertèbres sont admirablement conservées. Mais c'e^tà peu près tout ce qu'on savait jusqu'au moment de la découverte de Puteaux, au sujet de cet animal. On conçoit combien if était désirable d'assurer la conservation des empreintes de Puteaux, en les fai- sant figurer au Muséum dans notre grande collection nationale. Mais des difficultés de plus d'un genre s'opposèrent pendant longtemps à leur acquisition. C'est seulement au bout de deux années que la grande plaque de près de 3 mètres de côté que re- présente la planche ci-jointe put enfin être transpor- tée au Jardin des piaules. Elle a été sciée en quatre morceaux qui se rajustent presque exactement. Actuellement le public ne peut être admis à la voir et notre dessin emprunte à cette circonstance un intérêt de plus; mais, dans peu de temps elle sera installée sous le péristyle de la galerie de géolo- gie, dans des conditions de nature à assurer à la fois son élude facile et sa conservation indéfinie. Grâce à ce magnifique échantillon, on pourra combler tontes les lacunes de la description d'Agas- siz. Disons seulement, pour le moment, que ïhetni- rhyrwhus appartient à la famille des scornbres et at- teint parfois 90 centimètres de longueur. Il porte tout le long du dos une nageoire continue. L'acquisition de la plaque à hemirhynchus de Puteaux sera mise par tous les amis des scienees na- turelles sur le même rang que celles dont le Muséum s'est enrichi récemment, de l'homme de Menton, des l'aJosotherium et Ànoplotherium de Vitry, du Meyatheriuwi de Montevideo, etc. Stanislas Meunier. LA RÉUNION DES SOCIÉTÉS SAVANTES (Suite et fin — Yuy. p. Ml, 354 et 346 ) Parmi le» mémoires quenous voudrions analyser en dé- tail nous citerons V Hygiène de la première enfance, de M. C\ron, qui a donné il ses recherches le nom énergique rie Puériculture. Malheureusement nous ne sommes point encore assez éclairés pour bien apprécier l'influence que le. physique exerce sur le moral et pour comprendre que l'é- ducation morale doit être précédée par un emploi systé- matique de tous les moyens physiques. 11. Dauiioi, professeur de physique au lycée de Peinas, t'est adonné à l'étude des figuras de Lichtenberg. Ces étranges dessins sont au nombre des faits incontestables qui démontrent que les deux électrici tés ont des propriétés dynamiques aussi différentes que celles de l'oxygène et de l'hydrogène. Je les comparerais volontiers aux différences d'effets constatées clans les tubes de (Jeissler près dus pôlei eux-mêmes, comme les tubes remplis d'hydrogène per- mettent de le voir avec tant de facilité. M. Jacqueuin, membre de la Société ries sciences et de médecine de ISancy, et M. Guiteau, préparateur de chi- mie à Poitiers, ont donné deux mémoires remplis de faits chimiques du plus haut intérêt. Le dernier de ces deux auteurs s'est occupé des différents produits que l'on tire parla distillation de l'Assa fœtida. Le premier a traité de l'acide chrornique, corps dont l'importance grandit chaque jour, et qui trouve tant d'applications dans la photogra- phie aussi bien que dans l'électricité. M. Ci. Acrtchon, membre de la Société des sciences de Poligny, petite ville, grande par son activité hors ligne, et centre d'une multitude de travaux intéressants, a analysé le bruit que font les insectes hyménoptères en volant. lia fait justice des théories absurdes qui attribuent ces bruits à des causes singulières, tandis que l'agitation des ailes donne un moyen simple et facile de tout expliquer. M. Vicaire, vice-président de la Société de l'industrie minérale, a présenté le détail de recherches sur la loi de l'attraction astronomique et sur les mesures des différen- tes planètes du système solaire. La représentation des quantités imaginaires a préoccupé à deux points de vue diltérents deux savants, M. Maillard, professeur de mathématiques appliquées à Paris, et M. Tru- meau, membre de la Société philomatlque de Verdun. Le second a présenté une théorie géométrique des lignes trigonoméiriques imaginaires. M. Maillard, inaugurant en quelque sorte un nouvel ordre de recherches, s'est attaché a déterminer les relations qui existent entre la géométrie imaginaire et la théorie des forces. Enfin citons encore avec éloges une nouvelle méthode assimilable et iransmissible d'enseignement des sciences exactes par M. Lacaut, membre de la Société académique de Troyes, et de nouvelles recherches magistrales sur la fluorescence et l'illumination, par M. Lallemand, doyen de la [''acuité des sciences de Poitiers. Un certain nnmhre de, délégués nu de membres de la réunion avaient eu l'excellente idée de mettra en distri- bution des brochures dans lesquelles ils exposaient leurs idées. Nous citerons parmi les plus curieuses la notice sur l'Observatoire du pic de Bigorre, la machine pour sonneries cloches, et le nouveau résumé de la doctrine de M. Tremeau, lauréat de l'Institut. Nous devons enfin une mention spéciale aux mémoires qui ont eu l'honneur d'être résumés dans le rapport dont M. Blanchard a donné lecture dans la séance solennelle de la distribution des prix. Étude des étoiles filantes, par M. Martins, au Mans ; Le Breton, à Sainte-Honorinc-du-Fay; Giraud, directeur de l'É. oie normale d'Avignon. Parmi le grand nombre d'ob- serval! urs que la persévérante initiative do M. Le Verrier a suscités sur différents points du territoire, le rapport de M. Blanchard a donné une mention honorable à ces trois savants. Il ne faut pas oublier que de toutes les ns- tions civilisées la France est la seule qui soit restée long- temps en arrière pour l'étude des étoiles filantes. La question des étoiles filantes est encore dans l'en- fance, on ne peul deviner que très-vaguement 1'iinporhrice des révolutions que leur étude introduira dans noire science. Vent, ta direction et ta force observée» à Perpignan, avec un anémomètre électrique, par M. FiriES. Ce beau travail a valu a son auteur la seule médaille d'or accordé* Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 363 à la section des sciences. Les anémomètres de SI. Fines sont enregistreurs, et marquent sur un rouleau analogue a celui des télégraphes Morse la direction des vents ;iiusi que. leur intensité. Un des anémomètres a été pris pour point de comparaison et a servi à mesurer le rapport des vitesses. L'anémomètre type se trouvant à 4 mètres du sol, plusieurs anémomètres de comparaison ont été placés à des hauteurs variables, les uns dans la ville el les autres dans la campagne. Si nous faisons abstraction des différences secondaires, nous arrivons en nombres ronds aux résul- tats suivants: 4 mètres du sol, vitesse moyenne. . . 1 00 7 mètres du sol id. ... 1 23 18 mètres du sol id. ... 1 C3 30 mètres du sol id. ... 1 81 Ce résultat est de la même nature que celui que M. Glai- sher a tiré de la comparaison de ses ascensions. Plus on s'élève, plus la vitesse des mouvements est considérable, quelle que soit leur direction. Il eu résulte qu'en exécutant une ascension en hauteur, même en temps de calme, on est assuré de faire de la route. Ce résultat tient à. la moindre densité de l'air, à la moindre influence des frictions, et peut-être à d'autres causes dont l'analyse serait trop longue. Mais il est possi- ble d'en tirer une preuve inattendue eu faveur des théories d« Donati, le fondateur de la météorologie cosmique. En effet, les choses se passeraient évidemment da la sorte si lis causes des grandes perturbations atmosphériques se trouvaient dans la région supérieure et se communiquaient de proche en proche d;ms les régions voisines de la terre, dans les bas-fonds de l'océan aérien. Recherche des comètes et des petites planètes, par M. Bobelit, de l'Observatoire de Marseille. Ce beau travail a valu une médaille à son auteur. Jamais récompense ne fut mieux méritée. On peut dire de Borelly ce que Boiloau a dit de Louis XIV : Grand roi cesse de vaincre, ou je cesae d'écrire, car chaque année les découvertes de M. Borelly se succè- dent. Le collègue de M. Borelly, M. Coggia, avait déjà reçu l'an dernier une récompense analogue. Description géologique de VAuxois, par M. Collekot. Cet ouvrage est d'un genre particulier beaucoup trop rare. En effet l'esprit de décentralisation doit surtout s'appliquer à l'étude des collections et descriptions locales. C'est ainsi que chacun arrivera à s'attacher au cœur de la ré- publique ouïe sort l'a fait naître. M. Collenot n'était pas cette année le seul savant ayant eu le bon esprit de s'oc- cuper de son pays natal, car M. Fabre, membre do la So- ciété d'agriculture de la Lozère, a donné un très-beau mé- moire sur la géologie des environs duMende, chef-lieu de ce département. M. Legrand, membre de la Société d'a- griculture de Saint-Etienne, a donné une très-heureuse statistique botanique sur le Forez. Kous terminerons notre compte-rendu sommaire, par la liste des lauréats : Médaille» d'or. — MM. l'abbé Aoust, professeur a la faeullé dos sciences de Marseille : mathématiques; Bornet, d'Anlibes : recherches sur les lichens; le D' Fines, de Perpignan : météorologie; P. Minière, de Cannes : méta- morphoses des lépidoptères. Médailles d'argent. — MM. Àllegret, professeur 1 la faculté des sciences de Clermont : mathématiques; Borelly, 3stronome adjoint à l'Observatuire de Marseille : astrono- mie ; Chantre, sous-directeur du Musée d'histoire natu- relle de Lyon : géologie; Collenot, de Semur : géologie de l'Auxois; Delfortrie, de Bordeaux : paléontologie; Gi- raud, directeur de l'Ecole normale primaire d'Avignon : météorologie; Lennier, conservateur du Muséo d'histoire naturelle du Havre : zoologie; Massieu, professeur à la faculté des Sciences de Rennes : mécanique; Péron, de Montauban : géologie, de l'Afrique; Puchot, préparateur de chimie à la faculté des sciences de Caen : recherches sur les alcools. Avant la distribution des récompenses, M. le niinislra da l'instruction publique a prononcé un discours remar- quable, où il a fait très-judicieusement l'éloge des sociétés savantes. \Y. de Fokvielle. LES EXPLORATIONS SOUS -MARINES' L'élément liquide comprend les deux tiers du globe; nous connaissons très-imparfaitement la partie ter- restre et nous ignorons tout à fait celle qui est cachée sous les eaux. Les anciens géographes ne nous ont légué, que des notions mythologiques. On avait môme persévéré dans cette ignorance jusqu'à ces dernières années, malgré les progrès incessants de l'art naval et des applications industrielles de la science. II était nécessaire qu'il se produisît un événementsolennel, pour décider un mouvement en faveur de ces recher- ches. Dès 1855, la pose des câbles télégraphiques obtint assez de succès pour qu'on songeât à réunir entre eux le nouveau et l'ancien monde. Les recher- ches sur les grands fonds de l'océan Atlantique inau- gurèrent une ère nouvelle dans les investigations sous- marines. L'océan renferme dans ses abîmes des documents les plus utiles à la géographie, à la biologie et à l'histoire du globe. L'étude du fond de la mer est le complément des connaissances sur l'organisation phy- sique delà terre. Cette immense étendue liquide dont la terre est en partie enveloppée, ne saurait être privée de la vie, quand la surface des continents offre dans sa flore et dans sa faune une si grande variété alliée à une re- marquable opulence. Il existe là tout un monde dont les sujets aériens ne sauraient donner uue idée suffi- sante. L'organisation des êtres est compatible avec les différentes profondeurs pour lesquelles ils ont été créés. Celle des habitants de la surlace de la mer n'est pas la même que celle des foramiuifères et des mollusques des couches plus profondes, D'après le professeur Forbes, l'épaisseur approximative des zo- nes homoîozoïques peut être divisée en quatre grou- pes : 1° la zone du littoral, comprise entre les limites 1 Un vol. in-8" par M. Jules Girard. Savy, éditeur, 1874, — Nous donnons dans, cet article une soi te d'aperçu du nouvel ouvrage que H. J. Girard vient de publier. Ce livTe est une œuvre remarquable et charmante, qui résume les travaux en- trepris pour étudier les Funds-marins ; il abonda en fait» nu'i- veauiet peu connut; il est rempli d'illustrations qui ont le rare mérite d'être exécutées par l'auteur lui-même. M. J. Girard adroit à une double louange, et comme savant et comme ar- tiste. G. T. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 3'j-i LA NATURE, du marnage de la marée ; 2" la zone descendant jus- qu'à 30 mètres au-dessous des plus basses mors; c'est la plus abondante en plantes marines, en mol- lusques et en crustacés ; 3° la zone comprise entre 30 et 60 mètres, quelquefois appelée coralline à cause de l'abondance des coraux. Et enfui la zone an delà de 60 mètres, où la vie animale et végétale devient rare, quoiqu'on y rencontre encore fréquemment des j mollusques et des crusta.-és. Au del:i, le rnomfc des '' infiniment petits est le seul repré- sentant de la vie animale. Le globe est un immensefoyer de vitalité; il n'y a que les formes des êtres qui dif- fèrent. Dans lus profondeurs fai- bles des mers in- tertropicales , les polypes fixés aux roches sont en telle abondance, qu'on pourrait dire avec une ap- parence de certi- tude qu'ils con- stituent l'assise de presque tout le massif des iles de l'océan Paci- fique. Ces ani- maux végétants ont une demeure calcaire ou sili- ceuse qu'ils sé- crètent eux-mê- mes et dont ils empruntent les éléments aux sels terreux d'eau de mer. Leur en- semble forme un polypier; une branche de corail en est un fragment (fig. i). La croissance est très- active dans la plupart de ces étonnants représentants du monde de la mer; l'agrégation de toutes leurs espèces constitue parfois de véritables républiques, où dominent les caryophyllées, les astrées, les ilen- dropbyllées , les méandrines , les fougères. Parmi celles-ci, les oculines se distinguent par la nature contournée de leurs branches. Sur les rameaux se montrent de petites excroissances semblables à des fleurs. Les éponges occupent une place importante au dernier degré du règne animal, autant par leur ca- ractère que par leur puissance de multiplication. Fig. 1. Les draguages nous ont appris que les connaissan- ces sur les éponges étaient encore dans l'enfance. Celles qui ont été recueillies dans les grandes pro- "Aindeurs sont encore plus curieuses que celles que l'on pêche sur les côtes. Dans les fonds où elles crois- sent, on arrache souvent avec la drague des frag- ments de rochers sur lesquels elles sont agglomé- rées ; des pécheurs ont ramené un vase antique sur lequel plusieurs éponges s'étaient attachées au mi- lieu des incrusta- tions de toute na- ture , provenant du travail du po- lypier (fig. 2). Les bas -fonds des mers équato- riales abondent en productions animales et végé- tales. On y ren- contre des buis- sons fantastiques qui portent des fleurs vivantes , des grottes dont les parois sont tapissées de bran- ches madrépori- ques aux bril- lantes couleurs; des anémones or- nent les aufrac- tuosités de leurs couronnes de ten- tacules ou s'éten- dent au fond, comme un par- terre do renon- cules variées (fig. 3). Autour de ces buissons aquatiques se pressent des pois- sous étiucelants, tantôt d'un éclat métallique tantôt d'-un vert doré. Chaque coin de ces grottes, qui découpent les cotes, rayonne de la vie sous-marine et oflrirait un spec- tacle féerique pour celui qui serait appelé à contem- pler dans leur élément naturel ces merveilles du monde aquatique. Les lois qui président au déve- loppement insensible et progressif des êtres se dé- roulent à notre insu dans cet espace humide. Ils accomplissent mystérieusement, dans leur ténébreuï séjour, l'œuvre éternelle à laquelle participe la créa- tion tout entière. D'autre part, les fouilles à la sur- face de la terre ont donné un aperçu sur les âges géologiques et l'examen de la croûte qui les recouvre a révélé des couches ou assises formées par la succès- Oculine. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 3G5 sion des végétaux et des êtres organisés particuliers à chacune d'elles. Nous avons déjà fréquemment parlé des résultats si re- marquables obtenus par les expéditions modernes, en ce qui concerne les investigations sous-mari- nes, mais nous n'avons pas encore parlé de l'his- toire de ces belles recher- ches, et il n'est pas mutile de faire voir que leur ori- gine ne remonte qu'à" des époques toutes récentes. Les premières décou- vertes importantes d'ani- maux, à de grandes pro- fondeurs dans l'Océan , remontent à i 853, époque à laquelle le navire amé- ricain Dolphin opéra des sondages espacés de 100 milles , depuis Terre- Neuve jusqu'à Yalenlia, pour la pose du câble transatlantique. La sonde avait ramené de nom- breux échantillons d'une sorte de vase visqueuse (oaze); on l'examina au niisoroscope, et l'on vil qu'elle contenait une infi- nité de coquillages, infi- niment petits, d'une na- ture calcaire, que l'on classa parmi les Foraminifères, et auxquels on donna le nom de Globigërinees. Ces frêles organismes, qui jonchent le lond de la mer en , couches épaisses, étaient une preuve que la vie, tout en existant sous une forme restreinte, n'en était pas moins abondante, malgré l'obscu- rité, la pression et l'abscence de toute végétation. Cette découverte contribua à don- ner un nouvel es- sor aux recherches analogues. La seconde expédition, entreprise en 1860 par le gouvernement britanni- que, vint encore jeter un nouveau jour sur la ques- fj^. t. — Épongc-dcntcllc et éponge commune IUc'l'S sur un. vase antique, retrouvé au fond tic la mer. tion de la vie sous-marine. Le Bull Dog opéra plu- sieurs sondages à l'extrémité sud du Groenland, à an point éloigné de 270 kilomètres de terre. Sur un fond de 4,700 mètres on retira, attachées à la ligne de sonde, des Étoi- les de mer vivantes, tout à fait semblables à celles qui vivent sur les cotes du nord de l'Europe ; elles avaient saisi la ligue à proximité de la soude, et s'y étaient accrochées as- sez fortement pour que la traction du remontage fût impuissante à les déta- cher. De plus, l'empreinte du fond contenait encore une foute de Foraminifè- res. La présence de eus deux natures différentes d'organismes affirmait , sous la forme microsco- pique, l'existence d'ani- maux pareils à ceux que l'on peut voir sur les ri- vages. Ces premières observa- tions apparurent comme de véritables révélations aux jeux des naturalistes; les conquêtes allaient sa succéder, rapides et nom- breuses, dans ce domaine si long- temps inexploré des fonds marins; elles s'ajoutent sans cesse les unes aux autres, et prennent de jour eu jour une nou- velle importance. Il ne faut pas oublier que, si des expéditions récen- tes, comme cell-a du Challenger , ap- portent àla science un riche contin- gent de faits nou- veaux, les câbles marins ont contri- bué surtout à faire croître cette nou- velle branche de l'investigation du globe. Quand on releva, en 1861, le câble de la Méditerranée, entre la Sardaigne et Bône, on trouva l'enveloppe de fils métalliques très- — Gratte dus bas-fondo des mfli* éLjuiituriales, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 300 LA NATURE. fortement corrodée. Elle était couverte, en certains endroits, de mollusques et de fragments de corail, que l'on envoya au professeur Allan, pour détermi- ner les espèces. Il découvrit quinze nouveaux types. Bientôt eu France M. Jlilne Kdwards détermina de nouveaux sujets, extraits de profondeurs dépassant '500 mètres. Ces premiers résultats jouèrent un rôle considérable dans la création de la nouvelle science des fonds de la mer. CHRONIQUE Le« premières observations du passage de Vénus. — D'après ce que nous apprend M. James Forbes itans Nature, elles furent faites par Horrox, jeune homme d'une vingtaine d'années, curé de iloole, près de Livcr- pool, et exposées dans un livre très-rare. Venus ne suie viza. Horrox avait calculé l'époque du passage de Vénus à l'aide de tables de Liengsberg, qu'il avait rectifiées. Le procédé d 'Horrox était simple, il recevait l'image du soleil dans une chambre obscure, sur un morceau de pa- pier qui lui servait d'écran. Il marquait à l'aide d'un fil à plomb la position de la verticale, et se servait de cette verticale comme de base pour fixer les positions succes- sives de Vénus sur le disque salaire. H avait de plus pris la précaution de tracer un cercle, dont le diamètre fut : .précisément égal à celui qu'avait le diamètre de l'astre. | Tous ces détails sont expliqués dans le curieux volume Venus ne sole viza, qui renferme les dessins nécessaires à leur intelligence. L'observation a eu lieu le 24 novem- bre 165!) après midi. Le passage de 1631 avait été prédit par Kepler, mais il ne put l'observer, étant mort quelques jours auparavant. C'était également un passage d'hiver. Décidément les passages de Vénus ne semblent pas por- ter bonheur à ceux qui s'en occupent, car Horrox a suc- combé, peu de temps après, à la suite d'une maladie de poitrine, et à l'âge de vingt-lrois ans. Les détails intimes de sa vie sont connus par les écrits de sou ami Crabtsee, de Manchester, auquel il communiquait ses espérances, ses travaux et ses succès. Les poissons du lac de Genève. — En 1823 le professeur Jurine publia, pour la première fois, un ou- vrage sur la faune ichthyologique du lac Léman; un sa- vant éinérile, M. I.unel, conservateur du musée de Ge- nève, vient d'offrir aux naturalistes un travail beaucoup plus complet qui contient quelques renseignements nou- veaux et d'un haut intérêt. Le nombre des espèces habi- tant le Léman et ses tributaires est assez restreint puis- que M. Luncl n'eu compte que 21, parmi lesquelles nous «itérons les anguilles, dont la présence avait été contestée. L'auteur ne se contente pas de décrire la population 'chlhïologique du Léman, il signale quelques faits qui jus- qu'ici n'étaient pas connus. Des observations particulière- ment curieuses sont celles qui mettent en évidence la fa- culté extraordinaire que possèdent les tanches de résister pendant un temps plus ou moins prolongé au dessèchement des mares qu'elles habitent. M. Lunel a constaté la pré- sence de ces poissons, dans des marcs où. l'eau disparaît complètement pendant les fortes chaleurs de l'été. Quand l'eau a reparu, /es tanches se retrouvent de nouveau ; fauteur admet par conséquent qu'elles ont vécu dans la Vase humide, recouverte par la croûte durcie de la sur- face. Ajoutons que le magnifique ouvrage de M. Luuel a été publié avec grand luxe, et n'a pas coûté moins de 11,000 francs. Cette somme est le produit de souscrip- tions annuelles de 10 francs, versées en grande partie par des membres de l'Association zoologique du Léman, L'histoire des maladies de la vigne. — Dans une des dernières séances de la Société d'encouragement, M. Ileuïé, membre du Comité d'agriculture, a lu un très- intéressant mémoire surl'histoire des maladies de la vigne depuis les temps les plus reculés. Les anciens ne semblent pas avoir connu le phylloxéra, mais il n'en ont pas moins été sérieusement éprouvés par d'autres fléaux. Dans l'antiquité, M. Ileuzé cite Théophraste, qui con- naissait une maladie analogue à la rouille et une brûlure spéciale des fruits attribuée à l'ardeur du soleil; Plante, qui dans une de ses comédies fait allusion ans mœurs de l'attelabe ; Columelle et Palladius, qui se bornent à do observations générales sur l'influence du sol et des intem- péries de l'atmosphère ; Pline, qui signale d'une manière assez précise diverses maladies et des insectes qui attaquent la vigne, et qui indique déjà l'emploi du soufre pour dé- truire les insecte». — Dans les temps modernes, Pierre de Crescens, en 1471, publia un Opus rwalitim commoào- rum plein de renseignements utiles ; Charles Etienne, auteur de la première liaison rustique, a décrit mieux que ses devanciers les affections connues de la vigne; Olivier de Serres, dans le seizième siècle, a conseillé l'emploi du soufre pour la destruction des insectes et a, le premier en France, fait connaître l'utilité de la fumée dos feux allu- més dans les vignes pour empêcher les effets des gelées tardives; Sachs est auteur d'une Ampûlographin impri- mée en 1601, où il a caractérisé mieux que ses devanciers les affections auxquelles la vigne est sujette. Jean Boulay, chanoine d'Orléans, publia aussi, en 1723, un ouvrage sur la manière de bien cultiver la vigne, où il parle de divers insectes qui attaquent la vigne, l'orbec ou gribouri, l'uré- bère ou attelabe vert ouliselte, etc. Le doek flottant de Malte. — Le fameux dock hydraulique de Malte, ouvert récemment à Naples par l'a- miral lord Garerts et par le célèbre ingénieur fteed, est d'une utilité constante. Il n'est pas superflu do citer, d'a- près le Mallit Times, un exemple récent. Lebateau à va- peur Paraguay, venant de l'Inde avec une cargaison de plus de 3,000 tonnes, a été réparé sans avoir besoin de transborder sa cargaison. Il avait touché à Port-Sand et sou hélice avait dû être changée en même temps que sa quille avait été consolidée. Le Paraguay entré en dock à 2 heures du matin en était sorti à 6 heures du soir en état do reprendre la mer aussi bien que si aucun accident ne lui était arrivé. Le. Globe de Londres nous apprend que beaucoup d'armateurs anglais profitent de ce grand dock flottant pour faire exé- cuter à Malte des réparations qui sont plus vite faites et à meilleur marché qu'en Angleterre, même si le navire avait déposé sa cargaison. Un hôtel roulant. — On construit en ce moment à Philadelphie la voiture la plus grande qui ait jamais existé. Les dimensions do ce véhicule sont les suivantes : lon- gueur, 50 pieds; largeur, 20 pieds; hauteur, 16 pieds. Cette voiture est à deux étages : le premier a S pieds; le deuxième 7, non compris le toit. 11 y a une entrée à cha- que extrémité, 16 croisées de chaque côté, 8 pour chaque étage. Les croisées du premier étage ont 2 pieds 6 pouces de large et 4 pieds 9 pouces de haut; celles du deuxième Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 367 étage n'ont que i pieds de hauteur, La voiture ou la mai- son, comme on voudra l'appeler, est placée sur une plaie forme à ressorts, dont la force doit être suffisante pour résister a oit poids de 25 tonneaux. Les roues ont 3 pieds 2 pouces et 4 pieds 4 pouces de diamètre; le moyeu a 18 pouces de diamètre; les jantes, 9 ponces de longueur sur fi d'épaisseur. Cette voiture est destinée à servir d'hô- tei pendant l'Expotition centennale. Le premier étage ser- vira de salle à manger, et le deuxième étage contiendra ifi cumul ires à 2 lits. BIBLIOGRAPHIE Dictionnaire de chimie pure et appliquée, par Ad. Wuhtî; 17" fascicule. — Paris, Hachette et C 1 ', 1874. Le nouveau fascicule qui vient de paraître continue di- gnement l'œuvre que l'illustre doyen de la Facullé do mé- decine a entreprise avec le concours d'un grand nombre de chimistes éminents : l'ouvrage formera un remarquable ensemble, qui restera comme une grandu œuvre dans l'histoire de la chimie moderne. L'Astronomie pratique et lu observatoire* en Europe et en Amérique, depuis le milieu du dix-septième siècle jusqu'à nos jours, par C. AxnuÉ etG. Kaykt, aslronomes adjoints à l'Observatoire de Paris. — Paris, Gaulhier- Villars, 1874. La France scientifique a perdu son ancienne prépondé- rance. Quelque péniLle que soit cet aveu, on ne doit pas hésiter a le faire dans L'intérêt même de la nation. L'œu- vre de MM. André et Rayet, qui est une belle histoire des établissements astronomiques dans le monde entier, peut être considérée en même temps comme le tableau réel de l'état présent de la science du ciel dans notre pays. Les auteurs, tout patriotes qu'ils soient, montrent à leurs contemporains la stricte vérité en leur soumettant les pro- grès qui s'accomplissent à l'étranger; ils apportent ainsi à La France l'es enseignements salutaires au lieu de lui don- ner des louanges exagérées et dangereuses. CORRESPONDANCE SUR LE HOUVEAO PALE CJTHÉIU H DU MUSÉUM. Monsieur lo Directeur, J'ai la conviction que vous accueillerez une petite rec- tification relative au Palœotherium magnum de Vitrj, dont vous avez récemment parlé l . C'est à M. Gaston Yasscur, jeune géologue, qu'est due cette trouvaille importante. C'est à lui que revient l'hon- neur d'avoir apprécié à sa valeur ce squelette, qui a été découvert il y a plus de quatre ans, M. Vasseur sollicita immédiatement de M, Fuchs, pra- priélaire do la carrière, le don de cette pièce au Muséum, et courut avertir M. Paul Gervais, professeur d'anatomie comparée au Jardin des plantes. Mené sur les lieui par M. Yasseur, à 1200 mètres en- viron de l'ouverture de la galerie, M. Gémis reconnut l'importance du sujet, et prit alors les mesures nécessaires pour faire extraire et transporter cette pièce unique. ' Yny. n" jj, p. [17. Peut-être y aurait-il lieu de faire observer a ce propos, pour indiquer l'intérêt du Palœotherium magnum, Cuv., que cet animal est certainement l'ancêtre tout indiqué du cheval, par la filiation suivante : Epoque actuelle, genre Equus, — quaternaire, — — (antiquus), — pliocène, — llipparion, — miocène, — Anchitherium, — oligocène (gypse), — Palasotherium. Un autre mode de développement de la même souche aurait conduit au tapir. Les ancêtres du paléothèrium sont plus discutables ; la faune inammalogique de l'éocène (presque partout marin dans l'Europe occidentale) étant peu connue, il est cepen- dant permis de conjexturer que le lophiodoû en était très- voisin. Quant à l'anoplothërium, qui accompagne si fré- quemment le paléothèrium dans le gypse, il aurait été la souche des ruminants. Gustave Dollfus. ACADEMIE DES SCIENCES Séance du 4 mai 1871, — Présidence de M. B&rtjiah». Le phylloxéra. — Un Irès-volumineui mémoire est consacré, par M. Maxime Cornu, au réveil du phylloxéra, qui, dans le Midi, dort à l'heure qu'il est de son sommeil hibernal. La description des phénomènes que l'on observe alors est calquée sur celle des faits dont la manifesta lion précède l'hibernation, avec, cette seule différence qu'ils se développent naturellement dans l'ordre exactement inverse. Ainsi, de même que le sommeil se produisait au moment où la température s'abaissait au-dessous de 10 degrés, de même il cesse quand le froid de l'hiver fait place k une température de 10 degrés. 11 ressort du travail de M. Cornu une remarque qui pourra être utile, au point do vue pra- tique, Elle consiste dans le changement très-notable d'as- pect que l'animal revêt avant do reprendre ses mouvements. Sa couleur pâlit et il devient à demi transparent. Or, dans cette situation il est aussi sensible aux. agents extérieurs que le phylloxéra réveillé. Il en résulte que c'est dès que l'animal offre ce caractère de transparence qu'on doit ap- pliquer les engins insecticides destinés à agir sur une place fixe, car le parasite engourdi n'y est pas sensible et, d'un autre côté, le phylloxéra, tout à fait réveillé, sait peu se réfugier sur des points non-intoxiqués. Nuages artificiels. — Voici la lune rousse qui ramène les agriculteurs à l'intéressante question des nuages artifi- ciels. On sait, en effet, qu'un peu de fumée suspendue dans l'air suffit pour sauver de la gelée des végétaux que le se- rein tuerait infailliblement. Malheureusement la produc- tion de cette fumée n'est pas exempte* d'inconvénients et elle n'est pas toujours très-pratique. C'est ce qui a déter- miné M. Edmond Martin à présenter des observations que M. le secrétaire perpétuel a analysées compendieusemeut. Parmi les objections opposées aux nuages artificiels, celle qui a préoccupé M. Martin consiste à dire que les ouvriers chargés d'allumer les tas de matières combustibles dépo- sés dans les champs coûteront en salaire un prix trop élevé. Aussi propose-l-il, très-ingénieusement, de disposer entre les tas des conducteurs métalliques permettant de les enflammer tous avec une seule décharge électrique. M. Dumas remarque, toulefois, que cette installation sera bien compliquée et qu'il serait peut-être plus simple de remplacer les conducteurs par un fil de coton-poudre, qui Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 368 LA NATL'IÏI propagerait instantanément l'incendie, — Pour nous qui supposons que les tas de matières combustibles ne vont pus se former tout seuls, et qu'il faut que quelqu'un les dispose, nous nous demandons en -vain pourquoi ce quel- qu'un ne se chargerait pas de les enflammer du même coup. Épisiaxis et navigation aérienne. — Dans la relation do son voyage récent, M. llrocé-Spinelli a avancé qui! tlay- Lussac s'était ressenti de très-grands troubles en attei- gnant les régions supérieures de l'atmosphère et, par exemple, qu'il avait éprouvé un saignement du nez, des lèvres et des oreilles. M. Barrai qui, comme tout le monde le sait, a été en ballon, écrit que cette assertion est con- traire à ce que Gay-Lussac a inséré dans sa relation. Ar- rivé à 7016 mètres, il n'eut à suumir que du Froid, bï cela seulement aux mains et au visage, qui étaient décou- verts, la respiration était gênée, mais non pas à beaucoup près au point qu'il pensât à descendre. Les travaux des jours précédents lui avaient causé un mal de tête qu'il garda sans augmentation toute la journée. Cay- *&sm Lussac eut même l'occa- sion de dire personnel- lement à M. Barrai que tous les bruits qu'on Li- sait courir sur ses pré- tendus malaises étaient complètement faux. M. Barrai ajoute que si, pour son propre compte, il a été fortement indis- posé lors de sa première ascension avec M. Bisio, il faut l'attribuer sans aucun doute à un 1 en- laide empoisonnement causé par le gaz carbone qui , aux grandes alti- tudes, s'échappe enaliun- dance du ballun. La preuve en est que, dans la seconde ascension, où l'on avait eu le soin de suspendre la nacelle beaucoup plus loin du ballon, aucune indisposition ne fut éprouvée. Cycadèc myocene. — Parmi les végétaux fossiles i ap- portés d'Kubée par M. Goreeix , M. le comte de Saporta a reconnu une feuille de cyeadée, Le fait signalé aujourd'hui par M. Grongniart est d'autant plus intéressant, que les eycadées fossiles ne dépassaient pas jusqu'ici le terrain jurassique, tandis que c'est du terrain tertiaire moyen que provient la feuille nouvelle. H. de Saporta a rnnstalé que celle-ci appartient à une espèce dont le genre est actuelle- ment florissant dans les régions tropicales, spécialement dans l'Afrique australe. Transfusion du sang. — l'ejà dans ces derniers temps nous avons eu à signaler divers travaux relatifs à la trans- fusion du sang. Le plus frappant était la véritable résur- rection, opérée par M. Dénier sur une femme rendue ané- mique par héinnrrhagie. L'appareil dont il s'est servi sor- tait des ateliers de M. Mathieu, mais M. le docteur Moucoq en réclame la priorité. Au nom d'une commission, M. Bou- ley lit aujourd'hui un long rapport, dont le but est de faire la part entre ces deux inventeurs. La conclusion est que les perfectionnements qui seuls ont rendu l'appareil pra- tique, s nt dus à M. Moncoq ; mais que l'a; pareil primitif est de M. Mathieu. Toutefois M. Eouley signale, un médecin italien du dix-septième siècle comme ayant réalisé la transfusion du sang entre deux chiens, au moyeu d'une sorte de vessie élastique, construite non pas en caoutchouc (et pour cause), mais a l'aide d'une artère de cheval. SlAMSLAS MeI'IUUR UN RÉVOLTÉ CAFFRË Le portrait que nous publions ci-contre est destiné à donner une idée de la race humaine qui habite le territoire désormais célèbre pur la découverte des diamants, et qui accourt sur le territoire britan- nique pour échapper à l'avidité des nouveaux occu- pants. Mais les Califes réiugiés avec leurs troupeaux ne trouvent pas quelquefois, de lu part des colons, mi accueil très-sympathi- ; ;, y ; ■ que. Quelques gens de la tribu des Amuhbali. ■ ; ayant apporte avec eus. dis armes à feu dont ils n'ont pas fait la déclaration, Lungaliba- lele lut assigné devant la cour anglaise, pour répondre de ce délit, en qualité de chef d la tribu. Il refusa d'olj- tempérer à l'ordre du magistrat et se mit en devoir de fuir de non- ■S veau une terre si peu ||l|| hospitalière. On essav a de lui barrer le pa-- ïvpe came. — Lli r^v^iLc Lan^i.Ljli.1 sage, niais il insista le- armes à la main et tua quelques soldats an- glais. Epouvanté de son audace il continua à fuir avec ses ttoupeaux, sa famille et trois cents des siens sur le tciritoire des Lîusutos, où il se croyait en sûreté. Lu justice britannique ne tarda pas à venir l'y joindre. On l'arrêta et on le traduisit devant le tri- bunal de Pietermaritzburg, dans l'accoutrement sin- gulier qu'il porte. Comprenant que la défense était impossible, il fit preuve d'une grande finesse et avoua même, en les exagérant, tous ses torts. Le tribunal se laissa toucher et remit à une épo- que indéterminée le prononcé du jugement qui de- vait porter la peines de mort. La phjsionomie de ce Caffre rebelle est bien en har- monie avec ce que nous savons de son histoire. Un paysan normand, entre les mains des Prussiens, n'au- rait-il pas une expression un peu analogue? Ce type est plus différent peut-être de celui des Àshantisquc deeertains finussiers de village. Le Propriétaire* Gérait! : G. Tissaxeick, toELEiL. — Typ. et 9lër. dtiCuiri Droits réservés au Cnam et à ses partenaires V 50 — 1G MM 1874. LA NATURE. 309 PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES QUI ACCOMI'AGSEST LES HOUVF.MEXTS DES FEUILLES DE LA DIOXÉE ATTIlAFE-MOUCIIES. La Dionœa muscipula, ou attrape-mouches, est certainement un des plus curieux exemples connus Je véyétal doué de mouvement. Les feuilles de cette plante, que l'on voit très-nettement représentées sur nofre gravure, sont terminées par des limbes qui constituent de véritables pièges à insectes ; leur ex- trémité limbaire évasée, forme deux palettes dentées réunies par une charnière. Si une mouche impru- dente se repose sur leur surface, les deux palettes, dont les poils sont irrités par le contact d'un corps Dionée attrape-mouches. étranger, s'appliquent subitement l'une contre l'au- tre, exactement comme un livre que l'on fermerait brusquement. Si l'insecte se débat, les palettes se serrent davantage et le retiennent prisonnier; quand il est mort, ou quand, épuisé par de Tains efforts, il reste immobile, on voit se rouvrir les deux surfa- ces légèrement concaves, qui sont prêtes à se refer- mer encore sous l'action du moindre attouchement. î" mit, — i" stmeUre. M. le professeur Burdon-Sandersou a eu récem- ment l'occasion d'étudier l'état électrique de ces sin- gulières feuilles. Ses expériences très-variées ont une grande importance, et semblent prouver que l'élec- tricité joue un rôle principal dans les mouvements des feuilles de ce végétal extraordinaire. En intercalant, tantôt le limbe, tantôt le pétiole d'une feuille vivante dans le circuit d'un gulvano- 24 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 370 LA NATURE. mitre, l'auteur a d'abord reconnu l'cxislonce de deux courants permanents de sens inverse, dont l'un parcourt le limtoc.de la base au sommet, tandis que l'autre est dirigé de la base du limbe àlabase du pé- tiole. Il nomme le premier courant foliaire, et le se- cond courant pétiolah-c. Ces deux courants ne sont pas sans s'influencer mutuellement, car l'intensité du courant foliaire augmente lorsqu'on diminue la longueur du pétiole. L'intensité du courant foliaire augmente aussi lorsqu'on fait agir sur le pétiole une faible pile de Daniell dans le sens du courant pétio- laire, et elle diminue, au contraire, si ce courant artificiel chemine de la base au sommet du pé- tiole. Après avoir ainsi reconnu cequ'il pense être l'état électrique normal des feuilles, l'auteur a étudié les changements produits dans cet état par l'attouche- ment des poils et à l'instant de la fermeture des val- ves qui en est la conséquence. Voici comment il ré- sume lui-même les résultats de cette étude. a. Une feuille étant placée entre les électrodes, de telle sorte que le courant foliaire normal se tra- duise par une déviation à gauche du galvanomètre, on laisse une mouche s'avancer vers les valves (sur- Êaces concaves). On observe alors qu'à l'instant où l'insecte arrive au contact des poils, l'aiguillcdu galvanomètre tourne rapidement;) gauche en même, temps que les valves se referment l'une contre l'au- tre. b. La mouche ainsi emprisonnée ne reste pas im- mobile. A chaque mouvement qu'elle fait, l'aiguille tourne à droite, puis s'arrête un peu plus à gauche que précédemment pour reprendre ensuite sa posi- tion précédente. c. Les mêmes phénomènes peuvent être repro- duits artificiellement en touchant avec un pinceau les poils sensibles d'une feuille encore ouverte. d. Le même effet se produit aussi lorsque l'on pince légèrement la feuille fermée avec une pince à pointes de liège. e. Le pétiole encore attenant à la fouille étant placé sur les électrodes, le courant pétiolaire est augmenté toutes les fois que l'on irrite la feuille par l'un des moyens indiqués ci-dessus. f. Si l'on place entre les électrodes un limbe dont on a coupé la moitié, l'aiguille du galvanomètre tourne encore à droite lorsqu'on irrite les poils sen- sibles en les touchant avec un pinceau, g. Une feuille ouverte étant placée sur les élec- trodes du galvanomètre, comme dans la première expérience (a), onperce l'une de ces val vesavec deux pointes de platine pouvant fermer le circuitde labo- bine secondaire d'un appareil à induction de Dubois- Raymond. On observe alors que l'aiguille tourne à droite chaque foisquele circuit secondaire est fermé pour reprendre ensuite ses positions primitives, comme cela a lieu après une irritation mécanique ordinaire. Le résultat est le même lorsque le sens du courant induit est interverti. On peut même ré- péter cette expérience un nombre indéfini de fois en ayant soin, cependant, de laisser unïntervall: de dix secondes entre les épreuves, sans quoi il ne se produit aucun effet. h. Si la portion de la partie concave de la feuille la plus voisine du pétiole est excitée par quelqueac- tion mécanique ou électrique, la déviation à droite est toujoursprécédéed'unsautde l'aiguille') gaucho, soitdans le sens du courant foliaire normal. Cet effet n'a pas lieu lorsqu'on irrite toute autre région de la portion concave. i. La dévia tionàdroite n'a jamais lieu qu'un quart ou un tiers de seconde après l'excitation mécanique ou électrique qui la détermine. Ces belles observations de M. Burdon-Sanderson jettent une vive lumière sur les phénomènes qui jus- qu'ici étaient restés très obscurs. On doit ajouter ce- pendant que l'étude des mouvements des végétaux a fait un grand pas dans ces dernières années. On a, en effet, réussi à établir qu'ils résultent des change- ments de tension qui se produisent dans les tissus, soit spontanément, soit accidentellement. Ces ten- sions résultent elles-mêmes de la turgescence iné- galedes cellules dont les parois absorbent l'eau qui les baigne, ou l'abandonne , au contraire,, en vertu d'une propriété spéciale de leur substance sous l'influence des forces physiques, telles que la lu- mière, la chaleur, sans doute aussi l'électricité. Les recherches les plus récentes, par exemple, semblent bien avoir établi que la chute et l'érection des feuilles et des folioles de la sensitive résultent d'un déplacement d'eau qui gonfle alternativement les coussinets supérieurs et inférieurs de la base des pétioles et des pétiolules *. L'intervention des phé- nomènes électriques dans l'irritation des feuilles de la Dione'e attrape-mouches, est un fait nouveau, bien digne d'attirer l'attention des botanistes. LKS OISEAUX DE L'INDE RÉCEMMENT ARRIVÉS AL' JARDIjï n'ACCLIMATATION (AVRIL 1874). 11 existe des commerces dontle public ne se doute pas, De ce nombre est œratinement celui des oi- seaux curieux et rares, des animaux sauvages, dan- gereux ou utiles, do quelque nature qu'ils soient, Cependant, en y réfléchissant un peu, le prome- neur, qui admire si à son aise la collection du Jardin d'acclimatation ou du Muséum en se prélassant le long des allées ombreuses, devrait bien penser que ces animaux ne se sont pas rassemblés tout seuls et de leur plein gré dans cette arche de Noë de l'uti- lité ou de l'utilisable [Quelqu'un les y a" poussés... C'est ce quelqu'un qu'il n'est pas sans intérêt de découvrir et de suivre dans ses agissements. 1 Proceed. royal. Soc. Mémoire de M. J. Burdon-Sanikr- sort. — Archive* îles sciences physiques et naturelles, da Genève. M. G. de G. — N° 1!(G, 15 ayrill874. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires I,A NATURE. Une demi-douzaine de maisons puissantes se par- tagent le monde, sous le rapport que nous envisa- geons ici. C'est à dessein que nous laissons de côté un égal nombre de maisons aussi riches qui se parta- gent, le règne végétal. Ce que font les unes, les autres l'imitent ; chacune a ses commis-voyageurs dans toutes les parties de la terre, non-seulement I habitée, mais encore plus ou. moins habitable... Commis-voyageurs qui, au lieu d'écouler de la mar- chandise, sont perpétuellement en quête de marchan- dises nouvelles. S'il se prend, par-ci par-là, grâce à un busard heureux, quelque hôte intéressante et rare, l'agent saura bien l'acheter ; il a des ramifications dans le pays et, comme l'araignée, il peut rester au centre de sa toile, toutes les captures y viendront. Mais, il est bien évident que, se renouvelassent-ils plus souvent encore qu'ils ne le font, ces hasards et ces prises ne sauraient approvisionner régulièrement tous les jar- dins zoologifjues du monde. Il faut avoir toujours présente à l'esprit cette vérité que la mort y fauche constamment, et d'une faux plus aiguisée que par- tout ailleurs, puisqu'il s'agit de prédominer et de déporter ! Nécessité donc de pourvoir aux besoins par des chasses spéciales qui s'exécutent partout, sans relâ- che ; elles ont lieu au moment où j'écris en quelque coin du monde, elles ont eu lieu hier et se conti- nueront demain ! 11 faut bien verser dans le gouffre toujours béant des demandes! Or, ces chasses — ne fussent-elles même que celles des plantes nou- velles ! — ne sont pas toujours sans danger. De là, le haut prix des nouveautés. D'autre part ces chasses ne peuvent être faites par le premier venu, et les chercheurs de ces compa- gnies sont, le plus souvent, des botanistes et des na- turalistes de très-grand mérite ; dernière cause d'en- chérissement, il est vrai, mais tout aussi naturelle que les autres, et dont il faut tenir un compte égal. De toutes ces circonstances réunies, résulte comme une sorte à'atea, do chance, de fluctuation très- oritïîuale régnant sur la production des curiosités ou raretés naturelles disponibles à un moment donné. Tout à coup, tel quadrupède, tel oiseau jusque-là rare, va devenir relati\ement commun; peut-être même, si plusieurs maisons ont réussi la même chasse, il va devenir trop commun! C'est comme le poisson à la halle... la marée va venir trop vite! malgré les soins et les intérêts contraires des mar- chands. Qu'y faire? La marchandise pousse...... les d'ehets augmentent... il faut vendre ! Puis, tout à coup, pendant de longs mois peut- être, des années quelquefois, le même animal va re- devenir rare, introuvable et va partout être cher et demandé. Eu ce moment, et depuis quelques mois, c'est l'Inde qui donne. Elle donne partout ; aux jardins de New-York et de Melbourne, comme à ceux de Londres de Moscou et de Paris ; et cette abondance simulta- née n'affaiblit en rien l'intérêt des nouvelles acquisi- sitions. Nous, qui centralisons entre nos mains les bulletins d'entrée d'à peu près tous les jardins du monde, nous pouvons presque prédire, avant d'ouvrir la missive de l'un d'entre eux, ce qu'elle va nous annoncer comme acquisitions, d'après les entrées ré- centes faites dans les autres... Nous n'avons à établir aucun Qrdre de classification parmi les nouvelles acquisitions indiennes du Jardin d'acclimatation ; prenons-les au hasard, comme elles viennent, rapprochant seulement les espèces les plus voisines, telles que le Monaul et le Tragopan, le Ca- nard à bec de. lait, l'Oie cabouc et l'Oie barrée, laissant à part le Martin acridotkcrc. A lout ligueur, tout honneur I Le Monaul, ou Lophophore resplendissant, est un bijou qui vaut, à lui seul, le voyage au jiidiu du bois de Boulogne. Avant la guerre, le jardin pos- sédait déjà un Lophopliorc, duquel j'essayai de tra- cer en quelques mots un portrait presque impos- sible. Les lignes suivantes ne peuvent, pas plus qu'une longue description, donner l'idée exacte de cet oiseau; elles peuvent, tout au plus, suggérer au curieux le désir d'aller voir lui-même. « Tour des yeux pourpres, joues dorées, bec jaune, huppe effilée et retombante, vert doré brillant comme toute la tète. Derrière et côtés du cou pour- pre à reflets do rubis, manteau bronze vif, dos violet profond, queue rousse. Toutes ces nuances vives, flamboyantes, changeantes; vrai plumage de paon, mais plus délicat et plus riche encore s'il estpossiblc. Certainement l'un des plus beaux oiseaux de la terre. » Eh bien, cet admirable oiseau ne se montre pas si délicat que l'on serait porté à le croire. Ce n'est pas la volière qu'il lui faut, c'est un parc tranquille, grand, un endroit sec, aride, rempli de terre de bruyère. Là, il pousserait aussi aisément que le paon le plus commun. Si on le pouvait, on ferait encore bien mieux de le laisser vaguer dans un potager avec des poulets. La seule précaution qu'il réclamerait serait, dans la jeunesse, d'être rentre le soir pen- dant les six premières semaines et de ne pas être lâché à la pluie et à l'humidité. L'avis du faisan- dier Plet, le plus habile sans contredit du jardin, est que, traité ainsi, le Lophophore ne sera pas plus délicat à sauver, à élever qu'uw dindon ! Quant à lui, il a toujours élevé les jeunes jusqu'à quatre mois, mais en quelques jours, la pbthisie les a enlevés. Il ne faut s'en prendre qu'à la vie enfer- mée que nécessitent les conditions du jardin. Ce n'est point ainsi qu'on acclimate un oiseau des montagnes! Des dindonneaux, tout communs, soumis au même régime que les petits Lophopbores, seraient morts de la même maladie. La conclusion très-affirmative, c'est que le Mo- naul peut et doit s'acclimater chez nous. Quelle splendide conquête ! Ne fût-ce que pour le plaisir des yeux ! C'est un Ilimalayen, qu'on ne l'oublie point. Il tie Droits réservés au Cnam et à ses partenaires Ô72 LA NATURE. faut pas trop s'étonner s'il éprouve, surtout dans sa première jeunesse, quelque difficulté à changer tout à la fois de latitude et d'altitude. Cette dernière condi- tion est souvent plus dure quel' autre et pins difficile à corriger. Le Tragopan est un Ilimalayon aussi, mais il est rustique, et résiste très-bien au froid. C'est un bel oiseau au plumage roux, à taches noires bordées de blanc, de la grosseur d'une Pintade, avec un fa- non et des cornes bleus. Rien n'est plus original que la figure de net animal, auquel ce singulier ornement a valu le nom de Satyre, et qui, eu liberté, se mon- tre assez souvent peu commode pour les hommes, qu'il attaque toujours, tandis qu'il laisse en paix les oiseaux ses voisins. En cela, le Tragopan-Satvre n'est cependant pas plus méchant que beaucoup de nos coqs de race, dont l'approche n'est point toujours agréable ! Entrons maintenant, avec le Canard à bec de lait ou Pœcilorhynque, dans les régions aquatiques, Ce canard est une très-heureuse acquisition, nori- soulemcrit pour sa couleur curieuse, mais pour sa mine singulière ; son plumage est brunâtre foncé avec le bord de chaque plume blanc, l'ensemble de- venant plus clair sur la poitrine. Son plus frappant caractère consiste en deux plumes d'un blancpur qui tranchent nettement sur les couvertures des ailes. Enfin, le bec, noir et orangé à sa base, présente sou , extrémité blanc jaune coupée comme si l'animal venait de la tremper dans du lait épais. A côté de lui, voici l'Oie cabouc, avec son nom infernal pseudo-lalhio-greco-barbare de Sarkidiomis vielanotus... Ouf!.. Autrement pour Le français — disait jadis le grammairien Lhomond, — un admira- ble oiseau heureusement introduit des ïlasearoignes, où l'on prétend qu'il est, depuis dos siècles, domes- tiqué. Rien n'est joli comme le dos d'acier poli de ces animaux, leur tète gracieuse ornée d'une sorte de crête, de caroncule charnue et aplatie comme la crête d'un coq nègre. L'Oie calioue, dit M. Cornelvqui l'élève déjà près de Tours, diffère absolument des autres oies qui ré- clament avant tout de l'herbe, une nourriture végé- tale, pour prospérer. A celle-ci, ii faut une nourri- ture animale et « quoiqu'on puisse la tenir en vie avec du pain et même en la nourrissant de graines, je crois essentiel de lui donner des lombrics ou vers de terre et des œufs de fourmis, à moins qu'étant sur un grand étang, elle puisse chercher elle-même une nourriture animale. » Cette dernière phrase donne à penser que la sus- dite Oie cabouc est beaucoup plus aquatique que les oies ordinaires. Ce serait une grande erreur, en effet, de penser que l'oie commune vit de l'eau et dans l'eau ; elle vit dans Ils prairies et les champs; elle paît, et cela lui suffit, pourvu que de temps en temps elle puisse se laver le bec. Ce fait est telle- ment vrai, que les oies vivent, nombreuses, près de petites mares remplies de jeunes poissons sans jamais poursuivre ces petits animaux ; les paysans de la Bretagne le savent bien, eux qui élèvent tant d'oies à tous les carrefours de leurs chemins! Le canard, au Contraire, ferait aux poissons une chasse continuelle, et nous pensons que l'Oie cabouc a les mœurs car- nassières du canard et vit, comme celui-ci, des pois- sons qu'elle poursuivrait à outrance. Il serait cepen- dant dangereux de trop s'engager dans un jugement quelconque, car cet admirable oiseau, d'importation toute récente, a des mœurs encore bien peu connues. Arrivons à l'Oie barrée de l'Inde, celle-ci un peu mieux étudiée. Robuste et charmant oiseau, qui ne le cèile en rien, pour la beauté de son plumage, aux Mandarins, Carolins, et autres coquets habitants do l'eau. Cette petite oie a la tête et le cou blancs, mais deux raies noires en travers, derrière la tête, le bec et b s pattes jaunes, l'onglet noir. Tandis que nous sommes avec les oies, signalons Y Oie de Chine à caroncule, nie japonaise qui va bientôt faire une rude concurrence à nos bonnes vieilles oies toulousaines et bretonnes; non par sa taille, elle est plus petite que les nôtres et de forme toute différente, mais par sa fécondité. Ces oies font trois et même quatre couvées par an, la pre- mière quelquefoisde trente œu^s, d'après M. Cornuly. Cela constitue, en faveur des dernières venues, une certaine différence, et la quantité peut facilement ra- cheter l'obésité' de nos unîtes! Courons vite aux Acridothères, car la place nous fuit, et leur histoire est si intéressante ! Les Acridothères, ou Nanqeurs de sauterelles, sont à peu près des Martitis, et les Martins, comme les Étourneaux, sont des amis. Déjà ou a demandé aux Acridothères de se reproduire ; ils n'ont point fait la sourde oreille, mais ou peut chercher mieux et tout fait espérer qu'on trouvera ce qui convient chez l'un ou chez l'autre, car ils sont nombreux dans cette famille. Nous avons en Europe, — même en France — déjà le Roselin, ce charmant oiseau noir à dessous rose, l'un des plus beaux de nos oiseaux, mais nous ne possédons pas de véritables Acridothères. Combien n'y aurait-il pas à dire sur les mœurs et sur l'utilité des Acridothères ou Acridophages de l'Inde pour notre colonie africaine, quand on sait que la sauterelle est une des proies favorites de l'oiseau, quand ou sait, de plus, que ces oiseaux, introduits à l'ile Bourbon, ont purgé rapidement cette île des in- sectes qui la désolaient. On se plaît à espérer un ré- sultat semblable pour l'Algérie. Mais.... il y a tou- jours un revers à la médaille ! Nous le verrons tout à l'heure. Voilà done les Acridothères introduits à Bourbon. Tout allait au mieux ; on prévoyait un succès com- plet. — Si nous racontons ce qui est survenu, c'est que c'est une leçon, et une leçon utile d'histoire toute moderne! — Un jour des colons voient les nouveaux oiseaux fouiller avec avidité dans des terres récem- ment ensemencées... Les oiseaux en veulent au grain! Alarme répandue dans toute l'île; les nou- veaux venus sont des ennemis terribles, rien ne res- tera après eux ! On fit leur procès en forme. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 37J Tes gens de bon sens eurent beau soutenir que si les Acridothères fouillaient ainsi la terre fraîchement remuée, c'était pour y chercher, non le grain, mais les ennemis du grain; que deshifectivores échan- geraient point à volonté de nourriture, etc., etc. Flieun'y lit, l'oiseau fut proscrit par le Conseil. Deux heures après l'arrêt qui le condamnait, il n'eu restait pas un seul vivant dans l'île! Mais, dès le lendemain aussi, voilà des sauLerell".s à loisir ! Finit ans après, ou se décida à redemander deux couples des bienheureux oiseaux! Reçus avec trniis- V-^; Monaul ou Lopliopnori; resplendissant, récemment arrivé au Jardin tl'acfiliiiiatiitioa. port, on fit une affaire d'Etat de leur conservation et de leur multiplication, les médecins décidèrent que leur chair était malsaine... bref, ils multiplièrent prodigieusement. Toutes les sauterelles furent radicalement détrui- tes. Mais mais, voici le revers inattendu ! Ayant tout dévoré, les Acridothères, multipliant' très-fort n'eurent plus rien âse mettresous... le bec! Et les voilà se jetant sur les fruits ! Les mûres, les raisins, les dattes surtout y passent ; les blés, les riz, les mais, les fèves sont dévastés; ces oiseaux pénètrent jusque dans les colombiers pour dévorer les jeunes ! Ce n'est pas tout d'introduire sans compter, il faut Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 374 LA NATURE. savoir garder une sage mesure. On en est là, à Bourbon, et l'on parle d'introduire à présent des oi- seaux de proie.. . Le remède serait peut-être pire que I le mal. II. de La Blakcuèiie. ' »<>- LES DERNIERS PASSAGES DE YËATS (Suite. — Yoy. p. 2in.) LES VOYAGES DE l'aBBÉ CHAFPE D'aUTEEOCUE. Un peu avant le passage du 1701, l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg avait demandé à l'A- cadémie des scieneuj de Paris de lui donner un de ses astronomes pour observer les phénomènes en Russie, sous les auspices de l'impératrice Catherine la Grande. La compagnie désigna l'i Chappe d'Auteroche, un de ses plus jeunes membres, et lui donna pour mission de faire les observations à To- Lolsk, ville très-éloignée mais favorablement placée pour appliquer la méthode dePelille. Chappe quitta l'aris à la lin de 1700 et arriva assez facilement à Saint-Pétersbourg, alors très-accessible et où beaucoup do savants français s'étaient déjà ren- dus, ou devaient successivement se rendre. Mais il n'en était pas de même de la route de Saint- Pétersbourg à Tobulsk, qui fat très-difficile à faire et ne dura pas moins de cinq mois. C'est seulement le 10 avril que l'astronome français arriva à sa sta- tion. 11 n'avait pas même deux mois pour se préparer au passage. Le G juin, le soleil se leva au milieu d'un épais rideau de nuages qu'un vent d'est chassa vers le cou- chant et qui se dissipa un peu après le commence- ment du phénomène. Chappe d'Auteroche ne perdit que le premier contact extérieur et put voir toutes les îutres phases du phénomène par un ciel magnifique. C'est peut-être à cette pureté de l'air que l'astro- nome français doit d'avoir aperçu lu disque complet de Vénus au moment où la portion antérieure était la seule qui se projetât sur l'astre. Le phénomène in- verse se produisit lors de la dernière phase. La par- tie de la planète qui était déjà sortie continua à se montrer. Dans lus deux cas le croissant complémen- taire était éclairé d'une lumière vive teinte en jaune paille à l'endroit où il se soudait avec la partie obscure. Des phénomènes analogues furent constatés par Yargentin, Fouehy, Hesmarest, Bergman, Lemo- nier, etc., etc., à Bordeaux, à la Muette, à Saint- Hubert et dans d'autres: lieux très-distants les uns des autres. L'observation de l'astronome français n'eut qu'un adversaire, ce fut la Sémiramis du Nord. L'abbé Chappe d'Auteroche publia, en deux volu- mes, la relation de son voyage où il se permit des ap- préciations peu favorables sur le gouvernement russe. Il se moqua notamment des moeurs des habi- tants et de celles du clergé grec. L'impératrice, pour se venger, publia à Amster- dam un ouvrage en deui volumes intitulé Antidote ou Réfutation du mauvais livre superbement inti- tulé Récit d'un voyage fait en Sibérie par ordre du roi, etc., etc. Nous croyons devoir donnera nos lec- teurs lu récit de l'observation du passage de Vénus, tracé par Sa Majesté impériale. « Eu sondant lu ciel et la terre, il avait oublié l'es- sentiel, c'est-à-dire sa grande lunette de dix-neuf pièces, pesant deux cent quarante livres. Enfin on le persuada de tirer ce tube du la caisse. On l'arran- gea, il se plie. L'Académicien ouvre de grands yeux et reste stupéfait de ce qu'il n'avait pas prévu qu'un métal aussi pliant que le cuivre rouge , même quand il ne serait pas aussi pe- sant, devait se courber sur une longueur pareille. S'il avait eu la moindre expérience, comment ne pas préférer le laiton ou le fer-blanc; on lui conseilla de le faire. Le lendemain on remua ciel et terre pour avoir quelques ouvriers en laiton ou eu fer-blanc. A la fia, on trouva dans les prisons de Tobolsk une ferblantière, qui y était pour crime. Celle-ci mit l'abbé en état de perpétuer son nom, parmi les ob- servateurs du passage de Vénus sur le disque du so- leil. Son observatoire n'était pas à un quart de lieue de la ville, mais sur un bastion de la forteresse. H y avait invité la ville et les faubourgs. 11 y vint effec- tivement tant de monde que ce sera une merveille si son observation est juste. Car pendant tout le temps qu'elle dura, l'abbé observait, criait au marqueur, raisonnait avec les assistants, répondait aux ques- tions qu'on lui faisait, riait avec les rieurs, faisait la cour aux dames et disputait avec M. Pauloutski sur l'apocalypse et sur la fin du monde. » Cette diatribe écrite avec verve est extraite par Sa Majesté impériale d'une lettre, vraie ou fausse, reçue de Tobolsk sur le séjour de sa seigneurie d'Aute- roche dans la capitale de la Sibérie. En 1769, l'abbé Chappe d'Auteroche ne pouvait songer à revenir dans les stations septentrionales. Il avait l'intention de se rendre dans l'hémisphère austral où nous avons vu que Cook et Greon s'était rendus. Il avait jeté son dévolu sur les îles Salomon. .Malheureusement pour les projets de l'abbé, la cour d'Espagne était à peu près la seule à entretenir des relations commerciales avec les mers du Sud. Charles 111, malgré sou libéralisme, ne voulut point favoriser les voyages d'un savant indiscret, dont sa sœur Catherine avait eu à se plaindre. En conséquen- ce, on se borna à auloriser les observations pour la Californie, pays à peu près inconnu, et considéré alors comme presque entièrement sauvage. L'abbé Chappe partit de Paris le i 8 septembre 1 708, et s'embarqua pour Cadix, afin d'attendre dans ce port la flotte des galions qui se rendait annuellement dans le nouveau monde. Mais les autorisations néces- saires n'étant point arrivées à temps, M. l'abbé dut fréter un petit brigantin, pour se rendre directement , à la Vera-Cruz, où il n'arriva que le G mars de l'année suivante. 11 était accompagné par MM. d'Oz et Medi- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 575 iu, officiers de la marine de Sa Majesté Catholique. La traversée avait, été de 77 jours, de sorte que l'é- quipage et les passagers mouraient de faim en ar- rivant au port. En outre, le capitaine eut la malen- contreuse idée d'arborer le pavillon français pour demander un pilote, de sorte que le brigantin faillit faire naufrage au port. Après quelques difficultés nouvelles le vice-roi du Mexique envoya une escorte d'honneur au-devant des voyageurs, leur fit visiter Mexico, et les fit recon- duire jusqu'à San Blasas, petit port situé à l'embou- chure du Rio Grande, d'ofi s'embarquaient les trou- pes pour la mer Vermeille. L'abbé Cliappe passa par Queretaro, cent ans presque jour pour jour avant la tragédie dont il y a an siècle personne ne pouvait même prévoir la na- ture. Le 19 avril seulement l'expédition quittait le port de San Blacas. Un mois après l'académicien français débarquait au port de Saint-Joseph, après une traver- sée longue, pénible et même périlleuse. Il lui restait à peine le temps nécessaire pour disposer les instru- ments. Heureusement il y avait dans le pays une mission catholique pour la conversion des Indiens, et M. d'Auteroche fut reçu avec courtoisie en qualité de prêtre. Ou mit à sa disposition une vaste grange, dont il se borna à faire enlever une moitié du toit, celle qui regarde du côté du midi, pour y mettre simplement des toiles qui pussent s'étendre et se Teplier à vo- lonté. C'est seulement le 30 mai que les instruments se trouvèrent orientés et disposés d'une façon conve- nable. On construisit trois piédestaux en maçonnerie pour asseoir solidement un quart de cercle de trois pieds, un instrument des passages et une machine parallaetique, apportés de Paris, ainsi qu'une lunette de dix pieds. Ce dernier appareil fut soutenu par une poutre de 9 pouces de diamètre, portant une potence qui tournait autour d'un aie vertical. Enfin, l'hor- loge fut fixée contre un bloc en bois de cèdre, que l'on avait apporté de San Blacas pour cet usage. . Chappe, ses aides et l'officier espagnol, Vincent d'Oz, employèrent tous les jours qui précédèrent l'observation à suivre la marche de la pendule avec l'exactitude la pins scrupuleuse. Le 6 juin, le ciel était d'une pureté remarquable, et aucun phénomène n'échappa à l'observateur. En entrant sur le soleil, le bord de Vénus s'allon- gea comme s'il avait été attiré par l'astre, il se forma un point noir ou ligament obscur un peu moins noir que le corps de l'astre et dont nous avons donné la (igure. Le même phénomène se produisit lors du se- cond contact interne. Cette observation, faite dans de bonnes conditions, fut excellente. Chappe mesura le diamètre de la pla- nète à plusieurs reprises et le trouva constamment ■ï'gal à 57°8; mais ayant cherché à le déterminer par le temps qu'elle mettait à traverser le bord du so- leil, il ne la trouva plus que de 56°4. La méthode de Delille, qu'employaient pour les calculs les astronomes de l'Académie, exigeait la con- naissance-parfaite de la longitude de Saint-Joseph. Cette condition ne pouvait être remplie qu'à l'aide d'observations nombreuses d'éclipsés ou de passages, auxquelles Chappe se livra avec une excessive ardeur. Il régoait dans le canton une épidémie dangereuse de vomito necjro, dont Chappe fut attaqué. Il avait presque échappé, était entré en convalescence, lors- qu'arriva l'éclipsé de lune du 18 juin. Malgré sou grand état de faiblesse, il ne voulutpas se priver d'un moyen si énergique d'accomplir sa mission, et il passa la nuit en observation. Le lendemain la maladie le saisissait de nouveau, et douze jouis après il n'était plus qu'un cadavre! « Je sais que je n'ai plus que quelques heures à vivre, disait-il à ses amis avant que l'agonie ne com- mençât, mais je meurs content, car j'ai accompli la mission que m'avait donnée l'Académie des scien- ces. H W. DE FoflVIBLlB. . — La suite prochainement. .<>— LA THÉORIE ATOMIQUE. A LA SORBOWNË. Jusqu'à ce jour, cette nouvelle théorie chimique semblait a peu près universellement proscrite de l'enseignement officiel. La Faculté de médecine était la seule de nos écoles qui reconnût ce système com- mode et rationnel , mais trop nouveau pour être admis sans défiance par des esprits obstinément ti- morés. La Faculté des sciences sembla pourtant s'avouer vaincue, et elle a désigné M. Wurtz, doyen et profes- seur de chimie de la Faculté de médecine, pour expo- ser dans l'amphithéâtre de la Sorbonne les principes de la théorie atomique et ses avantages sur la théorie dualiste. Ce cours exceptionnel, annoncé par de nombreuses affiches, et même par quelques journaux quotidiens, a commencé mercredi 22 avril, à une heure et de- mie, et continue les mercredis et vendredis suivants à deux heures moins un quart. La première leçon attira un auditoire très-nom- breux, trop nombreux pour l'amphithéâtre, pourtant si vaste, de la Faculté des sciences, car plusieurs personnes attardées durent renoncer à pénétrer dans la salle. L'entrée du professeur excita de longs applaudis- sements auxquels il no parut pas rester insensible. Il remercia ses élèves de l'accueil qu'ils lui faisaient, et après un court préambule dans lequel il se félici- tait d'occuper un instant la chaire de tant da maîtres illustres, il esquissa à grands traits l'histoire 'de la chimie depuis Lavoisier, rendit en passant à MM. Cht- vreul et Dumas, à Laurent et à Gerhard, l'hommage qui leur était dû, puis entra dans sou sujet' lui- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 370 LA NATURE. même. 11 expliqua ce qu'on entend par poids atomique et par molécule; exposa ensuite la théorie des sub- stitutions et celle des types de Gerhard, etc. Parmi les expériences dont le professsur a illus- tré sa leçon, l'une nous a paru nouvelle, non par elle-même mais pur la forme qu'il lui a donnée. On sait (car c'est une expérience classique) que le zinc enflammé dans l'oxygène y brûle avec une brillante flamme blanche, et qu'il émet une abondante fumée d'oxyde de sine qui, se condensant ensuite, retombe sous le nom de labié philosophique (tana philoso- phica des anciens auteurs) en flocons blancs, sur le sol. Pour rendre l'expérience plus brillante, M. Wurtz fit enrouler sur elles-mêmes plusieurs feuilles de zinc très-minces, et dans le tube ainsi formé, fit passer un courant d'oxygène. A peine eut-il allumé ce flambeau d'un nouveau genre, qu'on vit s'élever une magnifique flamme blanche éblouissante, tandis que le métal fondu se répandait encore enflammé sur le parquet de l'amphithéâtre. Le discours méthodique et parfaitement lucide' du savant professeur n'avait d'ailleurs pas besoin de ces brillantes expériences pour exciter chez tous ses auditeurs une vive attention, et la seconde leçon attira un concours presque aussi empressé que la première. Beiitii.i.ok. LE BLOCKIXG SYSTEM On désigne sous ce nom un système inventé en 18i2, par un ingénieur anglais nommé Cooke, et qui est utilisé avec quelques variantes sur tous les chemins de fer anglais pour empêcher la rencontre des trains. Il a été successivement perfectionné par différents ingénieurs, notamment M. Preill, direc- teur des services électriques du South Weslem, et par M. W allier qui exerce les mêmes fonctions sur le Soulh Eastcrn. On l'emploie sur quelques ligues françaises, et il paraît être en ce moment l'objet d'études très-approfondius de l'autre côté du détroit. L'idée mère est fort simple, car il suffit de mettre entre les trains qui se suivent sur les mêmes rails un intervalle constant choisi de telle manière que les collisions soient rigoureusement impossibles. Mais, en revanche, on doit convenir que la réalisation complète, rigoureuse de cette idée e^t un problème des plus compliqués. En effet il faut se rendre compte à chaque instant de la position que les trains occupent sur la ligne, ce qui est impossible, à moins dû semer tout le long de la voie un assez grand nombre d'observateurs pour que les trains ne soient pour ainsi dire jamais perdus de vue. Ces observa- teurs, correspondant les uns avec les autres à l'aide de signaux télégraphiques et pouvant transmettre leurs indications au bureau central, la direction peut se rendre à chaque instant compte de la situa- tion des wagons qui courent le long des rails. L'arrangement des signaux électriques a offert un grand nombre de difficultés tenant la plupart à des phénomènes dont M. Cooke ne pouvait se douter. Le problème le plus difficile ayant été de se débarrasser des courants spontanés qui parcourent les fils et mettent quelquefois les signaux en action sans que l'opérateur chargé de les surveiller s'aperçoive de ce qui vient de se passer, on a joint aux signaux électro-magnétiques sur quelques lignes des combi- naisons optiques permettant de voir les trains tontes les fois que les brouillards ne viennent point les cacher. Le nouveau ministère anglais paraissant décidé à se consacrer à toute espèce d'amélioration matérielle, nous devons nous attendre à ce quo ces belles re- cherches reçoivent une vigoureuse et prochaine im- pulsion. Nous tiendrons nos lecteurs au courant du progrès d'innovations dont nous ne pouvons qu'indi- quer rapidement le sens, mais dont la portée aura été comprise par tous nos lecteurs. En effet, la sé- curité ainsi que la commodité des voyageurs des lignes de fer doit être le souci constant de tous les vrais et sérieux administrateurs. GEOLOGICAL Sl'RYEY La Société de géographie de Paris a reçu d'un de ses membres, M. A. Guyot, quelques renseignements sur les travaux du Geological Survey. Il vient d'etre public une excellente carte en couleur des Etats de Californie et de Nevada en deux grandes feuilles, à l'échelle de -1 8 milles par pouce anglais. Cette carte, nous dit le Journal, officiel, renferme les documents les plus récents que l'on possède sur ces contrées. Une nouvelle carte de la baie de San Francisco et de ses environs, eu deux feuilles, à l'échelle de 2 milles par pouce, comprend tout le pays entre le 57° et le 58" 20' de latitude. Il faut mentionner aussi une carte de la Californie centrale, à l'échelle de 6 milles par pouce, dont deux feuilles ont paru. Les explorations de l'été dernier dans le Colorado ont été des plus intéressantes pour la géographie, parce qu'elles ont été dirigées sur la pointe culmi uaute du système orographique. Elles ont donné lieu à la préparation de cartes qui solliciteront d'autant plus vivement la curiosité qu'elles fourniront les seules données sérieuses que l'on possède encore sur les régions si peu connues des Rocky Mountains et de leurs quatre grandes chaînes parallèles. La hau- teur des grands pics est généralement uniforme. Parmi ceux qui ont été mesurés, on en compte vingt- sept qui dépassent l'altitude de 14,000 pieds, mais qui ne diffèrent entre eux que de quelques centaines de pieds. Les cols intermédiaires restent à des hau- teurs de 10 à 12,000 pieds. Une série d'observations simultanées pour comparer les résultats donnés par diverses formules barométriques à ces grandes hau- teurs ont été faites au mont Lincoln entre 9 et 14,000 pieds d'élévation. Ces travaux commencent à combler les innom- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA N AT URL'] 377 brables lacunes que l'on L-onstata.it naguère dans la cartographie des Etats-Unis, la plus incomplète! de celles de tous les Etats qui ont pris le premier rang dans la civilisation. On s'étonne encore de trouver à l'heure qu'il est, même aux portes des plus grandes villes , des districts montagneux et déserts que personne ne semble connaître et dont les cartes laissent à peine soupçonner l'existence. M PROJET DE TÉLESCOPE AUX ÉTATS-L'SIS. La construction des télescopes a donné lieu à bien des projets impraticables et extravagants de ce côté de l'Atlantique. Il en est de même en Amérique, où m L> ■ ■ ■■ ■ j ff Un nouveau projet de tùlescope uméiicain. l'esprit des chercheurs ne paraît pas disposé à tenir compte des conditions naturelles. Nous empruntons au Scienti/ic american, du 14 mars, la figure que nous avons dû réduire et qui montre l'inventeur en train d'observer, avec beau- coup d'attention, mie planète. Comme la sphère té- lesmpique a été ouverte de côté afin de le montrer à son poste d'observation, nous n'avons pas besoin de donner des détails sur les dimensions de l'appa- reil. La manœuvre serait évidemment fort simple i l'aide d'un système d'engrenages aboutissant auprès de l'observateur, c'est-à-dire dans l'intérieur de la sphère. Présenter l'ouverture de celte boule à un point quelconque du ciel ne serait point une opéra- tion difficile. A l'aide d'une lunette, comme le fait en ce moment l'inventeur, on pourrait explorer un point quelconque du miroir. Si la construction d'une pièce pareille n'était pas Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 378 LA NATURE. une chimère, on pourrait en effet se proposer d'entrer dans lu télescope au lieu de rester au dehors. Mais quoi espoir do succès peut-on conserver quand on songe que le miroir du télescope de Melbourne, qui a 120 cent, de diamètre environ, pèse 1,600 kilos et n'a pas coûté, rien que pour lui donner le poli nécessaire, moins de 1,270 heures de travail. Pour réussir, suffirait-il donc de fabriquer en verre une surface 2o fois plus grande et. de travailler avec un volume 125 fois plus considérable! Ces con- sidérations nous dispensent de suivre notre confrère dans la discussion des avantages do tout genre qui ré- sulteraient de la construction d'un semblable ap- pareil. Malheureusement la matière indocile ne se prèle que difficilement aux desseins de l'homme quand son ambition dépasse certaines dimensions. IN NOUVEL ENNEMI DE LA VIGNE LE GJtILLON BLANC DE KEIGE. ( (Ecanthus niveus, HarrU. ) C'est chose prévue et à peu près inévitable que l'importation des vignes américaines pourra s'accom- pagner de l'introduction involontaire de cryptoga- mes ou d'insectes nuisibles à ces vignes ou aux nô- tres. Il n'est pas probable qu'aucun de ces ennemis puisse se comparer même de loin au phylloxéra ; mais il n'en est pas moins urgent de prendre, dès le début, les mesures nécessaires pour détruire dans leur germe ces agents nuisibles ou tout au moins pour en enrayer l'extension. La prudence voudrait, par exemple, que les sarments reçus d'Amérique fussent soumis, avant d'être plantés, à l'action des vapeurs d'acide sulfureux, dans la mesure où ces vapeurs ne pourraient être délétères pour les bour- geons encore tout à fait dormants, eu laissant par exemple ces sarments pendant 5 ou 10 minutes sous une cornue renversée dans laquelle on forait brûler une mèche soufrée comme on le fait contre la pyrale,dans la période du repos absolu de la vigne. Ces réflexions étaient émises sommairement dans mon rapport sur les moyens d'introduction des vi- gnes américaines; j'y reviens avec une insistance nouvelle à l'occasion d'un insecte dont les œufs nous sont arrivés, avec des sarments d'un cépage américain et qui pourrait bien se naturaliser dans notre pays, en grossissant le contingent déjà trop nombreux des ennemis de la vigne, Frappé de l'apparence extérieure de certains sar- ments, M. llouysset fils, avec une prudence louable, a bien voulu m'en confier l'examen. Ces sarments présentent sur divers points de leur longueur comme des traînées de ponctuations noi- râtres autour desquelles l'écorce est plus ou moins fendue ou mâchée. Les ponctuations, rangées d'ha- bitude en ligue simple (parfois en ligne sinueuse et ^e-n, apparence double), très-rapprochées les unes des autres, ont un orifice peu distinct, souvent fermé, entouré d'un léger bourrelet qu'on ne distingue bien que sous la loupe. Une coupe longitudinale du sarment, faite parallèlement à ces orifices, montre que chacun d'eux répond à une logette obliquement creusée dans le tissu de la moelle, et renfermaut un œuf linéaire, long de deux à trois millimètres, un peu courbé, d'un blanc jaunâtre, avec la partie antérieure qui regarde l'orifice de la loge couverte de très -petites granulations blanches dont l'en- semble constitue comme une calotte hémisphérique. En consultant les admirables rapports euloiuolo- giques de lliley, il est facile de reconnaître ces œufs, qu'il a figurés et décrits comme donnant naissance à 1' ' Œcanthus niveus de Harris, c'est-à-dire à un petit grillon qu'il appelle Snomy Tree Criket, et que nous pourrions nommer grillon grimpant couleur de neige, bien que le mâle seul présente ce coloris à l'état de pureté. Les mœurs de ce petit orthoptère ont été étudiées avec soin par Hiley. Il en a vu les jeanes naître, eu Amérique, à peu près vers le 1" mai, et dès lors se nourrir avidement de pucerons, d'œufs d'insectes, et même de leurs propres frères, ce qui en ferait des auxiliaires et non des ennemis de l'agriculture. Malheureusement, leur régime change avec l'âge. En juillet, arrivés à l'état pariait, ils s'attaquent aux grappes do raisins, en rongent les pédicelles, en font tomber les grains presque mûrs ou bien font flétrir la grappe entière en dépouillant le pédoncule de son écoree. Bref, ils gâtent, à l'âge adulte, la bonne réputation de leur enfance, si bien que lliley a dû les prendre sur le fait, dans l'œuvre nocturne de leurs déprédations, pour les dénoncer avec certi- tude comme des ennemis de la vigne. La femelle, armée d'une tarière saillante, perce les sarments encore tendres pour y pratiquer les logettes cylindriques dans chacune desquelles elle dépose un œuf : le canal percé dans le bois est pres- que perpendiculaire à l'axe du sarment, mais la ca- vité creusée dans la moelle et que l'oeuf remplit exactement est un peu oblique, descendante et légè- rement arquée. Comme ces cavités sont très-nom- breuses, s'élendant par séries de 2 à 4 centimètres et qu'elles occupent les deux tiers au moins de l'épaisseur du sarment, leur présence détermine souvent la mort du bois au-dessus des points qu'elles occupent. Cette circonstance est un dommage de plus dans un pays comme l'Amérique, où les sar- ments ont une assez grande valeur, parce qu'ils se vendent comme boutures au lieu de se brûler comme bois. „ . Il ne faudrait pas s'exagérer d'avance l'effet pos- sible de ce nouvel insecte sur les vignes d'Europe. D'abord il n'est pas certain qu'il doive se naturaliser chez nous ; en second lieu, rien ne serait plus facile que d'en enrayer l'extension, en choisissant les sar- ments piqués et les faisant servir au chauffage au lieu de les employer comme boutures ; enfin, ses déprédations temporaires sur les raisins ne doivent Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 379 pas être considérables en Amérique, car elles ne sont pas signalées dans la plupart des ouvrages do viti- culture dans ce pays. D'après Rilcy, ce n'est pas dans le bois de la vigne seulement que YOEcanthus nïveus insérerait ses œufs, mais aussi dans le liais du pommier, dn pê- cher, du framboisier, des ronces, du saule blanc, etc. ' M. W. Saunders (cité par Packard, Guida to the , stuihj of insects, p. 564), l'a vu causer d'assez grands dommages aux framboisiers et aux pruniers par les perforations dont il affecte leurs rameaux. Il y a, du reste, des (Ecanthus en Europe dont l'in- dustrie est analogue et qui ne figurent guère dans la liste des insectes vraiment nuisibles. Eu Amérique, un autre ortboptère sauteur, YQrn- charis saltator\J\\.\cr, a contre les raisins les mêmes habitudes de déprédations nocturnes. Riley, qui l'a figuré dans le rapport cité plus haut, soupçonne que c'est l'insecte dont il représente les œufs dans un sarment do vigne. Ces œufs, linéaires, sont groupés verticalement au nombre de un à douze dans des cavités de la moelle dont chacune s'ouvre au dehors par un très-petit orifice, ressemblant à !a piqûre d'une grosse épingle ; mais tandis que dans les nids de YOEcantlms, les cavités sont étroites, nombreuses, et les orifices rapprochés par lignes, dans ceux de YOracharis, chaque petit orifice est séparé des plus voisins par des intervalles de 2 à 3 centimètres. Il est possible que les nids en question se trouvent dans les sarments reçus d'Amérique, bien que nous n'ayons pu encore les y découvrir. Le seul autre insecte nuisible que j'aie vu dans ces sarments exotiques, est une chenille à apparence de ver, c'est-à-dire blanche et étiolée, que M, Jules Pagezy m'a remise comme étant sortie d'une galerie creusée dans un de ces sarments. Cette chenille est en ce moment en observation dans un bocal. Si je l'avais trouvée dans une racine, je pourrais croire qu'il s'agit dû la chenille d'un singulier papillon à forme de guêpe, YAigeria polistiformis, laquelle fait d'assez grands ravages dans les vignobles des Etats du Sud, et qui pourrait naturellement se trouver dans les sarments venus de la Géorgie. En tout cas, nu ne devrait pas mettre en terre un seul pied de vigne sans l'avoir soumis à un examen préa- lable en vue d'y découvrir des œufs de larves mi- neuses ; on ne devrait pas planter les sarments sans les avoir soumis aux vapeurs d'acide sulfu- reux, en tant du inoins que l'état de leurs bour- geons leur permettrait de supporter cette opéra- tion 1 . J.-E. Plakcho.i. •0< LES ARAIGNÉES EN MÉNAGE Les animaux vivent-ils eu ménage, c'est-à-dire dans cette association de longue durée analogue aux 1 La Vigne, 25 avril 1874. unions humaines ? Il y a à cet égard les plus grandes diversités. Les choses se passent tout autrement que nous n'a- vons l'habitude de levoir si nous examinons le monde des Articulés. Dans beaucoup de cas la femelle a la plus grande taille, et, quand elle est carnassière, la vie de son époux n'est pas précisément celle d'un maître et d'un triomphateur. Il est très-souvent lu première victime de la voracité de sa compagne. . Les araignées présentent les plus nombreux exem- ples de ces mœurs cruelles. Nous voyons d'ordinaire les araignées solitaires, et ce sont des femeUcs. Tan- tôt l'épeire se tient au centre de sa toile orhieulaire, tendue d'une allée à l'autre du jardin, nous mon- trant son énorme abdomen où brille comme une croix d'argent; d'autres araignées ont tapissé un trou de mur d'une toile en entonnoir, et se placent sur le bord, guettant la proie. lien est qui établissent leurs toiles sous les pierres, sous les feuilles sèches; ce sont les drasscs. D'autres, les tégénaires, dont le type est l'araignée des maisons, font une toile triangulaire dans une encoignure, et se retirent dans un tube soyeux, placé dans un -coin de la toile. Enfin les lycoses sont errantes, courent sans cesse à la chasse par les chemins, entre les herbes, k femelle portant sur son dos le précieux cocon, soyeux et nacré, qui renferme ses œufs, ou rassemblant sur elle, après l'éolosiou, sa débile progéniture, comme ces vagabonds de nos campagnes ayant leurs enfants sur le dos. Les mâles de la plupart de ces espèces variées paraissent mener une vie voyageuse et inquiète. Nous les trouvons ra- rement. Poussés par leurs désirs naturels, ils s'ap- prochent de la toile où repose majestueusement la femelle, et se hasardent eu tremblant sur le tissu perfide, après l'avoir fait remuer légèrement. Sans doute ils reconnaissent à quelques signes que leur présence sera tolérée, sans quoi ils battent prudem- ment en retraite. Mais le plus difficile reste à faire ; leur devoir rempli, il semble que la férocité de la femelle, qui n'a plus rien à attendre, a doublé. Elle s'élance rapide et furieuse sur l'époux infortuné, et s'il ne fuit pas au plus vite sur ses longues patles, il paye de sa vie l'acte que la nature lui impose. Mar- guerite de Bourgogne se contentait de faire tuer ses amoureux lorsqu'ils avaient cessé de plaire, suivant la formule des prospectus de la haute nouveauté ; la Marguerite à huit pattes tue elle-même Buridan, et le mange, ou plus exactement lui suce le sang tout à son aise, lorsqu'il est chloroformé par le venin, puis lance au vont et hors de sa toile la carcasse vidée de son époux d'un moment, avec une aussi magnifique indifférence que pour la peau d'une vile mouche. Il ne faudrait cependant pas nous figurer tous les maris des araignées voués nécessairement à un aussi triste destin. Il y a des araignées qui vivent paisible- ment en véritable ménage, comme d'honnêtes bour geois. Je ne crois pas qu'il y ait là l'indice d'une réelle affection, car ce sentiment paraît exclusivement dé- volu aux femelles non pour l'époux, mais pour le doux nid satiné qu'elles filent tout exprès pont- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 3?0 LA NATURE. leurs œufs et leurs petits, au moyen d'une soie bien plus fine que celle de la toile, et tirée de filières particulières. Il y a lion ménage ou quand les époux sont de même force, ou quand le mâle compense une taille plus petite par des pattes plus robustes ou plus longues, et peut-être par un venin plus énergique. Nous allons csquisserquebnies types parmi ces araignées modèles. Les Tliéridions constituent une famille d'araignées avantun norut) re con- sidérable d'espèces de petite taille, quel- ques millimètres ; leur abdomen est très-gros et globu- leux , à dos bombé. Leurs pattes sont longues et grêles et toujours dans l'ordre suivant: 1,4,2,3, en longueur décrois- sante. Les couleurs de ces petites arai- gnées sont d'ordi- naire élégantes. Le corps est sans poils et luisant, comme s'il était verni; sou- vent des taches rou- ges, blambes, vertes ou jaunes se déta- chent sur un fond lacté ou d'un noir de velours ; parfois des lignes brisées y des- sinent de jolis arbus- cules. LesTbéridions ont tous des mœurs douces et des habi- tudes paisibles. Ils semblent ne pass'el- frayer de la présence de l'homme, et beau- coup travaillent sous ses yeux. C'est avec une sorte de crainte qu'ils paraissent at- taquer la proie ; ils collent quelques fils sur le corps de la mouche, puis tournent autour d'elle pendant quelques minutes, de manière à l'enlacer d'un fil à enroulement mul- tiple, et, ces précautions prises, la sucent à loisir. Les toiles des Théridianssont les plus simples que façonnent les araignées; elles ne sont qu'un lacis de fils irrégulièrement croisés et disposés sans art. Le rocon des œufs, quoique placé d'habitude au cen- tre de cette toile et exposé à une foule de dangers, est le plus souvent formé d'une enveloppe lâche et peu résistante, à travers laquelle il est facile de dis- tinguer les oeufs. Les l'héridions font des pontes suc- cessives, et ils vivent plusieurs années. On en trouve un grand nombre d'espèces couvrant de leurs légè- res toiles les buissons et les plantes basses. Ou a sou- vent donné le nom de l'héridions bienfaisants à de très-petites espèces qui tapissent d'un lacis de toiles les grappes de raisin de nos vignobles; ce sont en effet des ennemis, bien utiles pour nous, de deux petits lépidoptères très-nuisibles, la Pyrale de la vigne et la Teigne de In grappe. Une espèce, la plus intéressante pour nous citadins, est le Theridion civil ( Theridium civi- cum, Lucas). Son corselet (tète et tho- rax réunis) est noir, son abdomenest gris, bordé de blanc , et porte une succession de petits triangles noirs sur la ligne médiane. Les pattes sont roussâtres et annelées de noir. On a souvent remarqué, sur les murs en pier- res de taille et non badigeonnés, des ta- ches grisâtres, à peu près arrondies, du diamètre d'une pièce d'argent de cinq francs ; ces tnebes singulières, qui res- semblent à des pla- ques de boue dessé- chée, et qui salissent beaucoup de monu- ments et de maisons de Paris, sont dues au travail d'une pe- tite araignée, longue d'environ 3 milli- mètres; le mâle un peu plus long que la femelle. L'araignée choisit, pour établir sa demeure, un petit trou sur les pierres dont la surface n'est pas très- lisse, et de là elle tisse une toile arrondie, formée de fils rayonnes partant du centre, et entre-croisés trans- versalement par d'autre fils. Ce réseau circulaire est naturellement brun ; mais, comme aucun abri ne le protège, il est toujours plus ou moins surchargé de poussière, ce qui donne une teinte grise à la place qu'il occupe. On trouve beaucoup de ces toiles sur les murs du Louvre, surtoutdu pavillon de l'Horloge; elles abondaient — avant la Commune — sur. les murs rugueux des Tuileries et de l'Hôtel de Ville. Si l'on détruit un grand nombre de ces toiles, on finit Cluliiocie nourrice. , — 2. Femelle. — 3. Cocon nuptial. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 5S1 par trouver au centre de certaines de ces petites tentes, plus relevé 1 qu'aux bords, l'architecte logé d'habitude dans un petit tube do soie. Souvent on ramasse ensemble le mâle et la femelle, et on peut les placer dans une boîte, sans que le ménage se mange. C. [himéril avait observé, longtemps avant M. Lu- cas, cette petite araignée et la cavité parfois assez pro- fonde où elle se tient tapie, mais il n'y avait pas re- connu une espèce spéciale, et croyait avoir affaire à de très-jeunes araignées d'une espèce plus grosse. Il pense que ces toiles ont un inconvénient fâcheux pour nos monuments, et plus grave qu'un aspect poussiéreux et désagréable. Les fils gluants dont elles sont formées retiennent une foule de poussières or- ganiques. Comme celles-ci sont très-hygrométriques, elles s'altèrent par les temps humides, et donnent naissance à une foule de moisissures cryptogamiques s'incrustant bientôt intimement à la pierre, et la dé- sagrégeant peu à peu. Le grattage que les architectes municipaux fout subir de temps à autre à nos mo- numents publics a bien pour effet d'enlever mo- mentanément ces plaques de toiles altérées et moi- sies ; mais ce n'est que pour peu de temps, car cette opération même détermine sur les pierres une foule | de petites cavités dont les Théridions s'emparent bientôt pour une nouvelle iilature. Il faut bou- cher à la brosse tous les petits interstices au moyen d'une forte couche de chaux aérienne qui durcit bien- tôt. On se fera plus aisément une idée des Théridions en cherchant dans les serres chaudes une espèce exo- tique et de plus grande taille, à peu près cosmopo- lite, le Théridion des serres (Theridium tepidario- rum, Koch), araignéed'unjauneroussâtre, à grandes pattes grêles. La femelle, longue de 6 à 7 millimètres, a l'abdomen d'un jaune d'ocre pâle avec des arbores- cences brunes ; le mâle, presque moitié plus petit, très-grêle et allongé, est d'un roux plus vif. C'est dans les encoignures obscures, sur les vitres et sur les supports transversaux en fer, que cotte araignée file une toile fine et lâche. Le petit mâle se trouve en août et septembre, en bon accord avec la femelle. Celle-ci amarre avec des fils sou cocon à œufs, sphé- rique, de couleur ferrugineuse au dehors, ouaté de blanc en dedans, précieux dépôt sur lequel elle se tient jusqu'après l'éxlosion des jeunes araignées, qui a lieu en mai et juin. Dès qu'on veut s'en emparer elle se laisse tomber sur le sol en faisant la morte, puis, aussitôt arrivée à terre, fuit avec rapidité. Qu'on me pardonne une courte digression sur celte espèce. Dans les premiers jours de janvier 1871,. M. Lucas eut 1 idée prévoyante de recueillir en grand nombre dans les belles serres vidées du Muséum cette inté- ressante espèce. Bien lui en prit, car à ce moment, par des circonstances tout à fait étrangères à l'his- toire naturelle, les artilleurs d'un puissant souverain se trouvaient fort près de Paris. Ils reçurent l'ordre d'expédier au Muséum de magnifiques échantillons de fonte de Silésie, destinés sans doute à la collection de minéraux. Les obus se promenèrent au hasard dans ce paisible sanctuaire de la science, et les vitres das serres furent réduites en poussière par une ex- plosion. En février on ne trouvait plus que les cada- vres épars des Théridions lues par le froid. Malheu- reusement nos pauvres mobiles du plateau d'Avron en avaient aussi ressenti les cruelles atteintes. Un autre groupe d'araignées vivant en ménage est celui des Clubionas, aussi féroces que les 'théridions sont doux. On trouve, dans le midi de la France et dans les lieux arides et bien insolés des environs de Paris, la Cîubiune nourrice [Aniphcena ou Cheira- canthîumnutli.'c, Walckenaer), grosse araignée dont l'abdomen est du plus joli vert glauque qu'on puisse voir, orné chez la femelle d'une bande grise dorsale. Cette espèce construit un nid soyeux d'un blanc de neige en entrelaçant de ses fils les élégants épis des paturins, des IIoJcus, des Aira. Le mâle et la femelle sont réunis côte à côte dans cette lente nuptiale, doucement agitée par la brise et chauffée par les ar- dents soleils de juillet. La femelle doit regarder son mâle de ses huit yeux les plus doux, car il est réel- lement splcnditle avec son corselet grêle et svelte, semblable à une belle jaquetle rouge, et ses longues pattes. Si l'on cherche à tirer au dehors le ménage, il résiste et mord. Les œufs sont pondus et sclosent dans cette chambre nuptiale. J'ai trouvé en grand nombre ces jolies et cruelles araignées dans les lan- des arides et brûlées de Champigny, où lesamaleurs parisiens vont chercher tant d'intéressantes espèces méridionales. Allons, araignées de malheur, toujours les tristes souvenirs! on y voit encore les tranchées creusées par nos soldats en des jours néfastes. Une espèce toute voisine, la Clubione bourreau ou er- ran/e, un peu plus forte et d'un jaune clair, cons- truit surtout son nid dans lis champs d'avoine. Elle se jette avec fureur sur les araignées qui pa.j-.out à sa portée et les tue. D'autres cluhiones, ainsi la Clu- bione soyeuse, qui abonde dans les lilas des jardins, offrent encore le ménage dans la même chambre de soie, mais une cloison sépare l'époux et l'épouse. Enfin, dans plusieurs espèces île Drasses, le mâle se file un cocon distinct, au-dessus de celui de la fe- melle. Cette précaution de faire chambre à part est, sans doute l'indice d'un ménage agité, et où le mâle craint de venimeuses morsures. Maurice Giiiakd. CHRONIQUE Singulière descente de ballon. — • Le lundi 27 avril a eu lieu à Londres une ascension fort curieuse.. L'aé- ronaute Wright est parti de Cristal-Palace, accompagné par un gentleman, et l'on a vu le ballon disparaître du côté de Londres. Les administrateurs du jardin ne pen- saient plus » rien lorsqu'ils reçurent, du voyageur qui avait accompagné l'aéronaule Wright, une lettre fort polie les priant de lui faire savoir ce qu'était devenu l'aérostat, et l'aéiouaule, sur le compte duquel il était fort. inquiet. Cette lettre singulière excita vivement la surprise des ad- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 383 F. A NATUIIE. mimstraleurs du Palais de cristal, qui s'empressèrent de télégraphier au passager pour domandrr dos explications. Voici ce qui était arrivé. Le ballon était descendu rapide- ment et le voyageur qui ne s'attendait point au choc avilît été renversé par terre. 11 était tombé d'une hauteur assez faillie pour ne point se faire de mal. Mais l'aérostat délesté de ce poids avait rapidement remonté vers les nuages et avait disparu. L'aéronautc ayant immédiatement joué de la soupape était descendu à dix. kilomètres de l'accident, qui a eu lieu dans les environs rie Soutliall. la fabrication tles plumes métalliques à llir- min^lmm. — Cette industrie a pris dos développements inouïs. On estime à 14,400,000 le nombre des plumes qui sont fabriquées en un jour. Le prix des sortes communes est tombé au chiffre, incroyablement modéré de 15 cen- times li grosse. On fabrique un assez grand nombre de plumes d'or, auxquelles on donne des pointes d'iridium. Les petits morceaux d'iridium sont tboisis dans la mas-o du p'atinc à l'aide d'un microscope. On les soude au bout ('e la plume d'or à l'aide d'un chalumeau à gaz oiv-hydro- géne, puis on les affine sur une meule de cuivre roeou- \erte d'éincri, f'iirîeiisc occultation d'util étoile par la lune. — Certains phénomènes célestes peuvent être visi- bles pourun pointe! invisibles pour un autre fort peu éloigné du premier. Une éclipse de soleil, par exemple, pourrait étie lot de pour un arrondissement do fans et seulement partielle pour un aufreairondissenii.nt.Les observations do ces cas sont fort rares. Voici une occultation d'étoile qui est curieuse à ce point de vue. Le 27 février dernier on attendait il l'Observatoire royal d'Angleterre, à Crcenwich près Londres, le passage de la lune près d'une étoile (v 5 Cancer) , pour savoir si notre satellite occulterait cette étoile ou passerait presque on contact avec elle sans l'éclipser, C'est ce dernier cas qui s'est présenté. Soigneusement suivie par l'un des astrono- mes, l'étoile a frôlé le disque lunaire, pour ainsi dire sans être occultée, même pendant une seconde. A une laible distance de là, a l'Observatoire do Leyton, qui n'est qu'à 9 kilomètres au sud-est de Londres, l'é- toile a été occultée pendant huit secondes. Elle a paru cou- rir pendant vingt minutes le long du bord lunaire, on pas- saut fréquemment pendant une seconde et plus derrière les montagnes échancrant ce bord . On a noté avec soin les deux moments de la disparition et de la réapparition, qui sont, en temps de Groenvvich : Disparition 8 h. 33 m. 16 s. 48 Réapparition 8 33 24 48 C'est là, comme on voil.une'occullatinii assez rare, non pout-èlrc par sa brièveté, mais surtout par suite de la cir- constance signalée plus haut. l r n nouveau télégraphe transatlantique. — La plus grand steamer du monde, après le Creal-Eastern, vient d'arriver dans la Tamise ; il est actuellement mouillé devant l'usine de ses armateurs, MM. Siemens frères, à Chatham, othi d'y embarquer un nouveau câble transatlan- tique, destiné à relier l'Europe et les Étals-Unis. Nous trouvons, à l'occasion de, cette nouvelle ligne télégraphique, d'intéressants détails dans une correspondance d'Angle- terre: « Le nouveau télégraphe transatlantique doit relier di- rectement l'Irlande à New-York, sans aucune station inter- médiaire. La compagnie fondée pour celle entreprise a pris le nom de « Compagnie du câble direct sur Ks Etat- Unis. » Elle a commandé à MM. Siemens frères le nouveau câble, qui ira directement d'Irlande à la Nouvelle-Ecosse, et de là, en suivant la côte du New-Ilainpsïre, jusqu'à New- York. Le nouveau navire qui doit procéder â l'immersion du câble a reçu le nom de Faraday, en l'honneur du cé- lèbre professeur; il a été lancé, en février dernier, des chantiers de MM. C. Milcb.cU et C", de Newcastle on Tync. Il mesure 360 pieds de long, 32 pieds de bail et 3(1 pieds de creux. Sajauge oflicielle eslde plus de 3,000 tonneaux, et il peut on porter beaucoup au-delà do 0,000. Sa con- struction, sur un modèle nouveau, est toute particulière. Pour plus de sécurité, les grandes cuves où se trouvera lové le câble ont été recouvertes do doubles arcades en plaques de fer, qui reposent, d'un autre côté, sur les flancs du navire, et les cuves elles-mêmes sont réunies entre elles par une sorte de pont en fer. Tout, à bord, se fait à l'aide delà vapeur. Le Faraday, quoique à hélice, a l'avant et l'arriére absolument semblables et munis chacun d'un gouvernail. II est mû par deux hélices jumelles, dont cha- cune inaneeuvro à l'aide dune machine séparée. Il a deux tuyaux situés tous deux à l'avant du grand mât, mais qui paraissent occuper fort peu de place sur son pont, extrê- mement spacieux. 11 prendra à bord 1,300 milles de câ- ble, et sera aidé, dans le travail de l'immersion, par l'Ant- bassador, autre grand navire appartenant aux même» armateurs, et que Ton attend, sous peu, en retour du Brésil. Passage de Ténus — Le gouvernement des Etats- Unis a élevé à 750,000 francs les crédits pour l'observa- lion du passage de Vénus. Le nombre des stations occu- pées par les Américains sera de huit, à savoir: quatre dans l'hémisphère austral et quatre dans l'hémisphère boréal. Ces huit stations seront toutes choisies dans les points de la surface terrestre où tout le passage sera visi- ble depuis le premier jusqu'au dernier contact. Les Amé- ricains renoncent donc à l'emploi de la méthode de de l'isle, qui a trouvé dans sir Georges liiddel Airy un si pré- cieux défenseur et qui ne suppose nécessairement que l'observation d'un seul contact, pourvu que l'on ait avec exactitude la connaissance du lieu d'où l'observation est faite. Sir Georges avait invité les astronomes américains à oc- cuper, dans l'océan Pacifique, deux stations favorablement situées pour l'application delà méthode de de. l'isle. Les Américains refusent de se rendre à celte invitation. De plus ils ont décidé d'occuper, en même temps que la Prusse, l'île Mac-Donald, à laquelle les Anglais ont renoncé. Ces décisions Ont été provoquées par le voyage, en Amë-. rique, de M. P. Proctor, dont les débats avec sir Georges ont produit quelque bruit et dont nous avons résumé les conférences dans un de nos derniers numéros. tue singulière invention allemande. — M. Gcede, capitaine d'artillerie prussienne, a publié dans la Gazette militaire de l'empire allemand un projet de di- rection des aérostats qui dénote bien peu de connaissances physiques. L'auteur a imaginé de se servir, comme moteur, d'une machine à gaz, alimentée avec de l'air carburé. 11 faut qu'il emporte avec lui son ventilateur cl son essence de pétrole. Cette machine est destinée a metlre en mou- vement une série de roues à volets, dont le diamètre est très-faiblo et qui doivent s'ouvrir et se fermer automati- quement malgré l'effrayante rapidité avec laquelle il faiil faire tourner cette ferraille pour qu'elle morde sur l'air ambiant I Le ballon doit élre cloisonné, ce qui nécessite, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 383 sans que l'auteur s'en aperçoive, autant do soupapes et d'orifices qu'ily a de compartiments dils Hanches ! La pièce la plus curieuse est une, sorte de paravent fabriqué avec un cadre de fer dont l'inventeur se sert pour abriter son ballon captif contre le vent et qu'il place au haut du câble qui le tient en captivité. Le baron de Crac n'eût rien trouvé de plus ingénieux. Un esturgeon monstre. — L'aquarium du Brigh- ton vient de recevoir un magnifique esturgeon péché dans le port de Rye. Ce poisson mesure 2 mètres de longueur et pèse plus de 125 kilog. Il a fallu l'amener jusqu'à la sta- tion de Rye, distante de 7 milles, et de là a Brigtiton, c'est-à-dire lui faire faire un trajet de uO milles par voie ferrée. L'esturgeon a parfaitement résisté a ce long voyage, et il nage plein de vigueur, dans un des bassins de l'aqua- rium. C'est le plus grand spécimen qui ait jamais été ex- posé. (Times.) li'exposltlon de photographie an palais de l'Industrie. — Celte exposition renferme cette année un grand nombre de remarquables spécimens d'épreuves tirées à l'encre grasse. La photolilhographie, créée par Alphonse Poitevin, a fait de nos jours des progrès très- importants; il en est do même des différents procédés d'héliogravure. Une collection de gravures photographi- ques est exposée par MM. Goupil et C 1 *, Tliiel et C'°, etc. On remarque aussi du superbes épreuves photo-glyptiques, obtenues par les méthodes dont nous avons déjà parlé dans ce Recueil. I,e massacre des buffles, en Amérique. — On craint généralement que les faufiles qui vivent dans les plai- nes du nord de l'Amérique ne finissent par être bientôt totalement exterminés. 11 y a peu d'années, des troupeaux innombrables de buffles erraient à leur gré dans des prai- ries sans bornes qui sont situées à l'est des montagnes Rocheuses. Mais depuis quelque temps, on leur a fait une guerre tellement acharnée, qu'à peine si l'on en aperçoit quelques-uns de distance en distance, tes seules traces vi- sibles qu'ils ont laissées élant leurs os, dont plusieurs mil- lions blanchissent les plaines. Le massacre de ces animaux, dit le Journal officiel, d'après le Times, est d'autant plus regrettable, que leur chair n'est jamais utilisée, et que les chasseurs ne les tuent que pour s'emparer simplement de leur peau. Un certain M. L-essig, qui a surveillé pendant plusieurs mois une expédition dans des pays où l'on ren- contrait, il y a trois ans à peine, de vastes troupeaux de . buffles, assure qu'il a fait compter en un seul endroit 6,300 carcasses desquelles la peau avait été arrachée. La chair n'avait pas été touchée, et on l'avait laissée Be pour- rir dans la plaine. A peu de distance de ce lieu, on avait trouvé encore plusieurs centaines de carcasses, et en fait, toute la plaine était littéralement pointïllée par ces masses en putréfaction. M. Lessîg évalue à 2,000 le nombre des chasseurs qui campent sur les bords du fleuve Rickari, at- tendant le passage des buffles, et il s'est croisé avec seize d'entre eux qui lui ont affirmé qu'ils avaient tué 28,000 buffles pendant l'été dernier. En prenant ce chiffre pour moyenne, le nombre des buffles tués pendant une année arriverait à un total incroyable. Quoique le prix des peaux ait considérablement diminué, toutefois on tue avec tant de gaieté de cœur un si grand nombre de ces animaux, que les chasseurs assurent que ce commerce est encore très- lucratif. M. Lessigdit que les massacres, dans le cours des deux dernières années, ont été si considérables, qu'on ne rencontre plus do faufiles dans les plaines, si ce n'est des corps morts ; que parlant il y a peu de petits, et que si h race n'est pas tout à fait détruite, il faudra plusieurs an- nées avant qu'elle atteigne en nombre h; dixième des buf- fles qui existaient avant que ne commençât cette horrible tuerie, qui s'est attaquée à toutes les bêtes sans distinction d'âge. On espère toutefois que le gouvernement du pays fera mettre un terme à cette destruction systématique et fantaisiste. CORRESPONDANCE SUIl LES VESTIGES d'un TEMPLE AD SOMMET DU PUY-DE-DÔME. Monsieur, Dans le compte rendu de la réunion des Sociétés sa- vantes, par votre collaborateur, W. de Fonvielle, je lis qu'en exécutant les fondations de l'observatoire du Puy- de-Dôme, dont 31. Alluard, professeur de physique à lu Faculté des sciences de Clermont-Ferrand, est le directeur, on a trouvé les restes d'un vaste monument que l'on attri- bue aux Romains. Permettez-moi, à ce sujet, quelques réflexions : On a l'habitude de toujours attribuer aux Romains les monuments anciens. Mais ne serait-il pas souvent plus sage de mettre sur leur compte la destruction de ces mo- numents? Les Romains, en leur qualité de conquérants, n'apportaient dans les pays étrangers que ce que l'invasion a coutume d'y conduire, l'incendie, la dévastation et la ruine. 11 est certain que de vastes et antiques constructions s'élevaient jadis sur le sommet du Puy-de-Dôme, mais il est probable, à mon avis, que les Romains qui détruisaient souvent les templea des religions étrangères à la leur, ont dégradé le temple qui s'élevait sur le Puy-de-Dôme et qu'ils y ont ensuite établi un camp retranché; il se pour- rait qu'au moyen âge des constructions aient été élevées, postérieurement, sur le sommet du Puy, avec les anciens matériaux, et qu'elles aient été détruites encore par des guerres plus récentes. Quant au magnifique temple primitif qui s'élevait autre- fois sur le sommet du Puy-de-Dôme, je crois pouvoir. affir mer qu'il faut l'attribuer aux Druides ; tout me porte i croire que si les fouilles, que l'on se propose de compléter, sont conduites avec intelligence, on trouvera le vaste con- duit souterrain qui devait nécessairement conduire des forets de la plaine dans l'intérieur et au sommet du Puy- de-Dôme. Veuillez agréer, etc. D r Pierre .*. Clermont-Ferrand, nui 1871. —*$*— . - ACADÉMIE DES SCIENCES Séance du H mai 1874. — . Présidence de M, BenTnAnu. La séance, ouverte à trois heures et quart a fait plat a dès quatre heures et demie à un comité secret; encore, do ces cinq quarts d'heure faut-il retrancher toute la corres- pondance, qui, très-volumineuse, a été dépouillée avec tant de discrétion que nous n'en avons rien saisi. C'est ensuite qu'est venu un interminable mémoire de M. Tré- cul, destiné, comme les précédents du même auteur, à Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 5fii LA NATURE. ruiner la lliéiirie carpellairo. par l'étude, cette fois, du fruit des Œscidus et des l'avia. Dire que le public et mémo que lu majorité de l'Académie n'ont pas écoule un mot de cette lecture, laborieuse de toute manière, puisque, a la difficulté qu'il avait à dire ses phrases, M. Trécul a joint le tracé de nombreux dessins sur le tableau, ce ue serait surprendre personne ; mais nuus pouvons ajouter que les trois botanistes seuls présents dans la docte as- semblée, se faisaient remarquer par leur indifférence on par l'animation des conversations particulières dans les- quelles ils étaient engages. Parfum de vanille. — M. Dumas a mis sous les yeux de l'Académie de petits crislnux envoyés par M. Hofmann, au nom de deux de ses élèves, et présentant, à l'état de pureté, la matière odorante de la vanille. Ce qui ajoute de l'intérêt à cette substance, t'est qu'elle n'est point extraite delà vanille, mais de végétaux uii certes on n'eût jamais eu l'idée de la chercher : des conifères. Pour don- ner lieu ii cette production inattendue, on extrait d'a- bord du cambium des conifères la glucoside qui s'y trouve, naturellement contenue, puis on la sou- met à l'action d'un ferment spécial , connu depuis long- temps sous le nom i'êmul- sine. Il résulte de «>ettc réaction, analogue a colle que toutes les glueosides subissent de la part de fer- ments bien choisis, d'une part du glucose et de l'autre une matière dérivée sui- vant une loi très-simple et qui, dans ce cas particulier, ne semble pas avoir reçu de nom. Le Tliundzrer, nouveau navire & tourelle de la mtiriiin yng Quoi qu'il en soit, c'est cette substance cristallisée qui, oxydée lentement par l'action du bichromate do potasse, donne lieu à la matière I qui permet une même à laquelle la v;inille doit tout son parfum. 11 est impossible qu'une pareille découverte ne comporte pas des applications importantes; et ma foi, dussé-jc passer pour un germanophobe, je ne puis m'empècher d'ajouter que, signée d'un nom français, elle me ferait encore plus de plaisir à signaler. Stanislas îIelnier. commencement de la transformation, qu'à faire des essais pou concluants. Les ingénieurs des construc- tions navales ont ou un engouement exagéré pour le type Monitor, jusqu'au moment où l'on a reconnu qu'une flotte ainsi composée serait réduite à l'inac- tion, si elle était obligée do prendre part à un com- bat naval livré au large. L'Angleterre amis, dans ces dernières années, des navires en chantier, plutôt avec l'intention appa- rente de défendre ses côtes que d'aller porter la guerre au loin ; en effet, son littoral étendu est di- versement accessible. Ces types lourds, qui ne peu- vent supporter une tempête, sont bons dans les baies mêmes des côtes du Royaume-Uni ; le désastre du Captain, coulé en pleine mer, a éveillé l'attention de l'Amirauté, qui, voyant encore en chantier plu- sieurs constructions de ce modèle, s'est consolée eu admettant que la sta- bilité de ces sortes de batteries flottantes est plus grande quand le tirant d'eau est faible. Le Thundcrer , que nous représentons ci- contre, est un de ces der- niers types , construits par M. Heed, le chef des constructions navales. 11 a 80 mètres de long sur 20 mètres de large, et un déplacement de 4,4 12 tonneaux. Les machines, de la force de 800 chevaux (puis- sance nominale), fonc- tionnent avec un con- denseur à surface. Les hélices sont doubles, ce té [l'évolution, qualité grande facilité d LES DEKMEBS TYPES DE MURES CUIRASSÉS de l'amjleterre. Depuis vingt ans l'armement maritime a suivi la marche ascensionnelle de l'armement des armées de terre; toutes les puissances ont senti la nécessité d'avoir des navires construits de manière à résister à toute tentative agressive. L'Angleterre, jalouse do sa prépondérance maritime, a fait des dépenses énor- mes, dont une grande partie n'a servi, depuis le précieuse pour l'agression par le choc. Les deux tourelles, placées à l'avant, font armées chacune de deux pièces pesant 55 tonneaux; elles lancent des projectiles de 550 kilogrammes à huit kilomètres de distance. Ces pièces sont montées sur un affût inventé par le capitaine Scott, ayant pour but d'obtenir dans une tourelle, d'une hauteur ré- duite, toute facilité de manœuvre d'une pièce aussi monstrueuse. La mise en batterie et le pointage se font au moyeu de la presse hydraulique ; deux hommes suffisent. Le pointeur se place dans un petit réduit en saillie sur la terrasse de la tourelle, d'où il voit distinctement l'horizon. Le blindage consiste en plaques de fer et tôles superposées sur une épais- seur de 36 centimètres. La rotation des tourelles se fait à la vapeur. Ia Prt/priétaire-Gcrant : G. Tissasdieh. ( pu if il. — Typ.el sti^r. "vir J- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires Pi° 51. — 23 MAI 1871. LA NATURE. 585 L'ÉLÉPHANT FOSSILE DE DURFORT {gàKD.) Une découverte très-importante a été faite par un savant géologue de Montpellier, M. Cazalis de Fou- douce, dont le dévouement à la science, l'activité et la persévérance ont souvent contribué à enrichir les annales de l'anthropologie et delà paléontologie fran- çaise. Il ne sera pas sans intérêt de connaître l'his- toire du squelette d'éléphant fossile, dont la gigantes- que ossature va bientôt former l'un des restes paléon- tologiquesles plus importants du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Dans le courant du mois de novembre 1869, M. Ca- zalis de Fondouee se rendait à Durfort, village du département du Gard, pour continuer avec un de ses amis M. Ollier de Marichard, des fouilles que ces na- turalistes avaient commencées dans la grotte des Morts. Parvenu à 1 kilomètre environ du village, M. Guzalis aperçut sur un tas de pierres, au bord de la route (route départementale n° 3 d'Alais au Vigan) quelque cliose qui lui parutclre une dent d'éléphant- Crâne du l'ûléiihaiit fossila de Durûjri A peine descendu île voiture il revint sur ses pas et s'assura par lui même que l'objet observé était bien un fragment de molaire d'éléphant fossile. Interrogé sur la provenance du tas de pierres, le cantonnier ré- pondit qu'il venait do l'élargissement de la roule, fait un an auparavant, et que tout cet amas avait été extrait du point même où on le voyait encore. Il existait, en effet, en ce lieu, au milieu d'un terrain rocheux (le terrain néocomien), un dépôt alluvien, qui peut-être avait autrefois comblé toute la vallée; mais dont les cours d'eau quaternaires en opérant leur travail d'érosion, n'avaient laissé qu'un faible témoin de 2 ou 300 mètres carrés de surface. M. Cazalis fit immédiatement opérer une fouille sur le bord même de la route, et il eut la bonne for- tune de trouver encore en place une brancha de la » S - unie. — i" lemcslrc. mâchoire inférie-ire et la mâchoire supérieure d'un éléphant fossile gigantesque; les doux mâchoires avaient encore leurs molaires. Quant aux défenses et à l'autre branche de la mâchoire inférieure, elles avaient été brisées par les ouvriers pendant le travail d'élar- gissement de la route, et leurs débris étaient ceux qui gisaient sur le tas de pierres au moment du pas- sage de la voiture conduisant M. Cazalis à Durfort '. Dans la fouille, M. Cazalis fut assez heureux pour 1 Je me permettrai de présenter une observation que j'ai déjà publiquement fiiite, au sujet du massacre des députa fossili- fères de la gratte du Maz-d'Azil (Ariége), par des ouvriers i^nonnta. Pourquoi les ingénieurs des ponts et ebaussces n'eii- gent-ils pas que les ouvriers et les entrepreneurs conservent avec soin tort ce qu'ils trouvent d'eïlraordinairc et de rare, dans les fouilles qu'ils exécutent? 25 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 580 f,A NATURE. découvrir les défenses d'un second individu. Ces défenses, venant aboutir sur les bords de la route, avaient éLé coupées pendant le travail de déblai, les ouvriers et leurs conducteurs les ayant prises pour de vieux restes de tuyaux en poterie. Leur direction indiquait qu'un second crâne detait exister dans un champ voisin, vierge de tout remaniement. Les ouvriers mirent en effet à découvert, après avoir fouillé pendant quelques heures, le crâne représenté dans la figure ci-jointe, où la partie des défenses" qui avait été tranchée est rétablie. Ce crâne, ainsi que les deux pre- mières vertèbres (l'atlas et l'axis) furent transportés au musée do Montpellier où l'on eut beaucoup de peine à les l'aire arriver sans encombre, car leur friabilité était excessive. Pendant ce premier travail de déblai, M. Cazalis put s'assurer que le squelette presque entier de ce proboscidien fossile était là, caché par les alluvions, car en outre de la tête complète on put apercevoir l'omoplate, l'humérus et les côtes du côté droit de l'ani- mal. Comme il arrive bien souvent, en pareille, circonstance, les pré- tentions du propriétaire du champ furent telles pour permettre à mon savant ami de continuer les Fouilles déjà si fructueuses, qu'il dut re- noncer, pour le moment, à tout autre travail de recherches. C'est seulement au mois de no- vembre 1872 qu'un traité, passé par les soins de M. Cazalis de l''on- douce entre le Muséum d'Iiistoirc naturelle de Paris et le proprié- taire de Durfort, a permis la con- tinuation des fouilles. Aujourd'hui le Muséum a le droit d'extraire tous les ossements qui se trouvent sur le lambeau d'alJuvioiis du ha- meau de Sainl-Martin-do-Sossenac. Spécialement chargé du travail de recherches, M. Cazalis a repris son œuvre au mois de mai 1875. Après quelquesjours de labeur, le squelette entier d'éléphant a pu être mis à découvert. La tête avait été enlevée lors des premières re- cherches de 18G9. Les os étaient dans un tel état de friabilité, qu'il fut impossible de les enlever sans prendre des précautions spéciales. M. S thaï, l'habile mouleur du Muséum, envoyé à Durfort put, après avoir consoliJé tout le sque- lette, le retirer parfaitement in- tact et le transporter au Jardin des Plantes do Paris, où l'on s'oc- cupe de le préparer et de le mon- ter. Le travail déjà fait permet de donner un tableau comparatif qui va faire comprendre combien le proboscidien dont nous venons de parler surpassait en dimensions les autres proboscidiens retirés entiers ou presque entiers du sein de la terre. Ajoutons que les épiphysos (extrémités des os) de l'éléphant do Durfort no sont pas encore sou- dées aux diaphyses (corps dos os), ce qui nous indique que l'animal n'était pas adulte. 11 est donc pro- bable, que le sujet aurait atteint à l'époque de son plein développe- ment une hauteur de près de cinq mètres. Ces rcsîes fossiles, étudiés par M. le professeur Paul Gcrvais, ap- partiennent à l'elephas méridio- nales. Ce n'est pas seulement par la présence de ce squelette d'élé- phant que le petit dépôt de Dur- fort est intéressant. En outre des ossements de ce squelette entier et des fragments plus ou moins im- portants, provenant de plusieurs autres individus de la même es- pèce, ou y trouve des débris ayant appartenu à l'hippopotame, au rhinocéros, au bœuf, au cerf, etc. De plus , les couches argileuses renferment des graines do charp, des mollusques terrestres et fiuvia- tiles, (Hélix, Pal luîmes, Auodontes, etc.), des empreintes de feuilles, de fruits, des troncs d'arbres ap- partenant au chêne, a l'orme, au pin, au cornouiller, etc., et enfin des poissons. Il y a donc, en ce point si restreint , les éléments nécessaires à la reconstruction de ta faune et do la flore de la région pendant les temps où vivait Yele- phas meridionatis. Les couches dans lesquelles se trouvent tous ces débris sont fort Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 587 argileuses à lu base. Elles deviennent île plus en plus sableuses vers lu surface et contiennent des filets de graviers intercalés. Tous ces graviers appartiennent à des fragments de calcaire secondaire de lu région, ce qui prouve bien que ce dépôt est tout à l'ait local. Ttosiai £nufc Maiaoà ; t TW^"- i^Ç t^Cx^^VÏ\^> xv^JT S^ Î"-Î5S Coupe en Iravm^ do \a rcule. J'ai pensé qu'il serait utile de joindre ù la. descrip- tion que je viens de donner une vue géologique de lu ré^iun des environs de Durforl. Les abréviations du dessin ci-contre s'expliquent comme suit: L... Lias; Ox... Osfordieu ; Oo... Oolithc inférieure; N...Neo- comien. L'ensemble des fossiles recueillis à Durfort permet de rapporter géologiquement ce dépôt à nu niveau déjà connu et caractérisé par Yelephas meridionalis . Les couches fossilifères découvertes par M. Cazalis de l' ondouce sont de mfime âge que celles de Saint-Prest où M. Desnoyers , le savant bibliothécaire du Muséum de Paris et M. l'abbé Bourgeois, ce hardi pionnier de l'anthropologie, ont trouve les instruments en pierre qui ont servi à casser et à faire éclater les ossements des divers ruminants pliocènes. Il est également con- temporain des alluvions anciennes derAuvcrgneetde celles du val d'Aino. C'est donc a la limite supérieure du terrain tertiaire supérieur et à la limite inférieure du terrain quaternaire le plus ancien, qu'il faut DiiucDHions comparées dp» squelettes d'élépliant« foMHîlea. Hauteur au £iiru[. Longueur de la défense suivant la courbure Diamètre de la délonse à la nais- sance longueur du ci'.înc, du sommet jusqu'au bnrd des alvéoles.. . Plus gmnde largeur du crâne. . Longueur do l'omoubile (du sum- uiet de l'épine au las de la fa- cétie articulaire). ... ... Longueur de l'humérus .... Cubitus (d'une surface arliculnirc à l'nulre) Longueur du fémur. . . , , . . Longueur du libin ELt:niAS fRlHlCESlLS s-rt:TF.nsDO!lnc ,101 ,!)0 ,19 ,30 ,758 ,18 E, rmHIGEMl'S luiusr.u.zs 5-,00 2-,PU 0™,903 1»,094 0= : 7fi7 0",G90 L. INTEnHLniU.S ',50 0-.00 1»,M 0-,77Ii 1-.2J 0™.OS5 E. MEIUDIONALIS 4»,10 S-,65{?) Û-,23 1-.65 0-.95 1™,10 l-,25 D-,95 1™,45 0°>5 classer géologiquement et paléontologiqiiement les couches à éléphant de Durfort. En poursuivant les fouilles il sera peut-être per- mis de constater dans ce gisement des traces de con- temporauéité de l'homme avec les animaux dont les squelettes abondent. Un seulfragrnentd'ospoi'tautun roup, une cassure artificiellement produite pendant que cet os était frais, un seul caillou taillé, retrouvé flans ces conciles que la main de l'homme n'a jamais remaniées, suffirait à démontrer qu'un être prépa- rant, par des moyens intelligents, des outils propres à l'aider pour subvenir à ses besoins a été le contem- porain de cette faune disparue de la surface du globe depuis des milliers de siècle. Espérons que les efforts de M. de Fondouce, seront couronnés de succès et que cette oasis paléontologique, fournissant un ali- ment inépuisable à son zèle et a son savoir, enri- chira la science. D r F. Gauhicou. FABRICATION DU LAIT CONCENTRÉ EN SUISSE. La conservation des aliments est entrée depuis quelques années dans une voie nouvelle, par les pro- cédés de concentration actuellement mis en œuvre, d'une façon tout à fait industrielle. La plupart des substances alimentaires renferment naturellement une grande quantité d'eau que les chimistes ont pensé à leur enlever par évaporation, pour faciliter leur mise en vase clos, et pour venir en aide à leur transport. 11 suffit avant la consommation de resti- tuer au produit la quantité d'eau quia été préalable- ment extraite. C'est ainsi que se fabriquent les ex- traits de viande, véritables bouillons préparés en Australie, au Chili, dans tous les pays lointains où la viande abonde et concentrés, dépouillés de l'eau qui a servi à leur confection. C'est ainsi que dans certaines régions do la Suisse, le lait est soumis à l'évapora Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 388 LA NATURE. tion, jusqu'à consistance pâteuse, et emprisonné dans des vases clos, où il se conserve à l'abri du contact de l'air, et où il peut être transporté au loin. La fabrique de lait concentré do Cham en Suisse traite chaque jour la quantité de luit fournie par 2, 000 vaches; elle jette sur la place 8,000 boîtes de 450 grammes, qui peuvent fournir chacune 2 li- tres et demi à 3 litres de lait, quand on additionna leur contenu de cinq fois son poids d'eau. La com- position du lait ainsi obtenu correspond identique- ment à celle d'un lait normal et de bonne qualité, comme l'ont attesté les analyses de M. Muntz, pré- parateur de M. Boussingault, au Conservatoire des arts et métiers. Dans ces conditions, on comprend quelle est l'importance exceptionnelle de la nouvelle! industrie. Ne méritc-t-ellc pas de fixer notre atten- tion? La récolte du lait se fait le matin et le soir. Immé- diatement après la traite, le lait est refroidi dans l'eau froide, et enlevé dans des boîtes de fer blanc, par les fourgons de l'usine. Une fois que le lait est ainsi re- cueilli dans l'établissement, un échantillon est pré- levé dans chaque boite, et mis de côté très-soigneu- sement jusqu'au lendemain. On juge la qualité du produit par l'épaisseur do la couche do crème qui s'est rassemblée à la surface du liquide : il est rare qu'un échantillon paraisse suspect, car il existe en Suisse des peines très-sévères contre les falsificateurs, et les paysans du canton n'ignorent pas que l'ana- lyse chimique ne laisse pas la fraude passer inaperçue. u La première opération que subit le lait est le pesage. A cet effet, le lait est versé à travers une toile métallique, dans une bassine en cuivre étamée, munie au fond d'une ouverture fermée par une bonde et supportée par une balance Apres chaque pesée, le lait descend dans de grands réservoirs en bois doublés de zinc et placés à l'étage infé- rieur (sous-sol). Le mélange total est d'abord soumis au lactomètre pour constater qu'il présente la qualité moyenne voulue, puis soutiré, par des robinets , dans de grands vases cylindriques en cuivre jaune. Ces vases sont placés dans une cuve cir- culaire pleine d'eau munie d'un faux fond en bois sous lequel arrive la vapeur. Le lait s'échauffe ainsi lentement au bain-marie; il est ensuite puisé dans chaque vase à l'aide de poches et versé dans mie chaudière, où il est porté à l'ébullition. Il est de nou- veau puisé à la poche et transporté dans un grand vase où se trouve du sucre blanc en poids convena- ble. Pour faciliter la dissolution, on fait passer plu- sieurs fois d'un vase dans l'autre, à travers la toile métallique, et quand le mélange est parfait, le lait est aspiré par un tube qui l'amène dans les chaudiè- res d'évaporation. Ces chaudières, qui rappellent les appareils pour la concentration des jus sucrés, sont à double fond chauffé par la vapeur. Elles sont réu- nies à une colonne de condensation qui communique elle-même avec des pompes à air. Dans ces condi- tions, le lait entre en ébullilion à lu température de 00 degrés environ. De temps en temps, l'ouvrier en retire un échantillon, et quand il juge, d'après la vis- cosité du produit que la concentration est suffisante, il fait sortir, par un tube placé sous la chaudière, le lait qui redescend dans le sous-sol où il est recueilli dans les boîtes en fer-blanc, placées dans un bain d'eau froi- de, et dans lesquelles il est continuellement agité à la spatule jusqu'à son complet refroidissement. Les boî- tes sont ensuite remontées, et le lait concentré, versé d'abord dans des réservoirs à robinet, est distribué par des femmes dans les boîtes eu fer-blanc qui ser- vent à l'expédier et qui reçoivent un couvercle qui leur est soudé '. » Le produit, ainsi préparé, se conserve longtemps, même lorsque la boîte est ouverte ; une fois étendu d'eau, il régénère 11: lait primitif, dont la qualité est souvent supérieure, au dire de MM. de Luynes et Ilornborg, à celle du lait ordinaire consommé à Paris. 11 semble donc que le problème de la conser- vation du lait est désormais résolu, tant au point de vue de l'industrie qu'à celui de l'hvgiène. GaSTOS TlSSAMlIEil. LES BEHMUDES Au milieu de l'Océan, à plus de 1000 kilomètres du continent américain, l'archipel des li.:rmudes émerge isolément du fond de la mer. Avec la latitude de l'Algérie, on y trouve le climat le plus doux qu'il y ait au monde. Les Bermudes sont situées à l'inté- rieur des grands courants de l'Atlantique; les eaux tièdes du Gulf-Stream arrêtent au passage les glaces flottantes et réchauffent les vents froids du nord ; la brise de mer tempère l'ardeur des rayons solaires. Get archipel se compose de cent îles au moins, dont une vingtaine seulement sont habitées. La population est paisible ; les Européens se livrent au commerce; les nègres affranchis cultivent la terre; mais chacun eu prend à son aise; car la vie est facile sur ce coin de terre où l'homme a peu de besoins, où ne pénè- trent pas les agitations des sociétés d'Europe et d'A- mérique. Rien u'est si beau que la végétation de ces îles. L'oranger y pousse en pleine terre avec les autres arbres de la région tropicale. Le cèdre couronne les hauteurs. Notre dessin représente l'arbre à caout- chouc dans toute sa splendeur. La terre donne trois récoltes par an lorsqu'elle est cultivée avec soin 2 . Quoiqu'il y ait eu quelquefois des épidémies de lièvre jaune, on peut dire que le climat est fort sa- lubre. Les phthisiques pourraient y aller chercher la santé si ce n'était pas si loin et si écarté des grandes routes habituelles du globe. Le croirait-un? Malgré la latitude, c'est l'été qui est la plus agréable saison; l'hiver est toujours pluvieux, et les habitants, per- suadés que le chauffage artificiel est malsain, ne sa- 1 Rapport île MM. de Luynes et llomberg — Socifti 1 dV.ii cuiiragemunt pour l'industrie nationale. 1 llarper's Hew-Monlklt/ Magazine. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 589 vont pas construire leurs maisons de façon à s'abriter contre l'humidité. En l'état acluel, toute l'importance des Bermudes vient dû ce que les Anglais y ont établi une station navale fort importante, dans le genre de Malte et de Gibraltar. L'île d'Irlande contient un arsenal de pre- mier ordre, dont l'une des curiosités est un dock flottant de grandeur colossale où les plus gros na- vires peuvent être mis à sec pour être radoubés. Une garnison de deux régiments, un brillant état-major donnent aux deux petites villes, Saint-Georges et Ilamilton, une certaine animation. Il est arrivé cependant une fois que d'aventureux spéculateurs prirent l'archipel pour base d'opéra- tions. C'était pendant la guerre de la sécession. Les foreeurs du blocus en avaient fait un de leurs entre- pôts. De rapides steamers apportaient là le coton dd Cbai'Iesloii, après avoir échappé à la croisière des bâtiments fédéraux ; ils emmenaient en échange des marchandises de provenance anglaise. Saint-Georges était alors pleine de négociants affairés : l'argent abondait; les salaires montaient à un prix excessif. Gette prospérité ne dura pas longtemps. A la fin de la guerre, les habitants reprirent leur vie calme et paisible sans regrets. Us sont heureux ainsi et ne de- mandent rien de mieux. IL 1ÎLERZV. Un [paysage des Bermudes. — L'arbre à caoutchouc. LA. THÉORIE DES COMÈTES DE TYNDAUi. La seconde édition française de la Chaleur, par Tyndall, vient de paraître à la librairie Gaulhicr- Villars. C'est un ouvrage d'une haute valeur scienti- fique et philosophique. Sous une forme familière qui vient sans doute de l'origine du livre, — c'était d'abord le recueil d'une série de conférences faites à la Royal institution de Londres, — l'éminent physicien passe eu revue tous les phénomènes qui ont la chai eur pour cause. Il ne les décrit pas seulement avec la méthode didactique, claire mais un peu sèche et monotone des traités, il les observe sous toutes leurs faces, les re- tourne et les analyse, et les dissèque pour ainsi dire, jusqu'à ce qu'il en ait pénétré la forme intime, invi- sible à l'œil, intelligible au seul entendement. C'est la philosophie, la théorie de la chaleur, qu'il a faite ainsi un réalité, sans calcul, sans formule analytique et qu'il éclaire à la seule et vive lumière de la mé- thode naturelle, la méthode expérimentale. Tous ceux qui suivent le progrès des sciences physiques, qui s'intéressent à l'immense développement qu'elles ont pris depuis l'époque où Meyer jetait les pre- miers fondements de la théorie mécanique de la cha- leur, ont lu la première édition de la Chaleur de Tyndall, ou voudront lire la seconde, beaucoup plus complète que la première. Du reste, ce n'est pas une analyse de ce remar- quable ouvrage que nous voulons faire ici; nous vou- lons seulement attirer l'attention du lecteur astro- nome sur une addition très-intéressante faite par M. Tyndall aux éditions antérieures anglaises ; elle a pour objet la théorie physique des comètes, ou l'explication de la formation de leurs nébulosités et Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 590 LA NATURE. do leurs queues. On sait combien cette question déli- cate a suggéré d'hypothèses et quel désaccord règne encore parmi les savants, sur un sujet qui prête beaucoup à la fantaisie, parce que les observations précises sont rares encore et, en tout cas, sont d'un contrôle difficile. C'est dans le chapitre xiv que Tyndall décrit les expériences sur lesquelles repose sa théorie. 11 y étu- die l'action des ondes d'étlier de courte période sur une matière gazeuse, et, à cette occasion, il exprime sous une forme originale la manière dont il conçoit le mécanisme de cette action. L'expérience prouve que parmi les ondes d'éther d'amplitudes très-diffé- rentes, qui constituent les radiations calorifiques, lu- mineuses et chimiques, ce sont les plus courtes qui sont douces delà propriété d'agir sur les substances chimiques pour les décomposer, pour séparer les atomes dont leurs molécules sont formées. Les ondes plus longues et mécaniquement plus puissantes sont inefficaces, au contraire, pour opérer une telle décom- position. « D'où vient, dit Tyndall, cette puissance plus grande des ondes plus courtes pour détruire les liens de l'union chimique? Si elle n'est pas le ré- sultat de leur énergie, elle doit être, comme dans le cas de la vision, le résultat de leur période de récur- rence. Mais comment nous figurer cette action? Je dirai : le choc d'une seule onde ne produit qu'un effet infiniment petit sur un atome ou une molécule. Pour produire un effet plus considérable, le mouve- ment doit s'accumuler, et, pour que les impulsions des ondes s'accumulent, celles-ci doivent arriver à des périodes identiques aux périodes de vibration des atomes qu'elles frappent. Alors toutes les ondes qui se succèdent trouvent les atonies dans des positions qui leur permettent d'ajouter leur choc à la somme des chocs des ondes qui les ont précédées. L'effet est mécaniquement le même que celui d'un enfant qui rhj'lhme ses impulsions sur sa balançoire. Un seul battement du pendule d'une horloge n'a pas d'effet sur le pendule on repos, et d'égale langueur, d'une horloge située à quelque distance ; mais si les bat- tements se renouvellent, et que chacun d'eux ajoute au moment voulu son impulsion infinitésimale à la somme des impulsions qui ont précédé, ils mettront, c'est un fait connu, la seconde horloge en mouve- ment. )> C'est ainsi que Tyndall aime à se représenter le mécanisme intime des phénomènes, mécanisme qui échappe à l'observation. Mais en appelant le raisonne- ment à son aide, il n'abandonne pas pour cela les faits, et en vrai physicien, il ne marche en avant qu'en s' appuyant sur l'expérience. Après avoir ainsi rendu compte du mode d'action chimique de la lumière, il étudie cette action sur les vapeurs des diverses sub- stances volatiles, tantôt employant un faisceau de lumière électrique, tantôt 1a lumière solaire. Il rem- plit un tube d'une certaine longueur, d'un mélange d'air avec de la vapeur de nitrite d'amyle, de nitrite de butyle, d'iodure d'allyle, après avoir pris les pré- cautions propres à expulser toute matière étrangère, et notamment les corpuscules qui flottent dans l'air : poussières, 'germes organiques, matières minéra- les, etc. Ainsi rempli, le tube reste obscur, et le mélange qu'il contient, absolument invisible. Mais si l'on fait tomber à l'intérieur du tube, en le rendant convergent au moyen d'une lentille, un faisceau lu- mineux, celui que donne une lampe électrique par exemple, voici ce qu'on observe: l'espace reste en- core un instant obscur après l'introduction du fais- ceau, mais après ce moment très-court, un nuage blanc lumineux envahit la portion du tube qu'occupe le faisceau de lumière. Que s'est-il passé ? L'action des ondes a décomposé le nitrite d'amyle et fait pré- cipiter une pluie de particules qui, dès ce moment, deviennent propres à réfléchir et à diffuser de toutes parts la lumière du faisceau. « Cette expérience, dit Tjndall, met en outre en évidence ce fait que, quel- que intense qu'il soit, le faisceau do lumière reste invisible jusqu'à, ce que quelque chose le fasse re- luire. L'espace, quoique traversé par les rayons de tous les soleils et de tous les astres, reste lui-même invisible. L'élher aussi, qui remplit l'espace et donl les mouvements sont la lumière de l'univers, est lui- même invisible. » Il est à remarquer qu'à l'extrémité du tube à ex- périence la plus éloignée de la lampe, it n'y a pas de nuage. Et cependant, il s'y trouve de la vapeur de nitrite d'amyle comme en avant. Pourquoi cette dif- férence 1 ? Parce que la portion des ondes du faisceau capables de décomposer la vapeura épuisé son énergie dans la partie antérieure du tube; ce sont les ondes les plus longues qui continuent leur chemin, mais ces ondes sont impuissantes à produire une décom- position chimique. Ainsi le savant physicien sait trouver dans les détails des faits, les confirmations de ses plus ingénieuses hypothèses. Il faut suivre dans l'ouvrage la description si in- téressante d'une série d'autres expériences dont l'au- teur se sert pour expliquer soit la couleur bleue du ciel, soit la polarisation de l'atmosphère, m. us celle que nous venons d'analyser suffira pour faire com- prendre au lecteur la théorie cométaire du physicien anglais. Voici en quoi consiste cette théorie que Tyndall résume dans les sept propositions suivantes. Nous les transcrivons textuellement: 1. Une comète est composée d'une vapeur décom- posable par la lumière du soleil ; la tête et la queue viribles sont un nuage actinique résultant de cette décomposition; lacoutexture des nuages adiniques est la révélation de celle d'une comète. 2. La queue, d'après cette théorie, n'est pas une matière projetée , mais une matière précipitée sur les rayons solaires, qui traversent l'atmo- sphère de la comète. On peut démontrer par l'ex- périence que ce précipité peut, soit se produire avec une lenteur relative le long du rayon, soit se former dans un instant indivisible sur toute la longueur du rayon. La rapidité surprenante du développement de la queue serait ainsi expliquée Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 391 sans invoquer le mouvement de translation incroya- ble que l'on a admis jusqu'ici. 3. Q'iand une comète tourne autour de son péri- hélie, la queue n'est pas composée partout de la même matière, mais de nouvelle matière précipitée par les rayons solaires qui traversent l'atmosphère de la eomète dans ses nouvelles directions. On rend ainsi compte du tourbillonnement énorme de la queue, sans invoquer un mouvement de transla- tion. ■4. La queue est toujours tournée du côté opposé au soleil pour cette raison: deux puissances antago- nistes agi?sent à la fois sur la vapeur cornétaire ; l'une, puissance aclinique, tendant à produire le précipité, l'autre puissance calorifique, tendant à produire la vaporisation. Si la première l'emporte, on a le nuage cornétaire ; si c'est la seconde, on a la vapeur cornétaire transparente. C'est un fait que le soleil met eu jeu les deux agents ici invoques ; il n'y a lien d'hypothétique à supposer leur existence. Pour que le précipité ait lieu derrière la tête de la comète ou dans l'espace occupé par l'ombre de la tête, il est seulement nécessaire d'admettre que les rayons calo- rifiques du soleil sont absorbés plus abondamment par la tête et lo noyau que les rayons actiniques. Ce fait augmente la supériorité relative des rayons acti- niques, en arrière de la tète et du noyau, et leur per- met de précipiter le nuage qui forme la queue de la comète. 5. La queue primitive, lorsqu'elle cesse d'être abritée par le noyau, est dissipée par la chaleur so- laire, mais cette dissipation n'est pas instantanée. La queue adhère à la portion de l'espace abandonnée par la comète, fait d'observation qui n'a pas été ex- pliqué jusqu'ici. 6. Dans le combat entre les deux classes de rayons, un avantage temporaire, dû aux variations de densité ou à quelque autre cause actinique, peut être rem- porté par les rayons actiniques, même dans les por- tions de l'atmosphère cornétaire qui ne sont pas abri- tées par le noyau. Des courants latéraux accidentels et l'émission apparente de faibles queues vers le soleil s'expliquent ainsi. 7. L'échancrure de la tête dans le voisinage du soleil provient du battement contre des ondes calori- fiques qui dissipent les franges atténuées et donnent lieu à une contraction apparente. Telle est cette théorie, certainement nouvelle et originale, et méritant d'être discutée parce que, contrairement à bien des théories ayant pour objet l'explication de phénomènes naturels, elle s'appuie à la fois sur l'observation et sur des expériences po- sitives. 11 arrive souvent que les auteurs d'hypothèses de ce genre sont des astronomes, familiers avec tous les détails des observations, mais peu physiciens, ou au contraire que ce sont des physiciens peu au cou- rant des faits purement astronomiques : nous ne disons rien de ceux qui ne sont sérieusement ni l'un ni l'autre, M. Tyndall est un physicien d'un grand mérite ; il semble au' courant des observations oui se rapportent à l'étude de la structure des comètes, de leurs noyaux et de leurs queues. Néanmoins, la théorie qu'il propose est sujette à des objections et à des réserves, qui demandent pour être présen- tées, d'être méditées et approfondies. La seule re- marque que nous voulions faire aujourd'hui est celle-ci : il nous semble que, les théories ayant pour objet la constitution physique des comètes, proposées jusqu'ici, pèchent toutes sais exception par un grand défaut, celui de vouloir absoiumfnt généraliser, d'ap- pliquer indilféremment à toutes les comètes des ex- plications qui ne sont la plupart du temps valables que pour un certain nombre de ces astres, et qui n'ont été suggérées que par des observations parti- culières. iN'ous ne voyons pas la nécessité d'admet- tre a priori l'identité de constitution d'une multi- tude de corps, n'ayant le plus souvent de commun que la nature de leurs mouvements et le nom de comètes que l'usage a consacré pour tous indiffé- remment. Nous aurons peut-être une autrefois l'oc- casion de développer plus amplement ces considéra- tions. Notre but, dans cette note, était simplement de faire connaître aux lecteurs un ouvrage qui mérite leur attention et une théorie astronomique certai- nement nouvelle et intéressante, ÀMÉ1IÉE GuiLLEMIM. L'INDUSTRIE MULASS1ÈRB EN FRANCE a rr.oros du prochain concours hiîgioïai, de KiortT. La société d'Agriculture des Deux-Sèvres vient de décider qu'à l'occasion du concours régional de Niort, il sera ouvert, du 3 au 7 juin prochain, dans cette ville, un concours d'animaux de la race inulas- siôre. Des primes d'une valeur totale de 9000 francs seront attribuées aux exposants. Nous ne devons pas oublier que l'élevage des mules joue un rôle impor- tant dans notre industrie nationale, que les services rendus par le produit du croisement du baudet et de la jument sont appréciés partout. Partout le mulot est rustique, robuste, sobre, résistant aux fa- tigues, à tous les services, à la somme, au trait ou à la selle, et c'est dans les pays de montagnes surtout, dans les chemins escarpés, dans les sentiers difficiles à gravir, que le mulet fait preuve d'adresse, de ré- sistance et de force, soit pour monter, soit pour des- cendre. Pour le transport dans les montagnes sans routes, pourvues seulement de sentiers étroits, sinueux, ra- vinés et rocailleux, nul animal domestique ne peut être comparé au mulet pour la sûreté du pied et pour la qualité exceptionnelle de bête de somme. Tous les peuples du monde sont d'accord sur ce point, et c'est, croyons-nous, laseule fois dans la nature qu'un produit de l'industrie humaine, tin fait d'animaux, acquiert des qualités supérieures aux types compa- rants. Aux avantages que nous venons d énumérer Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 392 LA NATURE. le mulet joint encore celui du supporter facilement les chaleurs pendant le travail; aussi, dans les pays méridionaux, le voyons-nous employé de préférence au cheval et au bœuf. Tous les pays où peuvent vivre l'âne et le cheval produisent le mulet ; mais tous ne lui donnent pas également les qualités qui le distinguent. La France doit être considérée comme ayant le monopole de la production du plus beau mulet qu'il y ait au monde, et c'est le Poitou qui le fournit. Le type de la jument mulasïière est tout spécial ; il faut que, dans leurs proportions, certaines par- ties soient conformées de façon à compenser ce que les mêmes parties, chez l'âne, ont do défec- tueux. C'est pour cela que, dans cette race, plus le sabot est large plus il est beau. Cela s'explique parfaitement. Le baudet a le pied relativement très- petit, si la jument ne compense pas cette difformité, au point de vue du mulet produit, cclui-ei n'aura pas les sabots convenablement développés pour assurer les conditions de solidité et de forée en vue desquelles il est produit et élevé. Tout cela, il faut l'avouer, est empirique, soit; mais d'un empirisme sanctionné par l'expérience Aiion d'un au du Poitou. séculaire des éleveurs, et d'une certitude devenue mathématique. Ces assortiments sont si bien connus que la forme du baudet n'est point arbitraire et, de- puis longtemps, est soumise à une sélection raison- née qui a ses règles et son but parfaitement définis selon la qualité des produits qu'il s'agit d'obtenir. Que Tonne s'étonne pas de ces soins, quand on saura que ces baudets qui servent à produire les mules de luxe, celles qui sont destinées à fournir des attelages tie luxe en Espagne, ou dans les colonies de même .nation, valent de 12 à 15,000 francs, et l'attelage ■une somme correspondante. , Ou exporte non-seulement le mulet en Espagne, mais dans tout le midi de l'Europe ; on en envoie en Afrique et dans l'Amérique du Sud. Ceux qui sont élevés dans les montagnes du centre, dans les mon- tagnes du Midi, sont uniquement de taille moyenne, et souvent même plus petits encore, mais ils sont toujours très-estimés. C'est le Poitou seul qui four- nit ces magnifiques animaux qu'on rencontre sur les routes du midi de la France, où ils sont employés au roulage et font un excellent service. Ils ont lu corpu- lence et la taille de nos plus grands chevaux de trait. On emploie, depuis quelques années, dans le ser- vice de l'armée, un assez grand nombre de mulets africains; mais, produits par des juments arabes, ces animaux manquent parfois de développement pour le trait. Malle et l'Espagne élèvent aussi le mulet, mais les produits de ces provenances sont moins estimés que les Poitevins, parce qu'ils n'en ont ni les membres ni ledeveloppementmusculaire.il ne faut pas cepen- dant juger ces animaux comme sans utilité, ils sont préférables pour la somme, et cette assertion que nous avons entendu émettre ù notre savant ami Ri- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 393 chard {du Cantal), si compétent sur ces matières, est facilement justifiable. Le mulot de somme n'a besoin que de force mus- culaire pour porter la charge ; le poids de la masse, en dehors des muscles, non-seulement ne contribue pns à porter la fardeau, mais surcharge inutilement l'animal. C'est tout simplement la même théorie que celle qui sert à l'entraînement du cheval de course, qu'on délivre autant que possible des solides et des liquides qui ne font que le surcharger, au détriment de sa force musculaire que l'on développe le plus possible! par un exercice raisonné. Pour porter, l'animal n'a donc besoin que de force musculaire ; il n'en est plus de même pour traîner. Le poids du corps est utile, dans ce service spécial, par l'impulsion qu'il donne à l'objet traîné. C'est ce qui explique la supériorité du petit mulet dans la montagne, du gros dans la plaine; c'est ce qui ex- plique, parce que l'amélioration des chem : ns vici- naux se fait de proche en proche, pourquoi l'utilité des grands mulets et leur débouché sont toujours croissants en France comme à l'étranger. II. DE LA BUNCHLHE. —^^^Sra^^Kral Jument, mulassière du Foilou et son petit. L'EXPÉDITION DU CHALLENGER' Le navire dont nous avons cessé, depuis quelque temps, d'entretenir nos lecteurs es.t arrivé à Mel- bourne après avoir franchi le cercle antarctique. Le célèbre docteur Curpenter, un des patrons de l'expédition et un des fondateurs des grands sonda- ges sous-océaniques, vient de résumer, dans une brillante conférence faite à la Société royale, les ré- sultats définitifs acquis par l'exploration du bassin de l'Atlantique quant à la répartition des tempéra- tures. Nous allons donner un aperçu de cette impor- tante doctritie. Il est bon de ne point perdre de vue que l'exploration du Challenger a commencé au 1 Voy. n' 33, p. 101. large des îles Britanniques et ne s'est terminée que sur le parallèle des îles Falkland. L'exploration a donc porté depuis le SO' degré de latitude nord, jus- qu'au 50 e degré de latitude sud. Elle s'est étendue, comme on le voit, sur un arc dépassant un quart du méridien terrestre. Le nombre des sondages a été ds plusieurs centaines et le navire a traversé à quatre reprises l'Océan dont il explorait aussi les profon- deurs, car le capitaine scientifique, Wyrille Thom- son, tenait à se rendre complc de ce qui se passait sur l'une et l'autre rive. Les résultats recueillis avec tant de labeur ont été discutés par le bureau hydrographique, et compares par le docteur Carpeuter avec le résultat de ses pro- pres sondages. On peut donn dire, sans exagération, que la conférence de 1874 n'éla't que la suite des Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 394 LA NATURE. conférences de 1809, 1870 et 1871, dans lesquelles le savant orateur avait jeté les bases des découvertes ultérieures. Ou n'a pas sans doute oublié qu'une des plus belles et des plus brillantes campagnes scientifiques du docteur Carpenter fut l'exploration du bassin de la Méditerranée , qui lui a fourni un élément très-curieux de comparaison. Si l'on met en regard la tempéra- ture de l'Océan avec celle de la Méditerranée, on voit que l'eau méditerranéenne estbeaucoup plus chaude, bien entendu dans le même parallèle moyen. Au-des- sous de 2,000 mètres, la différence est de 16 à 18° Ftthr., ce qui est immense. D'où provient cette différence? Le docteur Carpen- ter n'hésite point à l'attribuer à un courant froid qui descend du pôle et qui ne peut évidemment entrer dans la .Méditerranée. L'existence de ce courant polaire arctique, auquel correspond, dans l'autre hémisphère, un courant po- laire antarctique, a servi à M. Carpenter à faire d'au- tres hypothèses fort plausibles. Il a supposé que la température générale de l'O- céan septentrional devait être un peu supérieure à la glace fondante, dans les grandes profondeurs occu- pées par le courant froid. Comme l'entrée polaire de l'Océan méridional est beaucoup plus large , il a ad- mis a priori que le courant glacial du sud remnnte près de l'équateur, et peut même le dépasser. Il a de plus prédit que l'épaisseur du courant chaud su- perficiel devait être moindre sous l'équateur que dans les régions tropicales par exemple. Nous don- nons ces hvpothèses telles qu'elles ont été présen- tées par l'auteur, niais nous ne nous occupons point de savoir ce en quoi elles diffèrent plus ou moins des théories émises antérieurement par d'autres au- teurs. La vérification de ces théories étant un des grands buts de l'expédition du Challenger, nous allons nous borner à résumer nettement ce qui a été fait à cet égard. 11 est rare, en effet, que des prévisions théoriques connues et publiées à l'avance aient été vérifiées d'une façon aussi merveilleuse. On ne saurait citer un plus bel exemple des progrès que peut faire la météorologie positive, bien différente des théories vagues dont on s'est contenté jusqu'à ce jour. La température du fond, depuis Ténériffe jusqu'à Saint-Thomas, a été de 35° Fahr.; en s'approchant des tropiques elle est descendue même jusqu'à 54° par des profondeurs, dont plusieurs dépassaient 6,000 mètres. La couche isotherme, de 40° Fahr,, qui était à 1,800 mètres de profondeur en partant des Açores, s'est rapprochée à 1,600 mètres de la surface où ré- gnait une température de 75° Fahr. Après avoir étudié le Gulf-Stream, le Challenger est revenu à Madère et a recommencé la recherche de la couche glaciale. On a reconnu que l'isotherme de 40° s'approche de plus en plus de la surface, comme le docteur Carpenter l'avait prédit. Cette disposition est surtout remarquable dans une section oblique qui traverse les rochers de Saint-Paul et passant par Fcrnanuo-Noronha aboutit à Fernambouc, 7 degrés latitude australe. Le thermomètre qui marquait 78° à la surface descendait à 55°, pour une profondeur de 200 mè- tres, et la décroissance était si rapide, que la couche de 40 3 isotherme se rencontrait à 600 mètres seule- ment de la surface. Mais, comme le docteur l'a prévu, la décroissance ne s'arrête point à ce terme. Le ther- momètre tombe à 3ïi', puis enfin à 32°, 4, par une profondeur de 4,800 mètres. Une circonstance intéressante ajoute encore au prix de ce renseignement. Cette température est précisément égale à celle que le capitaine Cliimmo a trouvée dans lus mêmes profondeurs de l'océan Indien entre Sumatra et Ceylau. Le Challenger suivit la côte d'Amérique, depuis Fernambouc jusqu'à Bahia, puis il traversa l'Atlan- tique en mettant le cap sur Tristan d'Acimha, et il conserva le même parallèle, 58'austral, jusqu'à son arrivée au Cap. Cette section montre encore, d'une façon bien nette, avec quelle précision le docteur Carpenter a prévu toutes les circonstances dit phénomène. En effet, si l'on compare les sondages des Açores avec ceux de Tristan d'Acunha {lat. commune 38°), on voit que la couche glaciale de 40" s'approchejusqu'à 900 mètres de la surlace, et que la couche de 33° se rencontre à 3,000 mètres au lieu de 1,800 et de 6,000. On pense qu'on aurait rencontré la couche à la température dti la glace fondante, si les soudages avaient été plus fréquents dans cette section. Mais dans cotte partie du voyage, les opérations furent troublées par des orages. LE CLUB ALPIN FRANÇAIS « C'est au milieu des Alpes, dit M. Tyndall, que chaque année je viens renouveler mon bail avec la vie et rétablir l'équilibre entre l'esprit et le corps, » N'est-ce pas, en effet, en face des cimes escarpées que l'homme retrouve le sentiment de la vigueur, et que, suivant l'expression de J.-J. Rousseau, il se sent « libre et maître de lui. » La jeunesse anglaise s'envole tous les ans vers les glaciers alpestres; c'est là qu'elle apprend à vaincre les obstacles du monde matériel et qu'elle puise à ce grand foyer le courage et l'énergie qui la distingue. — Allez en Suisse ou dans les Pyrénées, pendant la saison de l'été, et c'est presque toujours l'Anglais que vous retrouverez. le bâton à la main, montant à l'assaut des murs de glace, ou des rampes rocheuses, pour assouvir sa passion de la grande nature. Cette gymnastique mus- culaire donne naissance à une réelle force morale. On no saurait trop souhaiter qu'elle se popularise en France ; aussi ne ménagerons-nous pas nos ap- plaudissements aux fondateurs du nouveau club alpin français. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 395 Dans la (lumière séance générale de lu Société de géographie, M. Abel Lemercier a annoncé que l'on était parvenu à créer en peu de mois ce club, analo- gue à ceuï qui existent depuis de longues années en Suisse, en Italie, en Allemagne et en Angleterre. M. Lemercier a fait remarquer avec raison que l'as- cension des montagnes n'est pas seulement un exer- cice salutaire; elle peut cire considérée comme une étude, comme le but d'observations attrayantes, comme le plus sûr stimulant du goût scientifique. « L'influence de la montagne s'exerce à la fois sur le corps et sur l'esprit : elle est en même temps hygiénique et morale : la prudence et la force, l'adresse et le sang-froid, l'énergie <;t la constance y reçoivent leur prix. Elle a des impressions fortes et saines, des enseignements profonds et divers sur l'esprit le plus simple comme le plus cultivé. Du pied au sommet des Alpes, en quelques heures de marche, le botaniste, le physicien, le géologue se transporte de l'Italie à la Laponic; i! a observé toutes les flores, tous les climats, tous les âges de notre pla- nète. C'est dans des montagnes que le géographe va chercher la source des fleuves et la limite des em- pires; c'est dans les montagnes encore que l'histo- rien retrouve les restes de ces races antiques qui ont vu se briser à leur pied le flot des invasions romaines, barbares, sarrasincs, et qui ont défendu contre les plus puissants ennemis leur indépendance, leur lan- gue et leur religion. Mais, sans même s'attacher à ces nobles études, quel est celui qui peut fermer son âme à une puissante et religieuse émotion, lorsque, parvenu dans l'azur serein, au sommet de quelque pic vertigineux, d'où il promène son regard sur un horizon sans limites, il entend sous ses pieds la tem- pête qui gronde et roule de vallée en vallée? Quel est celui qui, contemplant ainsi les solennelles beautés do ia nature, n'a entrevu l'éblouissante vision de l'infini et ne s'est senti, si l'on peut dire, plus près de Dieu ? L'Angleterre, la Suisse, l'Allemagne, l'Italie ont compris depuis longtemps qu'il y a un grand intérêt à faire naître et à développer le goût des montagnes : elles ont organisé sous le nom de Club alpin des associations puissantes, bientôt entourées de la faveur publique. C'est d'après ces modèles et avec le profit de leur expérience que le Club alpin français s'est constitué. » Au nombre des adhérents, qui s'élève à peu près déjà au chiffre de cent cinquante, on peut compter plusieurs députés, quelques membres de l'Institut et un grand nombre de membres de la Société de géographie. « Il est bon d'ajouter, dit le Journal officiel, qu'en Italie le nombre des alpinistes s'élève à plus de deux mille, et qu'en Suisse il dépasse le chiffre de seize cents. Les clubs fournissent aux mi- nistères de la guerre desdeuxpajsdes renseignements qui ne manquent pas de valeur, au point de vue stratégique. Nous ajouterons que ces renseignements ont une certaine importance, car les levés des Alpes faits au dernier siècle par l'ingénieur français Mon- lanel, et que publie actuellement la Société delphi- nale de Grenoble, contiennent beaucoup d'indica- tions topographiques qu'on no trouve pas dans les cartes actuelles des différents Etats intéressés à la connaissance exacte des Alpes. » Le président du Club alpin français, M. E. Cé- zanne, député des Haules-Alpcs, insiste encore sur le côté pratique de la nouvelle institution, et sur l'intérêt qu'elle présente au point de vue militaire. « Procurer à nos excursionnistes français, par la voie des journaux et par un Annuaire spécial, la publicité et, par suite, l'émulation que les sociétés étrangères assurent si largement à leurs nationaux ; exercer, comme les Anglais, un contrôle sur les guides, les hôtels, les refuges de montagnes pour prévenir les accidents et protéger nos compatriotes; encourager les recherches scientifiques sur la phy- sique du globe, la géographie, la botanique ; arra- cher les jeunes gens à l'énervante oisiveté des villes ; organiser pendant les vacances ces caravanes sco- laires dès longtemps pratiquées en Suisse et en Al- lemagne, dont Toppffer a si spirituellement illustré les joyeuses péripéties et qui Lussent, dans la mé- moire de ceux qui y ont pris part, un souvenir inef- façable; faire connaître comme elles le méritent nos montagnes françaises : les Alpes, les Pyrénées, les Vosges, les Ce venues, l'Auvergne, le Jura, le Morvan, et y attirer les touristes de tous les pays; tel est, en résumé, le programme du Club alpin français, et personne n'en contestera le caractère d'utilité pu- blique. « Dans notre temps de service obligatoire, une mère prudente voudra familiariser son fils aux épreu- ves delà montagne. La France n'est certes disposée à provoquer personne; mais, si on l'attaque, c'est dans les Vosges, le Jura et les Alpes qu'elle devra repousser l'assaut. C'est ainsi que Louis XIV, après ses revers, disputa dix ans la frontière dos Alpes : les plus grands hommes de guerre de cette époque, Câlinât, Yillars, Berwiek se sont illustrés dans ces montagnes. Le général Dourcet, le célèbre auteur d'un livre classique sur la guerre des Alpes, était fils d'un guide aux armées du roi; lui-même avait exercé cet emploi dans sa jeunesse. En 1871, dans la terrible retraite de Bourbaki à travers le Jura, plus d'un n'a dû sou salut qu'à la pratique des monta- gnes acquise autrefois dans ses courses de touriste, » Ceux de nos lecteurs qui désireraient faire partie du Club alpin français, pourront s'adresser à M. le secrétaire, 6, rue Pierre-Sarrazin, à Paris. Gaston Tissajdieii, »<>*- LE SIDËROSTAT DE L. FOUCAULT L'usage des instruments d'observation oblige l'as- tronome à se déplacer avec l'oculaire et, par suite, à observer souvent dans des positions incommodes. Pour échapper à cet inconvénient, les Allemands ont employé depuis longtemps déjà la lunette brisée ou Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 306 LA NATURE. mieux la lunette droite à brisure ; des cercles méri- diens et des théodolites ont été ainsi établis. Mais l'emploi de ces dispositions est limité aux petits in- struments. L. Foucault, mort au milieu do ses travaux les plus importants, avait voulu, dans les dernières années de sa vie, réaliser pour l'écjuatoriul l'avantage de faire passer tout le ciel devant l'observateur sans que celui-ci eût à se déranger ou à déplacer l'instrument. Une lunette, couchée horizontalement dans une po- sition invariable, devant laquelle un miroir plan amène successivement les divers points du ciel, tel était le sidérostat dans la pensée de sou illustre au- teur, qui le desti- nait surtout aux recherches d'astro- nomie physique. L'instrument a été construit, après la mort de l'inventeur , par M. Eichens , sous la direction de la commission char- gée de l'achève- ment et do la pu- blication des œu- vres de L. Fou- cault, et, aux liais de la cassette im- périale. Il a été présenté a l'Aca- démie des scien- ces, le 13 décem- bre 1809, puis donné par Napo- léon 111 à l'Obser- vatoire , où il se ] trouve définitive- j| ment installé de- puis 1872. Le sidérostat (fig. 1), dont M. Wolf a publié une étude complète et détaillée, repose sur un socle de fonte porté par trois vis calantes, avec deux niveaux placés en crois et mouvement de réglage en azimut. On y distingue trois parties : le miroir et sa monture, l'axe polaire et le mécanisme qui établit la liaison de cet axe avec le miroir, et enfin le régulateur 1 . Le miroir plan, de 50 centimètres do diamètre, a été construit par M. Ad. Martin, suivant les procé- dés de L. Foucault; il est porté par un axe horizon- tal au sommet de deux montants verticaux pouvant tourner autour d'un centre. Ce mouvement s'effectue parfaitement au moyen d'une couronne de galets placée au pied des montants. Le miroir est maintenu dans sa monture au moyen de taquets et de ressorts à boudin pour éviter toute déformation de sa surface, 1 Brunnow. Astronomie, Édition française, par Mil, André çt Lucas, 2 vol. — GauLliier-Villars. Au centre de la monture est fixée perpendiculaire- ment une tige directrice qui glisse dans un anneau porté par une fourchette articulée à l'extrémité infé- rieure de l'axe horaire. La direction du rayon occi- dent étant celle de l'axe de la fourchette, et la lon- gueur de celte fourchette étant égale à la distance de son point d'articulation à l'axe horizontal du mi- roir, la ligne qui mesure cette distance donne la di- rection constante du rayon réfléchi. Enfin un mouvement d'horlogerie, à régulateur isochrone de L. Foucault (fig. 2), placé dans te pied de l'instrument, peut commander l'axe horaire et communiquer au miroir un mouvement scnsible- blemeut égal au mouvement diur- ne , afin que les astres conservent dans le champ de la lunette des posi- tions invariables 1 . Tout l'appareil, dont le principe est Je même que pour l'héhostat, repose sur un pi- lier de forme trian- gulaire; un trou a été ménagé dans la partie nord pour recevoir le poids moteur pendant toute la durée de sa course. Une ca- bane en bois, mo- bile sur des rails du nord au sud, forme l'abri de l'instrument. Tour l'observation , le sidérostat est mis i'ig. 1. — Le sidérostat. complètement à découvert en rou- lant la cabane vers la nord. La lunette, portée sur deux piliers, se trouve placée dans une cabane en briques, à quelques lieues du sidérostat; cotte ca- bane est très-peu élevée afin de cacher le moins possible la partie sud du ciel. On emploie en ce mo- ment, comme instrument d'observation , un téles- cope à miroir de verre argenté, percé en son centre pour recevoir l'oculaire. Telle est l'installation du sidérostat de L. Fou- cault, dans le jardin de l'Observatoire, sur la ter- rasse du premier étage. Si l'on veut amener dans l'axe de la lunette les rayons provenant d'un astre dont la distance polaire et l'ascension droite sont connues, on amènera sous les index, après avoir débrayé, la graduation des deux cercles, qui correspond pour l'un à cette dis- • Sucrotan. Catalogue d'insirumcrUs, . ; Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 507 /ance polaire, et pour l'autre à l'angle horaire au moment considéré. Puis, les cercles fixés, le mouve- ment d'horlogerie est rais en marche et amène con- stamment dans la Innette les rayons venant de l'astre en question. Ce mouvement, appliqué déjà à quel- ques grands équatoriaux, est d'une régularité par- faite et a valu à son habile constructeur, iM. Eichens, le grand prix des arts mécaniques à l'Exposition uni- verselle de 1867. Il était nécessaire d'avoir, pour le sidérostat, des moycus de rappel pour faire varier de très-petites quantités l'angle horaire ou la distance polaire, sans arrêt du mouvement. La première va- riation s'obtient au mojen d'un rouage satellite appliqué depuis longtemps déjà. Mais la varia- tion de la distance polaire était plus difficile à produire; M. Ei- chens a résolu le problème d'une façon très-ingénieuse. Le sidérostat, depuis l'épo- que de son installation, a été à peu près exclusivement em- ployé aux expériences photo- graphiques relatives au pro- chain passage de Vénus sur le soleil. Nous ne savons point encore par conséquent les ser- vices que nous sommes eu droit d'en attendre. Mais , dans la pensée de L. Foucault, l'instru- ment devait être l'auxiliaire indispensable de l'astronomie physique; et c'est là son véri- table rùle. Les expériences qui demandent une stabilité par- faite seront réalisées avec avantage : telles sont la mesure des positions des raies spec- trales et des déplacements de ces raies, etc., au muyen de spectroscopes fixes de grandes dimensions. On conçoit bien d'ailleurs les avantages nom- breux résultant de la direction fixe des rayons réfléchis. On peut dès lors adapter avec la plus grande facilité, à la lunette d'observation, les appareils nécessaires pour les travaux de photographie céleste, pour les recherches photométriques. Tout l'instrument, lunette et sidérostat, placé dans le plan du méridien, pourra être considéré comme un instrument méridien ; et la détermination des "ascensions droites et des distances polaires d'étoiles connues permettra de rectifier le réglage déjà fait de la lunette et du sidérostat l'un par rapport à l'autre. On ne saurait évidemment avoir pour but d'obtenir ainsi un instrument de passages , mais seulement de rechercher une approximation égale à celle d'observations équatoriales. On a toujours d'ail- leurs le moyen d'augmenter la précision en compa- rant l'astre que l'on considère à une étoile voisine bien connue. Les observations au moyen du sidérostat peuvent se faire de deux manières : le miroir restant fixe, ou tournant sous l'action du mouvement d'horlogerie. Dans le premier cas, l'instrument devient, en quel- que sorte, un équatorial, mais avec cet «vantage pour l'observateur de n'avoir point à se déplacer lui-même. Un inconvénient apparaît alors; chaque fois qu'on déplace le miroir, la direc- tion du mouvement apparent change, et par suite il devient nécessaire de faire un nouveau réglage des fils du micromètre. De là résulte une perte de temps qui n'est pas considé- rable, à la vérité. Cet inconvénient est plus sérieux s'il s'agit, le miroir étant en marche, d'effectuer des mesures d'étoiles doubles. Dans ce cas , la direction du mouvement diurne est l'origine des angles de position et il n'est pas possible de l'aire de pareilles mesures. Il faudrait alors changer île coordonnées et mesurer les angles de posi- tion à partir de la verticale et de l'horizontale; et, au moyen de l'heure de l'observation, les ramener à la forme ordinaire. Le défaut véritable du sidé- rostat, commun du reste à tous les instruments à réflexion, c'est de ne pas permettre l'exa- men do tout le ciel. Mais la région la plus intéressante à étudier est comprise entre le pôle et l'horizon sud , et le sidérostat que nous avons dé- crit permet les observations entre ces limites. Si l'on voulait s'occuper du reste du ciel , il faudrait un second sidérostat renvovant les rayons vers le nord. Notons en finissant que la réJlexion sur le miroir de l'instrument occasionne une faible perte de lu- mière ; la proportion de lumière réfléchie est con- stante et égale au ^ de la lumière incidente pour l'argenture neuve. La description rapide que nous venons de faire, en n'omettant aucun des inconvénients déjà connus, permettra de conclure les services réels qu'on doit attendre du sidérostat. C'est seulement au point de vue de l'astronomie physique que l'emploi de l'in- strument sera véritablement utile; et nul doute qu'il n'en résulte des travaux nombreux et importants. 3. — tfouvemciH d'horlogerie à régulateur isochrone. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 398 LA NATURE. Les problèmes de l'univers offrent en effet une mine féconde et inépuisable, et l'astronomie nouvelle, avi?c ses moyens puissants d'investigation, nous per- met d'espérer que les recherches futures amèneront des découvertes brillantes. A. Fiuissinet. CHRONIQUE Fusion dit lingot définitif do la commission du nitiic — La commission internationale du mètre £i décidé avec raison que tous les codons destinas aux différentes nations seraient tirés d'un lingot unique de platine iridié, et tentes les précautions ont été prises pour que la composition de ce lingot offrît le plus grand degré d'homogénéité. Les morceaux, de platine destinés a le former ayant été mélangés avee Ja quantité convenable d'iridium ont été fondus par partifs de 10 kilogrammes Les parties de 10 kilogrammes, après avoir été cisaillées et mélangées, ont été fondues en parties de 80 kilos. Ces der- nières ont été tirées en barres et découpées en petits lin- gots qui viennent d'être fondus en un lingot unique, des- tiné aux dernières opérations de la fabrication du mèlre international'. Celte grande manipulation a été exécutée le 13 mai, au Conservatoire des arts et métiers. Commen- cée à deux heures, elle s'est terminée a quatre, au milieu des applaudissements de quelques savants étrangers et de plusieurs membres de. l'Académie des sciences. M le général Morin faisait les honneurs de notre grand établissement national à une quarantaine de personnes, parmi lesquelles on remarquait M. Otto Struve, le célèbre directeur de l'Observatoire impérial de Russie, le direc- teur du Conservatoire des poids et mesures de Londres, M. Miller, son collègue de la délégation anglaise, M. Stase le délégué du gouvernement belge, le délégué du gouver- nement hollandais, etc. MM. Leverrier, Becquerel père et fils, Mathieu, Daubrée, Ballard, Debray, etc. Les manipulations étaient conduites par MM. Tresca et Sainte-Claire Deville, assisté de M. Gustave Tresca et de M. Mathey. Ce dernier est un fabricant de platine d'Angle- terre qui a mis à la disposition de la commission les 230 kilos de matière nécessaire. C'est une avance de 230,000 lianes environ. Le gouvernement prussien a refusé de commander des étalons pour protester contre l'opposition fuite par l'Angle- terre et la France à la constitution d'un bureau interna- tional des poids et mesures, où il espérait obtenir une influence prépondérante. Cette oppositionne parait devoir apporter aucun obstacle aux travaux de la commission qui a déjà reçu 45 commandes du mètre, au prix de 3,500 francs, et du kilogramme au prix de 1 ,500 francs. Les thalumeaux, au nombre de sept, se trouvaient fixés dans le chapiteau d'un creuset et alimentés à l'aide d'un mélange de gaz oxygène et de gaz hydrogène. Le gaz oxy- gène était contenu dans un gazomètre qui contenait une vingtaine de mètres cubes et dans les cylindres d'une voi- ture de la compagnie Hugon, qui en contenaient une quan- tité à peu près équivalente sous une pression de dix atmo- sphères. Les 25 kilogrammes d'iridium avaient été préparés par voie humide, dans le laboratoire do M. Sainte-Claire Deville, à l'École normale, où ont eu lieu, en présence de M. Thiers, alors président de la Republique et de M. Juleô » Vuï. table de la première année ; Le mètre, Simon, alors ministre de l'instruction publique, les fusions préliminaires. Ces travaux avaient été fort pénibles àrause des fumées suffocantes d'osmium qui peuvent occasionner dûs acci- dents graves chez les manipulateurs, et qui se dégagent pendant le traitement par voie humide. Pendant l'opération, les flammes qui sortaient du creuset ont été analysées à l'aide d'un spectroseope. On s'est assuré que l'osmium avait disparu, mais on s, en même temps, reconnu que le platine contenait des traces de palladium. Le lingot a été plongé dans une eau acidulée pour être dé- capé. Il sera envoyé à un établissement de forges, pour être soumis à l'opération du laminage. Avant de recevoir la forme définitive qui a élé adoptée conformément aux pro- positions de M. Tresca, le lingot sera soumis à des filières qui lui donneront la forme de barres rectangulaires. JÏIort d'un astrologue — Le Times enregistre la mort du capitaine Morrisson, de la marine anglaise, qui depuis quarante ans a renoncé à naviguer et s'est exclu- sivement consacré à l'astrologie, sur laquelle il a publié de nombreux ouvages. L'almanach de Zadkicl, dont il était I l'éditeur et l'auteur, arrivait certaines années à un tirage de 200,000 exemplaires, lui laissant un bénéfice considé- i rable. Le capitaine; Morisson était un adversaire passionné | de l'astrologie de Copernic. Il avait écrit, à ce sujet, un 1 livre très-volumineux ; à la suite de la publication de cet J ouvrage il fut traité de charlatan par un critique. L'iras- cible astrologue ayant poursuivi son adversaire devant la Cour du banc de la reine, obtint un verdict favorable, 11 était âgé de plus de quatre-vingts ans lors de sa mort. Une mule féconde. — M. d'Esterno vient de pré- senter, à la Société centrale d'agriculture, une note fort intéressante sur un remarquable exemple de fécondité d'une mule qui existe actuellement au Jardin d'acclimata- tion, fine difficulté, la plus insurmontable do toutes, s'était opposée jusqu'ici à la multiplication direcle du mulet ; c'est que dans cette espèce, les mâles et les femelles étaient également inféconds. La fécondation d'une mule, bien que n'étant pas tout à fait sans exemple, était un phénomène beaucoup plus rare que l'apparition d'un veau à deux têtes; on en comptait quelques exemples par siècles, et encore les produits de ces mules arrivaient tous mort-nés, ou mou- raient en naissant, D'autres prétendent, ce qui n'est pas bïenprouvé,qucquclques-uus ont vécu; mais la mule, mère une première fois, ne l'est jamais devenue une seconde, ce qui montre que sa fécondité était un étrange hasard, une dérogation aux lois de la nature et rien de plus. Une. coïncidence heureuse, et sans exemple jusqu'ici dans les fastes de la zoologie, semble avoir mis entre nos mains, d'une part une mule susceptible d'une fécondité normale et régulière, et d'autre part un mâle en état de féconder Ses mules. On peut voir à Paris, au Jardin d'acclimatation, une mule suivie d'une niuletone d'environ un an, et prête à mettre bas une seconde fois... Nous avons donc, entre les mains, ajoute M. d'Esterno, le doublo instrument de reproduction qui a complètement fait défaut, depuis plu- sieurs milliers d'aimées à nos prédécesseurs, et qui, si nous ne savons pas en profiter, fera probablement défaut, pendant quelques autres milliers d'années à nos descen- dants. Espérons que l'on ne manquera pas de tirer profit de ces deux êtres exceptionnels, et que l'on s'efforcera de tirer un grand nombre de produits de la mule féconde, les uns à l'aide du cheval et les autres à l'aide du baudet. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 599 CORRESPONDANCE UN BOLIDE AUX EHVIIlONS DE MARSEILLE. Monsieur, Jeudi, 14 mai, à 10 h. 30 m. du soir, aux environs do Marseille, je regardais par hasard la région du ciel située entre la Chèvre, la Grande-Ourse et Cassiopée, quand je vis, a peu près à égale distance de ces trois constellations, une splendido étoile rouge, de première grandeur. Un in- stant je crus que c'élait la Chèvre, à laquelle les brumes du soir donnent quelquefois la couleur rouge, mais un coup- d'cei! me délit de cette illusion. La grande étole scintillait avec une grande vivacité ; je la regardais depuis une mi- nute à peine, quand je la vis se déplacer lentement, en augmentant de vivacité. Elle s'avança ainsi progressive- ment vers la Chèvre, et devenant de plus en p,us intense ; elle dépassait de beaucoup Jupiter en ce moment. Après une marche d'environ 30 secondes, elle disparut dans les brumes du nord-ouest en dessous du Cocher, et, chose cu- rieuse, elle ne laissa derrière elle aucune traînée lumi- neuse. Je compris que c'était un bolide; je ne pus le voir qu'à l'œil nu et cependant il me sembla distinguer en lui la forme d'un parallélogramme. Ernsst Paï*n. Marseille, 13 mai 1874. •=■<••<. ACADEMIE DES SCIENCES Séance du 1S mai 1871. — Présidence de M, EBnriuxD. Observations tliermométriques. — M. Frankland com- munique de curieuses observations qu'il a recueillies dans les Alpes des Grisons, et spécialement dans deux villages situés à 1650 mètres d'altitude (150 mètres de moins que le sommet du Iïighi), et qui sont adoptés comme stations sanitaires pour les personnes atteintes d'affections de la poitrine. Au mois de décembre dernier, pendant que lu terre était couverte d'un manteau de neige, dont la tem- pérature égalait 26° au-dessous de zéro, les malades ve- naient néanmoins passer toute la journée dehors, au soleil, sans autre vêtement que ceux dont on se couvre d'ordi- naire à l'automne ou au printemps. En examinant les causes de ce fait surprenant à première vue, M. Frankland reconnut que sur ce sol, à — 26°, l'air présente au soleil une température de + 35 à •+• 40°, ce qui correspond, comme on voit, à la chaleur de l'été. Pourvu que l'air soit calme, le séjour de celle atmosphère est très-convenable pour des poitrinaires. L'auteur a été frappé en même temps de ce fait, que réchauffement de l'air a lieu d'une manière subite, dès que le soleil apparaît au-dessus de l'horizon, et dure exactement jusqu'à son coucher, c'est- à-dire en moyenne de 8 heures du matin à 3 heures et demie de l'après-midi. En outre, si on place un thermo- mètre dans une enceinte fermée d'un côté par une vitre et enduite sur ses autres parois de noir de fumée, on ob- serve bientôt à l'intérieur de cette enceinte 105° au-dessus de iéro. Il ne faut pas oublier qu'à cette altitude l'eau boni à !)3°. C'est donc 12 degrés de plus que le point d'ébullition de l'eau que l'on obtient ainsi derrière une vitro, el les applications dont cetéchaufTement est suscep- tible sont sans doute très-nombreuses, c A. l'occasion de l'intéressant travail de M. Frankland, M. Dcsams ajoute qu'il a eu lui-même l'occasion de re- connaître sur le RigUi le rapide échauffement qui accom- pagne l'apparition du soleil. Dans ces circonstances où l'air est très-froid, il j a très-peu de vapeur d'eau en suspen- sion, et il en résulte pour le gaz atmosphérique une très- grande transparence thermométrique. L'influence de l'eau en vapeur est extrêmement sensible à Paris même, où l'on constate souvent le refroidissement qui marche pa- rallèlement à l'augmentation de l'étal hygrométrique, même sans que la pureté du ciel soit pour cela diminuée. Taches solaires, — Une objection qui peut être consi- dérable est opposée par M. Gauthier (de Genève) à la théo- rie que M. Faye propose pour expliquer les taches solaires. C'est la permanence de ces taches comparées à la mobilité des cyclones, M. Faye néanmoins ne parait pas y attacher grande importance et demande simplement l'insertion de la note qu'il présente. Œuvres de Laqranqe. — On sait que M. Serret a été chargé officiellement de publier les Œuvres de I.ngrange. 11 dépose aujourd'hui sur le bureau le tome VI de ce tra- vail considérable. C'est la réunion des mémoires d'astro- nomie mathématique qui étaient disséminés d.ins les re- cueils de l'ancienne Académie des sciences. Ces mémoires sont au nombre de onze. Trois volumes restent encore à publier. Élection d'associé étranger. — 11 s'agit de remplacer M. Tlclarive. Après un dépouillement compliqué de divers incidents, M. Tchebitchuff est élu par 26 suffrages contra 13 donnés à M. de Baër, et 7 à M. Alphonse de Candollc. Election de correspondant. — La mort de M. le doc- teur Guyon avait laissé vacante unephee de correspondant dans la section de médecine et de chirurgie. 57 voix y appellent M. OUier. M. Tholozon réunit 6 voix et M. Des- granges 3. Température du. soleil. — D'après M. Violle, le soleil observé de Grenoble, le 14 mars 1874 à 1 h., par un cic! très-pur et un sol couvert de neige, émettait autant de chaleur qu'un disque de même diamètre apparent, jouis- sant d'un pouvoir excessif imaginaire et doué d'une tem- pérature de 1238". Rapport manqué. — Au nom d'une commission, M. Pui- seux s'apprête à lire un rapport concernant les travaux de M. Chapelas Couivier-Gravier. Mais au moment où il va com- mencer, plusieurs membres prolestent énergiquemenl. M. Le Verrier surtout réclame le renvoi au comité secret, et l'Académie décide en elfet que la public sera privé de l'audition de ce fameux rapport. Transfusion. — ■ Pour nous consoler, M. Bouley fait fonctionner un appareil imaginé par M. Mathieu pour réa- liser, sans danger, la transfusion du sang. Il a été inspiré par les dernières discussions de priorité élevées entre M. Moncocq et H. Mathieu, et réalise un progrès considé- rable. Stanislas Meumer. LE PALMIER DE LA CHINE La culture du palmier de la Chine ou palmier de Chusan {Chamœrops excelsa), a pris une très-grande Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 400 LA NATURE. extension depuis quelques aimées dans les jardins d'agrément rie nos climats. Pendant longtemps on croyait qu'il ne pouvait prospérer en pleine terre que dans le midi de la France; il est démonLré aujour- d'hui qu'il réussit très-bien sous le climat de Paris, où il est indispensable de le protéger pondant l'hi- ver. Le palmier de la Chine est tellemement beau et tellement ornemental, que nous croyons utile d'en encourager la culture, eu représentant un beau spé- cimen de cet arbuste remarquable et en donnant quelques indications précises au sujet des dispositions qu'il nécessite. Un sol profond convient très-bien au Chamœrops excelsa ; les racines de cette plante s' enfoncent pres- que toujours perpendiculairement dans la terre quand elles ne rencontrent pas d'obstacles, et s'y engagent souvent à une assez grande distance de la surface. Il est utile que le sol soit perméable, par conséquent l'addition d'une certaine proportion de sable, dans un bon terreau consislanl et nutritif, est très-favorable. Pendant l'été il est bon d'arroser abondamment le palmier de la Chine quand il est rob'ute et fort ; il ne faut au contraire lui donner qu'une quantité d'eau assez modérée s'il cs-t jeune cl Le palmier de la Glu peu développé. La surface du sol doit être recou- verte d'une bonne épaisseur de paillis, et surtoutde feuilles un peu consommées, afin que l'eau des arro- sements, en passant à travers, entraîne avec elle jusqu'aux racines des particules d'engrais qui pro- duisent aussi un excellent résultat. L'exposition devra être d'autant plus chaude et plus abritée, que l'arbuste se trouvera dans un climat plus rigoureux. On sait d'ailleurs que les palmiers en général aiment le soleil, et que l'exposition du midi leur est favorable. Dansnosclimats, à l'approche do l'hiver, il est in- iîispensab]equeleC/iamœro/«erce£sa soit garanti des rigueurs du froid, A cet effet, on peut étendre sur le sol, tout autour des plantes, une épaisseur assez con- sidérable de feuilles sèches, qui préserveront le sol de la gelée. On enfonce autour des pieux que l'on relie avec des gaulettes ou des tiges d'osier, puis à l'aide dû gaulettes transversales, on forme à lapartia supérieure, une sorte de clayonnageen formedetoit, disposé en pente. Ensuite on attacheà la circonférence de ce perclus des paillassons debout ; ou en met éga- lement dans le haut, afin que l'eau, soit des pluies, soit de la fonte des neiges soit renvoyée sur les côtés. Ces abris, dont M. Carrière a recommandé l'u- sage depuis plusieurs années déjà, ont toujours donné de très-bons résultats. C'est grâce à leur em- ploi que cet habile horticulteur a pu obtenir le beau spécimen que notre gravure reproduit très-fidèle- ment. Le Propriétaire-Gérant : G. Tissanmeb. totcittL. — Typ. et stér. de r.iiri Droits réservés au Cnam et à ses partenaires N' .">9 — 30 MAI 1874. LA NATURE. 4(11 LES DERNIERS PASSAGES DE VÉNUS (Suile et lin. — Voy. p. 2o7 cl 374.} LES OIISERVATIONS FAITES E.f l'LKIBE UEii PAR LE GENTIL. Les vojages du cet académicien ont duré depuis l'année 1760 jusqu'à l'année 1771. Ils eommeiicè- îciit par conséquent avanL le passage de Vénus en 1761 et su prolongèrent après le passage de 1769. Les expéditions du Le Gentil, dont le récit, publié en 1779 à l'Imprimerie ravale, ne remplit pus moins de deux magnifiques volumes, laisseront une trace ineffaçable dans l'histoire des sciences en général et même de l'astronomie. C'est une preuve que l'homme d'esprit et de persévérance qui s'attache à la solution d'un grand et beau problème, peut trouver, malgré toutes les contrariétés, lu moyeu de s'immortaliser. La postérité doit bien quelques dédommagements à ce laborieux astronome, car son acharnement à résoudre les questions scientifiques porta un vérita- ble préjudice à ses affaires d'intérêt et même à sus alfairus de cœur. Elève de de l'Isle, l.e Gentil avait été destiné à la l'usée du V^iius oiiteivd lu pleùie mer |>;ir Lu Ounlil, eu l. 305 et 355.) l'atjgmemtatiou de PRESSION. Nous avons rappelé, dans notre premier article, les circonstances dans lesquelles l'augmentation de pression s'emploie industriellement, et les accidents pins ou moins graves qui atteignent souvent les plongeurs à scaphandre et les ouvriers des tubes. M. P. Bert a montré, comme nous l'avons dit, qu'il faut distinguer avec soin les effets de la com- pression elle-même d'avec ceux d'une compression trop brusque. Ces derniers s'expliquent par un mé- canisme bien simple, et qui montre, chose rare, un phénomène physique élémentaire jouant un rôle prépondérant dans la physiologie, Nous eti parlerons d'abord. Un chien est' placé dans le grand cylindre en tôle représenté fig. 1. On porte la pression à 8 atmo- sphères, à l'aide d'une pompe mue par la vapeur; aussitôt après, par l'intermédiaire d'un gros robinet, on rétablit en 3 ou 4 minutes l'équilibre avec la pression normale. L'appareil ouvert, l'animal en sort assez bien portant en apparence; il court dans le laboratoire; mais bientôt sa marche se ralentit. Il Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 403 fléchit, puis traîne son train postérieur qui se para- lyse rapidement ; les membres antérieurs se pren- nent à leur tour, les côtes s'arrêtent, et enfin la res- piration cesse. A l'autopsie, on trouve les vaisseaux sanguins pleins d'un mélange de gaz et de sauf,' ; le cœur contient une mousse plus ou moins fine, dont le gargouillement qui accompagnait ses derniers battements annonçait à l'auscultation la présence. Ces gaz, analysés, contiennent do l'azote avec une faible proportion d'acide carbonique. Voici ce qui s'est passé: Sons l'influence de la compression, l'azote de l'air j'csL dissous dans le sang en proportion croissante, comme il advient pour l'acide carbonique d'une bouteille d'eau de Sel tz. Vient-on à décomprimer brusquement, ce gaz repasse à l'état libre, et ses bulles, de plus en plus nombreuses, de plus eu plus grosses, rendent le sang écumeux et s'opposent enfin il la circulation, d'où la paralysie et la mort ; c'est la bouteille d'eau de Seltz après qu'on en a enlevé le bouchon. Le sang n'est pas !o seul liquide dans lequel pé- nètre en excès et duquel se dégage ensuite l'azote. Tontes les humeurs de l'économie, les sucs qui im- prègnent les tissus, les milieux de l'œil, le liquide où baigne la moelle épiuière, sont le siège du même phénomène. Quand la pression n'est que do 7 atmosphères en- viron, les accidents n'ont pas d'ordinaire cette gra- vité ; ils se bornent à une paralysie du train posté- rieur, quelquefois passagère, ou même à quelques douleurs locales assez vives. Si la pression est plus forte, au eon'raire, Je gaz arrive à se dégager avec une soudaineté telle, que la mort est instantanée, et que. M. Bert a pu, dans un cas, en retirer 50 cent, du mur d'un chat. Tous ces phénomènes qui ont été observés chez les ouvriers, paraissent assez fré- quents dès la décompression à partir de 5 atmo- sphères et demie. Ainsi se trouvent expliqués, non- SvUlemcnt les accidents paralytiques ou mortels, mais les ylices et les moulons, dont nous avons parlé (p. 507), et qu'occasionnent très-certainement les gaz devenus libres dans le tissu cellulaire intra- musculaire ou cutané. Nous ne saurions suivre M. P. Bert dans le détail des préceptes qu'il établit | our prévenir ces acci- dents, et des moyens simples à l'aide desquels il montre aies combattre efficacement. Les industriels trouveront dans cette partie de son travail des en- seignements précieux. Arrivons maintenant aux effets de la compression olle-mûme. Plaçons un oiseau dans un appareil cylindrique, en verre (fig 2), capable de supporter une pression de 25 atmosphères. Comprimons l'air à 10 atmo- sphères : l'oiseau ne paraîtrauullement impressionné. Mais si, au lieu d'air ordinaire, nous employons de l'oxvgène pur, l'animal sera pris très-rapidement de convulsions d'une extrême violence, se succédant par crises, et qui bientôt entraîneront sa mort. Pour obtenir ce résultat avec de l'air, il faut pousser la compression jusqu'à 22 atmosphères. Inversement la compression de 25 atmosphères avec de l'air dé- pouillé d'une grande partie de son oxygène est tout à fait inoffeusive. Il est donc bien démontré par ces contre-expé- riences multiples, que les convulsions mortellessont ducs à la tension même de l'oxygène, et non au de- gré de la compression physique. En un mot, pour employer une expression de l'étraugeté de laquelle M. Bert a cru devoir s'excuser, L'oxygène, à une certaine dose, se comporte comme un poison vio- lent. Ces phénomènes toxiques, étudiés avec la plus grande sagacité par notre auteur, rapprocheraient l'oxygène de la strychnine et des autres poisons ex- citants de !a moelle épiuière. Ce n'est pas cependant que la quantité de cet oxy- gène augmente notablement dans le liquide sanguin, les analyses de M. Bert ont montre, en effet, qu'à partir de la pression normale, il n'en entre guère plus de 1 vol. pour 100 vol. de sang par chaque a'mosphère de compression. Ce fait, extrêmement important pour l'étude de la chimie du sang, prouve que ce n'est pas dans les altérations de ee liquide qu'il faut chercher la cause première des accidents signalés. Cette cause est bien plus intime. Eu effet, non- seulement les animaux à sang blanc, les animaux à système nerveux diffus, articulés ou mollusques, peuvent être empoisonnés par l'oxygène à tension suffisante, mais aussi les végétaux ; cette action ter- rible atteint même les animalcules, microscopiques, les infusoires, les mueéditlécs qui causent certaines fermentations. Pour prendre deux exemples saisissants, M. Bert nous montre : l» que les myeodermes du vinaigre, semés à la surface du vin, sont tués par l'air com- primé; 2" que les matières organiques ne se putré- fient pas dans l'air comprimé. 11 y a là, bien évidem- ment, matière à dos applications pratiques impor- tantes. Il s'agit donc ici d'une action générale. L'oxygène apporté à trop haute dose aux particules élémentai- res du corps agit sur elles pour arrêter ou modifier de manière funeste les actes chimiques dont elles sont le siège et l'agent. De là des accidents généraux, des convulsions et la mort. M. Bert ajoute : « Les accidents convulsifs apparaissent chez les mammifères, dans des cas rares, il est vrai, dès la pression de 10 atmosphères d'air. Or des ouvriers ont travaillé à 5 atmosphères. Il est donc permis de supposer que l'oxygène, à une dose convulsive, doit être à j;. longue la cause, chez eux, de troubles plus ou moins importants. Je crois, notamment, que c'est, à lui qu'il convient d'attribuer les phénomènes anémiques et dyspeptiques que présentent après un certain temps les ouvriers des tubes. « C'est à lui que je n'hésite pas à rapporter éga- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires .10 \ LA NATURE. lement les améliorations dans certains états patho- logiques (jin ont été constatées chez les ouvriers des li lies et dont la thérapeutique par l'air comprimé a luit un si utile usa^e. Les ouvriers atteints de cer- taines inflammations de la muqueuse respiratoire voient leur état, soudain, amélioré par l'entrée dans les tubes, et l'on n'a pas craint, à l'cncontrc de la physique, d'expliquer ce nneux-èlre par un écrase- ment de la muqueuse par l'air comprimé, d'où ré- sulterait un ralentissement de la circulation dans les parties enflammées... « Pour moi, après avoir vu de très-hautes doses d'oxygène produire des effets aussi violents, je ne m'étonne pas que des doses beaucoup plus faibles aient sur l'organisme une action de cette valeur. Les doses mortelles m'ont paru, entre autres symptômes, supprimer la sécrétion urinaire et augmenter les sé- crétions buccales ; elles diminuent considérablement Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATUKE. 405 les phénomènes calorigéniques. fiien d'étonnant, je I l'oxygène à trop haute dose, devaient consister e.> le répète, à ce que de moindres duses arrêtent les oxydations trop fortes, que les tissus des cor us de- pliéiinmèncs inflammatoire'; » vsietit être, eu quelque sorte, tirûlés. Chose étou- 11 semblerait que ces phénomènes, traduits par | tianle, cVt le ronfraire qui arrive; les animaux se J iï"0 ti Z 1 ■C 3£ refroidissent rapidement; ils ;il.s .irlient peu cl'nxv- "ène, produisent peu d'acide carbonique et d'urée, llien plus, M. Bert a constaté qu'un morceau de viande, conservé pendant plusieurs semaines dans l'air comprimé, n'y avait pas conservé trace apprécia- ble d'oxy.ène, ni fourni d'aeide carbonique. En un mot, l'o r y gène en excès arrête les oxydations .Je\ est le résultat fort étrange, mais bien appuyé de preuves convaincantes, auquel ces persévérantes recherches ont conduit le savant professeur de la Soi bonne. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 406 LA NATURE. Los conséquences de ces faits que nous avons ré- sumes à grands traits sont considérables. Nous en indiquerons quelques-unes. La première correspond à la respiration d'oxygène pendant les ascensions eu ballon. Elle nous permet- tra peut-être quelque jour d'avoir à meilleur mar- ché les perles et le corail. « Lorsque les plongeurs à scaphandre, dit M. Bert, veulent descendre au delà de 50 mètres, ils éprou- vent des douleurs de poitrine qui les arrêtent; les ouvriers des tubes, quand on a tenté de dépasser 5 atmosphères, ont éprouvé les mêmes sensations. Celles-ci sont dues incontestablement à l'action de l'oxvgèue eu excès, « Rien de plus simple que de parer à cet inconvé- nient; il sufiira d'injecter, en faisant la pression, de l'air assez pauvre en oxygène pour que la tension de ce gaz rie dépasse pas beaucoup 21. Les dispositions mécaniques qu'il faudrait prendre ne paraissent pas devoir présenter de bien grandes difticultés, excepté p. ut-être pour les plongeurs à scaphandre, qui chan- gent incessamment de pression. Quant au gaz avec lequel il conviendrait de diluer l'air, on pourrait choisir entre l'azote et l'hydrogène, qui peuvent au- jourd'hui se préparer à assez bon marché. » D'autres conséquences touchent aux conditions actuelles ou anciennes de la vie sur notre globe. Laissons parler l'auteur : « 1° lui dehors de lu considération de la tempé- rature, il y a, pour les animaux et les végétaux, sur les hautes montagnes, une limite infranchissable, (lotte limite varie sans aucun doute avec les espèces, et la distribution géographique suivant les altitudes, trouve là une de ses causes. « 2" 11 existerait, et à de faibles profondeurs, une limite semblable dans les eaux de la mer, si elles tenaient en dissolution l'oyygène et l'azote, suivant la loi de DuT ton . Une source d'air jaillissant du fond de la mer tuerait tout ce qu'elle rencontrerait dans son ascension verticale. La différente richesse en oxy- gène des divers courants aux diverses profondeurs est peut-être pour quelque chose dans la distribution géographique sous-marine. Il y a là un ordre de re- cherches nouvelles que je signale aux explorateurs des régions profondes de la mer, « 5" Aux temps géologiques primitifs , où la pression de l'atmosphère devait être plus forte qu'au- jourd'hui, les conditions de la vie é! aient fort diffé- rentes de ce qu'elles sont aujourd'hui, et suroxygé- nantes ; et si, comme le disent les géologues, notre atmosphère tend à pénétrer de plus en plus, en rai- son du refroidissement des couches centrales, dans les profondeurs de la terre, nous marchons vers uu état asphyxique comparable à celui que donne l'as- cension des montagnes élevées. il 4" 11 est inexact d'enseigner, comme on le fait d'ordinaire, que les végétaux ont dû apparaître sur la terre avant les animaux, afin de purifier l'air de la grande quantité d'acide carbonique qu'il conte- nait. En effet, la germination, même celle des moi- sissures, ne se fait pas dans l'air assez chargé d'acide carbonique pour être mortel aux animaux à sang chaud. « 5 U 11 l'est tout autant, ainsi que je l'ai fait observer il y a longtemps, d'expliquer l'antériorité des reptiles par rapport aux animaux à sang chaud, par l'impureté de l'air souillé de trop d'acide car- bonique; les reptiles, en effet, redoutent ce gaz plus encore que les oiseaux et surtout que les mam- milères *. » Nous avons vu de plus que les recherches de M. P. Bert tendent à expliquer les résultats si utiles que les médecins ont obtenus de l'emploi de l'air faible- ment comprimé, et les inconvénients éprouvés par les ouvriers qui travaillent longtemps dans l'air forte- ment comprimé. Enfin elles permettent des appli- cations pratiques d'une grande utilité. En un mot, elles intéressent à la fois, non-seulement la chimie organique et la physiologie, mais encore l'hygiène, l'industrie, la médecine, l'histoire naturelle géné- rale. Il est vraiment curieux de voir tout cela sortir d'une simple expérience de physiologie-. 11 ne l'est moins de constater que tant de phénomènes multi- ples et complexes, sur lesquels tant d'hommes émi- nents avaient si longtemps exercé leur sagacité, s'ex- pliquent par ces formules élémentaires qui résument les travaux de M. Bert : 1° Les modifications dans la pression manométri- que de l'air n'agissent que comme tension de l'oxy- gène qu'il contient. '2° Au-dessus de la pression normale, il y a ten- dance croissante à un empoisonnement par l'oxy- gène, empoisonnement caractérisé par la diminution des oxvdations infra-organiques, et que l'on peut combattre en employant du l'air désoxygéué. D f Z. L'EXPOSITION DE PHOTOGRAPHIE La Société française de photographie a ouvert au Palais de l'industrie sa dixième exposition. Nous re- trouvons parmi les 95 exposants du Palais de l'in- dustrie plusieurs noms qui ont figuré avec avantage à l'Exposition dcVienne. Parmi ces derniers, plaçons la Société elle-même, qui a obtenu le diplôme d'hon- neur pour son Histoire de l'art photographique, ré- sumée dans un vaste cadre. On y voit toutes les épreuves types des découvertes faites en France, de- puis Nicéphore Niepce ; la première épreuve sur pla- que de Daguerre, les impressions sur papier par Blan- quart-Evrard, lu tirage au charbon de Poitevin, les émaux de Lafond de (lamarsac, les héliogravures do Qi. Nègre en 1856, etc. Cette chronologie résume 1 Ces deux conclusions se rapportent à une partie du travail de M. Bert, dans lequel se trouvent étudiées les causes de lu mort d'unimuiiï, maintenus en vases olos à de* pressions de 2 à 10 atmosphères; cette înort est due à l'acide rarbonique, d'où une élude complète de la mort par l'acide carbonique; nous n'avons pas cru devoir parler de cis recherches. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE 407 dans son degré de perfection primitive de précieux documents dont le temps augmentera toujours la valeur. Les portraits abondent à l'Exposition malgré toute la sobriété que l'on apporte dans l'admission ; cette branche si étendue de la photographie, répondant à un besoin du temps, atteint un haut degré de perfec- tion, parce qu'elle est dans le domaine de la pratique. L'Exposition contient un grand nombre de paysa- ges. Nous regrettons de mettre avant les résultats obtenus par nos nationaux ceux de M. William Eed- lord, de Londres; ils possèdent une finesse de dé- tails, un merveilleux fouillé dans les ombres et une habile combinaison do l'éclairage, conditions réunies qui rehaussent l'effet artistique, si difficile à obtenir. Cette rudesse optique inhérente à tout tableau pris au hasard a également été évitée par M. Brownrigg, de Dublin; il donne à l'appui de la perfection des clichés obtenus deux agrandissements remarqua- bles, dont la dimension excède un mètre : « A quiet nook », et « Derricunhy, Killarney. o Ces deux pay- sages ont tout l'attrait d'une composition soignée. D'autre part M. Erniakol'f, de ïrébizonde, nous prouve que la photographie n'a pas de patrie, et qu'on réus- sit aussi bien en Asie Mineure qu'en Europe ; ses jo- lies vues sont, heureusement choisies. Citons parmi les photographes-paysagistes fran- çais, M. Telford Harrisson, qui a exécuté au collo- dion sec de charmantes études d'après nature ; il s'est appliqué à reproduire des sites de forêts, au moment où les arbres sont dépouillés de leurs feuilles. Ces innombrables branches sèches se détachent avec une li nesse remarquable. Un amateur qui n'a pas craint d'aborder les pla- ques de grande dimension eu voyage, M. Magny (de Ijoutanee), a exposé plusieurs vues des environs de Couslantine, où il a tiré un bon parti de l'éclairage oblique. Les nombreux travaux de M. Quetier, suc- cesseur de M. Bisson, comportent des dimensions encore plus monumentales; ses vues des différentes capitales d'Europe sont du reste connues depuis longtemps avec avantage. Ajoutons encore un nom aux exposants de vues étrangères : M. Lévy, qui a envoyé un certain nombre d'épreuves d'Egypte et d'Orient. Depuis plus de vingt ans, les chercheurs ont fait de grands efforts pour combiner la facilité de repro- duction de. la photographie, avec la rapidité d'im- pression, telle qu'elle se pratique dans l'impri- merie. L'héliogravure et les impressions à l'encre "rasse exigent un tour de main spécial et une par- faite connaissance des deux arts, auxquels il faut emprunter toute leur subtilité. La conservation des demi-teintes offre une grande difficulté. Les ateliers de M. Goupil, à Asnières, ont réalisé de notables progrès dans l'héliogravure proprement dite, la production d'un cliché métallique, et dans l'exploitation industrielle du procédé Woodbury, im- pression obtenue au moyen de la gélatine bichroma- tes. M. Rousselon, chef des ateliers, expose plusieurs héliogravures d'un fini remarquable : un grand pay- sage où l'on voit des reflets dans l'eau, comme sur une épreuve au chlorure d'urgent, un portrait de M. Davanne, où l'authenticité de la photographia se joint à la délicatesse de la gravure. Le procédé Woodbury, maintenant nommé photo- glyplie, conserve au positif toute son apparence do finesse de l'épreuve au chlorure d'argent. On pro- duit une contre-épreuve sur une feuille de gélatine bichromatéo par simple impression de la lumière; ensuite cette substance cornée très-résistante est soumise à la presse hydraulique sur une plaque d'al- liage de plomb et d'antimoine. Le creux et les re- liefs de la gélatine s'y imprègnent avec exactitude. Pour le tirage, on verse dessus de l'encre, à base de gélatine et l'on serre la presse; les différences do relief produisent des différences d'épaisseur dans la couche d'encre, qui donnent les teintes et les denii- temtes. C'est par ce procédé que la maison Goupil peut répandre dans le commerce les copies des ta- bleaux des grands maîtres en grand nombre, avec une fidélité remarquable. L'héliogravure est d'un emploi usuel dans le com- merce pour produire vite et économiquement, à la condition d'éluder les difficultés qu'entraîne la sub- tilité des demi-teintes; les copies de gravures, des- sins à la plume, se convertissent couramment en cli- chés typographiques. M. Rodriguez, chef des ateliers de gravure du gouvernement portugais, a envoyé des spécimens de photozincographie de reproduction de dessins au trait. Son procédé basé sur l'emploi de la gélatine bichromatée, comme tous ceux du même genre, se complique de l'heureuse innovation des reports sur une feuille mince d'étain. e Nous retrouvons dan s les expositions deMM.Romm- lée et Jonas (de Dresde) et de M. Thiel, des applica- tions du procédé Albert (de Munich), procédé qui consiste à transformer le cliché même, pris sur verre épais, en un type sur lequel on peut tirer avec de l'encre grasse; c'est un perfectionnement de la pho- tolithographie. Les épreuves que l'on obtient ainsi n'ont pas la netteté de celles qu'on obtient sur une plaque métallique quia été mordue à l'acide, comme dans l'héliogravure. Depujs 1847, époque où M. Becquerel découvrait l'héliochromie, ou a fait peu de progrès dans la fixa- tion des couleurs. M. Vidal a envoyé des épreuves polychromiques, qui sont certainement remarqua- bles par leur inaltérabilité, mais les couleurs affec- tent plutôt les masses que les détails. Il fait usage de papiers qu'il superpose pour obtenir chaque couleur en particulier ; les nuances et les demi- tons restent indéfinis. On se contente dans la prati- que de faire colorier au pinceau les portraits où l'on veut conserver leurs tons naturels. Parmi les plus soigneusement faits, nous signalons ceux de M.Fritz Lui'kard, de Vienne ; vus au stéréoscope, ils présen- tent un effet artistique, où la retouche ajoute au su- jet, au Heu de le défigurer comme il arrive sou- vent. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 408 LA NATURE. Le coloris offre un précieux concours dans certai- nes applications scientifiques de l;i photographie. M. lîraiidel, à Varsovie, en donne la preu\e dans ses collections de maladies cutanées ; ses albums renfer- ment plus de 2G0 sujets de cas très-curieux pour la médecine, qui perdraient la plus grande partie de leur intérêt si la couleur ne leur rendait tout leur caractère authentique,. Les émaux continuent d'être favorablement ac- cueillis du public, si l'on en juge par l'extension que prend cette branche de la photographie. ïls of- Ireiit le grand avantage de se conserver indéfiniment inaltérables; comme les porcelaines, ils ont passé au l'eu de moufle, deux de MM. Gough 'tiheim et TV rc-t, de M. l'eseliardièrc, sont les digues émules de M. Lalbii de Ganiarsac. Ou a souvent accusé la photographie de rester étrangère aux beaux-arts ; mais elle apporte à ceux-ci un concours avantageux. Ainsi, M. liavaison s'est particulièrement appliqué à reproduire les classi- ques de l'art, en oombin mt. judicieusement l'éclai- rage. Les copies des bustes ainsi obtenues sont d'excellents exemples pour les jeunes dessinateurs, qui ont de la peine à discerner les ombres et l'effet qu'on doit en attendre. La photographie sur verre est représentée par 51M. F avre et Lach nul , qui conservent dans tonte sa perfection le délicat procédé à l'albumine pour leurs vues stéréoscopujues et les verres pour les projections à la lanterne. Adoucis par un verre dépoli, ils ont une netteté remarquable. Leurs nombreuses colle- tions de sujets appartenant aux différentes parties des sciences faites pour les projections sont vrai- ment remarquables, et contribuent puissamment aux [progrès d'une nouvelle et importante branche de l'enseignement. L'ensemble de l'exposition est très-satisfaisant. ; on n'y trouve pas de découvertes saillantes, mais toutes les branches de la photographie sont en voie de per- fei lioimement. J, (Jimnn. LE TER A SOIE BRÉSILIEN Pendant la longue période de prospérité du ver à soie du mûrier on s'est fort, peu occupé des autres espèces sérigèues; celui-là suffisait amplement. Avec les désastres, on a réfléchi, on a observé : les espè- ces de lépidoptères qui produisent, do la soie sont nombreuses, certaines d'entre eiles ne peuvent-elles pas suppléer au précieux bombyoien du mûrier? Déjà la Nature a fait connaître les espèces du chêne et de l'ailante, les premières en voie persévérante d'introduction. L'ailante est véritablement et com- plètement acclimatée aujourd'hui, grâce aux efforts de la Société d'acclimatation ; son papillon vil libre et sauvage dans nos squares, sa chenille suspend ses cocons aux ailantes de nos boulevards. Gette es- pèce offrira toujours des grands avantages sur toutes les autres, alors même que, avec les méthodes de sélection rationnelle propagées par un savant illus- tre, nos races indigènes auront repris leur ancienne vigueur; on sera eu posscsion de nouvelles espèces do vers à soie, et leur soie, bien que souvent infé- rieure, trouvera toujours son emploi. L'industrie a besoin de matières textiles variées, pour obéir à ces caprices multiples de la mode qui donnent le pain à des milliers de familles. L'impulsion émanée d'Europe s'est étendue par- lent. Au Brésil, un souverain éclairé, à demi Fran- çais par ses alliance?, bote récent et si apprécié de l'Angleterre et de la France, encourage de son ini- tiative puissante toutes les tentatives pour tirer paiti des ressources naturelles d'un immense et magnifi- que [iays. Les forêts du Brésil renferment plusieurs espèces de ces Allant* dont les cocons pédicules peu- il .-rit aux arbres comme des fruits, de même que ceux de YAlIncvs mylitla de l'Inde, eniplovés de tonte an- tiquité pour fabriquer la sois; tttasali, et l'étoffé dite /i/,s'.vor.Ceei nous explique l'erreur d'Anatole, disant, que la soie, indienne provenait d'un fruit. Parmi les producteurs de soie du Brésil et de la Guyane ou a distingué, à ses qualités précieuses et à son abon- dance, YAttacus aurata, (.'ramer. L'est l'espèce la plus répandue, commune sur tout le littoral, de- puis Ilio de Janeiro jusqu'au nord de l'empire et au delà, existant aussi dans les provinces intérieures, mais ne s'éleiant pas sur les montagnes, du moins celles de la province de Ilio. L'insecte est polyphage, avec quelques végétaux de prédilection dans la famille des Kupliorbiacées ; tels sont sur- tout le ricin, arbre ou arbuste selon le climat, et qui croît de lui-même en abondance dans tous les pays chauds; puis le manioc (Jatropha manihot) dont, la racine féculente pilée, et privée par le lavage de Son suc vénéneux, constitue le tapioca. La che- nille mange aussi les feuilles de l'acajou, du bam- bou, de l'oranger, du [pêcher, du fusain, etc. Elle est d'un beau vert, sans épines, avec les incisions des anneaux d'un jaune vif, et sur ceux-ci quatre tuber- cules d'un rouge orangé entourés de petits poils. Si- bille Mériau qui, au début du dernier siècle, obser- vait et dessinait les insectes dans les jardins de Surinam, a laissé une assez bonne ligure (1719) de cette chenille, qu'elle rencontrait sur les orangers. Pour se transformer en chrysalide elle se file un co- con, ouvert naturellement à l'extrémité par où sor- tira le papillon, tandis que ceux des vers à soie du mûrier et du chêne sont clos de toute part, et doivent, être percés par l'insecte, qui écarte les brins de soie avec sa tète à l'un des pôles. La couleur de la soie est d'un gris plus ou moins ocreux, et l'extrémité du cocon opposé au trou de sortie tient à la branche ou à la feuille par un pédicule soyeux contourné, qui n'est pas toujours aussi développé que celui de noire figure. La filature de ce cocon est aisée. Sibille Mérian avait rapporté en Hollande de la soie de cette espèce de la Guyane, et prédisait qu'on en pourrait tirer un grand bénéfice. Persoz, dans ses essais da Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LA NATURE. 409 dévidage à la main faits au Conservatoire, signale le cocon mai 18"4. — Présidence de M. I'^rtiund. Rechercltex sur la (jermititilion. — Dans les nomhreu- ' l-s études dont la germination a été l'objet jusqu'à pre- :,.:ut, on a laissé île côté le cominencimejvt du phénomène, c'est-à-dire, en délinilive, sa parlie la plus intéressante, A quoi en effet doit-on rappu: 1er la manifestation de la vie dans la graine, d'apparence si inerte jusqu'au montent où on la coniic au sein de la terre'.' Mil. Iloliérriiii etiandrin, eu étudiant celle question, sont parvenus à ce résultai intéressant que les oxydations dont la graine, est. le siège, résultent d'un développement considérable de chaleur, du lui-même à l'absorption des gaz au conlaut desquels se irouve la semence. Cette absorption peut aller jusqu'à faire disparaître le dixième de l'atmosphère qui contient les graines. Transformation du fer un acier- — M. ilou.ssmgauH s'est propn-é d'apprécier chimiquement les modifications que le fer subit lorsque, placé dans le four à cémentation, il se transforme en acier, A première vue, il semble que ce problème soit bien simple, puisqu'il consiste dans la comparaison de deux analyses faites l'une avant, l'autre après l'opération de l'aciérage. Mais en se mettant à l'œu- vre, l'auteur s'est trouvé eu présence de difficultés très- considérables, et que nous ne pouvons décrire. M. Boussingault a opéré sur des barres de fer, parfaite- ment propres, de 4 à 5 kilogrammes, et placées avec du charbon dans des caisses semblables à celles qu'on voit dans toutes les aciéries. Au sortir des fours, les barres se montrent couvertes d'une rnince pellicule de graphite, offrant à la loupe d'innombrables petits points qui rappel- lent ceux d'une peau de chagrin. En même temps on re- connaît que le fer, prenant du carbone, du phosphore et du silicium, a abandonné du soufre; de plus, une très-légère porte en fer parait constante. On peut l'expliquer en ad- mettant la formation d'un peu de chlorure volatil. Ce fer volatilisé a été retrouvé par des expériences spéciales dans ie charbon de cémentation. Une fois fondus, les aciers, devenus beaucoup plus purs, consistent presque exclusive- ment eu carbone et en fer, le soufre et le phosphore élanl éliminés par la fusion. A ce propos, M. Pasteur s'étonna que M. Boussingautt no parle pas de l'azote connue principe constituant des aciers, corps auquel M. Fremy fait jouer, au contraire, un rôle important. « Lorsqu'on isole la substance carbonée qui existe dans les aciers durs et trempants, on constate, dit Jl. Frany, qu'elle est azotée et qu'elle dégage des quan- tités notables d'ammoniaque quand on la chauffe avec de la chaux... » « Le charbon de bois lui-même, ajoule-t-il, qui doit être considéré certainement comme le meilleur des céments, est fortement azoté et perd en grande partie son efficacité lorsqu'il ne contient plus d'azote. » M. Boussingault répond qu'il ne sait pas comment M. Fremy a opéré, mais que, pour sa part, il a cherché di- rectement l'azote dans les aciers des premières marques sans en trouver la moindre trace. Il y aura lieu de recher- cher les causes de ce désaccord. A l'occasion de cette communication, M- H. Sainte-Claire. Deville explique la formation des ampoules qui apparaissent à la surface des bancs soumises à la cémentation. Pour la comprendre, on place un tube de fer dans l'axe d'un tube de porcelaine, el le fait communiquer avec un mano- mètre après l'avoir rempli d'azote. On fait alors passer de l'hydrogène dans le tube de porcelaine et on porte le tout à la température rouge ; immédiatement le manomètre se met en mouvement et indique, bientôt une pression de deux atmosphères. Le tube, est alors abandonné au refroi- dissement puis transformé par le laminoir en une plaque relativement mince et sans cavité sensible ; ou le brase il mi le met par un petit tube de cuivre soudé à l'un de ses coins en communication avec un manomètre. Si on le parle an rouge, on voit le, mercure s'élever à 7)0 centimètres au-dessus de la pression normale ; en même temps la laine se gonllc el repasse à l'état de tube cylindrique d'où l'on éiail parli. Pour. 11. Devillc une. barre de 1er est une réunion de tubes de ce genre qui contiennent l'hydrogène pur fourni par le fourneau et que le laminoir a aplatis ; si ou les chauffe ils se développent et dorment lieu aux ampoules. Pour le dire eu passant, celle (acuité d'absorber les gaz fait d'une barre de fer le meilleur réactif pour analyser les produits dégagés par un foyer; il subit, en effet, de met- tre au-dessous de celui-ci une tasse, pleine d'eau pour que les ampoules se forment aussitôt que la vapeur arrive au contact du métal. D'ailleurs, tous ces faits obéis:eul aux lois générales de la dissolution, et il se passe entre le fer et l'hydrogène des choses absolument correspondantes à celles qu'on observe par exemple entre l'eau et le gaz ammoniac. Comme le fait remarquer M. berthelot, l'union de l'hy- drogène avec le fer est une vraie combinaison. C'est eu effet à la chaleur rouge, vers 400 ou 50(1°, que l'hy- drogène manifeste son affinité vis-à-vis d'un très-grand nombre de corps. C'est à cette température qu'il s'unit â l'oxygène, au soufre, aux carbures d'hydrogène. C'est éga- lement alors qu'il s'allie au potassium, au sodium et, comme Graham l'a montré, au palladium. On est donc en présence d'un fait très-général. Élection de correspondant. — M. de Kokscharow est nommé par 43 voix correspondant de la section de miné- ralogie. Stanisias'Meumek. Le ProprUilairc^Gùraid : G, Tissandicr. remuai,. — Typ. £t &târ. de Leultà fils Droits réservés au Cnam et à ses partenaires INDEX ALPHABÉTIQUE Abeilles à J'approche de l'hiver, 9 travaillant sur commande, 43. Académie des sciences (Séances hebdo- madaires!, 15, 18, 31, 47, 79, 95, 9C, 111, 127, 142, 15!), 191, 192, 207, 223, 239, 256, 271, 286, 303, 320, 335, 351, 367, 383,399, 410. Académie des sciences de Saint-Péters- bourg, 127. Achromatisme optique et chimique, 323, 358. Aéronaule [Le premier du siège de Taris], 127. engloutis dans l'Océan, 303. Aérostat de Natal, 13. (Direction des). Une invention al- lemande, 3S2. Afrique équatoriale [Explorations de 1'), 410. Agassia, 91, 134. Aigues-Morles, 287. Air de l'IIiniloustan (Son analyse micro- graphique), 281. Air souterrain (Régime de 1'), 303. Alliages d'hydrogène, 303 Alpha (L'), 146, Analyse spectrale (Son emploi pour l'es- sai des alliages d'or et d'argent), 321. des étoiles, 31. Anthropologie (Congrès à Stockholm), 206. Appareil pour enregistrer la direction des nuages, 224. Aquarium microscopique, 337. (Xouvuaux). 29J. Araignées en ménage, 3Î9. Arbre gigantesque, 286. • extraordinaires, 215. Ardenncs (Excursion géologique), 151. Art préhistorique [Nouveau produit del'), 319. Ascension aérostatique (Singulière des- cente), 381. . de MM. Croeé-Spinelli et Sivel, 302, 326, 368. du Jules-Favre, 142, du Roi-(lc-Siam, 23 ). Aslinntii [Guerre des), 190, 343. Assèchement des maraisde r'errare,222. Astronomie ï New-York (Conférence d'), 347. en Angleterre, 133. Athcwram autrichien, 111. Aurore boréale du 4 février 1874, 202, 261. Avertisseur des incendies, 192. Azolite d'ammoniaque, 111. B Balance Roseleur, 29. Baleine (Sa pêche dans les mers Antarc- tiques), 28'i. Ballons. [Voy. aérostats.) Bambou (Le), poison dangereux, 270. Baleau de sauvetage, 280, — - à patins, 280. Bewnudes (Les), 388. Bleu égyptien, 283. Bloc erratique avec empreintes, 142. sous-marin, 254. Blocking system, 376. Boêrs (Lu pays des), '266, 283. Bolide près de Marseille, 399. Eoule-dogue héroïque, 519. Brésil (Le), 203. Briques creuses, 48. Brontothcriuin ingens, 285. Bronze japonais, 271, 303, 320. Brouillard à Londres, 79. Buffles (Massacre en Amérique), 333. Bulletin du vulcanisme italien, 276. Bureau météorologique de Londres, 75, 107. G Câble transatlantique (Nouveau), 174. Cadran solaire antique, 271. Caffre (L'n révolté), 308. Calmar géant de Conception-Bay, 190. Camélons (Les), 156. Canal insecticide, 1(30. Canalisation de la rivière Sone, 311. Carpes jaunes du Jardin d'acclimatation, 110. Carte topographique du Mont-Blanc, 192. Centenaire (Un), 30. Cépages américains, 2G2. Ceratodus Forsteri, I(i9. Céréales (Importation et exportation), li. CerfYVapiti, 271. Chaleurs extraordinaires à New-York, 200. Challenger [Expédition du), 101,39". Charbon de sucre, 192, Charmeurs de serpents (Les), 278, Chauffage économique, 63, Chemin do 1er atmosphérique de New- York, 28. Chemin d,; fer dos Andes, '20. de Calais à Marseille, 45. du troisième réseau, 276. (Exploifation anglaise), 194. aui Ëtuts-Unis (Rapidité d'exécu- tion), 270. sous-marin entre la France et l'Angleterre, 412. sur le Vésuve, 319. Chèvre angora en Amérique, 40. Choléra, 79. Chronographe du D r Marey, 353. Ciel (Le) au mois de décembre 18(3, tl. Climat en Ecosse (Modification du), 158. Club Alpin, 303, 394. Comète IV do 1873, 3. ■ de Strasbourg, 255. nouvelle;, 3. Comètes (Théorie des), 389. Conchyliologie, 109. Conductibilité des roches pour la chaleur, 351. Congrès international de géographie, 310, Coupole mobile (Un nouveau svstème de), 5U2. Courant électrique (Son ectbu sur la longueur d'un fil métallique), 251. Crânes des races humaines [Les), 230, 267. Cratère du Vésuve, 33C. Crustacés rares ou nouveaux des côtes du France, 287. Cruveilhier, 308. Curiosités métallurgiques de Moscou, 241 297. Cycadée myocène, 368. Cyclones (Origine des), 20, 58. D Décharge électrique à travers l'eau, 260, De la Rive, 16, 49,144. Densité de Tapeurs, 207. Dents (Mal de), 191. Diamant du. Cap, 56. Diamants (I.e pays des), 27. Dinoceras mirabilis, 33. Uionée attrape-mouches, 369, Dock flottant de Malte, 366. Drap dB plume, 98. Dunes de Dtnliig (reflilisslion des), 222. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 418 IN'DEX ALPÏIAr.ÉTIOUE. E Édredon nrlilicicl, 98. Efl'ûl phys'mltïgiquc rlu mnnqno (l'ox^-^"'^l( , . 503, 50(5. Effluves (Tubes à], 55. Éléphant fossile do Ourfort, 585. tmnnation acide des volcan*, -192. Émoraudosdc Muso [Les), 208. Enclume monstre, 280. F.nilojrcnitcs ni-.hiiKikis, 4. Endosmose, '271. Entomologie (Traité d":, "G. Esturgeon monstre, 5S3. Etoile rie mer [Son embryogénie], 00. Etoiles doubles, Kil . Etoiles lilantes r!e novembre, 1G. Excursion géologique dans les Ar.lenncs 150, 151". Explorations sous-marincs, 563. Exploseur magnéto-électrique, 129. Exposition cntoinologiquc, 2 (i. universelle de Philadelphie, 520. F Faillis ('es', SIS. Fécondation des Heurs (inlcrvention des ■ insectes;, 195, 297. j Fleurs (Variations de couleurs':, 99. Fleuve llleu (Son explorationl, 9i. Floride .Un naturaliste en], 21S, 220. Fossiles d'Oran, 225. (déeiuvcrls en Amérique], 91. Fossile vivant [IV, 109. | Franklin (Reliques de l'expédition de], ' 50. Frcmy, 90. Froid exceptionnel dans les montagnes rocheuses, 305. ! Fusion du lingot de la commission du . mètre, 398. G Garnier [Francis], 1,'iS, 332. Gastrotomie, 510. Gay, El. Géant rie Wilmington, '212. Gelées du prinlemps, 542. Géographie en 1X73, 187. en Allemagne, 270. Geological Survey, 370. Géologie arctique, 143. Genncs atmosphériques, 271. Gervais (l'aul . É ection académique, 14 1 Geysers aux Etats-Unis, 228. et volcans de Loue, 32 i. Glacière domestique, ti3. Glaciers de Groenland, 2Û3. Greffe animale, 159. Grillon blanc de neige, 578. Gulf-Slrcam [Le], 154, 171, 182, II Haiijen, 303. Haut fourneau KuLta.eubneh, 112. Hélice propulsive, 239. Hélcrogénic, 79, ^)j. Hippophagie (Statistique de l 1 ), 79 Horticulture (Exposition d'), 45- Hôtel roulant, 300. jlo'jille Mines en Scanie), 110 dans l'extrême Orient, 122. Hydraulique (Etablissement de Saint- Maur), 232. Hyilrure de potassium, 271. T Incendies à Londres, l l c 22. InFusûircs (Les}, 17'i. Ins" , cLcs numbles, 2'ïG. In? ecles [Lour intervention iJnnsln fécon- rhiiion des plantes), 193, L 2'J7. Juiû'er et ses ■sîilc.ILlcs, 535. L Laboratoire de chimie de Soutli Kcrisi ri fr- loii Mu-euiu, 221. Lac artificiel de Charente* 1 , 191. l.aif. concentré en Suisse, 587. lamantin du Central Pari; à New- York, 18, Laque du Japon, 222. I.e Cliaielier, 2, Levure de bière, SI, 47, 143. Lièvre- il ■ Patagonio, 64. Linoléum, 191. Lithologie du Pond des mers, 235. Living-lnne (David), 174, 410. Luclt-Knrn et Villu-dit-IInvre. 127. l.oxolupliouon cornitus, 55. Lune, sa grosseur appai ente, 38. M Macropodc de la Chine, 83. Minier (Jean-IIoiiri), 291 Manomètre (Nouviau), 191. Munie de 1874 (Ci aride], 285, 531. Matières oxplosibles, 351. Mégnlhérium [llcconstilulion du], 177. Moral à r.snnn, 143, 159. .Métamorphose des insectes, 2211. Météorite de l'Académie des sciences de Stockholm, 199. Météorologie danoise, 270. générale, 355, Michelel,2U. Miehigau (Faune des profondeurs du lac), 18G. Millénaire de l'Islande, 28G. Millic-Christine, 05. Monstruosité [Etonnante], 94, 119, Mon:truosilés(I)es),'209, 243,273, 538. Mortalité à Londres, 17î. Moit réelle (Signes de la), liô. Moteur électro-capillaire, 150. Mouche des pommes de terre, 547. Mouelie-teuille des îles Seyelielles, 2111, Mouton à huit pattes, 12G. Moutons bêles de somme (Les), 334. en Australie (Exploitation des], 183. Mule lécoude, 398. Mulets (liidiistuc mulassiérc en France), 391. Musée antédiluvien du Centrai Pnrk, 238. N Sains (Rate de], 238. Nanisme, 127. NHuraleza, 239. N au liage de l'Amènque. 330, Nnufrac.es (Deux], 110. Navires cuirassés de l'Angleterre, 384 Neige du mois de mars, 255. en Italie, 1 1l. Néphrite et jadéile, 258. Nil (S'urcesdu), 89, 1 05, 119. Nouvelle-Guinée, 17. Suageà artificiels, 15, 337, ObsrTvaloiredcMoiitsonris (Annuaire mé- téorologique de I'], 259. Occnltalion d'une étoile par la lune, 382. (Jcé.uiie [Yovage d'un naturaliste en), 140. Oetopo ie gigant"5 jue dans les mers du Japon, 552. Œuf (Structure de L), 32. île vers à soie (leur éclosion [ar le traitement], 251. Oiseau â dénis de l'argile de Londres, 195. anciens des îles Mascara gnes, IIS. de 1 Inde au Jardin d'.uelî main- tien, 371. de Paradis (Nouveaux], 199. Ossuaires de la campagne d Italie, 203. Oxyde de l'azote, 811. Oxjgéne en ballon, 302. Palf"ontiiloeii[ues (Découvertes), 53,284. Palieothérinm du Muséum, 97, 397. Pa'ladium hydiog'tié, 210. Palmier de la Chine, 599. Papillon Eernand), 9G. Pas-ago de Vénus. [Yoy. Vénus.) Péltai'que (Rentes de], f>5. Pétrole (Nouvelle aiipliealion du), 127, Phares américains, 104. Phosphore (Moditications allotropiques du), 239. Photoglyplie, 1(18. Photographie (Exposition de), 406- l'hotogcnphie de la région ultra-violelLe du spectre, 210. Photographia (Merveilles de la), 10, Phoques du lue Ilaikal, 27. l'hvllie des îles Sejdirjliea, 293. Phylloxéra vaslatrix, 45, 47, 79, 80, 108, 127, 250, 271, 533, 307. Pic-Vert, 55. Pierre (Chronologie de la), 304. Pigeons voyageurs, 68. Pile thermo-électrique, 338. Planètes (Statistique des nouvelles), 270. Plomb et eaux potables, 192. Plumes métalliques [l'abricaliuri des], 382. Poissons du lac do Genève, 503, Poissons et poisons, 52. Poissons fossiles de Pulcaux, 360. Poissons souterrains de Californie, 255. Pôle Hord et élections anglaises, 255. Population en France [Décroissance de la), 258. Populations, 79, Poudre [ Examen de la), 550. Poule (Origine de la), 139. Poussières atmosphériques, 299. cosmiques, 145. Prédictions méféorologiqu s, 255. Presse typographique à vapeur, 258, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires INDEX ALPHABÉTIQUE. Pression LrirointUrique ci jilnjnom6n.es de 111 vît 1 , 300, 555, 402. Profondcuir de la mer, 7. Projection cm to^rauliiquc, 239. Protoxydc d'yole, 81. Ptychogriathus dopresHus, 57. Pyramides d'Egypte, 110, Pyrénées (Connu géologique), G0, Pyrophone, 145, Quadrature du cercle, 80. Quoiclftt, 220. Il R>:ce rie Cro-Magnon, 2S7. lia leaiix improviste, 147, Rai'linnrrc (lu mere, 15. Raphiites d o\a!ato de chaux, 112, Uaréi'aelion tic 1 air (Son influence phy- siologique), '287. Reboisement (Association pour le], 3'iiO. Récompense nationale à M. Pasteur, 505, Régulateur du gui d'éclairage, 55H. Rcliels à pièces mobiles pour géoruétiie descriptive, IliQ. Ilescrvuirs.de alontsunris, 179. Respiration îles plantes, 55(i. Révolution thennométrique aux îles Falk- land, 308. Rivnge mioeène, 53. Monte à la mer [Règles de la), al. S Sîiljnrîi^Iditiorobgie du), 525. Sandwich [îles), 322. Satellite de Jupiter (Eclipse d'un], 142. Sduvatngc maritime par l'air comprimé. 508. F avants (Qualités nécessaires aux), 519. Savon 'Fabrication du), 44. Sc^phandrea [I-es), 125. Scories des hauts fourneaux (Emploi des' , S58. Seiches et fontaines du Ibu Lûman, 415. Sel (Son utilité dans 1 alimcnlalion), 3 58. Sepullure aiitiî-historique, 551. Siamois [Les irères], 150, 2.J5, 259. Sïdéroslat do L. Foucault, 505. Signaux météorologiques en Amérique, 110, ■ télégraphiques du temps, 351. Sinistres en mer, 78, 158. Société de tempérance, 2Tj6, météorologique de France, 240. — — royale de Londres, 40 ; son nou- veau président, 04, Sociétés sa van les à la Porhonne {ftéu- niondfis], 317,534, 540,562. Somcrvillft (Maryj, 100. Son (Sa propagation dans l'air 1 ], 259, Sondages dans la Méditerranée, 15. Souluuilles), 17«. Stalactite^ [Grotte de), 257* Statistique parisienne, 143- Système nerveux et électricité, 1, 22. T Taches solaires et cyclones, 42. Tannin (Dosage volumétrique du), 239. Tapirs, 315. Turtiriuo (Acide), 2EB. Télégraphe transatlantique [Un nouveau), 3i2 atmosphérique, 255. électrique, et presse anglaise, 289. — — électrique en Chine, 111. TiTescope aux États-Unis (Projet de], 377. Télescope d'un million de dollars, 120. Température de l'Océan [Mesure de la), 301. — — Température souterrains 1 , 128. Temple au sommet (lu Pity-dc-Domc, 3K3. Terre de feu (Exploration de la), 25S. Terriers de Skyri à oreilles droites, 277. Tétanos guéri par le cldural, 223 Têtes humaines préparées par les Indiens JiYaros, 25, Thé (Falsification en Chine), 111. Théorie atomique à la iiorbonue, 375. Thermochimie, 128, Thermomètre métallique de l'impératrice de Russie, 14. Thermométriqnes (Observations), 390, Torpilles (Expln-iou des), 28. (Mesure de leur force de projec- tion), 30. 419 — — i — . (Théorie des], 223, Troncs d'arbres pétrifiés, 14, Tunnel du ninnt lloosae, 280. sous l'Hudson, 51. Tuyaux sonores [Étude optique dcs) f 520. U Université de Strasbourg, 78. Urée (Réactif de 1'), 111. Urine ammoniacale, 110, Vanille (rnrTum.de), 581. Vampiresdn Jardin des plantes (Les), 534. Vent glacé dans l'Atianiiquo, 301, Vénus (Son passage sur le disque solaire), 52,95, 215, 251, E6B, S74, 382,401. Vénus prise pour une comète, 15. Ver à soie Brésilien, 408, Verneuil (de), 32. Verre [Cristallisation du', 205. Vigne (Un nouvel ennemi de la), 578. (Maladies de la), 3(5!i. digne de la terre de Chanaan, 302. Villes du Bcni-Msnb. 219. Vinicole (Production], 415, Voies d'eau (les), 250. Vulc.ins (Vapeurs acides d-s), 192, 207, Vol des insectes et des oiseaux, 192. Vol des oiseaux, 112. Vania-Mai, 02. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires Droits réservés au Cnam et à ses partenaires LISTE DES AUTEURS PAU ORDRE ALPHABÉTIQUE Ekktillox. — IffesdemuiseLes Millic et Christine, 05. — Des monsl.ruosiLés, 209, 243, 273, 33H. — La théorie atomi- que à la Sorhonne, 575, Bi,u>cnF:nE [H. dû la) — Le Lamantin du Central Park à New- York, 1K. — La chèvre angora en Amérique, 1-40. ■ — Déeou' \ ort^s lie- fossiles en Amérique, 01, -^L'cdredon artificiel, 98. — I/originc do la, poule, \j0. — Un fossile vivant, 109, — — Le calmar géant de Conception Uay, l!JG. — Kclosion des o:ufs de vers à soie par le frottement, 250. — Terriers de Skye à oreilles droites, ^77 . — Les tapirs, 315, — Les oi- sc;iux de finie an Jar.lin d'acclimatation, 570. — L'industrie îTiuhissiero ci: France, 591. IkEK£Y (ET.]. La grande pvramide d'Egypte, 116. — Les traces graphiques des trains de chemin de fer, 299. — Les Ecrmudes, 581). BtiT^SAy (Ch.). La géographie en 1813, 187. — Chemin de fer du troisième réseau, 27fi. EusrKîips [Ch.]. ■ — 1.5 télégraphie atmosphérique. — La peste de Paris a Versailles;, 252. Biuinneb (Iran). Les phares américains et les feux flottants; 104. Dixhahtre (P.), — Variation de couleur des fleurs, 99, Dlmont [Aristide]. — Progrès du phylloxéra, 108* Flahsïaïiion [Camille]. — Comment Toyez-vuus la lune grosse? 38. — Les étoiles doubles, 161. — Jupiter et ses satelli- tes, le 2") mars 1874, 353, Font peu Tins [Ad. F, de). ■ — LuLimnel du mont Iloosac, 280. — David l.ivingstone et. les explorations actuelles de l'Afrique équiituriale, 410, Fou nielle (W. de], . ■ Les tortues franches à Paris, 41. — — De la TUve, 49, 1.44. — Àga^siz en Europe et en Améri- que, 91, 134. — Les ossuaires de la campagne d'Italie, 203- — Michèle t, 214. — Les derniers passages de Ténus, 257, 374, 401. — J.-ll. HtedlcTp 29S. — Réunion des sociétés sa- vantes, 517, 534, 346, 502. Fuaissisït. — Le sidèrostat de Léon Foucault, 595. Gaiurl [D r C. M.]. — Le système nerveux et l'électricité, 1» 2i t ^— Achromatisme optique et achromatisme chimique, 3i5, 358. Gauricoo (D r F.). — Coupe géologique à travers les Pyrénées, 60. ■ — L'éléphant fossile de Durfort (Gard), 5S5* Girard [Jules). — Voyages et découvertes dans la Nouvelle- Guinée, 17. — Voyage d'un naturaliste en Ocêanîe, 149. — . Les infu&oires, 172. — Les villes du Beni-Mzab, 219. — Le pays des Geyser? aux Él^ts-Unis, 22S. - — Un aquarium mi- croscopique, 337, — ■ L'exposition de photographie, 4ÛE) H Gijukd [Maurice^. — Les Araignées en ménage, 379. -*- Le ver à soie Brésilien, 408. Gt.iu.emin [Amédéc], — Le ciel au mois de décembre 1S73, 0. — La théorie des comètes de Tyndall, 589. ilïisuT [P.). — Kote sur la cumula IVde 1875, 5. Jolï [D r N.]. — Le macropode de la Chine, 83. — Les comé- diens de la Nature : La mouche- feuille des îles Seychel- lca, 291. Landhis (E.). — Les geysers et les volcans de boue, 524. Letûrt (Ch. ) . — Les réservoirs de Montsouris, 1 70. — ■ Les crânes des races humaines fossiles, 230, 2G7. Lhéritieb [L.]. t.e gisement de l'Eiido^cnite.si ecliinntug, 4.^ L'exploitation de la tourbe au Canada, 71. Majicje-l [Gabriel] — Le pays des diamants, 20. —>■ Les sources du KU, SS, 103, 119. — L'alfa et la fabrication du papier, 246- — I-.es îles loulou, 178. -- Les cépages américains. 263. — les îles Sandwich, 322. Maucolt.é" (13.). — Le fiulf-Streain, 154, 171, Î82. —Signaux télégraphique* du temps, 554. Menault [13.). — Les abeilles à. rapproche de l'hiver, 9. — ■ Le. pic-vert condamné à mort, 55. — Les insectes nuisibles de- vant l'Assemblée nationale, 240. — Les gelées du prin- temps, 342, Mcumeh (Stanislas]. — Académiedes sciences, 16, 31, 47, 79, 95, 96,' lll t 127, 142, 15!?, 191, 192, 207, 223, 259, 25G, 271, 286, 303, 320, 335, 351, 367,3*3, 309, 416.~Deux merveilles du Cap, fi 6. — Une excursion géologique dans les Ardennes, 131, 151, — Reliefs à pièces mobiles, 100. — Les émeraudes de Muso, 208. — Les poissons fossiles de Puteaux, 3G0. Kiaudet-Breoeet (À-)- Exploseur électro-magnétique de Bre- guet, 129, — Chronographfl du D r Harey, 353. Opstalet (E.). — tes anciens oiseaux des îles Mascareignes. 113, — L'oiseau à dents de l'argile de Londres, 194. Pàuheiu. — Lettre sur le tremblement de terre italien, 336. pAiiviLLE [H. de). — Sur un nouvel appareil pour enregistrer la direction des nuages, 224. Plaschon[J.'E.). — Un nouvel ennemi de la vigne, 378. Renard [L_). — Les règles de la route à la mer, 51, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 422 LISTE DES AUTEURS PAR ORDRE ALPHABETIQUE. Stkykïson [Thomas]. — Mesure de la température do l'Océan., 501. TissiXDiEu (C:is!oii). — Les merveilles do la photographie, 10. — Le prntoxyde d'azote, 81. — Les scaphandres, 123- — La phologlvptie, 168. — David Livin^stuue, 174. — L'exploi- tation dos moutons en Australie, 183. — Le Géant de >Yil- mington, 212. ■ — Détails sur la mort des frèm Siamois, 225, — La tour américaine de mille pieds de haut, 211. — Les glneiers du Groenland, 203. — Les poussières atmosphériques, 200. — Un coup de vent glacé dans l'Atlantique, 30i. — Les ascensions a 'rnsta tiques à cr^inde hauteur, 5-0. — Fa- biicatiou du lait concentré eu Suisse, 587, — Le cluh alpin français, 304. — l.e chemin defer souterrain entre la France et l'Angleterre, 412. Yivaiœz (!T.}. — Le météorite de l'Acadûmîe des sciences de Stockholm, 139. Z. (D r ). — ■ Recherches expérimentales sur l'influence que les modifications dans la pression harométriqae exercent sur les phénomènes de la vie, 30ii, 355, 41 2. Zcncnru (F.). — Origine des cyclones, 20, 53. — Le Lareau météorologique de Londres, 75, 100. — La lithologie du fond des mers, 23j, Droits réservés au Cnam et à ses partenaires TABLE DES MATIEUES 71. B. Les articles de la Chronique, imprimés dans ce volume eu petits caractères, sont indiqués dans notre table en lettres italiques. Astronomie. Note sur h comète IV de 1873 (P. IIeshy). . . , . . 3 J-ii cltil au mois de décembre 187S (A. Guiu-khiu). . . fi Comment voyez -vous la lune grosso? [G. Flamuakion). . 38 Passage du Yôniiç sur le disque solaire . 32 Le télescope d'un million de dollars . . . 129 îïouvdlfB du monde astronomique en AngleLerre. , . * 1^3 Les étoiles doubles [C. Flauiulrhk} 1G1 Prépratii".-; pour 1e: pasSEige de Vénus par le gouverne- ment . an^lo-indien 215 Les derniers passes dû Venus (W. df Fom'iklli:;. . 257,374, 401, Jupiter et ses satellites le 25 mars 1874 (C Elammajuun] , . 333 Conférences astronomiques du professeur Proclor, à î(rw- l'ork 347 Un projet de télescope lux Etats-Unis 377 La théorie des comètes de Tyndall (À. Gcillemin]. . . . 389 Vénus prise pour une comète 45 Les étoiles filantes de novembre 10 Vue nouvelle combla, 30 passage de Vénus 93, 237, 382 Éclipse d'un satellite de Jupiter 14 L 2 La comète de Strasbourg &5§ Une statistique de nouvelles planètes. , , 270 Cadran solaire antique, . ,.,......., . 271 Les premières observations du passage de Venus. , . 50û Curieuse occultation d'une étoile par la lune, , , , 382 Physique, Les merveilles de U photographie (À, Tissasuier). , , . 10 Les applications de 1q physique 27 Exploiteur magnéto-électrique de Broguot [A, Muuiu.r).. 129 Le pyroplioiie Lia îïoleuL 1 électin-capillairt;. , 1 5G Modification apuurlée par le passait; d'un courant élec- trique à la longueur d'un fiï conducteur 2M Action brisante d'une déuhar^e idée trique à travers l'eau, 2li0 La télégraphie et la presse anglaise 28!) Achromatisme optique et achromatisme- chimique. ^C.-M. (jaimj<:i.) 323, 358 Chrunographa du D r Mare*' [A. ^ialdlt-Biu:ol^i). . . . 3j3 ^idérostat de Foucault ^A, Fuatssiskt) . ....... 593 L'Imposition de photographie (J. Girard), ,,..., 406 Le thermomètre métallique de l'impératrice de ÎUtssic. 14 Mesure de la force de projection des torpilles, , . , 30 AnaUjse spectrale des étoiles ....... 51 Cxpêriences xpcctroxcopiqucs. ........... 02 Petites glacières, domestiques 63 L'électricité contre le phylloxéra 1 il Balance de précision 100 Nouveau cable transatlantique 1 ?4 Densité des vapeurs.. 2^7 Expériences sur la propagation du son dans l'almo-' sphère. 230 Élude photographique de la région extra-violette dt* spectre . . . . 240 Etude optique des tuyaux sonores ■ ^0 Conductibilité des roches pour la chaleur * 331 Un nouveau télégraphe transatlantique 382 Chimie» Les tubes à effluves. Expériences récentes de M. iïouzcaiii travaux de MM. Paul et Arnould Thénard. , , , * . 54 î.e proloxyde d'azote (G. Ti>sahdier) , 81 La photo^ïyplio (G. Tis$axdier) 108 Le laboratoire de chimie de South Kensington Muséum, 221 Essai des alliages d'or et d'argent dû la monnaie de Lon- dres, par l'analyse spectrale 321 Lathéfirie atamicpieà la Sorbonne (Bertillon) 37'i Fabrication du lait concentré en Suisse [G. Tissandilii). . 3K7 Perfectionnement au raffinage du sucre 13 La levure de bibre. , . , 51 Stabilité et métamorphoses réciproques des oxydes de l'azote ,,........,., 80 Uazotitc d'ammoniaque -.... 111 Papier réactif de l'urée , t 111 Production des raphides d'oxalate de chaux* .... 112 Une nouvelle application du pétrole. 127 Thermochimie. , , , . , 12N Charbon de sucre , , . 192 Le plomb et les eaux potables . . ........ 192 Cristallisation du verre 203 La laque du Japon , . . . '222 Dosage volumelrique du tannin. , . . 239 Palladium hydrogène 240 La troïlilc. .,..,..,.., , . , L i5G Acides tartrïques. 256" Modifications allotropiques du phosphore. , » . . . 25G llgdrure de potassium et fujdrurc de sodium. . . . 271 Bronze japonais 271,303, 320 Endosmose. 271 Examen de la poudre * 350 Matières cxplosibles. . 351 Parfum de Vanille * . . 384 Fusion du lingot de la commission du mètre 398 Sciences naturelles. Le gisement de YEndogmites echinatus 4 Ll'S abeilles à L'npproche dû l'hiver [Ehnesï M^nau^t). 4 10 Le lamantin du Central-l'ark^à New-York (H. delà Blas- chkre) , 1A Les phoques du lac IhikaL. . . , . "^7 Les nouvelles dé^ouveitespaléonlologiqucs du professeur Marsh 33. 2^4 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 424 TABLE DES MATIERES. La chèvre angora en Amérique [H. de la Blancukre]. . iO Les Influes franches à Paris (W. df. Foxvielle] 41 Les abeilles travaillant sur commande * . 43 Coupe géologique à travers les Pyrénées (F. Gaurigou] 60 Deux merveilles du Ciîp [S. Me-t-mer.) 57 Le pic-vert, condamné à mort (E. Me\al'lt] 55 Le macropode de 1:1 Chine- [D T . 3\. ,ïqlï] 83 Découvertes de fossiles en Amérique (H. it£ laEla^chèïie). 91 je nouveau Paheûthéiîum du Muséum d'histoire natu- relle 97 Variation de couleur des Heurs (P. Di;chab.tiu;) 09 Lu ConchyliMlngic - 100 Les anurris oisraux des îles Masr.areiçnes, — La pnul û d'eau génritu de l'île Maurice (E, Oustalet) 113 L'ne eïeursion géologique dans les Ardermes (S. Mr.t> mkh! ino, ir>) 1 po île III. de la B: LANCHERE 1-0 1-0 Vrl 177 180 2HG 194 113(1 190 -OS L'origine de 1 Lns comélnuii Les înfiisnires [J. GinATtn) La reconstruction d*un squelette fossile. La faune des couches profondes du lac ïlidiigan. . . . Le l'intervention des insectes dans lu fécondation dos ileurs 103 L 'oiseau à dents de l'argile de Londres (Ë. Og'-tai.fV; . . Le Calmar géant de Conception Buy (II, ne i.a Blanchi' m:ï , I.oî nouveaux oircaux de P;iradis. Les [jinefi'udi's de lluso (S, MEcvmi), ......... Arbres extraordinaire 213 Lu naturaliste en Floride , . . . . 218. 220 l.fs métamorphoses des insectes. , . 2-0 Le pays dos geysers aux. Etats-Unis, ,,,..... 2-S Les crânes des races humaines fossiles (Ch. Letobt] 250 7 207 Les vampires du Jardin des plantes 25i Le cerf WiipiLi 271 Terriers de Skye à oreilles droites [IL bm la Hlanchèice). 277 Les charmeurs de serpents et le professeur Kieliurd Owen, 27S Crustacés rares on nouveaux des côtes de France, . . 287 Les comédiens de la nature. — La mouche-feuille des iles Seyehelles (IK N. Joly) 291 Lus tapirs (II. de la Blanchëhe] 315 Un octopude gigantesque dans les mers du Japon. . , 332 Un aquarium microscopique. 337 Les poissons fossiles de Puteaux [S. Meunier) 51i0 Phénomènes (îlectriifues qui accompagnent les mouve- ment des feuilles dû la dionée attrape-mouches.. , 369 Les oiseaux de l'Inde au Jardin d'acclimatation [II. de la Klanchèae] ...,., t . . . 370 Les araignées en ménage (M. Gihaiid) 579 L'éléphant fossile de Durfort (Gard) fF, Gàhrigou},. . , 373 Le palmier de la Chine. . . . . 300 Troncs d'arbres pétrifiés dans le Colorado 14 Pavage tniacètie, * . . 3- Phénomène géologique. . . . ...... 30 La levure de bière 47, 143 Zfi» lièvres de Patagonie 01 ïlétérotjénie 70, Ou Embryogénie de l'étoile de mer 90 Les carpes jaunes du Jardin d'acclimatation. . . , 110 Géologie arctique , 145 Nouveaux aquariums 205 Fossiles d'Oran . . . . 223 Une nouvelle grotte de stalactites . . . . 237 La néphrite et la jadéite. 259 La Naturateza. 239 Poissons souterrains de la Californie * . 254 Découverte dun bloc erratique sous-marin 254 Le bambou , poison dangereux. . t 270 Nouvel arbre gigantesque 2o"u Une exposition entomologique. . . , » 286 La pèche de la baleine dans les mers antarctiques*. 2Hu La race de Cro-Magnon 2H7 Une vigne digne de î a terre de Chanaan . „ 302 Chronologie de ta pierre 503 Les moutons, bêtes de somme. ( c *...... . 334 tes poissons du lac de Genève. 506 Ctf cadre miocène. . f . . 3iïS Un esturgeon monstre , . . 3W5 Le massacre des bu/ fies en Amérique , . . 385 Une mute féconde 4 , . , . , i , , , 503 Météorologie. — Physique du globe. Les profondeur.? de la mer 1 Origine* des Clyelone-s [F. Zuucheii) 20, 5K Rapport entre Lu périodicité des tadieà solaires et di s Cyclones 42 Le bureau météorologique de Londres [F. Zulïciifh) , . 73, 100 L'expédition du Challenger 101,503 Le Gulf-Slrcam (K Margollé: 1.^1,171,1,^2 Le tnélénrile de l'Acjidemie des selencc^ de Stockholm. . 100 L'jurore boréale du A février 1874, T V0'2, y fil Ànalyf=o mîcro^rnphique de l'air de l'ilïmlousUu. - . . 210 Sur un nouvel nppareil pour enre^istrei 1 la direction d's nuiiiics ;1L t)r Parvill^!. . . . , . 2 "24 La lithologie du fon-1 des mers. 23ÏS Les glacière du Groenland [Ci. TisSAKDrEii) 203 Bulletin du vulcatii?me ilalien 277 Le* potissiercs almosphlriques (G. TissamufiO 20D Mesure de la tempTïduro de l'Oeean [î. S tkvi ^^^; . . 50) Vu co'ip de vent ^lueé dj:is l'AUfiuli'pie [[',. T.). . , . 3'14 Une révolution Lliemioniélriquo aux H^s t'alklnTid. , . , 311S Les jreysers et les volcans de liou - * [K. L.vmmu.s 5"24 Modifieulion du cratère du "Vés.ive , . 53o Si^'Pïiux télé^rapliiqucs du temps [L, MAi.aoM.r:' 331 Météorologie générale * 333 Les explorations Eous-mari;ies. , 303 (icoloLiical Survey 37G Le club îilpin français; [G. Tissamiier) . ........ 504 Sondages dans la Méditerranée 15 Les trombes et les taches salaires 16 Tremblement de terre dons h Midi 30 Sondages de l'océan Pacifique. 62 le brouillard à Londres 79 Tremblement de terre à Barcelone 80 Trombes de mer. . 93 Bulletin quotidien du service des signaux météorolo- giques en Amérique , 110 La neige en Italie., . . r 111 Température souterraine 128 Lea poussières coMrtiques, 143 Modifications du climat en Ecosse. ........ 138 Émanations acides des volcans 192, 207 Chaleurs extraordinaires à New-York. . .,*.,. 20G Théorie des trombes '223 Météorologie du Sahara 223 Annuaire de V observatoire de Montsouris 239 Nouveaux tremblements de terre 253 Les prédictions météorologiques de M, Ch. Suinte- Claire Dcville. 255 La neige du mois de mars , 255 La météorologie danoise., . -70 La grande marée de 1 87 i. 283, 351 Aif/ues-Mortes 287 Un club alpin 303 Froid exceptionnel dans les montagnes Rocheuses. . 303 Tremblement de terre en Algérie 304 Bolide aux environs de Marseille, ,,....... 300 Observations thermomètriuues 399 Géographie. — ■ Voyages d'exploration. Yovages et découvertes dans la Kouvelle-Guinee (Jules Girard). 17 Le pays des diamants (G. M.] 26 Les sources du Nil [G. Marcel] 89, 103, 119 Yoya.lïe d'un naturaliste en Oeéanie (J. Gihaiid) 149 Les îles Souluu (G. Sïalilel), 178 La géographie en 1873 (Cn. Boisêavï 187 Le Brésil * 203 Droits réservés au Cnam et à ses partenaires TABLE DES MATIÈRES. 425 Les villes du Beni-lhab [J. Gibabd] . 219 Los pays des Boërs 200, 283 Congrès international de géographie 310 Lee îles Sandwich (G. JIaucel) 322 La guerre des Àchantis. Les Fantis . . 3-43 La Terre de feu . 359 Un révolté caffre 5G8 Les Bermudes (H, Bi.ehzy) . 3b9 David Livingstone et les explorations actuelles de l'Afri- que cquatoriale [Au. F. de Komperïuis) 410 Exploration (lu fleuve Bien par M. Francis Garnier. 95 Carte topographique du mont Blanc -102 Nouveau système de. projection cartographique. . . . 230 Exploration de la Terre do feu 25 i« Le pôle nord et les élections anglaises 255 La géographie en Allemagne 210 mécanique. — Art de l'Ingénieur. Les briques creuses.. 48 L'exploitation de h tourbe au Canada ^L. LnriuTiiiE'j . . 71 I.e^ phares nmérieains et les feux flottants (J. 1,ri;nner) . 101 NouveauBj-stenip.de haut fourneau 112 Les scaphandres (G. Tiskaniiied) L23 Les réservoirs de Montsouris (Cu. Letortj 179 Tramway à vapeur à Londres. 2_2A_ Le grand établissement hydraulique de Saint-Maur. , , 232 La tour américaine de mille pieds de haut (0. Tissa^dieb). 241 Les curiosités métallurgiques de Moscou 247 La télégraphie atmosphérique. — La poste de Paria à Versailles (Cit. BoNTFHrp'; 252 Chemin de fer du troisième ré?cau 270 Le tunnel du mont lloosac (Ad. F. de Fospebibis).. . . 280 Les tracés graphiques des trains dû chemina de fer (H. Blebzï). . 209 La canalisation de la rivière Sone dans les Indes anglaises 311 Le chemin de fer Mes Andes , 539 Le lllocking System 37G Un chemin de fer souterrain entre la France et l'Angle- terre (G. Tissasdimi) 412 Un tunnel sous l'ÏIudson 51 Le chemin de fer de Calais à Marseille 45 Résultats de l'exploitation des chemins de fer anglais. Hi La télégraphie élevtrique en Chine 111 Le métal à canon 143 Nouveau manomètre . 101 Avertisseur des incendies 192 Assèchement des marais de Perrarc. . ....... 222 Les incendies à Londres. . 222 De l'emploi des scories des hauts fourneaux pour les constructions. 238 Presse typographique à vapeur 238 Les traîneaux à voiles américains 256 Rapidité d'exécution des travaux de chemins de fer aux États-Unis 270 Enclume monstre. . 28G Vitesse extraordinaire des bateaux à patins 280 Nouveau système de coupole mobile 3G2 Un chemin de fer sur le Vésuve ... 519 Le dock flottant de Malte 56li Hôtel roulant 3'èG Fabrication des plumes métalliques à Birmingham.. 582 Médecine et Physiologie. Le système nerveux et l'électricité. — Nouvelles expérien- ces de HH, Dewar et Mae Kendrick. — nouvelles hy- pothèses de H. A. ll.Cnrrod (D'G. M. Gariei.1, . . 1, 22 Mesdemoiselles Millic et Christine (Beetillox) 65 lin monslre , 110 Les frères Siamois 150, 225, 250 Des monstruosités. — Principes généraux de tératologie. — Nains célèbres, Albinos, etc. — Sirènes, cyclopes, empêtrés, etc. — ■ Monstres doubles (Bertillon). , . 209, 243, 273, 338 Recherches expérimentales sur l'influence que les modifi- cations dans la pression barométrique exercent sur les phénomènes de la vie iD r Z.) 306, 355, 402 La gastiotomie à propos du jeune homme qui a avalé une fuurchette 311 L'aniy lamine en médecine. 15 Structure de l'ienf 32 Poissons et poisons. ................ 52 Le prix d'Ourches et les signes de la moi t réelle. . . 63 Choléra 79 Étonnante monstruosité. 94 Urine ammoniacale 110 Le vol des oiseaux 112 Nattvsme 127 Utilité du sel dans l'alimentation 158 Greffe animale 150 Gué-thon instantanée du mal de déni 191 Tétanos guéri par le chloral 223 Une race de nains 238 Société de tempérance 256 Les germes atmosphériques et la pourriture di,'>pdal. 271 Influence physiologique de la raréfaction de l'air. . 287 Transfusion dit sang £87, 308 Effet physiologique du manque d'oxygène 303 Agriculture. L'édredon artificiel et le drap de plume (II. be la Blan- ciièue] ES Progrès du phylloxéra (A. Uohont). ........ 108 L'alpha et la fabrication du papier (O. Marcel). .... 140 L'exploitation des moutons en Australie (G-. Ti?sam>u:r). 183 Lesinsectes nuisibles devantl'Assembléecationalo (E. Re- nault) 247 Éclosion des œufs de vers ù soie par le frottement (H. de la Blanchère) , , , 250 Les cépages américains. 262 Les gelées du printemps. Moyens d'en prévenir les effets (E. Menablt) 342 La mouche des pommes de terre 347 Un nouvel ennemi de la vigne (J. E. PlaïcibmI. . . . 378 L'industrie muïassièry en France, à propos du prochain concours régional de Miort ill.nr. la Blanchère) . . , 391 Lever à soie brésilien (M. Gibabd! 408 Importation et exportation des céréales 14 Les images artificiels. . 15, 5G7 Le phylloxéra vaslalrix. , . 45, 4G, 79, 80, 2.51Ï, 271, 3(17 Les œufs du yama-mat, 02 Canal insecticide 1G0 Fertilisation des dunes de Danhin 222 Régime de l'air souterrain. 503 Associations pour te reboisement. 5Ï0 L'histoire des maladies de la vigne 3GB De la production vinicole en France 415 Art militaire — Marine. Les régies de la route à la mer (L. Renard) 51 Les sinistres en mer 78 Les radeaux improvisés 147 Les voies d'eau 237 Nouveau bateau de sauvetage en Angleterre 280 Emploi de l'air comprimé pour les sauvetages maritimes, 308 Les derniers types des navires cuirassés de l'Angleterre. 384 Les sinistres en mer 158 Le métal à canon 158 Système perfectionné d' hélice propulsive 230 Naufrage de l'Amérique 350 Aéronautique. L'Ascension du ballon le Roi-de-Siam 230 L'oxygène en ballon, . t . 302 Les deux aérnnautes engloutis dans l'Océan 305 Les ascensions aéroslatiques à grande hauteur(G. Tissaï- niEBj, r 3*w Droits réservés au Cnam et à ses partenaires 420 TABLE DES MATIERES. Lu ballon de Natal 13 Le premier aérnnaute du siège de Paris "i^l Nouvelle ascension du Julcs-Favee 142 Fpislaxis et navigation aérienne 3fiS Singulière descente de ballon 381 Une singulière invention Allemande 382 Notices nécrolnj;ïqiies. - île lu science. Histoire Le Chatdier . 2 De Ycrncuil 32 De la Rire ("W. rr. Fovviille) 49. W4 Agassii fff. de Foxvieu.t:] ... 91, 134 Francis Garnier . . , . , , 15^, 552 Miirv Pomerville. KiO Daviil Livin^slone (G. TrssANmr.n). . , ...... 174 J. Mirliclet (W. HE FnNVoLee';. ........... 214 Quetelet 22(i leaii-ilenri Mccdler (\V. de Fosvif.i.i.k) 298 Cniïoilliier ' . . 308 Reliques de V expédition de Franklin 50 JLf. Gny. ,..- 31 I*e$ restes d'un grand homme. 03 Fcrnand Papillon 90 ilortdc Hanscn, , 303 Sociétés savantes. — Associations scientifiques. E*|>osîtii>ns universelles. Académie des sciences. Séances hebdomadaires. S. Mec- kieh). 16, 31, 47. 79, 93, 96, 111, 127, 142, 159, 191, 192, 201, 223, 239, 236, 271, 2Kfi, 303, 320. 335, 351, 307, 3S3, 399, 416. Congrès d'anthropologie ù Stokboim. . ...... . . 206 La réunion des Sociétés savantes à l;i Sorhonne (\V. jik Fuïïiklle) 317, 554, 346, 562 Exposition internationale d'horticulture de Florence. 43 Séance solennelle île la Société royale: de Londres. , 46 Le successeur de Donati 63 Le nouveau président de la Société royale de Londres. 95 Election de M. Frèmy 96 Le nouvel AOienœum autrichien 110 Académie des sciences de Saint-Pétersbourg 127 Élection de M. Paul Gênais ... 142 Yondationde prix.. ,, # ,. 143 Musée antédiluvien de Central Parle à New-York.. . 238 Exposition universelle de l'hiladelp/ùe. .....,, 520 Variâtes, — Généralités, Les têtes humaines préparées par les Indiens Jivaros. . 23 Les pigeons voy.igcurs cLle nouveau service de dépêches de la Presse C9 La grande pyramide d'Egypte [H. Blefizy) Hg Les gisements de houille dans l'extrême Orient 122 Reliefs à pièces mobiles pour l'enseignement de la géomé- trie descriptive (S. HedmeuI 106 Les o?suaii l;s tle la campagne d'Italie 263 ^e géant do Wilminglon (G. Tlssa\i!I[;h] 512 Correspondance 46,64,336,332,307,383,500 Un centenaire 50 Le musée d ethnographie du Louvre 53 ■Nouveau chauffage économique 03 L'université de Strasbourg française et allemande. , 78 Populations - 79 Statixliçuc de l'hippophagie , , . . 79 Quadrature du cercle 80 Deux naufrages successifs 110 Découverte démines de houilles en Scanic 110 Falsifications du thé en Chine. 111 Un mouton à huit pattes 120 Le Ltidi-Eiirn cl a Ville-du Havre 127 Statistique parisienne 143 Décroissance de la mortalité à Londres. ...... 174 Iai guerre des Ashardis 190 Le linoléum 190 Le millénaire de l'Islande. . 2S0 Récompense nalioncdc donnée à M. Pasteur. . . . 303 Qualités morales nécessaires aux savants. ..... 519 Nouveaux produits de i art préhistorique. 31!) Un boule-dogue héroïque. ...... . . 319 Sépulture anléhistorique. 351 Sur les vestiges d'un temple au sommet du Puy-de- Dôme. . , 583 BïiltlioiTl'arillie. I.cs merveilles de la photographie par G. TispA^Ditu, I.ei applications de h physique par A. Gcim.lmix. . Les merveilles de l'industrie par L. FiGuii-n.. . . . Traité élémentaire d'entomologie pir M. Ciiuut). . Les métamorphoses des inscet.es par M. (tthatid 16 27 43 77 220 Notices bibliographiques.. 46, 64, 201', 239, 350, 307. FIS DES TABLES. Droits réservés au Cnam et à ses partenaires ERRATA Page 38, col. 2, ligne 31 - 119, — % — 6 au Jieu de deux renlïmttrns, lisez dix centimètres. — 593, — 518, 2, - 6 : au lieu de devrait le faire pnur garantir, lise/ devrait les faire examiner pour garantir. 39 : au lieu de Hausen, lisez llansen. 12 : .nu lieu [le Crouillebois, listï Civullcbois. l'âge 352, col. '2, ligno 9 - au !icu de par la chaleur, lisci pour la chaleur, 58 : aulieude51°8, lisez 57"8. - 573, — 1, -- 375, — 1, — 599, — 1, 39G, — 00 : au lieu de 5G"4, lisez 5G"-i. — 1 : au lieu de lunette droite à bri- sure , lisez lunette droite à prisme. 2, — 4 : au lieu de rayon occident, iisci rayon incident. 6484-78 — Cobiiiu - Tjp. cl sIÉr. Cuir». Droits réservés au Cnam et à ses partenaires A- Droits réservés au Cnam et à ses partenaires